L’Essentiel : La diffusion des programmes d’une entreprise de communication audiovisuelle sans autorisation constitue un acte de contrefaçon. Dans l’affaire Playmedia contre France Télévisions, Playmedia a tenté d’invoquer le régime du must-carry, mais France Télévisions a refusé. La société n’a pas obtenu l’autorisation nécessaire pour diffuser les programmes des chaînes publiques, comme l’a confirmé une décision de L’ARCOM. En France, les radiodiffuseurs bénéficient de droits voisins sur leurs programmes, protégés par le code de la propriété intellectuelle, qui s’appliquent également à la diffusion sur Internet. Toute retransmission nécessite l’accord des ayants droit concernés.
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Le simple fait de diffuser les programmes de l’entreprise de communication audiovisuelle sans son autorisation constitue un acte de contrefaçon (sans compter l’application du droit d’auteur sur chaque émission TV). Dans l’affaire Playmedia contre France Télévisions, La société Playmédia a tenté sans succès de bénéficier du régime du mustcarry que lui a refusé la société France Télévisions. Absence de must carryLa société Playmédia n’avait pas obtenu et n’a d’ailleurs toujours pas obtenu l’autorisation de la société France Télévisions de diffuser l’ensemble des programmes diffusés sur les chaînes de télévision publique, elle ne dispose d’aucun contrat pour ce faire et la décision de l’ARCOM rendue le 23 juillet 2013, et acceptée par les deux parties montre à l’évidence que la société Playmédia n’avait pas le droit de diffuser les services édités par la société France Télévisions, qu’elle devait cesser de le faire avant la fin de l’année et utiliser le délai pour se mettre en conformité avec les dispositions légales applicables. Propriété des droits voisins des radiodiffuseursUn radiodiffuseur bénéficie en France, sur l’ensemble de ses programmes (c’est-à-dire sur le signal diffusant ses chaînes, indépendamment de leur contenu), du droit voisin reconnu aux entreprises de communication audiovisuelle par l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose : « Sont soumises à l’autorisation de l’entreprise de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion, et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée » Aux termes de l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle: « La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature. » Cette définition large recouvre donc toute forme de diffusion sur l’internet ce qu’ont confirmé les décisions rendues sur ce point reconnaissant que la télédiffusion telle que visée à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, couvre la retransmission en direct ou streaming sur l’internet, à destination des internautes, des programmes diffusés par les chaînes de télévision. La société France Télévisions bénéficie en France sur l’ensemble de ses programmes des droits voisins reconnus aux entreprises de communication audiovisuelle par l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle. Cette protection est indépendante de la qualité d’oeuvre ou de l’originalité des contenus diffusés. La seule exigence posée par la loi, les conventions internationales applicables et le droit de l’Union européenne, est celle d’une diffusion de programmes par un service de télévision. Le programme est une notion plus large que celle d’oeuvre et en particulier il n’est pas exigé la démonstration de l’originalité du programme ce qui en fait un droit voisin. Il se définit comme un ensemble construit de signes, sons et images qui fait l’objet d’une diffusion par l’entreprise de communication audiovisuelle. Le droit de cette dernière naît ainsi de la diffusion des signaux, peu important que le contenu ait été créé par elle ou par un tiers, ce droit voisin visant à protéger les investissements engagés par l’entreprise aux fins de permettre la communication au public de divers contenus. Les droits de communication au public ne sont pas restreints à la seule communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée mais couvre bien tous les modes de communication au public moyennant un droit d’entrée en l’espèce une taxe de la redevance pour les chaînes diffusées par la société France Télévisions. Position de la CJUELa CJUE dans son rendu le 7 mars 2013 dans l’affaire ITV Broadcasting Ltd. e.a. / TVCatchup Ltd (C607/11) a confirmé cette interprétation et dit pour droit que : « La notion de «communication au public», au sens de 1 ‘article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d ‘auteur et des droits voisins dans la société de l ‘information, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre une retransmission des oeuvres incluses dans une radiodiffusion télévisuelle terrestre — qui est effectuée par un organisme autre que le radio-diffuseur original, — au moyen d’un flux internet mis à disposition des abonnés de cet organisme qui peuvent recevoir cette retransmission en se connectant au serveur de celui-ci – bien que ces abonnés se trouvent dans la zone de réception de ladite radiodiffusion télévisuelle terrestre et puissent recevoir légalement celle-ci sur un récepteur de télévision. » La société France Télévisions dispose donc bien des droits voisins de communication au public de ses programmes de télévision. Droits des producteurs sur les émissions TVEn sus des droits voisins des télédiffuseurs, les auteurs et producteurs de contenus diffusés bénéficient sur les oeuvres audiovisuelles qu’ils créent, produisent ou co-produisent (journaux d’information, documentaires, magazines, téléfilms, films), de droits d’auteur protégés par le code de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur (notamment la Convention de Berne du 9 septembre 1886 modifiée, le Traité OMPI de 1996 sur le droit d’auteur et l’accord ADPIC de 1993) pour autant que celles-ci répondent au critère d’originalité. Or l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle dispose: « Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » L’article L.122-2 ajoute: « La représentation consiste dans la communication de l’oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment : 1° Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’oeuvre télédiffusée ; 2° Par télédiffusion. La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature. Est assimilée à une représentation l’émission d’une oeuvre vers un satellite. » La société France Télévisions est donc également présumée titulaire des droits d’auteur sur les émissions qu’elle a produites elle-même et notamment sur les journaux d’information, documentaires, magazines, téléfilms, films. Droits voisins des producteurs de vidéogrammeLes producteurs de contenus audiovisuels bénéficient enfin, au regard de l’ensemble de oeuvres audiovisuelles diffusées qu’ils produisent, des droits voisins du producteur de vidéogrammes reconnus aux producteurs d’oeuvres audiovisuelles par l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose : « Le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non. L’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme ». La communication au public couvre également la diffusion à destination du public sur le réseau internet, ce que confirme le considérant 23 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 : « La présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une oeuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte. » En conséquence, toute diffusion sur le réseau internet de programmes d’un organisme de radiodiffusion, d’oeuvres protégées par le droit d’auteur incluses dans ces programmes, ou de fixation de ces oeuvres également incluses dans ces programmes, est soumise à l’autorisation préalable des ayants droit concernés, et en l’espèce de la société France Télévisions pour les droits qu’elle détient sur ces éléments. Application de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986Ainsi si la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, qui établit le régime du must-carry, indique que: « La communication au public par voie électronique est libre » , elle précise que : « L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui,… ». Or le Conseil Constitutionnel, dans sa décision 2006-540 DC du 27 juillet 2006 a jugé que les droits d’auteur et les droits voisins étaient des droits de propriété protégés en tant que tels par la Constitution. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la réglementation du régime du must carry prévoit la conclusion d’un contrat avec les titulaires de droits afin de préserver les droits des éditeurs sur les programmes diffusés et ceux des titulaires des droits sur les oeuvres cédés en vue de leur exploitation sur leur réseau à certaines conditions. L’article 2-1 de la loi précise : Pour l’application de la présente loi, les mots : « distributeur de services » désignent toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par un réseau de communications électroniques au sens de 1 ‘article L.32 du code des Postes et communications électroniques. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d’autres distributeurs. Il ressort clairement de ce texte que le distributeur de services ne peut proposer de diffuser les services de communication audiovisuelle d’un éditeur qu’une fois un contrat conclu entre les deux parties. En l’espèce, aucun contrat n’a été conclu avec la société Playmédia. Le must carry n’est pas un régime mis en place pour permettre l’accès des utilisateurs finals sans s’assurer du respect des droits de propriété intellectuelle. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que le must-carry et pourquoi Playmédia n’a-t-il pas pu en bénéficier ?La notion de must-carry fait référence à l’obligation pour certains distributeurs de services de communication audiovisuelle de diffuser des chaînes de télévision, notamment publiques. Dans le cas de Playmédia, la société n’a pas obtenu l’autorisation de France Télévisions pour diffuser ses programmes. Cette absence d’autorisation est déterminante, car le must-carry ne peut être appliqué que si un contrat est établi entre le distributeur et l’éditeur de services. La décision de l’ARCOM, rendue le 23 juillet 2013, a confirmé que Playmédia devait cesser la diffusion des programmes de France Télévisions, soulignant ainsi l’absence de droits légaux pour le faire. Quels sont les droits voisins des radiodiffuseurs en France ?Les droits voisins des radiodiffuseurs, tels que définis par l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, confèrent aux entreprises de communication audiovisuelle des droits sur l’ensemble de leurs programmes. Cela inclut la reproduction, la mise à disposition du public, la télédiffusion et la communication au public. Ces droits sont distincts des droits d’auteur et s’appliquent indépendamment de l’originalité des contenus diffusés. La loi exige simplement que les programmes soient diffusés par un service de télévision, ce qui protège les investissements des entreprises dans la diffusion de contenus, qu’ils soient créés par elles ou par des tiers. Comment la CJUE a-t-elle interprété la notion de communication au public ?La CJUE (CJUE) a clarifié la notion de « communication au public » dans son arrêt du 7 mars 2013. Elle a statué que cette notion inclut la retransmission d’œuvres d’une radiodiffusion télévisuelle terrestre par un organisme autre que le radiodiffuseur original, via un flux internet. Cela signifie que même si les abonnés peuvent recevoir légalement la diffusion originale, la retransmission par un autre organisme nécessite l’autorisation du radiodiffuseur original. Ainsi, France Télévisions détient des droits voisins sur ses programmes, ce qui lui permet de contrôler leur diffusion. Quels droits ont les producteurs sur les émissions de télévision ?Les producteurs d’émissions de télévision bénéficient de droits d’auteur sur les œuvres qu’ils créent, produisent ou co-produisent. Ces droits sont protégés par le code de la propriété intellectuelle et les conventions internationales, à condition que les œuvres répondent au critère d’originalité. Selon l’article L. 122-1, le droit d’exploitation de l’auteur inclut le droit de représentation et le droit de reproduction. Cela signifie que toute communication de l’œuvre au public, y compris la télédiffusion, nécessite l’autorisation du producteur ou de l’auteur. Quels sont les droits voisins des producteurs de vidéogrammes ?Les producteurs de vidéogrammes, qui sont responsables de la première fixation d’une séquence d’images, bénéficient également de droits voisins. L’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle stipule que leur autorisation est requise avant toute reproduction ou communication au public de leurs œuvres. Ces droits s’étendent à la diffusion sur internet, ce qui est confirmé par la directive 2001/29/CE. Cela signifie que toute diffusion de programmes protégés par le droit d’auteur sur internet nécessite l’autorisation préalable des ayants droit, y compris France Télévisions pour ses propres contenus. Comment la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 encadre-t-elle la communication audiovisuelle ?La loi n°86-1067 établit un cadre pour la communication audiovisuelle en France, précisant que la communication au public par voie électronique est libre, mais avec des limitations. Ces limitations visent à respecter les droits de propriété intellectuelle, y compris les droits d’auteur et les droits voisins. Le Conseil Constitutionnel a affirmé que ces droits sont protégés par la Constitution. Ainsi, pour diffuser des programmes, un distributeur doit conclure un contrat avec les titulaires de droits, ce qui n’a pas été le cas pour Playmédia, empêchant ainsi l’application du must-carry dans cette situation. |
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