Prolongation contestée de la rétention administrative et droits de l’étranger

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Prolongation contestée de la rétention administrative et droits de l’étranger

L’Essentiel : Le tribunal administratif a déclaré irrecevable la requête du Préfet de l’Oise, ordonnant la remise en liberté de l’intéressé dans un délai de vingt-quatre heures. Cette décision repose sur le non-respect des délais de notification par l’administration et le fait que l’intéressé avait exercé un recours contre l’obligation de quitter le territoire avant son placement en rétention. L’intéressé, assisté de son avocat, a souligné ses liens familiaux en France et son souhait de réinsertion, malgré la reconnaissance de son statut irrégulier. Il a été informé de ses droits et des possibilités d’appel.

Demande de prolongation de rétention

Par une requête datée du 20 janvier 2025, Monsieur le Préfet a sollicité l’autorisation de prolonger la rétention de l’intéressé au-delà de quatre jours, pour une durée maximale de vingt-six jours.

Information des droits de l’intéressé

L’intéressé, assisté de son avocat Me Pierre Vinot, a été informé de ses droits durant la rétention, ainsi que des possibilités de recours contre les décisions le concernant. Il a également eu l’occasion de faire part de ses observations.

Déclarations de l’intéressé

L’intéressé a exprimé son souhait d’être assisté par un avocat, mentionnant qu’il avait été libéré en mai 2024 et qu’il avait tenté de se réinsérer en trouvant un emploi. Il a reconnu qu’il n’avait pas le droit de revenir en France, mais a souligné que sa famille y vivait.

Observations de l’avocat

Me Pierre Vinot a soulevé des points concernant l’irrecevabilité de la requête, notamment l’absence de trace du recours contre la décision d’éloignement. Il a également noté que le tribunal administratif n’avait pas été informé du placement de l’intéressé en centre de rétention, ce qui a entraîné un défaut de diligence de l’administration.

Arguments sur le fond

L’avocat a contesté le manque de motivation de la préfecture, soulignant que l’intéressé réside en France depuis l’âge de trois ans et a acquis un droit au séjour permanent. Il a également mis en avant les garanties de représentation de l’intéressé, qui a passé cinq mois en semi-liberté et a des liens familiaux en France.

Motifs de la décision

La décision du tribunal administratif repose sur plusieurs articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers. Il a été établi que l’administration n’a pas respecté les délais de notification et que l’intéressé a exercé un recours contre l’obligation de quitter le territoire avant son placement en rétention.

Conclusion de la décision

Le tribunal a déclaré irrecevable la requête du Préfet de l’Oise et a ordonné la remise en liberté de l’intéressé dans un délai de vingt-quatre heures, tout en rappelant son obligation de quitter le territoire national. L’intéressé a été informé de ses droits et des procédures d’appel possibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 743-9 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« La rétention d’un étranger ne peut excéder quarante-huit heures sans qu’une décision de prolongation soit prise par le juge des libertés et de la détention. »

En application de cet article, le préfet peut demander une prolongation de la rétention au-delà de ce délai initial de quarante-huit heures, mais cette demande doit être justifiée par des éléments concrets, tels que la nécessité de préparer le départ de l’étranger.

Il est également précisé que :

« L’administration exerce toute diligence pour que la rétention ne dure que le temps strictement nécessaire à l’éloignement. »

Ainsi, la demande de prolongation doit être fondée sur des raisons légitimes et ne doit pas être abusive, afin de respecter les droits de l’individu concerné.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en rétention administrative sont énoncés dans l’article L. 743-24 du CESEDA, qui précise que :

« L’étranger placé en rétention administrative est informé de ses droits, notamment du droit d’être assisté par un avocat. »

Cet article souligne l’importance de l’assistance juridique pour les étrangers en rétention, garantissant ainsi leur droit à un procès équitable.

De plus, l’article L. 911 du CESEDA stipule que :

« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au plus tard lors de l’introduction de son recours. »

Cela signifie que l’étranger a la possibilité de solliciter une aide financière pour couvrir les frais juridiques liés à son recours, ce qui est essentiel pour garantir l’accès à la justice.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de notification au tribunal administratif concernant le placement en rétention ?

Le défaut de notification au tribunal administratif du placement en rétention a des conséquences significatives, comme le souligne l’article L. 911 du CESEDA. En effet, cet article précise que :

« Le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative. »

Si le tribunal n’est pas informé du placement en rétention, le délai pour statuer ne commence pas à courir, ce qui peut entraîner une irrecevabilité de la demande de prolongation de la rétention.

Dans le cas présent, il a été établi que le tribunal administratif n’a pas été notifié du placement de l’intéressé en rétention, ce qui constitue un manquement de l’administration.

Ce manquement a causé un grief à l’intéressé, car il a empêché le tribunal de statuer dans les délais impartis, ce qui a conduit à la décision de déclarer irrecevable la requête du préfet.

Quels sont les critères d’appréciation de la situation personnelle d’un étranger en rétention ?

L’appréciation de la situation personnelle d’un étranger en rétention doit tenir compte de plusieurs éléments, comme le stipule l’article L. 741-3 du CESEDA, qui indique que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. »

Cela implique que l’administration doit évaluer la situation personnelle de l’individu, notamment sa durée de séjour en France, ses liens familiaux, et sa situation professionnelle.

Dans le cas de Monsieur [H] [W] [K], il a été souligné qu’il est présent en France depuis l’âge de 3 ans et qu’il a des liens familiaux solides, ce qui devrait être pris en compte dans l’évaluation de sa situation.

De plus, le fait qu’il ait obtenu un contrat de travail et qu’il ait des justificatifs d’hébergement renforce sa position et démontre qu’il a des raisons légitimes de rester en France.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE MAINTIEN EN RÉTENTION ET SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

MINUTE : 25/ 118
Appel des causes le 22 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00275 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76DDC

Nous, Madame PIROTTE Carole, Vice Présidente au Tribunal Judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame TIMMERMAN Marie, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Vu les dispositions des articles L.741-10, L743-3 à L743-20, L743-24, R. 741-3 et R743-1 à 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Monsieur [H] [W] [K]
de nationalité Portugaise
né le 17 Octobre 2003 à [Localité 2] (PORTUGAL), a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le19 mars 2024 par M. PREFET DE SEINE ET MARNE, qui lui a été notifié le 20 mars 2024.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 16 janvier 2025 par M. PREFET DE L’OISE , qui lui a été notifié le 17 janvier 2025 à 10h45 .

Vu la requête de Monsieur [H] [W] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 20 Janvier 2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 20 Janvier 2025 à 18h27 ;

Par requête du 20 Janvier 2025 reçue au greffe à 16h28, Monsieur le Préfet invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de quatre jours, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de VINGT-SIX jours maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Pierre VINOT, avocat au Barreau de PARIS, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations.

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je suis sorti en mai 2024 et j’ai arrêté toutes mes erreurs. La prison ça m’a fait réfléchir. J’ai essayé de mes réinséré. J’ai trouvé un contrat de travail, j’allais signé mais on est venu me chercher. Je suis revenu en France. Je sais que j’avais pas le droit de revenir mais toute ma famille vit ici. Je parle même pas portugais.

Me Pierre VINOT entendu en ses observations à l’appui de ses conclusions écrites :
Sur les conclusions d’irrecevabilité :
– Est produit le registre personnalisé qui ne porte pas trace du recours contre la décision d’éloignement en date du 21 mars 2024 introduit par Monsieur. Ce registre a vocation à permettre de déterminer la situation de Monsieur. Il y a d’ailleurs une annulation de vol au motif que le recours est en cours. Le 25 mars 2024, Monsieur a été éloigné au Portugal alors que cet éloignement était illégal.
– Le TA de [Localité 3] qui est saisi n’a pas été notifié du placement au CRA de l’intéressé. L’administration doit accomplir toute diligence. Le TA doit être notifié du placement au CRA car cela fait courir le délai pour que le TA statue dans un délai d’urgence. Le préfet de l’Oise est informé de l’existence du recours. Il envoie un mail le 16 janvier 2025 au TA de [Localité 3]. Ce mail est par définition antérieur au placement au CRA et ce mail n’est pas une notification d’un placement en rétention. Le TA n’est pas informé du placement en rétention et donc le délai ne commence pas à courir. Il y a un défaut de diligences de l’administration et donc irrecevabilité de la requête.

Sur le fond :
-Défaut manifeste de motivation de la part de la préfecture. Monsieur est présent en France depuis l’âge de 3 ans de manière. Il l’explique devant la PAF. En qualité de citoyen européen, il a acquis un droit au séjour permanent. Il y a un défaut d’appréciation de la situation personnelle de Monsieur.
-Garantie de représentation : la préfecture soutient qu’il n’a pas de garantie de représentation alors qu’il a passé les 5 derniers mois en semi-liberté. Cela signifie que des magistrats ont estimé qu’il présentait des garanties pour le régime de la semi-liberté. Toute sa famille est présente en France. Sa mère est en situation régulière. Monsieur a obtenu un contrat de travail qu’il n’a pas pu encore signé. Il a des justificatifs d’hébergement dans l’Eure.

Je vous demande donc d’ordonner la remise en liberté de Monsieur.

MOTIFS

L’article L. 911 du CESEDA prévoit que lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. Sous réserve des troisième et avant-dernier alinéas du présent article, il statue dans un délai de six mois à compter de l’introduction du recours.

L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au plus tard lors de l’introduction de son recours.

Si, en cours d’instance, l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

Si, en cours d’instance, l’étranger est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

Dans les cas prévus aux troisième et avant-dernier alinéas du présent article, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du présent livre.

L’article L. 741-3 du CESEDA prévoit qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

Il résulte des éléments de la procédure que Monsieur [T] [K] a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en date du 19 mars 2024, qu’il a exercé un recours le 21 mars 2024 contre cette décision. L’administration avait connaissance de ce recours avant le placement en rétention de l’intéressé dès lors qu’elle adresse le 16 janvier 2025 un mail au tribunal administratif pour avoir connaissance des suites données à ce recours. Dans le cadre de son mail du 16 janvier 2025, l’administration vise une sortie de détention mais en aucun cas un placement en rétention de l’intéressé. Monsieur [W] [K] a été placé en rétention le 17 janvier 2025 après sa levée d’écrou. L’administration ne justifie pas avoir avisé immédiatement le tribunal administratif de ce placement en rétention. De même, il n’est fait aucune mention du recours pendant devant le tribunal administratif sur le registre tenu au centre de rétention. Il y a lieu de considérer que ces manquements causent nécessairement grief à l’intéressé pour lequel il indispensable d’attendre la décision du tribunal administratif pour engager toute procédure d’éloignement. Le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande de prolongation sera retenu sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens de fond.

PAR CES MOTIFS

PRONONÇONS la jonction avec l’affaire n°25/262

DECLARONS irrecevable la requête de M. PREFET DE L’OISE ;

ORDONNONS que Monsieur [H] [W] [K] soit remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt quatre heures suivant la Notification à Monsieur le Procureur de la République de BOULOGNE SUR MER de la présente ordonnance sauf dispositions contraires prises par ce magistrat.

INFORMONS Monsieur [H] [W] [K] qu’il est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République et le cas échéant, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’effet suspensif de l’appel ou la décision au fond, que pendant ce délai il peut contacter un avocat, un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 1] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’Avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 11h20
L’ordonnance a été transmise ce jour à M. PREFET DE L’OISE
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00275 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76DDC
En cas de remise en liberté : Ordonnance notifiée à Monsieur le procureur de la République à 11h25

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


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