Prise en charge d’une maladie professionnelle : conditions et présomption d’origine

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Prise en charge d’une maladie professionnelle : conditions et présomption d’origine

L’Essentiel : Madame [H] [W], employée de la Société [5], a déclaré une épicondylite droite le 6 août 2021. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie a pris en charge sa maladie le 8 décembre 2021, mais la Société [5] a contesté cette décision. Après le rejet de sa contestation par la Commission de Recours Amiable, la Société a saisi le tribunal le 29 mai 2024, arguant que la date de première constatation médicale n’était pas documentée. Le tribunal a confirmé la légitimité de la décision de la Caisse, déboutant ainsi la Société [5] et condamnant celle-ci aux dépens.

Contexte de l’affaire

Madame [H] [W], employée de la Société [5], a présenté un certificat médical le 6 août 2021, indiquant une « épicondylite droite ». Suite à cela, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Vendée a demandé à l’assurée de remplir une déclaration de maladie professionnelle, ce qu’elle a fait le 15 août 2021.

Décision de la Caisse

Le 8 décembre 2021, la Caisse a notifié à Madame [W] et à la Société [5] la prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle. Cependant, la Société [5] a contesté cette décision en saisissant la Commission de Recours Amiable le 2 février 2022, qui a rejeté la contestation lors de sa séance du 17 mars 2022.

Procédure judiciaire

Le 29 mai 2024, la Société [5] a introduit une requête auprès du Pôle Social du Tribunal judiciaire de Paris pour contester la décision de rejet. Elle a demandé au tribunal de constater que le dossier de la Caisse ne permettait pas de vérifier la date de première constatation médicale fixée au 24 juin 2021 et de déclarer inopposable la décision de prise en charge.

Arguments des parties

La Société [5] a soutenu que la condition administrative du délai de prise en charge de 14 jours n’était pas respectée, car la date de première constatation médicale n’était pas documentée. En réponse, la Caisse a demandé au tribunal de débouter la Société [5] et de déclarer opposable la décision de prise en charge.

Analyse juridique

Le tribunal a examiné les dispositions du code de la sécurité sociale concernant la présomption d’origine professionnelle des maladies. Il a noté que la date de première constatation médicale est déterminée par le médecin conseil et que cette date peut être fondée sur des éléments non communiqués à l’employeur en raison du secret médical.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que la date de première constatation médicale retenue par la Caisse était justifiée par des éléments médicaux, même si ceux-ci n’étaient pas directement accessibles à la Société [5]. Par conséquent, il a débouté la Société [5] de sa demande en inopposabilité de la décision de la Caisse.

Conséquences de la décision

La Société [5] a été condamnée aux dépens, et l’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. Le tribunal a également rappelé que tout appel devait être interjeté dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prise en charge d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?

La prise en charge d’une maladie professionnelle est régie par plusieurs articles du Code de la sécurité sociale, notamment les articles L.461-1 et L.461-2.

Selon l’article L.461-1, « Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

La caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. »

Ainsi, pour qu’une maladie soit reconnue d’origine professionnelle, il faut que les conditions du tableau soient respectées, notamment le délai de prise en charge.

Comment est déterminée la date de première constatation médicale d’une maladie professionnelle ?

La date de première constatation médicale est précisée dans l’article D.461-1-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « Pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil. »

Cela signifie que la date de première constatation médicale peut être antérieure à celle du certificat médical initial et qu’elle est déterminée par le médecin conseil, en se basant sur les premières manifestations de la maladie.

Quelles sont les conséquences d’un manquement aux conditions de prise en charge d’une maladie professionnelle ?

L’article L.461-2 du Code de la sécurité sociale précise que lorsque les conditions du tableau font défaut, la maladie n’est pas présumée d’origine professionnelle. Cependant, elle peut être reconnue d’origine professionnelle si la victime établit que la maladie est directement causée par son travail habituel.

Cela implique que l’employeur peut contester la décision de prise en charge si les conditions ne sont pas remplies, comme dans le cas où la date de première constatation médicale n’est pas clairement établie.

Quels sont les recours possibles en cas de contestation d’une décision de prise en charge par la Caisse ?

En cas de contestation d’une décision de prise en charge, l’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe en ses prétentions peut être condamnée aux dépens.

De plus, la partie qui souhaite contester la décision peut saisir la Commission de Recours Amiable, puis éventuellement le tribunal compétent, comme cela a été fait par la Société [5] dans cette affaire.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans le cadre d’une décision de prise en charge ?

L’article R. 142-10-6 du Code de la sécurité sociale permet d’ordonner l’exécution provisoire d’une décision de prise en charge. Cela signifie que la décision de la Caisse peut être mise en œuvre immédiatement, même si elle est contestée, afin de garantir la protection des droits de l’assuré.

Cette exécution provisoire est essentielle pour assurer que les victimes de maladies professionnelles reçoivent rapidement les soins et les compensations nécessaires, sans attendre la résolution des litiges juridiques.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 22/01419 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXBJO

N° MINUTE :

Requête du :

17 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDERESSE

Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Guillaume ROLAND de la SCP Herald anciennement Granrut, avocats au barreau de PARIS, substitué par Maître PLEUVRET, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

C.P.A.M. DE VENDÉE
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Maître Florence KATO, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame RANDOULET, Magistrate
Monsieur HULLO, Assesseur
Madame KADRI-MAROUARD, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

Décision du 22 Janvier 2025
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/01419 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXBJO

DEBATS

A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [H] [W], salariée de la Société [5], a transmis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Vendée (ci-après « la Caisse ») un certificat médical initial établi le 06 août 2021, faisant état d’une « Epicondylite droite ».

Le 31 août 2021, la Caisse a demandé à l’assurée de remplir une déclaration de maladie professionnelle.

Madame [W] a complété la déclaration le 15 août 2021 faisant état d’une « épicondylite du coude droit ».

Le 27 août 2021, la Caisse a transmis à la Société [5], un exemplaire de la déclaration de la maladie professionnelle et du certificat médical initial.

Après instruction et par notification en date du 8 décembre 2021, la Caisse a informé l’assurée et l’employeur de la prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle (Tableau n°57 B).

La Société [5] a contesté cette décision et saisi la Commission de Recours Amiable le 2 février 2022.

Lors de sa séance du 17 mars 2022, la Commission de Recours Amiable a rejeté la contestation formulée par la Société [5].

Par requête en date du 29 mai 2024, reçue au greffe le 30 mai 2024, la Société [5] a saisi le Pôle Social du Tribunal judiciaire de Paris d’une contestation de la décision explicite de rejet.

Par conclusions n°2 déposées et soutenues oralement à l’audience, la société [5], représentée par son conseil, demande au tribunal de:
– constater que le dossier constitué par la Caisse ne permet pas de vérifier dans quelles conditions la date de première constatation médicale fixée par le médecin conseil, le 24 juin 2021 ;
– lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Madame [W] ;

A l’appui de sa demande, la société [5] soutient que la condition administrative tenant au délai de prise en charge de 14 jours n’est pas respecté dès lors que la date de première constatation médicale retenue par la Caisse figure seulement sur le colloque médico-administratif et sur aucun des autres éléments du dossier.

La Caisse, représentée par son conseil, a soutenu oralement ses dernières conclusions reçues au greffe le 12 novembre 2024, demande au Tribunal de :
– débouter la société [5] de son recours,
– déclarer opposable à la société [5] la décision de la caisse de prendre en charge la maladie professionnelle du 24 juin 2021 de Madame [W].

En réponse, elle fait valoir que la date de première constatation de la maladie a été fixée au 24 juin 2021 que Madame [W] a cessé d’être exposée aux risques le 23 juin 2021, date du premier arrêt de travail.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 22 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en inopposabilité de la décision de prise en charge

Selon les dispositions de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, “(…)Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime (…)la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles(…)”.

Est ainsi instaurée une présomption d’origine professionnelle au bénéfice de toute personne atteinte d’une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Lorsque la demande de la victime réunit ces conditions, la maladie est présumée d’origine professionnelle, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail. Cette présomption n’est toutefois pas irréfragable et la preuve peut être rapportée, par l’employeur que l’affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail (art. L.461-2 du Code de la sécurité sociale).

Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement les éléments concourant à la réunion des conditions énoncées aux tableaux.

Lorsqu’une ou plusieurs conditions du tableau font défaut, la maladie n’est pas présumée d’origine professionnelle mais peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime, après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

L’article D.461-1-1 du Code de la sécurité sociale prévoit que « Pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil. »

En l’espèce, alors que la Caisse a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Madame [W] dans le cadre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, la société [5] conteste la condition tenant au délai de prise en charge.
Le tableau n°57 relatif aux « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures ” prévoit dans sa partie B, s’agissant d’une Tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit, un délai de prise en charge de 14 jours à compter de la cessation de l’exposition au risque.

La Société [5] ne conteste pas la fin d’exposition de sa salariée au risque au 23 juin 2021 mais soutient que la condition relative au délai de prise en charge fait défaut, dès lors qu’aucun document médical ne permet d’établir la date de première constatation médicale, de sorte que la présomption d’origine professionnelle de la maladie n’est pas applicable.
Or, il résulte de la combinaison des articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l’exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l’existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi, et qu’elle est fixée par le médecin-conseil.
Il est constant que la preuve de la date de première constatation médicale peut résulter du seul avis du médecin-conseil dès lors que cet avis est fondé sur des éléments extrinsèques sans que l’on puisse imputer à la caisse une carence pour ne pas avoir produit les éléments extrinsèques ayant fondé l’avis du médecin-conseil.
La pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n’est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à disposition de la victime ou de ses ayants-droits ou de l’employeur.
En application de ces principes, la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil peut correspondre à une date indiquée dans une pièce non communiquée à l’employeur car couverte par le secret médical, mais que les colloques médico-administratifs qui ont été communiqués à ce dernier mentionnent avec la nature de l’événement ayant permis de la retenir.
Ainsi, la caisse peut se prévaloir d’une pièce médicale couverte par le secret qui établit la date de première constatation qui a servi à l’établissement du diagnostic du médecin-conseil.
En l’espèce, le colloque médico administratif fixe la date de première constatation médicale au 24 juin 2021 et précise que la date a été fixée à la date de l’arrêt de travail en lien avec la pathologie.
La Caisse, qui fait à juste titre prévaloir le secret médical pour justifier l’absence de communication de la pièce médicale ayant permis au médecin conseil de fixer cette date de première constatation, verse aux débats une image décompte justifiant qu’une consultation médicale, qui aurait été réalisée par le Docteur [Z] [X] (praticien ayant réalisé le certificat médical initial) a été enregistrée et remboursée le 24 juin 2021 à l’assurée.
Dès lors, la fixation de la date de première constatation médicale à la date retenue dans la concertation médico-administrative, date certes différente de celle apposé sur le certificat médical initial mais dont le médecin conseil indiquant sur quel élément il s’est basé pour fixer retenir cette date.
Dès lors, ces éléments sont suffisants et il y a lieu de débouter la Société [5] de sa demande en inopposabilité de la décision de la Caisse de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par Madame [H] [W] le 15 août 2021.

Sur les dépens

La Société [5], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, et rendu par mise à disposition au greffe ;

Déboute la Société [5] de sa demande en inopposabilité de la décision de la Caisse Primaire D’assurance Maladie de Vendée du 08 décembre 2021 relative à la prise en charge de la maladie déclarée par Madame [W] le 15 août 2021 suivant certificat médical initial du 06 août 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Condamne la Société [5] aux dépens de l’instance ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025.

La Greffière La Présidente

N° RG 22/01419 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXBJO

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : Société [5]

Défendeur : C.P.A.M. DE VENDÉE

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

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