L’Essentiel : M. [W] [L], ressortissant kosovar, est en rétention administrative en France suite à une décision du préfet de l’Yonne. Ce dernier a ordonné son obligation de quitter le territoire, décision contestée par M. [W] [L] par un recours en annulation. Malgré une ordonnance du tribunal de Metz ordonnant sa remise en liberté, le préfet et le procureur ont interjeté appel. Le tribunal a finalement prolongé la rétention de M. [W] [L] pour 26 jours, considérant les risques pour l’ordre public et rejetant les arguments de l’intéressé concernant la légalité de sa privation de liberté.
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Contexte de l’affaireM. [W] [L], de nationalité Kosovare, né le 1er janvier 1997, est actuellement en rétention administrative en France. L’affaire concerne un recours contre une décision du préfet de l’Yonne qui a ordonné son obligation de quitter le territoire français et son placement en rétention. Décisions administratives et recoursLe préfet de l’Yonne a prononcé une décision de placement en rétention, à laquelle M. [W] [L] a répondu par un recours en annulation. Par la suite, le préfet a demandé une prolongation de la rétention, ce qui a conduit à une ordonnance du tribunal judiciaire de Metz ordonnant la remise en liberté de M. [W] [L] le 26 décembre 2024. Appels et audienceSuite à cette ordonnance, le préfet de l’Yonne et le procureur de la République ont interjeté appel. L’audience s’est tenue en visioconférence, où les parties ont présenté leurs observations. M. [W] [L] a demandé la confirmation de la décision de remise en liberté, tandis que le préfet et le procureur ont sollicité son infirmation. Recevabilité des appelsLes appels ont été jugés recevables, ayant été formés dans les délais et les formes prescrits par la loi. Le tribunal a également ordonné la jonction des procédures liées à cette affaire. Arguments des partiesLe préfet et le procureur ont soutenu que M. [W] [L] n’avait pas été privé de liberté de manière illégale, arguant que le retard entre la levée d’écrou et le placement en rétention était imputable à l’intéressé. M. [W] [L] a, quant à lui, fait valoir que ce délai excédait deux heures, ce qui constituait une violation de ses droits. Décisions du tribunalLe tribunal a rejeté les arguments de M. [W] [L] concernant la privation de liberté, considérant qu’il n’avait pas été retenu par une action des pouvoirs publics. De plus, il a été établi que les autorités avaient respecté les procédures d’information des procureurs concernant la rétention. Prolongation de la rétentionLe tribunal a décidé d’infirmer l’ordonnance de remise en liberté et a prolongé la rétention administrative de M. [W] [L] pour une période de 26 jours, en tenant compte de son casier judiciaire et des risques pour l’ordre public. Conclusion de l’affaireLe tribunal a statué en faveur du préfet de l’Yonne et du procureur, ordonnant la prolongation de la rétention de M. [W] [L] jusqu’au 27 janvier 2025, tout en rejetant les demandes d’assignation à résidence et les moyens de nullité soulevés par l’intéressé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Selon l’article L. 741-6 du CESEDA, « La décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention… » Cette disposition souligne que la rétention ne peut être décidée que dans des circonstances précises, notamment après une interpellation ou à l’issue d’une détention. Il est également important de noter que l’article L. 742-1 précise que le maintien en rétention au-delà de 4 jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé par le juge du tribunal judiciaire, ce qui implique un contrôle judiciaire sur la prolongation de la rétention. Ainsi, la rétention administrative doit respecter des conditions strictes, tant sur le plan procédural que substantiel, afin de garantir les droits des étrangers concernés. Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?Les droits des étrangers en rétention administrative sont protégés par plusieurs dispositions du CESEDA. L’article L. 743-12 stipule que « le juge du tribunal judiciaire saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. » Cela signifie que l’étranger a le droit de contester la légalité de sa rétention et de prouver que ses droits ont été violés. De plus, l’article L. 744-17 impose à l’autorité administrative d’informer les procureurs de la République compétents de tout déplacement d’un étranger d’un lieu de rétention vers un autre, garantissant ainsi une certaine transparence et un contrôle judiciaire sur les mesures prises. Ces articles montrent que les droits des étrangers en rétention sont encadrés par la loi, leur permettant de contester les décisions qui les concernent et d’être informés des mesures prises à leur égard. Comment se justifie la prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est encadrée par des dispositions spécifiques du CESEDA. L’article L. 742-1 précise que « le maintien en rétention au-delà de 4 jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l’autorité administrative. » Cela implique que toute prolongation doit être justifiée par l’autorité administrative et validée par un juge, garantissant ainsi un contrôle judiciaire sur la légitimité de la rétention prolongée. En outre, l’article L. 743-13 permet au juge d’ordonner l’assignation à résidence de l’étranger si celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, ce qui montre que la rétention n’est pas une mesure automatique et doit être justifiée par des éléments concrets. Ainsi, la prolongation de la rétention administrative doit être fondée sur des motifs sérieux et être soumise à l’examen d’un juge, assurant ainsi la protection des droits des étrangers. Quelles sont les conséquences d’un défaut d’information des procureurs sur la rétention ?Le défaut d’information des procureurs sur la rétention administrative peut avoir des conséquences juridiques importantes. L’article L. 744-17 du CESEDA stipule que « en cas de nécessité, l’autorité administrative peut, pendant toute la durée de la rétention, décider de déplacer un étranger d’un lieu de rétention vers un autre, sous réserve d’en informer les procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d’arrivée. » Si cette obligation d’information n’est pas respectée, cela pourrait constituer une irrégularité dans la procédure de rétention. Cependant, il est important de noter que, selon la jurisprudence, une telle irrégularité ne conduit pas nécessairement à l’annulation de la mesure de rétention, à moins qu’elle n’ait eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger, comme le précise l’article L. 743-12. Ainsi, bien que le défaut d’information puisse être considéré comme une violation des procédures, son impact sur la légalité de la rétention dépendra de l’examen des circonstances spécifiques de chaque cas. |
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE METZ
ORDONNANCE DU 29 DECEMBRE 2024
Nous, Frédéric MAUCHE, Président de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz, assisté de Sarah PETIT, greffière ;
M. le procureur de la République
Et
M. LE PREFET DE L’YONNE
À
M. [W] [L]
né le 01 Janvier 1997 à [Localité 1] (KOSOVO)
de nationalité Kosovare
Actuellement en rétention administrative.
Vu la décision de M. LE PREFET DE L’YONNE prononçant l’obligation de quitter le territoire français et prononçant le placement en rétention de l’intéressé ;
Vu le recours de M. [W] [L] en demande d’annulation de la décision de placement en rétention ;
Vu la requête en 1ère prolongation de M. LE PREFET DE L’YONNE saisissant le juge du tribunal judiciaire de Metz tendant à la prolongation du maintien de l’intéressé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu l’ordonnance rendue le 26 décembre 2024 à 10h55 par le juge du tribunal judiciaire de Metz ordonnant la remise en liberté de M. [W] [L] ;
Vu l’appel de Me Nicolas RANNOU de la selarl centaure du barreau de Paris représentant M. LE PREFET DE L’YONNE interjeté par courriel du 27 décembre 2024 à 19h53 contre l’ordonnance ayant remis M. [W] [L] en liberté ;
Vu l’appel avec demande d’effet suspensif formé le 27 décembre 2024 à 11h12 par M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz;
Vu l’ordonnance du 27 décembre 2024 conférant l’effet suspensif à l’appel du procureur de la République et ordonnant le maintien de M. [W] [L] à disposition de la Justice ;
Vu l’avis adressé à Monsieur le procureur général de la date et l’heure de l’audience ;
A l’audience publique de ce jour, à 10 H 00, en visioconférence se sont présentés :
– Mme Sophie MARTIN, substitut général, a présenté ses observations au soutien de l’appel du procureur de la République, présente lors du prononcé de la décision
– Me Dominique MEYER, avocat au barreau de Metz substituant la selarl centaure avocats du barreau de Paris, représentant M. LE PREFET DE L’YONNE a présenté ses observations et a sollicité l’infirmation de la décision présente lors du prononcé de la décision
-M. [W] [L], intimé, assisté de Me Nedjoua HALIL, présente lors du prononcé de la décision et de M. [F] [J], interprète assermenté en langue albanaise, présent lors du prononcé de la décision, ont sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise;
– Sur la recevabilité de l’acte d’appel :
Les appels sont recevables comme ayant été formés dans les formes et délai prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Sur ce,
Sur les exceptions de procédure.
Aux termes de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge du tribunal judiciaire saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il appartient à M. [W] [L] d’apporter la preuve de l’atteinte portée à ses droits.
Sur le délai écoulé entre la levée d’écrou et le placement en rétention
Au soutien de leur appel, M. LE PREFET DE L’YONNE et le procureur de la république font valoir que c’est à tort que le premier juge a estimé que M. [W] [L] a été privé de liberté entre la levée d’écrou fixée à 7 H 41 et son placement en rétention intervenu à 9 h 30 en faisant valoir que ce retard était imputable à l’interessé qui s’est présenté tardivement et à une mesure erronnée et prématurée de la prise d’effet de la levée d’écrou. Ils rappellent en outre la jurisprudence constatant l’absence de grief causé à un étranger durant un tel délai de mise à disposition pourvu qu’il ne lui soit fait ni acte ni mesure d’enquête. Ils demandent donc l’infirmation de la décision sur ce point.
M. [W] [L] sollicite la confirmation de la décision compte tenu de la durée de plus de 2 heures s’étant écoulée entre la levée d’écrou de 7 h 41 et la notification des droits faites à 9 h 30, ce délai excessif ne saurait être assimilé à une simple mise à disposition mais à une violation des droits.
Aux termes de l’article L 741-6 du CESEDA « La décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention…»
Il ressort des éléments du dossier des débats et des courriels produits que les services de la maison d’arrêt ont procédé administrativement à la levée d’écrou de M. [W] [L] dès 7 h 41 et ce hors présence de l’intéressé (en, effet ce dernier exécutait sa peine sous bracelet électonique et ne s’était pas présenté à 8 H comme il en avait été prévu par les services pénitenciaires mais vers 9 H30 soit avec une heure de retard) et qu’ainsi ce n’est qu’à cette heure qu’il a restitué son bracelet pour être placé en rétention et avisé de ses droits. Il déclare, sans en justifier et contrairement aux éléments ressortant du dossier, qu’il avait été invité par les services du SPIP à se présenter à 9 h 30.
Sans rechercher si ce retard de présentation tient à une mauvaise information donnée par les services pénitentaires et le SPIP ou à une rétiscence de M. [W] [L] pour se présenter à sa levée d’écrou (dont il savait par courrier du 16 décembre 2024 qu’il allait être suivi d’une mesure de rétention), il est constant que l’heure mentionnée de 7h21 ou 7 h 41 pour sa levée d’écrou a été faite hors sa présence et par un simple acte administratif sans signature ni remise de son bracelet puisqu’il ne s’est présenté qu’à 9 h30.
Ainsi M. [W] [L] ne peut prétendre avoir été retenu ni privé de liberté ou de ses droits durant la période de 7h21 à 9 h 30, avant sa présentation et son placement en rétention, puisque domicillé chez lui et ne se présentant pas à l’heure pour signer sa feuille de levée d’écrou et rendre son bracelet, il n’était donc précisément plus dans un cadre de contrainte et de privation de liberté mais au contraire dans un exercice de prise de liberté.
Ainsi, seul à l’origine de ce retard dont il se prévaut, il n’a pas été privé de liberté par une action des pouvoirs publics à son encontre et a été avisé de ses droits par leur notification dès 9 h30.
Il ne peut ce prévaloir ni d’une retenue sans titre ni d’un grief et il convient de rejeter ce moyen.
Sur le défaut d’information fait aux procureurs des mesures de rétention.
En vertu de l’article L. 744-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de nécessité, l’autorité administrative peut, pendant toute la durée de la rétention, décider de déplacer un étranger d’un lieu de rétention vers un autre, sous réserve d’en informer les procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d’arrivée.
Il resulte des pièces du dossier que , conformément aux dispositions de l’article L 813-4 du CESEDA le procureur de Troyes a bien été avisé du placement en rétention de l’intéressé par mail du 21 décembre 2024 à 9 h 40 et qu’il a été informé au même titre que le procureur de Metz du transfert au CRA de [Localité 2] le 22 décembre 2024.
Il convient de rejeter les moyens de M. [W] [L] sur ces points
Sur l’absence de justification du placement en lieu de rétention
Conformément aux dispositions des articles L744-4 et R 744-16 du CESEDA, il est justifié à hauteur d’appel du placement de M. [W] [L] aux lieu de rétention de [Localité 3] avec notification des droits le 21 décebre 2024 à 9 h 30 puis au centre de rétention de [Localité 2] le 22 décembre 2024 à 14 h ressortant des registres de ces lieux .
Il convient donc de rejeter ce moyen .
– Sur la prolongation de la mesure de rétention
L’article L. 742-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif à la procédure applicable, prévoit que le maintien en rétention au-delà de 4 jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge du tribunal judiciaire saisie à cette fin par l’autorité administrative
L’article L 743-13 du même code dispose que le juge du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.
La demande de placement en rétention étant fondée sur l’ampleur non contestée du casier judiciaire de M. [W] [L], il apparait difficile de nier l’existence d’une menace à l’ordre public laquelle n’est pas contredite par l’avis de la COMEX qui a donné un avis défavorable à la demande d’expulsion au seul regard de sa situation familiale devant être mis en balance avec l’ordre public, ce point ressortant de l’appréciation du juge administratif.
Par ailleurs le peu d’empressement de M. [W] [L] pour se présenter à l’heure pour la mise en oeuvre de sa précédente tentative de départ et son souhait de se maintenir près de sa famille ne permettent pas d’envisager une assigantion à résidence.
Il convient donc d’infirmer la décision du premier juge et d’ordonner le placement de M. [W] [L] pour une période de 26 jours.
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Ordonne la jonction des procédure N° RG 24/01103 et N°RG 24/01105 sous le numéro RG 24/00105 ;
Déclarons recevable l’appel de M. LE PREFET DE L’YONNE et de M. le procureur de la République à l’encontre de la décision du juge du tribunal judiciaire de Metz ayant remis en liberté M. [W] [L];
INFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge du tribunal judiciaire de Metz le 26 décembre 2024 à 10h55 ;
REJETONS les moyens de nullités et fins de non recevoir,
REJETONS la demande d’assignation à résidence;
PROLONGEONS la rétention administrative de M. [W] [L] du 27 décembre 2024 inclus jusqu’au 27 janvier 2025 inclus ;
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance
Disons n’y avoir lieu à dépens.
Prononcée publiquement à Metz, le 29 décembre 2024 à 11h02.
La greffière, Le président,
N° RG 24/01105 – N° Portalis DBVS-V-B7I-GJNP
M. LE PREFET DE L’YONNE contre M. [W] [L]
Ordonnnance notifiée le 29 Décembre 2024 par courriel, par le greffe de la chambre des libertés de la cour d’appel à :
– M. LE PREFET DE L’YONNE et son conseil, M. [W] [L] et son représentant, au cra de Metz, au juge du tj de Metz, au procureur général de la cour d’appel de Metz
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