Prise en charge d’une maladie professionnelle : respect des délais de consultation et du principe du contradictoire.

·

·

Prise en charge d’une maladie professionnelle : respect des délais de consultation et du principe du contradictoire.

L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a notifié à la SAS AGIS la déclaration de maladie professionnelle de sa salariée, Madame [G] [B], le 15 mars 2021. Suite à la prise en charge de cette maladie, la SAS AGIS a contesté la décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. Le tribunal judiciaire d’Avignon a ensuite été saisi. En conclusion, le tribunal a déclaré la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS, la déboutant de sa demande d’inopposabilité et la condamnant aux dépens.

Exposé du litige

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a notifié à la SAS AGIS, par courrier du 15 mars 2021, la déclaration de maladie professionnelle de sa salariée, Madame [G] [B], accompagnée d’un certificat médical. Ce dernier mentionne une tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle et une acromioplastie de l’épaule droite. Suite à cela, la CPAM a décidé de diligenter une instruction.

Le 28 juin 2021, la CPAM a informé la SAS AGIS de la prise en charge de la maladie de Madame [G] [B] au titre de la législation sur les risques professionnels. En réponse, la SAS AGIS a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA), qui a implicitement rejeté sa demande. La société a alors saisi le tribunal judiciaire d’Avignon le 10 novembre 2021 pour contester cette décision.

Demandes des parties

La SAS AGIS a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, de constater que la CPAM n’avait pas respecté le délai de consultation des pièces du dossier, et de déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle. De son côté, la CPAM a demandé le rejet des demandes de la SAS AGIS, affirmant que la décision de prise en charge était opposable à la société et a demandé la condamnation de cette dernière aux dépens.

Motifs de la décision

Le tribunal a rappelé que les demandes visant à « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile. Concernant le délai de consultation, la SAS AGIS a soutenu que la CPAM avait manqué au principe du contradictoire en rendant sa décision avant la fin de la période de consultation. Cependant, la CPAM a fait valoir que la décision pouvait être prise avant la fin de cette période, ce qui a été confirmé par le tribunal.

Le tribunal a conclu que la CPAM n’avait pas violé le principe du contradictoire et a déclaré la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS. En conséquence, la société a été déboutée de sa demande d’inopposabilité.

Conclusion

Le tribunal judiciaire d’Avignon a statué en faveur de la CPAM, déclarant la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS et condamnant cette dernière aux dépens de l’instance. Le jugement a été mis à disposition des parties le 22 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications du non-respect du principe du contradictoire dans le cadre de la prise en charge d’une maladie professionnelle ?

Le principe du contradictoire est un fondement essentiel du droit à un procès équitable, garantissant que chaque partie puisse prendre connaissance des éléments du dossier et formuler des observations.

L’article R.461-9 III du code de la sécurité sociale stipule que :

« À l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R.441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier.

Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Dans cette affaire, la SAS AGIS a soutenu que la CPAM avait manqué à ce principe en rendant sa décision de prise en charge avant l’expiration du délai de consultation.

Cependant, le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas violé le principe du contradictoire, car la décision de prise en charge a été rendue après l’expiration du délai de consultation pour observations, mais avant la fin du délai de consultation passive.

Ainsi, seul le non-respect du contradictoire durant la phase de consultation active aurait pu entraîner l’inopposabilité de la décision, ce qui n’était pas le cas ici.

Quels sont les effets de la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle sur l’employeur ?

La décision de prise en charge d’une maladie professionnelle a des conséquences directes sur l’employeur, notamment en ce qui concerne ses obligations financières et administratives.

L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale précise que :

« Les maladies professionnelles sont celles qui figurent sur une liste établie par décret et qui sont causées par le travail.

La reconnaissance d’une maladie professionnelle ouvre droit à des prestations en nature et en espèces. »

Dans le cas présent, la CPAM a reconnu la maladie de Madame [G] [B] comme étant une maladie professionnelle, ce qui signifie que la SAS AGIS est désormais responsable des conséquences financières liées à cette reconnaissance.

Cela inclut le paiement des indemnités journalières et des frais médicaux, ainsi que d’éventuelles majorations de cotisations.

La SAS AGIS a contesté cette décision, mais le tribunal a déclaré la décision de prise en charge opposable à l’employeur, ce qui signifie qu’elle doit en assumer les conséquences.

En conséquence, la SAS AGIS est tenue de respecter les obligations qui en découlent, même si elle conteste la décision de la CPAM.

Comment la SAS AGIS peut-elle contester la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle ?

La contestation d’une décision de prise en charge d’une maladie professionnelle par un employeur doit suivre une procédure spécifique, comme le prévoit le code de la sécurité sociale.

L’article R. 461-10 du code de la sécurité sociale indique que :

« L’employeur peut contester la décision de la caisse dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

La contestation est portée devant la commission de recours amiable. »

Dans cette affaire, la SAS AGIS a effectivement saisi la commission de recours amiable (CRA) après avoir reçu la notification de la décision de prise en charge.

Cependant, la CRA a implicitement rejeté sa demande, ce qui a conduit la SAS AGIS à saisir le tribunal judiciaire.

Il est important de noter que la contestation doit être fondée sur des éléments juridiques ou factuels précis, et que le tribunal examinera si la procédure a été respectée et si la décision de la CPAM était justifiée.

Dans ce cas, le tribunal a jugé que la CPAM avait respecté les délais et les procédures, rendant ainsi la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS.

Ainsi, même si l’employeur conteste la décision, il doit se conformer à celle-ci tant qu’elle n’est pas annulée par une décision judiciaire.

COUR D’APPEL DE NÎMES
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON

N° RG 21/00840 – N° Portalis DB3F-W-B7F-I553
Minute N° : 258/00088

CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

JUGEMENT DU 22 Janvier 2025

DEMANDEUR

S.A.S. AGIS REPRESENTEE PAR SON PRESIDENT
ZI DE COURTINE
802 RUE SAINTE GENEVIEVE
84000 AVIGNON
représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR :

C.P.A.M DE LA LOIRE ATLANTIQUE
9 rue Gaëtan RONDEAU
44958 NANTES CEDEX 9
représentée par Mme [H] [F] (Salariée), munie d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Olivia VORAZ, Juge, Présidente
M. René BERTOLINI, Assesseur employeur,
Madame Tedjinia-Teddy LOUAFIA, Assesseur salarié,

assistés de Mme Fabienne RAVAT,greffier,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE
Audience publique du 27 Novembre 2024

JUGEMENT :
A l’audience publique du 27 Novembre 2024 , après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé à la date du 22 Janvier 2025 par la mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort.

_______________________
Copie exécutoire délivrée à :CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

EXPOSE DU LITIGE

Par courrier du 15 mars 2021, notifié le 17 mars 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a adressé à la SAS AGIS, copie de la déclaration de maladie professionnelle établie par sa salariée Madame [G] [B] le 19 février 2021 et accompagnée d’un certificat médical initial du 09 février 2021 faisant état d’une « tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle- acromioplastie de l’épaule droite ».

La CPAM de la Loire Atlantique a estimé nécessaire de diligenter une instruction.

Par courrier du 28 juin 2021, notifié le 30 juin 2021, la CPAM de la Loire Atlantique a informé la SAS AGIS de la prise en charge de la maladie de Madame [G] [B], au titre de la législation sur les risques professionnels et du tableau n°57 : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

La SAS AGIS a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse.

La CRA ayant implicitement rejeté sa demande et déclaré la maladie professionnelle de Madame [G] [B] comme lui étant opposable, la SAS AGIS a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, par requête adressée le 10 novembre 2021 d’un recours à l’encontre de cette décision.

Cette affaire a été fixée et évoquée à l’audience du 27 novembre 2024.

Par conclusions déposées et soutenues oralement par son avocat, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la SAS AGIS demande au tribunal de :

– Déclarer recevable et bien fondé son recours ;
– Constater que la CPAM n’a laissé aucun délai à la société AGIS pour consulter les pièces du dossier à l’issue de la phase permettant aux parties de consulter les éléments recueillis et de former des observations ;
– Déclarer inopposable à la société AGIS la décision de prise en charge par la CPAM de la maladie professionnelle déclarée par Madame [B].

Par conclusions déposées et soutenues oralement pas sa représentante, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la CPAM de la Loire Atlantique demande au tribunal de:

– Rejeter l’ensemble des demandes de la société AGIS ;
– Dire opposable à la société AGIS, la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie professionnelle déclarée par Madame [G] [B];
– condamner la société AGIS aux dépens.

Cette affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal, de même que les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur le délai de consultation passive

Les dispositions de l’article R.461-9 III du code de la sécurité sociale prévoient que « A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R.441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. ».

La SAS AGIS soutient que la caisse a manqué au principe du contradictoire en rendant sa décision de prise en charge le 28 juin 2021 alors que la période de consultation du dossier pour observations expirait le 25 juin 2021, réduisant ainsi le délai de consultation passive.

La CPAM de la Loire Atlantique fait valoir que l’inopposabilité sanctionne la seule méconnaissance du principe du contradictoire résultant de ce que l’employeur n’aurait pas été en mesure de faire valoir utilement ses observations pendant le délai règlementaire de 10 jours francs, en l’espèce du 14 au 25 juin 2021, ce qui n’est nullement le cas en l’espèce. La caisse considère que la décision de prise en charge intervenue le 28 juin 2021 pouvait parfaitement être prise avant le terme du délai de consultation passive fixé le 05 juillet 2021.
Le tribunal relève que si les dispositions de l’article R.461-9 III précité prévoient un délai de consultation sans possibilité de formuler d’observation, la durée d’un tel délai n’y est nullement précisée. Il ne permet pas d’ajouter des pièces au dossier et constitue donc un simple droit d’accès à ce dernier. Le texte n’impose ainsi pas à la caisse de différer sa prise de décision si elle est d’ores et déjà en mesure de la prendre.

En effet, seul le non-respect du contradictoire au cours de la première phase de consultation de dix jours francs est susceptible d’entrainer l’inopposabilité de la décision de prise en charge, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Compte tenu de ce qui précède, en rendant sa décision de prise en charge le 28 juin 2021, au terme du délai de consultation avec observations expiré le 25 juin 2021 et pendant le délai de consultation passive dont le terme était fixé au 05 juillet 2021, la CPAM de la Loire Atlantique n’a pas violé le principe du contradictoire, de sorte que la SAS AGIS sera déboutée de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge contestée, laquelle lui sera déclarée opposable.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS AGIS succombant, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties, contradictoire et en premier ressort :

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité du recours ;

Déclare opposable à la SAS AGIS la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire Atlantique du 28 juin 2021 de la pathologie « tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle- acromioplastie de l’épaule droite » présentée par Madame [G] [B] au titre de la législation professionnelle ;

Condamne la SAS AGIS aux dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon le 22 janvier 2025.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon