Prise en charge d’un accident du travail : enjeux de la matérialité et de l’inopposabilité

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Prise en charge d’un accident du travail : enjeux de la matérialité et de l’inopposabilité

L’Essentiel : Le 22 août 2019, la S.A.S. CRIT a signalé un accident du travail survenu le 13 août 2019, impliquant sa salariée, Madame [F] [B]. Après avoir glissé sur de l’huile, elle s’est blessée au bras et à la jambe, développant une tendinite au poignet. La CPAM a pris en charge l’accident, mais la S.A.S. CRIT a contesté cette décision. Le tribunal a examiné la matérialité de l’accident, notant l’absence de réserves de l’employeur et de témoins. En conséquence, il a déclaré inopposable la prise en charge par la CPAM, condamnant cette dernière aux dépens.

Contexte de l’accident

Le 22 août 2019, la S.A.S. CRIT a déclaré un accident du travail à la CPAM du Vaucluse concernant sa salariée, Madame [F] [B], survenu le 13 août 2019. Selon les dires de l’intérimaire, de l’huile avait coulé sur le sol, et après avoir placé un carton pour prévenir un éventuel accident, elle a glissé et est tombée, se blessant au bras et à la jambe droite. Elle a continué à travailler malgré la douleur, mais a consulté un médecin quelques jours plus tard, qui a diagnostiqué une tendinite au poignet droit.

Prise en charge par la CPAM

Le 20 août 2019, un certificat médical a confirmé la tendinite, et la CPAM a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels, informant la S.A.S. CRIT de sa décision le 13 septembre 2019.

Contestation de la décision

Le 8 novembre 2019, la S.A.S. CRIT a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM. La CRA a confirmé la décision de prise en charge lors de sa séance du 22 avril 2020, notifiée le 8 septembre 2021. En réponse, la S.A.S. CRIT a saisi le tribunal judiciaire d’Avignon le 2 novembre 2021.

Arguments de la S.A.S. CRIT

La S.A.S. CRIT a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, d’infirmer la décision de la CRA, et de déclarer inopposable la prise en charge de l’accident. Elle a soutenu que la CPAM n’avait pas mené d’instruction préalable et que la matérialité de l’accident n’était pas établie.

Arguments de la CPAM

De son côté, la CPAM a demandé au tribunal de débouter la S.A.S. CRIT de toutes ses demandes et de confirmer la décision de prise en charge. Elle a fait valoir que l’absence de réserves de l’employeur ne justifiait pas une instruction préalable et que des présomptions suffisantes établissaient la matérialité de l’accident.

Analyse du tribunal

Le tribunal a rappelé que la contestation de la décision de la CPAM ne relevait pas de la légalité de la décision mais de la matérialité de l’accident. Il a constaté que la S.A.S. CRIT n’avait pas formulé de réserves sur les circonstances de l’accident, permettant ainsi à la CPAM de prendre sa décision sans enquête préalable.

Décision finale

Le tribunal a conclu que la matérialité de l’accident n’était pas établie, en raison de l’absence de témoins et du délai entre l’accident et la déclaration. Il a donc déclaré inopposable à la S.A.S. CRIT la décision de prise en charge de l’accident par la CPAM et a condamné cette dernière aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prise en charge d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?

L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Cet article établit que pour qu’un événement soit qualifié d’accident du travail, il doit survenir dans le cadre de l’activité professionnelle de la victime.

De plus, la présomption d’accident du travail s’applique lorsque l’accident se produit pendant le temps et sur le lieu de travail.

Il incombe à l’employeur de prouver que l’accident a une cause totalement étrangère au travail, tandis que la caisse, subrogée dans les droits de la victime, doit prouver la matérialité de l’accident.

Ainsi, la matérialité de l’accident doit être établie par des éléments probants, et non seulement par les déclarations du salarié.

Quel est le rôle de la caisse primaire d’assurance maladie dans l’instruction des accidents du travail ?

L’article R.441-7 du Code de la sécurité sociale précise que :

« La caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident du travail et du certificat médical initial, soit pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident, soit pour engager des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées émises par l’employeur. »

Cet article indique que la caisse doit examiner la déclaration d’accident et le certificat médical pour décider de la prise en charge.

Si des réserves sont émises par l’employeur, la caisse est tenue d’engager des investigations.

En l’absence de réserves, comme dans le cas de la S.A.S. CRIT, la caisse peut prendre sa décision sans instruction préalable.

Il est donc essentiel pour l’employeur de formuler des réserves s’il conteste la prise en charge, car cela déclenche l’obligation d’instruction de la caisse.

Quelles sont les conséquences de l’absence de réserves formulées par l’employeur ?

L’article R.441-11 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« Les réserves ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. »

En l’absence de réserves, comme cela a été le cas pour la S.A.S. CRIT, la caisse n’est pas tenue de diligenter une instruction préalable.

Cela signifie que la caisse peut procéder à la prise en charge de l’accident sans avoir à vérifier les circonstances de l’accident, ce qui peut être préjudiciable à l’employeur en cas de contestation ultérieure.

Ainsi, l’absence de réserves de la part de l’employeur a permis à la caisse de considérer l’accident comme professionnel sans enquête supplémentaire.

Comment la matérialité de l’accident est-elle établie dans le cadre d’un litige ?

La matérialité de l’accident doit être prouvée par des éléments concrets, comme le stipule la jurisprudence.

La Cour de cassation a précisé que la preuve de la matérialité de l’accident peut être rapportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes, conformément à l’article 1382 du Code civil.

Il est également établi que les déclarations du salarié doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.

Dans le cas présent, la S.A.S. CRIT a contesté la matérialité de l’accident en soulignant l’absence de témoins et le fait que la salariée avait continué à travailler après l’accident.

La CPAM, de son côté, a soutenu qu’elle disposait de présomptions suffisantes pour établir la matérialité de l’accident, malgré l’absence de témoins.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur la prise en charge de l’accident ?

La décision du tribunal a déclaré inopposable à la S.A.S. CRIT la décision de prise en charge de l’accident par la CPAM.

Cela signifie que la S.A.S. CRIT n’est pas tenue de reconnaître l’accident comme un accident du travail, ce qui a des implications sur les droits de la salariée en matière d’indemnisation.

En conséquence, la CPAM a été condamnée aux dépens, ce qui souligne que la caisse a échoué à prouver la matérialité de l’accident dans le cadre de ce litige.

Cette décision rappelle l’importance pour la caisse de fournir des preuves solides et concordantes pour établir le caractère professionnel d’un accident, surtout en l’absence de réserves de l’employeur.

COUR D’APPEL DE NÎMES
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON

N° RG 21/00814 – N° Portalis DB3F-W-B7F-I5UZ
Minute N° :25/00086

CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

JUGEMENT DU 22 Janvier 2025

DEMANDEUR

S.A.S. CRIT
Prise en la personne de sa Présidente Mme [S]
6 Rue Toulouse Lautrec
75017 PARIS
représentée par M. [M] [I] (Salarié) muni d’un pouvoir spécial

DEFENDEUR :

CPAM HD AVIGNON
Service Juridique et fraude
TSA 99998
84000 AVIGNON
représentée par Mme [D] [O] (Salariée) muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Olivia VORAZ, Juge, Présidente
M. René BERTOLINI, Assesseur employeur,
Madame Tedjinia-Teddy LOUAFIA, Assesseur salarié,

assistés de Mme Fabienne RAVAT,greffier,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE
Audience publique du 27 Novembre 2024

JUGEMENT :
A l’audience publique du 27 Novembre 2024 , après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé à la date du 22 Janvier 2025 par la mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort.

_______________________
Copie exécutoire délivrée à :
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 août 2019, la S.A.S. CRIT a transmis à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Vaucluse une déclaration d’accident du travail, concernant sa salariée Madame [F] [B], survenu le 13 août 2019 dans les circonstances suivantes: “selon les dires de l’intérimaire. L’intérimaire nous a déclaré : “De l’huile a coulé sur le sol, j’ai alors placé un carton en attendant le ménage. J’ai alors glissée sur ce carton déposé au sol. Je suis tombée sur mon bras et ma jambe droite. J’ai continué le travail mais quelque jours après je me suis rendue chez mon médecin car les douleurs ne passaient pas. J’ai une tendinite au poignet droit””.

Le certificat médical initial en date du 20 août 2019 établi par le docteur [K] [U] a constaté une “tendinite fléchisseur poignet droit”. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu’au 24 août 2019.

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Vaucluse a pris en charge l’accident du 13 août 2019, au titre de la législation sur les risques professionnels, ce dont elle a informé la S.A.S. CRIT par décision du 13 septembre 2019.

Le 08 novembre 2019, la S.A.S. CRIT a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM du Vaucluse en contestation de la décision du 13 septembre 2019.

Par décision explicite en sa séance du 22 avril 2020, notifiée le 08 septembre 2021, la CRA a confirmé la décision de la CPAM du Vaucluse et déclaré opposable à la S.A.S. CRIT les conséquences de l’accident du travail du 13 août 2019.

Contestant cette décision, la S.A.S. CRIT a, par recours du 02 novembre 2021, saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon.

Cette affaire a été fixée et évoquée à l’audience du 27 novembre 2024.

La S.A.S. CRIT, par conclusions déposées et soutenues oralement par son représentant, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, demande au tribunal de:

– déclarer recevable et bien fondé le recours de la Société CRIT ;
– infirmer la décision de rejet du 24 mars 2023 de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse ;
En conséquence,
– déclarer inopposable à l’égard de l’employeur la décision de prise en charge de l’accident du 13 août 2019 déclaré par Madame [B] ;
– débouter la caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société CRIT.

Par conclusions déposées et soutenues oralement par sa représentante, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la CPAM HD AVIGNON demande au tribunal de :

– débouter la Société CRIT de l’intégralité de ses demandes ;
– dire et déclarer opposables à la Société CRIT la décision de prise en charge de l’accident du 13 août 2019 dont a été victime Madame [B] [F] ;
– confirmer en tous points la décision contestée.

Cette affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 janvier 2025, par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal, de même que les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il convient préalablement de rappeler qu’en application des articles 5 et 12 du code de procédure civile, le juge du contentieux de la sécurité sociale, qui n’est pas juge de la légalité ou de la régularité de la décision prise par la caisse ou sa commission de recours amiable (en ce sens Cass. Civ. 2ème, 11 février 2016, pourvoi n° 15-13.202), doit statuer sur le bien-fondé de la contestation qui lui est soumise (Cass. Civ. 2ème, 21 juin 2018, pourvoi n° 17-27.756).

En considération de ce qui précède, la société CRIT et la CPAM HD AVIGNON ne sauraient respectivement solliciter l’infirmation et la confirmation de la décision prise par la caisse dès lors que le juge du contentieux de la sécurité sociale n’est pas juge de la légalité ou de la régularité de la décision prise par la caisse ou sa commission de recours amiable, mais du litige qui lui est soumis.

Sur la recevabilité du recours

Il n’y a lieu de recevoir la S.A.S. CRIT en sa demande, la recevabilité de sa demande n’étant pas contestée.

Sur la demande d’inopposabilité tirée de l’absence d’instruction de la caisse

L’article R.441-7 du code de la sécurité sociale dispose que la caisse dispose un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident du travail et du certificat médical initial, soit pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident, soit pour engager des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées émises par l’employeur.

Les réserves ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. (Cass 2ème civ 06 novembre 2014, n°13-23.805)

La lettre de réserves est suffisamment motivée lorsqu’elle porte sur l’absence de témoin pouvant attester de l’heure et du lieu de l’accident. (Cass 2ème civ. 08 novembre 2018, n°17-22.527, 28 mai 2020, n°19-12.957)

En l’espèce, la S.A.S CRIT fait valoir que la décision de prise en charge de l’accident de Madame [F] [B] n’a fait l’objet d’aucune enquête préalable par la caisse. La S.A.S CRIT précise que même en l’absence de réserves de sa part, la caisse avait pour obligation de mener une instruction préalablement à la prise en charge de l’accident, puisque celle-ci disposait de peu d’éléments pour apprécier la matérialité de l’accident.

La CPAM HD VAUCLUSE, fait valoir que pour procéder à une instruction, des réserves doivent être formulée par l’employeur conformément à l’article R.441-11 du code de la sécurité sociale. La caisse précise que l’employeur avait pourtant la possibilité d’émettre des réserves motivées dans la déclaration d’accident de travail du salarié, ce qu’il n’a pas fait.

Il résulte des pièces versées au débat et des conclusions des parties que la déclaration d’accident du travail établie le 22 août 2019 par la S.A.S CRIT fait état concernant l’activité de la victime lors de l’accident : “selon les dires de l’intérimaire . L’intérimaire nous a déclaré :“De l’huile a coulé sur le sol, j’ai alors placé un carton en attendant le ménage. J’ai alors glissée sur ce carton déposé au sol. Je suis tombée sur mon bras et ma jambe droite. J’ai continué le travail mais quelque jours après je me suis rendue chez mon médecin car les douleurs ne passaient pas. J’ai une tendinité au poignet droit”.

Il résulte de ce qui précède que la S.A.S CRIT n’a pas formulé de réserve quant aux circonstances de temps et de lieu de l’accident ainsi que sur la matérialité même du fait accidentel, de sorte que la caisse pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable.

Il ne saurait donc être reproché à cette dernière un manquement à son obligation de diligenter une instruction.

Sur la matérialité de l’accident

Selon l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Constitue ainsi un accident du travail, un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle et/ou une affection psychique, quelle que soit la date d’apparition de celles-ci (Soc., 2 avril 2003, n°00-21.768).

L’accident subi pendant le temps et sur le lieu de travail de la victime est présumé être un accident du travail.

Si c’est à l’employeur voulant contester la décision de prise en charge de la caisse qu’il incombe de détruire la présomption d’imputabilité s’attachant à toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu de travail, en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail, il appartient en revanche à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, dans ses rapports avec l’employeur d’apporter la preuve de la matérialité de l’accident du travail.

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens et peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l’article 1382 du code civil. Ainsi, elle ne peut résulter des seules déclarations du salarié (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181), ces dernières devant être complétées par un ou plusieurs indices (Soc., 11 mars 1999, n°97-17.149, civ.2e 28 mai 2014, n°13-16.968) susceptibles d’être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.

S’agissant de la constatation médicale des lésions, aucun délai réglementaire n’est imposé. Elle doit intervenir dans un délai raisonnable suite à l’ accident, afin de prendre en compte l’ensemble des situations pouvant survenir et notamment celle d’une lésion apparemment bénigne dont les troubles persistent ou s’aggravent, nécessitant une consultation a posteriori.

En l’espèce, la S.A.S CRIT se prévaut tant d’une information tardive de l’accident par la salariée
à son employeur (au delà du délai légal de 24h), que d’une constatation médicale des lésions tout aussi tardive (7 jours après les faits). Elle souligne également que la salariée a continué à travailler, malgré la gravité des lésions alléguées, pendant plusieurs jours après la survenance du fait accidentel revendiqué. L’employeur invoque par ailleurs une absence de témoin de l’accident, la déclaration de l’accident n’ayant été faite que sur la base des seules affirmations de Madame [F] [B], et ce alors que le poste de travail de cette dernière n’était pas un poste isolé. L’employeur invoque en dernier lieu que les lésions décrites correspondent à une maladie professionnelle avec une apparition progressive des lésions contrairement à un fait soudain. La S.A.S CRIT estime donc que cette maladie professionnelle, si elle avait été reconnue serait imputable à un autre employeur Madame [F] [B] ne travaillant pour la S.A.S CRIT que depuis quelque semaines, ou à défaut, au compte spécial. La S.A.S CRIT affirme donc que la présomption d’imputabilité ne saurait s’appliquer, la matérialité de l’accident n’étant pas établie.

La CPAM HD VAUCLUSE expose que le caractère tardif de la déclaration du salarié est indifférent, qu’aucun texte n’exige que les constatations médicales soient faites le jour des faits, que la présence de témoin n’est pas exigée par l’article L.411-1 du code de sécurité sociale, et qu’une telle absence ne saurait suffire en présence de présomptions graves et concordantes. Elle estime qu’elle disposait de présomptions graves, précises et concordantes lui permettant d’établir la matérialité de l’accident et considère que la société n’apporte aucun élément probant permettant de combattre la présomption d’imputabilité.

Au cas présent, il est constant que Madame [F] [B] était intérimaire de la S.A.S CRIT en qualité de préparatrice de commande.

Il ressort de l’analyse du dossier qu’une déclaration d’accident du travail a été établie le 22 août 2019 par la S.A.S CRIT, mentionnant la survenue d’un accident le 13 août 2019 à 11h00 sur le lieu de travail habituel de la salariée et pendant son temps de travail (de 10h00 à 17h30) dans les circonstances suivantes : «selon les dires de l’intérimaire. L’intérimaire nous a déclaré :“De l’huile a coulé sur le sol, j’ai alors placé un carton en attendant le ménage. J’ai alors glissée sur ce carton déposé au sol. Je suis tombée sur mon bras et ma jambe droite. J’ai continué le travail mais quelques jours après je me suis rendue chez mon médecin car les douleurs ne passaient pas. J’ai une tendinite au poignet droite.».

Il n’est fait nulle mention d’un témoin à l’accident, ni de la première personne avisée. Il n’est néanmoins pas contesté que Madame [F] [B] était à son poste de travail à cette date.

Le certificat médical initial, faisant état d’une « tendinite fléchisseur poignet droit », a été établi par le docteur [K] [U], le 20 août 2019.

L’employeur n’ayant fait aucunes réserves, l’instruction préalable n’a pas été diligentée.

Il résulte de ce qui précède, que si le constat des lésions affectant Madame [F] [B] ne saurait être remis en cause au regard des énonciations figurant sur le certificat sus mentionné, il reste que l’origine professionnelle de ces lésions, ainsi que la matérialité du fait accidenté décrit, n’apparaissent pas établies, en l’absence de témoin de l’accident allégué, alors que la salariée terminait son travail à 17h30, et a continué à travailler les jours suivants, au sein de la S.A.S CRIT mais également compte tenu du délai séparant de l’établissement de ce certificat des faits décrits qui, pour être réduit, n’en est pas moins exclusif de toute impossibilité de survenance dans un autre cadre.

Enfin, la caisse ne saurait se prévaloir de la présomption dès lors que la matérialité même des faits accidentels survenus aux temps et lieu de travail n’est pas établie.

En l’état de ces constatations, le tribunal retient que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident survenu le 13 août 2019 au préjudice de Madame [F] [B], doit être déclarée inopposable à la S.A.S CRIT.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la CPAM HD AVIGNON succombant, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties, contradictoire et en premier ressort :

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité du recours ;

Déclare inopposable à la S.A.S CRIT la décision de la CPAM HD AVIGNON de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident de Madame [F] [B] survenu le 13 août 2019 ;

Condamne la CPAM HD AVIGNON aux dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon le 22 janvier 2025.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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