L’Essentiel : Lors de la conclusion d’un bail commercial, la transparence sur l’identité du preneur et ses antécédents judiciaires est déterminante. Le bail de la société « Les productions de la plume » a été annulé pour dol, car le bailleur a été trompé sur l’identité réelle du preneur, lié à Dieudonné. Malgré l’absence d’une obligation d’information, le principe de bonne foi impose au preneur de révéler des informations susceptibles d’influencer la décision du bailleur. La dissimulation intentionnelle de cette identité a conduit à la nullité du bail, confirmant ainsi le vice du consentement.
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Nullité pour dolLors de la conclusion du bail commercial, la transparence s’impose sur l’identité du preneur et surtout ses antécédents judiciaires présentant un risque pour l’ordre public. Le bail de la société « Les productions de la plume » (Dieudonné) a été annulé pour dol. Bail commercial annuléPar acte sous seing privé, le bailleur a consenti à la société un bail de courte durée de 36 mois, portant sur des locaux situés dans l’enceinte du Village Christofle, sis Saint Denis. Selon les stipulations contractuelles, « le local devra être affecté par le preneur à l’usage d’activités de production et organisation de spectacles et manifestations culturelles et événementielles, et toutes activités connexes. Le local n’est pas destiné à effectuer des manifestations religieuses, du commerce sur place, ni à drainer une clientèle extérieure pour vente au détail ». Par courrier recommandé le bailleur a informé le preneur qu’il estimait avoir été trompé et considérait que le bail était nul et n’ayant jamais existé. Ce courrier précisait que si le preneur avait su que la société était la société de production de Dieudonné, le contrat n’aurait jamais été conclu en raison « des troubles de jouissance au voisinage et les troubles à l’ordre public qui se sont produits par le passé en d’autres lieux ». Vice du consentement confirméSelon l’article 1116 du code civil, dans sa version applicable aux faits, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ». Or, il est constant que le dol peut être constitué par le silence intentionnel d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter. S’il n’existe pas à proprement parler une obligation d’information pesant sur le preneur, non professionnel de l’immobilier, lors de la conclusion d’un bail, le principe de la bonne foi qui doit régner dans l’exécution des contrats oblige celui-ci à révéler à son cocontractant le nom de celui pour le compte duquel il agit, lorsqu’il ne peut ignorer, compte tenu du contexte, que cette information est susceptible d’avoir une incidence sur la conclusion et le déroulement du bail. En l’espèce, la société dont il n’était pas contesté qu’elle assure, notamment, la production des spectacles de Dieudonné, ne pouvait ignorer, alors qu’elle était partie à une procédure pendante devant la 18e chambre du Tribunal judiciaire de Paris tendant à la résiliation du bail du Théâtre de la Main d’Or dans lequel se produisait cet artiste, le retentissement médiatique d’un arrêté préfectoral interdisant un des spectacles donné dans le théâtre de la Main d’Or, approuvé par le Conseil d’Etat le 9 janvier 2014. Étant dans l’attente du prononcé du jugement et sachant qu’il lui serait difficile, compte tenu du contexte existant à l’époque, d’obtenir facilement la signature d’un nouveau bail pour des locaux dans lesquels se produirait cet humoriste, elle a volontairement choisi de taire l’identité de celui-ci lors des négociations et de la signature dudit bail, alors même que compte tenu d’éventuels troubles à l’ordre public, qui s’étaient déjà produits, elle ne pouvait ignorer que cette information était déterminante pour le bailleur. La société de production n’a pu prétendre que le bailleur avait une obligation de s’informer sur la personnalité réelle de son cocontractant par des recherches sur internet qui lui auraient facilement permis de connaître les liens en question alors même que la société avait tout fait pour dissimuler ces faits en ne produisant elle-même aucun document permettant d’établir ce lien et en insistant lors des négociations sur la diversité des clients qu’elle avait dans son portefeuille. La société de production a ainsi intentionnellement commis une réticence dolosive entraînant la nullité du bail pour dol. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que la nullité pour dol dans le cadre d’un bail commercial ?La nullité pour dol se réfère à l’annulation d’un contrat en raison de manœuvres frauduleuses ou trompeuses exercées par l’une des parties. Dans le contexte d’un bail commercial, cela implique que si le bailleur avait été informé de certains faits, il n’aurait pas conclu le contrat. Dans l’affaire mentionnée, le bail a été annulé car le preneur, représentant la société de production de Dieudonné, a dissimulé son identité. Cette omission a été jugée suffisamment significative pour constituer un dol, car le bailleur aurait agi différemment s’il avait connu la véritable nature de la société. Quels étaient les termes du bail commercial annulé ?Le bail commercial en question était un contrat de courte durée de 36 mois, portant sur des locaux situés dans le Village Christofle à Saint Denis. Les stipulations du contrat précisaient que le local devait être utilisé pour des activités de production et d’organisation de spectacles, ainsi que pour des manifestations culturelles et événementielles. Cependant, le contrat interdisait explicitement l’utilisation des locaux pour des manifestations religieuses, du commerce sur place, ou pour attirer une clientèle extérieure pour des ventes au détail. Ces restrictions étaient importantes pour le bailleur, qui souhaitait éviter tout trouble à l’ordre public. Pourquoi le bailleur a-t-il considéré que le bail était nul ?Le bailleur a estimé avoir été trompé par le preneur, qui a omis de révéler que la société était liée à Dieudonné, un artiste connu pour avoir causé des troubles à l’ordre public dans le passé. Dans un courrier recommandé, le bailleur a déclaré que si cette information avait été connue, le bail n’aurait jamais été conclu. Il a souligné que les antécédents judiciaires de la société de production auraient eu un impact direct sur sa décision de louer les locaux. Cette situation a conduit à la conclusion que le bail était nul et n’avait jamais existé, en raison du dol. Comment le dol a-t-il été prouvé dans cette affaire ?Selon l’article 1116 du code civil, le dol doit être prouvé et peut inclure le silence intentionnel d’une partie sur des faits essentiels. Dans cette affaire, il a été établi que la société de production savait qu’elle était impliquée dans une procédure judiciaire concernant le Théâtre de la Main d’Or, où Dieudonné se produisait. La société a choisi de ne pas divulguer cette information déterminante lors des négociations, sachant que cela aurait pu influencer la décision du bailleur. Le tribunal a donc considéré que cette réticence dolosive constituait un dol, entraînant la nullité du bail. Quelles sont les implications de cette décision pour les parties impliquées ?La décision d’annuler le bail pour dol a des implications significatives pour les deux parties. Pour le bailleur, cela signifie qu’il n’est pas lié par le contrat et peut chercher un autre locataire sans les complications juridiques associées à ce bail. Pour le preneur, la nullité du bail entraîne la perte de l’accès aux locaux et peut également avoir des conséquences financières, notamment des pertes liées à l’investissement dans les activités prévues. De plus, cette affaire souligne l’importance de la transparence et de la bonne foi dans les relations contractuelles, en particulier dans le cadre de baux commerciaux. |
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