Production audiovisuelle : la confusion de patrimoines

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Production audiovisuelle : la confusion de patrimoines

L’Essentiel : L’affaire de la société de production d’Isabelle Adjani a pris un tournant avec l’action du liquidateur judiciaire, révélant une confusion de patrimoines. Cette situation a conduit à l’extension de la procédure collective au gérant et à une société tierce ayant perçu des paiements pour des prestations de conseil fictives. L’administration fiscale a également mis en lumière des factures injustifiées, représentant 53,6 % du chiffre d’affaires de la société. De plus, des dépenses anormales, telles que des frais de déplacement exorbitants, ont été identifiées, soulignant des relations financières douteuses entre les entités impliquées.

Action en confusion de patrimoines

On se souvient que la société de production audiovisuelle gérant les droits de l’actrice Isabelle Adjani avait été mise en liquidation judiciaire. L’affaire vient de rebondir avec une action du liquidateur judiciaire qui a permis d’établir une confusion de patrimoine et d’étendre ainsi la  procédure collective au gérant de l’époque et à une société tierce qui avait bénéficié de paiements au titre de prestations de conseil fictives.

Pour rappel, la confusion des patrimoines repose sur deux critères alternatifs, soit celui de la confusion des comptes qui supposent une imbrication des éléments d’actifs et passifs composant les patrimoines, soit l’existence de relations financières anormales entre deux entités. Par ailleurs, si l’identité de dirigeant ne constitue pas à elle seule un motif d’extension d’une procédure collective, en l’espèce, le dirigeant était commun aux deux sociétés et avait agi de façon opaque, à tel point que l’unique salariée de la société de production n’avait plus accès ni aux courriers, ni aux documents de la société. Par le système opaque de transfert de fonds mis en place, Isabelle Adjani, associée majoritaire de la société de production, n’avait pas non plus été tenue informée de l’importance des montants facturés à sa société par la société tierce.

Contrôle fiscal

Suite à un contrôle, l’administration fiscale a considéré que les factures établies par la société tierce ne reposaient pas sur des charges effectivement justifiées. L’administration fiscale a relevé que les frais et prestations facturées sur une durée de huit mois représentaient 53,6 % du chiffre d’affaires de la société (près de 500 000 euros). Pour prononcer l’extension de procédure, le tribunal a relevé qu’alors que le dirigeant de la société tierce avait facturé sur un an, une somme de plus de 800 000 euros, il n’avait pas été émis de comptes rendus, de notes de synthèse, de mails de suivi, ni de rapports d’activité périodiques. En d’autres termes, l’administration fiscale a estimé qu’aucun élément ne permettait de constater la réalité de la prestation de conseil et d’établir que les frais payés à la société  ont été suivis d’un retour sur investissement. De surcroît, l’administration fiscale a relevé que la société tierce s’était comportée avec la société de production « comme une agence de voyages facturant des frais sans aucun lien avec l’activité de la société, l’ensemble s’apparentant à des séjours touristiques pendant la période estivale ».

Non-respect des conventions réglementées

De surcroît, la convention de prestation de services ayant servi de fondement juridique aux différents paiements, aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable de l’assemblée générale de la société de production. En effet, il résulte de l’article L. 223-19 du code de commerce que le gérant ou s’il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l’assemblée un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l’un de ses gérants ou associés (l’assemblée doit statuer sur ce rapport). Par ailleurs, s’il n’existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé doivent être soumises à l’approbation préalable de l’assemblée. Tel n’avait pas été le cas en l’espèce, le contrat de prestations de services avait été passé en violation de l’article L. 223-19 du code de commerce.

Dépenses anormales

La juridiction a également pointé des dépenses anormale facturées par la société tierce par refacturation à la société de production (frais de déplacement, hôtels, théâtre, restaurants pour des sommes considérables) pour près de 300 000 euros dont une accréditation de deux ans pour un jet privé de Delta Air Élite au nom du concubin du dirigeant. Ces refacturations, sans contrepartie pour la société de production, ont été analysées comme des relations financières anormales, peu important qu’Isabelle Adjani à titre personnel, ait pu bénéficier de voyages sur cette ligne.

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Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que l’action en confusion de patrimoines ?

L’action en confusion de patrimoines est une procédure juridique qui permet d’étendre une procédure collective à des entités ou des personnes qui ont des relations financières anormales ou une imbrication des actifs et passifs.

Dans le cas mentionné, le liquidateur judiciaire a établi une confusion de patrimoine entre la société de production d’Isabelle Adjani et une société tierce, en raison de paiements pour des prestations de conseil fictives.

Cette action repose sur deux critères : la confusion des comptes et l’existence de relations financières anormales. Dans cette affaire, le dirigeant commun aux deux sociétés a agi de manière opaque, ce qui a conduit à l’extension de la procédure collective.

Quels ont été les résultats du contrôle fiscal ?

Suite à un contrôle fiscal, l’administration a constaté que les factures émises par la société tierce n’étaient pas justifiées. Les frais facturés sur une période de huit mois représentaient 53,6 % du chiffre d’affaires de la société de production, soit près de 500 000 euros.

Le tribunal a noté l’absence de documents tels que des comptes rendus ou des rapports d’activité, ce qui a conduit à la conclusion que les prestations de conseil n’étaient pas réelles.

L’administration fiscale a également souligné que la société tierce se comportait comme une agence de voyages, facturant des frais sans lien avec l’activité de la société de production, ce qui a renforcé l’idée de dépenses injustifiées.

Quelles sont les implications du non-respect des conventions réglementées ?

Le non-respect des conventions réglementées a des conséquences juridiques significatives. Selon l’article L. 223-19 du code de commerce, toute convention entre la société et ses gérants ou associés doit être approuvée par l’assemblée générale.

Dans cette affaire, la convention de prestation de services n’a pas été soumise à l’assemblée, ce qui constitue une violation des règles de gouvernance.

Cette absence d’autorisation préalable a permis au tribunal de considérer les paiements effectués comme non valides, renforçant ainsi la position du liquidateur judiciaire dans l’action en confusion de patrimoines.

Quelles dépenses ont été considérées comme anormales ?

Les dépenses anormales identifiées par la juridiction incluent des frais de déplacement, d’hôtels, de théâtre et de restaurants, totalisant près de 300 000 euros.

Parmi ces dépenses, une accréditation de deux ans pour un jet privé a été particulièrement remarquée, car elle était au nom du concubin du dirigeant de la société tierce.

Ces refacturations, sans contrepartie pour la société de production, ont été jugées comme des relations financières anormales, indépendamment du fait qu’Isabelle Adjani ait pu bénéficier de certains voyages.

Cela souligne l’importance d’une gestion transparente et justifiée des dépenses au sein des sociétés.


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