Problématique de la preuve dans les relations de prêt et de don entre particuliers

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Problématique de la preuve dans les relations de prêt et de don entre particuliers

L’Essentiel : Le litige entre [Y] [D] et [H] [M] concerne le remboursement de 4 900 euros versés pour l’achat d’une CITROEN C1. [Y] [D] soutient avoir prêté cette somme, tandis que [H] [M] affirme qu’il s’agit d’un don manuel, sans reconnaissance de dette écrite. Lors de l’audience du 11 juin 2024, le tribunal a constaté l’absence de preuve du prêt et a rejeté la demande de dommages et intérêts de [Y] [D]. En conséquence, [Y] [D] a été condamné aux dépens et à verser 1 200 euros à [H] [M] pour frais irrépétibles.

Procédure

Le litige a été évoqué pour la première fois le 22 mars 2024, avec des débats tenus le 11 juin 2024. Le délibéré a été initialement prévu pour le 17 septembre 2024, mais a été prorogé au 7 janvier 2025.

Exposé du litige

Le 27 octobre 2022, [Y] [D] a acheté un véhicule d’occasion, une CITROEN C1, pour 4 900 euros, somme réglée par chèque de banque. [H] [M] détient le véhicule. Le 2 novembre 2022, [Y] [D] a mis en demeure [H] [M] de rembourser 4 900 euros et 1 000 euros versés par virement. Un accord amiable a été trouvé pour le remboursement des 1 000 euros, mais pas pour les 4 900 euros. Le 7 février 2024, [Y] [D] a assigné [H] [M] devant le tribunal pour obtenir le remboursement.

Demandes des parties

[Y] [D] demande le remboursement de 4 900 euros, 1 000 euros pour résistance abusive, et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il soutient avoir prêté cette somme à [H] [M], qui devait faire une reconnaissance de dette. [H] [M] conteste l’existence du prêt et demande à être déboutée de toutes les demandes de [Y] [D], tout en sollicitant 2 000 euros pour ses frais.

Arguments de [H] [M]

[H] [M] affirme que les 4 900 euros constituent un don manuel pour l’achat d’un véhicule qu’elle n’a pas demandé. Elle souligne l’absence de reconnaissance de dette écrite et évoque sa situation de surendettement. Elle conteste également la demande de dommages et intérêts de [Y] [D].

Débats et décision

Les parties ont comparu avec leurs conseils respectifs lors de l’audience du 11 juin 2024. Le tribunal a rappelé que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties. Concernant la demande de remboursement, le tribunal a constaté l’absence d’écrit prouvant le prêt de 4 900 euros, considérant que cette somme était un don manuel.

Demande de dommages et intérêts

Le tribunal a également rejeté la demande de dommages et intérêts de [Y] [D], n’établissant pas la mauvaise foi de [H] [M].

Mesures de fin de jugement

Le tribunal a condamné [Y] [D] aux dépens et à verser 1 200 euros à [H] [M] au titre des frais irrépétibles. La demande de [Y] [D] au titre de l’article 700 a été déboutée. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature juridique de la somme de 4 900 euros versée par [P] [D] à [H] [M] ?

La nature juridique de la somme de 4 900 euros versée par [P] [D] à [H] [M] est déterminée par les articles 1359 et 1360 du Code civil.

Ces articles stipulent que :

« L’acte juridique portant sur une somme d’argent supérieure à 1 500 euros doit être prouvé par écrit, sauf en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer ledit écrit. »

« Il peut être suppléé à l’absence d’écrit par un commencement de preuve par écrit, corroboré par un autre moyen de preuve. »

Dans cette affaire, [P] [D] a soutenu qu’il s’agissait d’un prêt, tandis que [H] [M] a affirmé qu’il s’agissait d’un don manuel.

Le tribunal a constaté que la remise de la somme de 4 900 euros, accompagnée de l’acquisition du véhicule, a été effectuée sans reconnaissance de dette formelle.

Ainsi, le tribunal a conclu que [P] [D] avait accepté d’être dépossédé de ses fonds de manière irrévocable, ce qui caractérise un don manuel.

En conséquence, la demande de remboursement de [P] [D] a été rejetée.

Quelles sont les conditions de la reconnaissance de dette selon le Code civil ?

La reconnaissance de dette est encadrée par les articles 1359 et 1360 du Code civil, qui précisent les exigences de preuve pour les actes juridiques portant sur des sommes d’argent.

L’article 1359 dispose que :

« L’acte juridique portant sur une somme d’argent supérieure à 1 500 euros doit être prouvé par écrit, sauf en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer ledit écrit. »

L’article 1360 ajoute que :

« Il peut être suppléé à l’absence d’écrit par un commencement de preuve par écrit, corroboré par un autre moyen de preuve. »

Dans le cas présent, bien que [H] [M] ait mentionné une reconnaissance de dette dans des échanges de messages, le tribunal a jugé que ces éléments ne constituaient pas un commencement de preuve suffisant.

Il a été établi qu’aucun document écrit n’atteste de l’existence d’un prêt, et les échanges de SMS ne corroborent pas la reconnaissance de la dette.

Ainsi, la demande de [P] [D] a été déboutée en raison de l’absence de preuve écrite.

Quelles sont les conséquences de la mauvaise foi dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts ?

Les conséquences de la mauvaise foi dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts sont régies par l’article 1240 du Code civil, qui stipule que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans cette affaire, [P] [D] a allégué que [H] [M] avait agi de mauvaise foi, justifiant ainsi sa demande de dommages et intérêts.

Cependant, le tribunal a constaté que la mauvaise foi de [H] [M] n’était pas établie.

En conséquence, la demande de [P] [D] a été rejetée, car il n’y avait pas de preuve suffisante pour établir que [H] [M] avait causé un dommage par sa faute.

Ainsi, la demande de dommages et intérêts a été déboutée.

Quelles sont les implications des articles 700 et 696 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

Les articles 700 et 696 du Code de procédure civile traitent des frais irrépétibles et des dépens dans le cadre d’une procédure judiciaire.

L’article 700 dispose que :

« La partie qui succombe est condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

L’article 696 précise que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a débouté [P] [D] de ses demandes en remboursement et en dommages et intérêts, ce qui signifie qu’il a succombé dans l’instance.

En conséquence, [P] [D] a été condamné à payer à [H] [M] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700, ainsi qu’aux dépens.

De plus, la demande de [P] [D] au titre de l’article 700 a également été rejetée, renforçant ainsi la décision du tribunal en faveur de [H] [M].

Minute n° 25/6

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES – PALAIS DE JUSTICE

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JUGEMENT du 7 Janvier 2025
__________________________________________

ENTRE :

Monsieur [Y] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Demandeur représenté par Me Dominique GUENOT, avocat au barreau de NEVERS, substitué par Maître Gilles APCHER, avocat au barreau de NANTES

D’une part,

ET:

Madame [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Défenderesse représentée par Me Claire LE DIRAC’H, avocat au barreau de NANTES

D’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Constance DESMORAT
GREFFIER : Nathalie DEPIERROIS

PROCEDURE :

date de la première évocation : 22 Mars 2024
date des débats : 11 Juin 2024
délibéré au : 17 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe
prorogé au : 07 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe

N° RG 24/00465 – N° Portalis DBYS-W-B7I-MZLC

COPIES AUX PARTIES LE :
EXPOSE DU LITIGE

Le 27 octobre 2022, [Y] [D] a acquis un véhicule d’occasion de marque CITROEN modèle C1 par chèque de banque d’un montant de 4 900 euros. Le véhicule est en possession de [H] [M].

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 novembre 2022, [Y] [D] a mis [H] [M] en demeure de lui rembourser la somme de 4 900 euros ainsi que la somme de 1 000 euros versée par virement du 21 octobre 2022.

Un accord amiable aux fins de remboursement de la somme de 1 000 euros a été trouvé le 30 mars 2023.

Aucun accord amiable n’a été trouvé concernant la somme de 4 900 euros.

Par acte de commissaire de justice délivré le 7 février 2024, [Y] [D] a fait assigner [H] [M] devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de paiement de la somme de 4 900 euros et indemnisation de son préjudice.

Suivant ses dernières conclusions, [P] [D] demande au tribunal de condamner [H] [M] au paiement des sommes de 4 900 euros en remboursement des sommes dues, 1 000 euros pour résistance abusive et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et de débouter [H] [M] de toutes ses demandes contraires.

Au soutien de ses prétentions, [P] [D] fait valoir qu’il a prêté la somme de 4 900 euros à [H] [M] qui s’était engagée à faire une reconnaissance de dette et à lui rembourser. Il précise que la nature des relations entretenues avec [H] [M] lors du prêt l’a empêché d’obtenir une reconnaissance de dette.
Il ajoute que la mauvaise foi de [H] [M] dans leurs échanges quant au remboursement de la somme prêtée justifie la condamnation de cette dernière au paiement de dommages et intérêts.

Suivant ses dernières écritures, [H] [M] demande au tribunal de :
Constater l’absence d’écrit prouvant la reconnaissance de detteConstater l’inexistence d’un prêt affectant le véhicule CITROEN C1Constater l’absence de qualité de débitrice de [H] [M] à l’égard de [P] [D]ébouter [P] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre [H] PARATCondamner [P] [D] à payer à [H] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.A titre subsidiaire, [H] [M] demande au tribunal de constater sa situation de surendettement et son état d’impécuniosité.
A titre très subsidiaire, elle demande au tribunal d’accorder des délais de paiement, de circonscrire la mensualité due à la somme de 50 euros par mois et de débouter [P] [D] de ses demandes plus amples ou contraires.

En réplique, [H] [M] fait valoir que la somme de 4 900 euros constitue un don manuel pour l’achat d’un véhicule qu’elle n’a pas sollicité et qu’elle n’avait pas les moyens d’acheter au regard de sa situation de surendettement. Elle souligne que la relation avec [P] [D] était récente et n’a duré que peu de temps, l’impossibilité d’obtenir un écrit n’est donc pas établie et les sms échangés ne démontrent pas une reconnaissance de la dette mais la seule volonté d’apaiser la situation avec [P] [D] dont le comportement devenait menaçant.
Elle conteste la demande de dommages et intérêts de [P] [D] et précise sa situation d’impécuniosité.

Après plusieurs renvois à la demande de l’une des parties au moins, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 11 juin 2024.

Lors des débats, les parties ont comparu représentées par leur conseil respectif.

La présente décision, susceptible d’appel, sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience, la Présidente a avisé les parties que le prononcé du jugement aura lieu le 17 septembre 2024 prorogé au 7 janvier 2025, par mise à disposition au greffe du tribunal.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est rappelé que conformément à l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. A ce titre, le juge ne tranche que les prétentions qui lui sont soumises, il n’y a dès lors pas lieu de répondre aux demandes de constat, de donner acte ou de dire et juger.

Sur la demande de remboursement
Il résulte des articles 1359 et 1360 du code civil que l’acte juridique portant sur une somme d’argent supérieure à 1 500 euros doit être prouvé par écrit sauf en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer ledit écrit.
L’article 1361 du même code précise qu’il peut être suppléé à l’absence d’écrit par un commencement de preuve par écrit, défini à l’article suivant, corroboré par un autre moyen de preuve.

Par ailleurs, le don manuel se révèle par la remise de la chose donnée dans des conditions assurant la dépossession irrévocable du donateur.

En l’espèce, le véhicule de marque CITROEN modèle C1 immatriculé 353 SM 58 dont aucune des parties ne conteste qu’il a été acquis par chèque de banque tiré sur le compte de [P] [D] pour la somme de 4 900 euros et se trouve en possession de [H] [M], a été acquis le 28 octobre 2022.

Chronologiquement, il ressort des pièces dont la date peut être établie produites aux débats que :
Le 29 octobre 2022, [P] [D] a transmis par sms un relevé d’identité bancaire à [H] [M] et a demandé à cette dernière d’envoyer une reconnaissance de dette. [H] [M] a répondu qu’elle allait faire le nécessaire.Le 30 octobre 2022, [H] [M] a envoyé un mail à [P] [D] indiquant qu’il sera remboursé au centime près.Le 10 novembre 2022, [H] [M] a écrit par courrier simple à [P] [D] qu’elle effectuera des versements mensuels de 100 euros à compter du mois de janvier 2023 « pour lever toute ambiguïté, sans qu’il y ait un quelconque signe de reconnaissance, sans qu’il y ait le moindre engagement ».
Il est manifeste que la relation de [P] [D] et [H] [M] s’est délitée très rapidement après l’achat du véhicule de sorte que l’impossibilité morale d’établir un écrit prouvant le prêt de la somme de 4 900 euros alléguée par [P] [D] ne peut prospérer ce d’autant qu’aucun élément ne permet d’établir une communauté de vie entre les parties ni même la pérennité de leur relation.

Le sms de [H] [M] dans lequel elle indique établir une reconnaissance de dette ne peut constituer un commencement de preuve par écrit dès lors qu’il n’est corroboré par aucun autre élément.

La position de [H] [M] consistant à considérer l’achat du véhicule par [P] [D] comme un cadeau de ce dernier qu’elle n’a pas sollicité est confortée par le sms du 18 octobre 2022 dans lequel elle indique que « pour le moment je vais attendre pour la voiture, ce n’est pas encore le moment (…) » et le sms non daté de [P] [D] dans lequel il indique que la voiture est à [H] [M].

Il apparaît également que la somme de 1 000 euros versée par [P] [D] le 21 octobre 2022 a été demandée par [H] [M] pour payer une facture de gaz (sms du 18 octobre 2022), est qualifiée de prêt par [P] [D] dans le courrier de mise en demeure du 2 novembre 2022 et a fait l’objet d’un accord amiable en vue du remboursement le 30 mars 2023. Cela démontre que cette somme est bien considérée comme un prêt par toutes les parties contrairement à la somme de 4 900 euros.

Enfin, en faisant établir un chèque de banque de 4 900 euros au nom du propriétaire du véhicule acquis et en ne revendiquant pas la propriété de celui-ci, [P] [D] a accepté d’être dépossédé de ses fonds de manière irrévocable. En cela, le comportement de [P] [D] s’analyse comme un don manuel fait à [H] [M].

Par conséquent, [P] [D] sera débouté de sa demande de remboursement de la somme de 4 900 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, au regard des développements précédents, la faute de [H] [M] qui s’évincerait de sa mauvaise foi n’est pas établie de sorte que [P] [D] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les mesures de fin de jugement
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, [P] [D] qui succombe à la présente instance sera condamné aux dépens et tenu de verser à [H] [M] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

[P] [D] sera débouté de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au Greffe,

DEBOUTE [P] [D] de ses demandes en remboursement et de dommages et intérêts formées contre [H] [M] ;

CONDAMNE [P] [D] à payer à [H] [M] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE [P] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [P] [D] aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Ainsi, jugé et prononcé les jour, mois et an susdits, le présent jugement a été signé par Constance DESMORAT, Vice-président et Nathalie DEPIERROIS, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,
N. DEPIERROIS C. DESMORAT


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