Respect du principe du contradictoire dans la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles

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Respect du principe du contradictoire dans la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles

L’Essentiel : Le 26 mai 2023, la société [5] a signalé à la CPAM un accident du travail impliquant Madame [V] [T], survenu le 25 mai. Un malaise ayant entraîné une chute a été confirmé par un certificat médical. Le 25 août, la CPAM a décidé de prendre en charge l’accident, décision contestée par la société le 18 octobre. La commission de recours amiable a rejeté cette contestation le 15 janvier 2024. Lors de l’audience du 4 juillet 2024, la société a soulevé des questions sur le respect du contradictoire, mais le Tribunal a jugé que les certificats médicaux de prolongation n’étaient pas nécessaires.

Déclaration de l’accident du travail

Le 26 mai 2023, la société [5] a informé la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] [Localité 4] d’un accident du travail survenu à Madame [V] [T] le 25 mai 2023, où la salariée a signalé avoir fait un malaise durant sa prestation. Un certificat médical initial, daté du même jour, a confirmé un malaise avec chute sur le lieu de travail.

Décision de prise en charge

Le 25 août 2023, après enquête, la CPAM a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de l’accident de Madame [V] [T] au titre de la législation professionnelle. En réponse, le 18 octobre 2023, la société [5] a saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision.

Rejet de la contestation

Lors de sa séance du 15 janvier 2024, la commission de recours amiable a rejeté la contestation de la société [5]. Par la suite, le 3 février 2024, la société a introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision de rejet.

Audience et demandes des parties

L’affaire a été entendue lors de l’audience de mise en état du 4 juillet 2024, suivie d’une audience de renvoi pour plaidoirie le 12 novembre 2024. La société [5] a formulé plusieurs demandes, notamment la constatation d’un dossier incomplet lors de la consultation, ce qui aurait violé le principe du contradictoire, et a demandé que la décision de la CPAM soit déclarée inopposable.

Position de la CPAM

La CPAM a également déposé des écritures, demandant au Tribunal de débouter la société [5] de ses demandes et de déclarer opposable la décision de prise en charge de l’accident. Elle a soutenu que les certificats médicaux de prolongation n’étaient pas nécessaires pour établir le caractère professionnel de l’accident.

Indépendance des rapports

Le Tribunal a souligné que les rapports entre la CPAM et l’employeur, ainsi qu’entre le salarié et l’employeur, sont indépendants. La décision rendue n’affecte pas les droits de l’assuré, qui conserve les prestations attribuées par la CPAM.

Respect du contradictoire

Le Tribunal a examiné le respect du principe du contradictoire, en se référant aux articles du code de la sécurité sociale. Il a noté que la CPAM doit mettre à disposition de l’employeur les éléments pertinents pour la prise de décision, mais que les certificats médicaux de prolongation ne sont pas nécessaires pour établir le lien entre l’accident et l’activité professionnelle.

Jurisprudence et décisions antérieures

Le Tribunal a analysé diverses jurisprudences, y compris des arrêts de la Cour d’Appel de Amiens et de la Cour de Cassation, concernant la nécessité de fournir des certificats médicaux de prolongation. Il a constaté que ces certificats ne sont pas requis pour la prise en charge d’un accident du travail.

Conclusion du Tribunal

En conclusion, le Tribunal a jugé que l’absence de mise à disposition des certificats médicaux de prolongation ne constituait pas une violation du principe du contradictoire. La société [5] a été déboutée de sa demande visant à rendre inopposable la décision de la CPAM concernant l’accident de Madame [V] [T].

Dépens

La société [5], ayant perdu son recours, a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie en matière de respect du contradictoire ?

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) est tenue de respecter le principe du contradictoire lors de l’instruction des dossiers d’accidents du travail.

Selon l’article R 441-8 du Code de la sécurité sociale, lorsque la caisse engage des investigations, elle doit statuer sur le caractère professionnel de l’accident dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la déclaration d’accident et du certificat médical initial.

Elle doit également adresser un questionnaire à l’employeur et à la victime dans un délai de trente jours, et ceux-ci disposent d’un délai de vingt jours pour y répondre.

À l’issue de ses investigations, la caisse doit mettre à disposition de la victime et de l’employeur le dossier mentionné à l’article R 441-14, qui doit comprendre divers éléments, notamment les certificats médicaux.

L’article R 441-14 précise que le dossier doit inclure :

1°) la déclaration d’accident ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou tout autre organisme.

Ainsi, la CPAM doit veiller à ce que le dossier soit complet et accessible pour permettre à l’employeur de formuler ses observations, garantissant ainsi le respect du contradictoire.

Quels sont les éléments que la CPAM doit fournir à l’employeur lors de la consultation du dossier ?

Lors de la consultation du dossier, la CPAM doit fournir à l’employeur tous les éléments susceptibles de faire grief, conformément à l’article R 441-14 du Code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que le dossier doit comprendre :

1°) la déclaration d’accident ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou tout autre organisme.

Il est important de noter que la jurisprudence a précisé que les certificats médicaux de prolongation, qui ne portent pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle, ne sont pas obligatoirement inclus dans le dossier.

La Cour de Cassation a jugé que ces certificats, qui concernent uniquement la durée de l’incapacité de travail, ne sont pas des éléments déterminants pour la prise de décision concernant la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.

Ainsi, la CPAM n’est pas tenue de fournir ces certificats si ceux-ci ne sont pas pertinents pour établir le lien entre l’accident et l’activité professionnelle.

Quelle est la portée des certificats médicaux de prolongation dans le cadre de la prise en charge d’un accident du travail ?

Les certificats médicaux de prolongation n’ont pas de portée déterminante dans le cadre de la prise en charge d’un accident du travail.

La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de Cassation du 6 mai 2024, a clairement établi que ces certificats ne portent pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle, mais uniquement sur la durée de l’incapacité de travail.

Cela signifie que, lors de l’instruction d’un dossier d’accident du travail, la CPAM se concentre sur le certificat médical initial, qui est le seul document permettant de vérifier si la lésion décrite est compatible avec les circonstances de l’accident.

Les certificats médicaux de prolongation, en revanche, ne renseignent que sur la persistance des lésions après l’accident et ne sont pas nécessaires pour établir le caractère professionnel de l’accident.

Ainsi, leur absence dans le dossier mis à disposition de l’employeur ne constitue pas un manquement au respect du principe du contradictoire, et ne remet pas en cause la décision de prise en charge de l’accident par la CPAM.

En conséquence, la société [5] ne peut pas revendiquer l’inopposabilité de la décision de prise en charge sur ce fondement.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00269 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YAKG
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025

N° RG 24/00269 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YAKG

DEMANDERESSE :

Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Gallig DELCROS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me BOUAZIZ

DEFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 6] [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Madame [S], munie d’un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Anne JALILOSSOLTAN, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 mai 2023, la société [5] a déclaré à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] [Localité 4] un accident du travail survenu à Madame [V] [T] le 25 mai 2023 dans les circonstances suivantes :  » la salariée a déclaré avoir fait un malaise au cours de sa prestation « .

Le certificat médical initial établi le 26 mai 2023 mentionne :  » malaise avec chute sur le lieu du travail « .

Le 25 août 2023, après enquête, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] [Localité 4] a notifié à la société [5] une décision de prise en charge de l’accident du 25 mai 2023 de Madame [V] [T] au titre de la législation professionnelle.

Le 18 octobre 2023, la société [5] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Dans sa séance du 15 janvier 2024, la commission de recours amiable a rejeté la contestation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 3 février 2024, la société [5] a saisi le Tribunal d’un recours à l’encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable.

L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 4 juillet 2024, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 novembre 2024.

Lors de celle-ci, la société [5], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenues oralement.

Elle demande au Tribunal de :

– Constater que le dossier mis à disposition de l’employeur lors de la consultation du dossier ne comprenait pas l’ensemble des éléments susceptibles de lui faire grief et notamment les certificats médicaux de prolongation, ce en violation des dispositions de l’article R 441-14 du code de la sécurité sociale,
– Juger que la CPAM n’a donc pas respecté le principe du contradictoire,
– En conséquence, juger inopposable à la société la décision de la CPAM de prise en charge de l’accident de Madame [T] du 25 mai 2023 au titre de la législation professionnelle.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] [Localité 4] a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au Tribunal de :

– Débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes,
– Déclarer opposable à la société [5] la décision du 25 août 2023 de prise en charge de l’accident du travail de Madame [T] du 25 mai 2023,
– Condamner la société [5] aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/ employeur.

Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM.
En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.

Sur le respect du contradictoire

Aux termes de l’article R 441-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :

 » I.- Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.
Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident à l’employeur ainsi qu’à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l’article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.

II.-A l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur. Ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.  »

Aux termes de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale,  » Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d’accident ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l’autorité judiciaire « .

La société [5] fait grief à la CPAM de ce que lors de la consultation du dossier en ligne sur le compte internet AMELI.FR, il ne figurait pas au dossier l’ensemble des certificats médicaux de prolongation, alors que ces pièces sont de nature à lui faire grief de sorte que le dossier soumis à consultation/observation lors de l’enquête était incomplet.

Elle estime que les certificats médicaux de prolongations sont utiles à l’employeur aux fins d’établir la chronologie des différentes constatations médicales et les lésions successivement constatées, d’autres lésions sans lien établi pouvant y figurer.

La CPAM rappelle la jurisprudence de la cour de cassation aux termes de laquelle l’obligation d’information est limitée aux éléments du dossier au vus desquels la caisse envisage de prendre sa décision car ils sont susceptibles de faire grief à l’employeur.

Elle ajoute que la lecture de l’article R441-14 ne peut s’interpréter qu’au regard de son objet, à savoir la procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ; l’obligation qui lui incombe est donc nécessairement relative à tous les certificats médicaux permettant de caractériser ou d’écarter une maladie professionnelle ou un accident du travail.

Par ailleurs, elle rappelle les nouvelles dispositions applicables depuis le 7 mai 2022 en application du décret du 20 août 2019 aux termes desquelles l’avis d’arrêt de travail Cerfa devient le support unique pour toutes les prescriptions d’arrêt de travail et qu’il n’existe plus de certificat médical AT/MP de prolongation d’arrêt de travail ou de soins.

Chacune des parties fait valoir des jurisprudences de Cour d’Appel divergentes entre elles et même divergentes entre une même Cour d’Appel.

Il en est ainsi de la Cour d’Appel de Amiens qui, par un arrêt du 28 janvier 2020 ( n°19/02617) a retenu qu’il résulte des dispositions réglementaires sus-visées que n’a pas à figurer, dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident, une pièce et notamment un certificat médical ne portant pas sur le lien entre l’affection et l’activité professionnelle.

Dans un arrêt postérieur du 11 février 2020, n°19/0367, la Cour d’Appel de Amiens revient sur sa position pour dire qu’en ne communiquant pas les certificats médicaux de prolongation à l’employeur lors de la consultation du dossier, la Caisse a communiqué un dossier incomplet au regard du principe du contradictoire visé par les dispositions réglementaires, devant être sanctionné par l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge.

Par deux arrêts de la Cour de Cassation (2ème civ, 17 mars 2022 n°20-21.896 et 7 avril 2022 n°20-22.576), des pourvois formés par la CPAM ont été rejeté à l’encontre de deux arrêts de Cour d’Appel qui ont déclaré inopposables à l’employeur des décisions de prise en charge en raison de l’absence des certificats médicaux de prolongation dans le dossier mis à disposition de l’employeur.

Il s’agit toutefois de deux arrêts inédits pour lesquels la Cour de Cassation a fait application de l’article 1014 alinéa 1 du code de procédure civile à savoir des arrêts rendus sans avoir lieu à statuer par une décision spécialement motivée de sorte qu’ils ne sauraient constituer une position de principe.

Dans un arrêt plus récent du 5 octobre 2023, n°22-01706, la 2ème ch civ de la Cour d’Appel de Amiens juge à nouveau que  » les textes n’exigent pas que figurent au dossier mis à disposition de l’employeur les certificats médicaux de prolongation qui, contrairement au certificat médical initial, ne se rapportent pas au lien entre la maladie déclarée et l’exercice de la profession de l’assurée, mais qui emportent uniquement des conséquence sur la durée de l’incapacité de travail avant guérison ou consolidation et non sur le caractère professionnel de la maladie déclarée.  »

Jurisprudence que la Cour d’Appel de Amiens a renouvelé dans son arrêt du 27 novembre 2023, n°22/02470.

Enfin, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 mai 2024 (n°22-22.413), a jugé au visa de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale que  » En statuant ainsi alors d’une part qu’il ressortait de ses constatations que l’employeur avait eu communication de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial, et avait eu connaissance du questionnaire rempli par ses soins et, d’autre part qu’aucun manquement au respect du principe du contradictoire ne pouvait résulter de ce que les certificats médicaux de prolongation n’avaient pas été mis à la disposition de l’employeur, la cour d’appel a violé les textes sus-visés « .

De ce dernier arrêt, la Cour de Cassation motive expressément sa décision en retenant qu’il ne figure pas parmi les éléments recueillis susceptibles de faire grief à l’employeur  » les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l’affection ou la lésion et l’activité professionnelle « .

Ce nouvel arrêt est conforme à la jurisprudence antérieure de la cour de cassation qui pose que l’obligation d’information est limitée aux éléments du dossier au vus desquels la caisse envisage de prendre sa décision car ils sont susceptibles de faire grief à l’employeur.

La société [5] soutient que l’arrêt de la cour de cassation du 6 mai 2024 se fonde sur les anciens articles R441-13 et R441-14 dans leur rédaction antérieure à la réforme de 2019 et qu’il n’a donc pas vocation à s’appliquer à l’accident du travail de Madame [T] du 25 mai 2023. De fait, dans les articles R441-8 et R 441-14 désormais applicables, il n’existe plus aucune référence aux éléments susceptibles de faire grief à l’employeur.

Le tribunal ne conteste pas que l’arrêt de la cour de cassation du 6 mai 2024 ait été rendu sous l’empire des anciens textes en vigueur.

Cependant, il n’en reste pas moins que seul le certificat médical initial permet au médecin conseil de la caisse de vérifier que la lésion décrite est compatible avec les circonstances de l’accident du travail.

Les certificats médicaux de prolongation d’arrêt de travail ne portent pas sur le lien entre l’activité professionnelle et l’AT/MP mais sur le lien entre ce dernier et les soins et arrêts successifs de sorte qu’ils sont étrangers au fondement de la décision de prise en charge de l’accident ou de la maladie, les certificats médicaux de prolongation ne renseignant que sur la persistance de lésions postérieurement à l’accident ou à la maladie déclaré.

Au surplus, comme le rappelle la CPAM, depuis le 7 mai 2022 en application du décret du 20 août 2019, l’avis d’arrêt de travail Cerfa devient le support unique pour toutes les prescriptions d’arrêt de travail. Il existe uniquement un certificat médical AT/MP rempli lors de la constatation initiale, en cas de nouvelle lésion, de rechute ou lors de la constatation finale.

Ce certificat médical AT/MP ne porte plus de prescription d’arrêt de travail, il n’existe plus de certificat médical AT/MP de prolongation d’arrêt de travail ou de soins. L’arrêt de travail initial ou de prolongation est prescrit sur l’avis d’arrêt de travail en cochant la case dédiée AT ou MP en précisant la date et il appartient au praticien d’adresser directement l’avis au médecin conseil de la caisse dont relève le patient et le volet 2 sans mention des éléments d’ordre médical sera transmis par ses soins aux services administratifs.

Le volet 2 sans mention des éléments médicaux sert à justifier l’indemnisation par la caisse et ne constitue pas une pièce du dossier AT/MP. L’employeur est destinataire du volet 3 indiquant la durée de l’arrêt de travail du salarié.

Au stade de la décision de prise en charge ou non par la CPAM, l’enquête menée par la CPAM ne porte que sur le caractère professionnel de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle déclarée.

Les certificats médicaux de prolongation lors de la phase de consultation/observation sont indifférents à la solution du litige en ce qu’ils ne participent pas à la prise de décision de prise en charge en elle-même.

Les articles R441-8 et R 441-14 font partie du Titre IV  » Procédures, révision, rechute  » et la CPAM doit dès lors instruire sur la base du certificat médical initial d’accident du travail ou de maladie professionnelle ainsi que sur la base du certificat accident ou maladie professionnelle de rechute ou de nouvelle lésion.

Il suit de là que les  » les divers certificats médicaux détenus par la caisse  » visés à l’article R441-14 doivent s’entendre comme visant les certificats médicaux que la CPAM détient par application du titre IV du code de la sécurité sociale pour lui permettre d’apprécier le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion.

De l’ensemble de ces éléments, il résulte que l’absence de mise à disposition de l’employeur des certificats médicaux de prolongation ne porte pas atteinte au respect par la CPAM des dispositions de l’article R 441-14 du code de sécurité sociale dans sa version actuelle et ne constitue pas un manquement au respect du principe du contradictoire.

En conséquence, la société [5] sera déboutée de sa demande tendant à ce que la décision de la CPAM en date du 25 août 2023 qui a reconnu le caractère professionnel de l’accident du travail de Madame [V] [T] du 25 mai 2023 lui soit déclarée inopposable.

Sur les dépens

La société [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe ;

DIT la société [5] recevable en son recours,

DIT que le principe du contradictoire a été respecté,

DÉBOUTE la société [5] de sa demande tendant à ce que la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] [Localité 4] du 25 août 2023 de prise en charge de l’accident de Madame [V] [T] du 25 mai 2023 au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable,

CONDAMNE la société [5] aux dépens,

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Tribunal les jours, mois et an sus-dit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER

Expédié aux parties le :

– 1 CE à la CPAM [Localité 6] [Localité 4]
– 1 CCC à Me DELCROS, à [5]


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