Prime de fin d’année : Validité des demandes et prescription des créances salariales

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Prime de fin d’année : Validité des demandes et prescription des créances salariales

L’Essentiel : Le 1er juin 2008, une société de santé a engagé une salariée, dont le contrat a été transféré le 9 juillet 2013 à une autre entité. Le 28 mars 2018, la société a informé son personnel d’un plan de paiement pour des arriérés de primes. Le 31 mai 2018, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des rappels de salaire. Le 4 juin 2021, le conseil a rendu un jugement en faveur de la salariée, condamnant la société à verser des sommes pour des primes. La société a fait appel, tandis qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte.

Contexte de l’affaire

Le 1er juin 2008, une société de santé a engagé une salariée, dont le contrat de travail a été transféré le 9 juillet 2013 à une autre entité dans le cadre d’un plan de cession. Les relations contractuelles étaient régies par une convention collective nationale.

Notification de paiement des arriérés

Le 28 mars 2018, la société a informé son personnel de la mise en place d’un plan de paiement provisoire sur 24 mois pour des arriérés de primes de fin d’année, suite à un arrêt de la cour d’appel. Le 31 mai 2018, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des rappels de salaire et des dommages-intérêts.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 4 juin 2021, le conseil de prud’hommes a rendu un jugement en faveur de la salariée, rejetant la demande de prescription de la société et condamnant celle-ci à verser des sommes à plusieurs anciennes salariées, y compris la salariée concernée, pour des primes de fin d’année.

Appel et liquidation judiciaire

La société a fait appel de ce jugement le 23 juillet 2021. En parallèle, un jugement du tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 15 juin 2023, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 19 juillet 2023, désignant des liquidateurs judiciaires.

Demandes des liquidateurs et des salariées

Les liquidateurs ont demandé l’infirmation du jugement initial, arguant de la prescription des demandes de certaines salariées. En réponse, la salariée a demandé la confirmation du jugement et la reconnaissance de ses droits au titre des primes de fin d’année.

Arguments sur la prescription

Les liquidateurs ont soutenu que les demandes antérieures au 31 mai 2015 étaient prescrites, tandis que la salariée a fait valoir que sa créance était née d’un jugement antérieur, lui permettant d’agir dans le délai légal.

Décision de la cour

La cour a confirmé que la salariée était recevable dans sa demande de primes de fin d’année, en raison de la reconnaissance de ses droits par un jugement antérieur. Elle a également statué que la créance de la salariée au titre des primes de fin d’année était fixée à 2 593 euros.

Sur les dommages et intérêts

La demande de la salariée pour des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail a été rejetée, la cour considérant que le désaccord sur les paiements ne constituait pas une exécution déloyale.

Conclusion et implications financières

La cour a ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes dues et a statué que les créances salariales seraient garanties par l’AGS, tout en déboutant les liquidateurs et la salariée de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la prescription en matière de demande de prime de fin d’année ?

La question de la prescription des demandes de prime de fin d’année est régie par l’article L. 3245-1 du Code du travail, qui stipule que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Ainsi, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Dans le cas présent, la cour a retenu que le point de départ du délai de prescription est la date du jugement du 27 octobre 2016, qui a reconnu l’existence de la créance de prime de fin d’année.

Cela signifie que la salariée a agi dans le délai de trois ans en saisissant le conseil de prud’hommes le 31 mai 2018, ce qui rend sa demande recevable pour les primes dues pour les années 2013, 2014 et 2015.

Comment se calcule la prime de fin d’année et quels éléments doivent être pris en compte ?

La prime de fin d’année doit être calculée selon les modalités prévues par les accords collectifs applicables. En l’espèce, la salariée a produit un tableau de ses calculs pour les années 2013 à 2017, en prenant en compte son salaire brut tel qu’il résulte des bulletins de paie.

L’article 5-2 de l’accord du 13 avril 2011 précise que la prime de fin d’année est calculée sur le salaire brut annuel, sans inclure des éléments tels que les indemnités journalières de sécurité sociale, les indemnités de prévoyance ou les sommes versées à titre d’intéressement.

La cour a constaté que la salariée avait correctement établi le montant de la prime de fin d’année due, en déduisant les sommes versées au titre de la prime de fin d’année et en respectant les modalités de calcul prévues par l’accord.

Quelles sont les conséquences d’une exécution déloyale du contrat de travail ?

L’exécution déloyale du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts, conformément aux principes généraux du droit du travail. La salariée a soutenu que le non-paiement de tout ou partie de son salaire caractérisait une exécution déloyale du contrat de travail.

Cependant, la cour a jugé que le désaccord sur les réclamations litigieuses ne suffisait pas à établir une exécution déloyale. En effet, le simple fait que la société ait contesté les demandes de la salariée ne constitue pas une faute justifiant l’octroi de dommages et intérêts.

Ainsi, la cour a infirmé le jugement de première instance qui avait accordé des dommages et intérêts à la salariée, considérant qu’elle n’avait pas démontré l’existence d’un préjudice justifiant une telle indemnisation.

Quelles sont les implications de la liquidation judiciaire sur les créances salariales ?

La liquidation judiciaire a des implications significatives sur le traitement des créances salariales. En vertu de l’article L. 3253-6 du Code du travail, les créances salariales sont garanties par l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés).

Cela signifie que les sommes dues aux salariés, dans la limite des plafonds fixés par la loi, seront prises en charge par l’AGS. Toutefois, les créances doivent être reconnues comme dues en exécution du contrat de travail, excluant les dommages et intérêts ou les frais liés à l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans le cas présent, la cour a déclaré que les sommes allouées à la salariée seraient garanties par l’AGS, dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, ce qui assure une protection pour les créances salariales en cas de liquidation judiciaire de l’employeur.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 05 FEVRIER 2025

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/06203 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKGID

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 18/01583

APPELANTE

SAS VAUBAN SANTE, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny le 19 juillet 2023

INTIMEE

Madame [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-sophie CARLUS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028

PARTIES INTERVENANTES

Maître [VT] [C] [Y],

ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ‘VAUBAN SANTE’

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295

SELARL ASTEREN

prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ‘VAUBAN SANTE’

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295

Association AGS CGEA IDF EST,

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque:R1861

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Christophe BACONNIER, président de chambre exerçant des fonctions judiciaires, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Christophe BACONNIER, président de chambre, rédacteur

Véronique MARMORAT, présidente de chambre

Marie-Lisette SAUTRON, présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christophe BACONNIER, président de chambre assisté de Camille BESSON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Le 1er juin 2008, la société Polyclinique Vauban 2020 a engagé Mme [D] [O] et son contrat de travail a été transféré le 9 juillet 2013 au sein de la société Vauban santé (SAS) dans le cadre d’un plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Bobigny.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Par courrier du 28 mars 2018, la société Vauban santé a informé l’ensemble du personnel concerné de la mise en ‘uvre d’un plan de paiement provisoire sur 24 mois d’arriérés de prime de fin d’année (PFA) afférents aux trois dernières années suite à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er février 2018.

Le 31 mai 2018, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny aux fins de réclamer au principal diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts.

La date de sortie des effectifs de Mme [O] est le 7 août 2023.

Par jugement rendu en formation de départage le 4 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante communes à 11 anciennes salariées dont Mme [O] :

«  REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la VAUBAN SANTE SAS et tirée de la prescription de la demande formées par les salariées au titre de la prime de fin d’année pour la période antérieure au 31 mai 2015 (saisine du 31 mai 2018) et au 1er août 2015 (saisine du 1er août 2018)

DIT que les demandes de Madame [K] [U], Madame [P] [UZ] et Madame [KY] [I] sont recevables ;

CONDAMNE la VAUBAN SANTE SAS à payer aux salariées les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2018 à titre de rappel de primes de fin d’année à compter de 2013 et pour une période pouvant aller jusqu’en 2017 :

– Madame [N] [W] : 1 065,35 euros bruts,

– Madame [Z] [G] [S] [H] : 3 137,22 euros bruts,

– Madame [M] [L] [X] : 1 604,28 euros bruts,

– Madame [K] [U] : 1 918,39 euros bruts,

– Madame [V] [T] : 2 815,64 euros bruts,

– Madame [D] [O] : 2 593 euros bruts,

– Madame [B] [KE] : 1 696,55 euros bruts,

– Madame [P] [UZ] : 5 372,57 euros bruts,

– Madame [WM] [A] : 3 538,32 euros bruts;

– Madame [J] [XG] épouse [E] : 1 475,86 euros bruts,

– Madame [KY] [I] : 1 770,25 euros bruts.

CONDAMNE la VAUBAN SANTE SAS à payer aux salariées suivantes la somme de 1 000 euros nets chacune à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

– Madame [N] [W],

– Madame [Z] [G] [S] [H],

– Madame [M] [L] [X],

– Madame [K] [U],

– Madame [V] [T],

– Madame [D] [O],

– Madame [B] [KE], .

– Madame [P] [UZ],

– Madame [WM] [A], .

– Madame [J] [XG] épouse [E],

– Madame [KY] [I] ;

ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts ;

CONDAMNE la VAUBAN SANTE SAS à payer à Madame [D] [O] de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE la VAUBAN SANTE SAS de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la VAUBAN SANTE SAS aux dépens.

ORDONNE l’exécution provisoire. »

La société Vauban Santé a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 23 juillet 2021.

La constitution d’intimée de Mme [O] a été transmise par voie électronique le 20 octobre 2021.

La société Vauban santé a fait l’objet d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 15 juin 2023 qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire.

Selon un jugement par le tribunal de commerce de Bobigny rendu le 19 juillet 2023, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire et le tribunal a désigné Maître [VT] [C] [Y] ainsi que la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires.

Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Vauban santé sont intervenus volontairement dans le cadre de la présente procédure d’appel.

L’AGS, CGEA d’Île-de-France Est a constitué avocat le 12 juillet 2024 et est intervenue volontairement dans le cadre de la présente procédure d’appel.

Par ses dernières conclusions communes à 11 anciennes salariées dont Mme [O], communiquées par voie électronique le 2 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Vauban santé demandent à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Bobigny le 4 juin 2021,

PRONONCER l’irrecevabilité des prétentions de Madame [A], Madame [E], Madame [I] au titre de la période antérieure au 1er août 2015 au titre de leur prescription,

PRONONCER l’irrecevabilité des prétentions de Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ], au titre de la période antérieure au 31 mai 2015 au titre de leur prescription,

DIRE ET JUGER irrecevables les demandes salariales formées par Madame [I] et Madame [U], au motif pris de l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte, sur le fondement de l’article L.1234-20 du code du travail,

DIRE ET JUGER irrecevables les demandes salariales formées par Madame [UZ]

[UZ], au motif pris de l’effet extinctif attaché à son désistement d’instance et d’action,

CONSTATER que la société VAUBAN SANTE a dûment procédé aux régularisations mensuelles depuis le mois d’avril 2018 correspondant aux rappels de salaire dus pour la Prime de Fin d’Année au profit de Madame [A], Madame [E], Madame [I], Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ], et subséquemment que ces dernières est remplie de ses droits à ce titre,

DEBOUTER Madame [A], Madame [E], Madame [I], Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ] de toutes leurs demandes,

CONDAMNER Madame [A], Madame [E], Madame [I], Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ] au paiement à Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL ASTEREN, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société VAUBAN SANTE d’une somme de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Madame [A], Madame [E], Madame [I], Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ] aux entiers dépens. »

Par ses dernières conclusions communes à 11 anciennes salariées communiquées par voie électronique le 7 octobre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [O] demande à la cour de :

« JUGER mal fondée en son appel la société VAUBAN SANTE SAS, représentée par ses mandataires liquidateurs ;

En conséquence,

LA DEBOUTER de l’intégralité de ses demandes ;

CONFIRMER le jugement déféré en son principe,

Et FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société VAUBAN SANTE SAS :

avec intérêts à taux légal à compter du 10 octobre 2018 jusqu’au 15 juin 2023 et capitalisation des intérêts, à titre de rappel de primes de fin d’année pour :

– Madame [N] [W] : 1.065,35 euros bruts,

– Madame [Z] [G] [S] [H] : 3.137,22 euros bruts,

– Madame [M] [L] [X] : 1.604,28 euros bruts,

– Madame [K] [U] : 1.918,39 euros bruts,

– Madame [V] [T] : 2.815,64 euros bruts,

– Madame [D] [O] : 2.593 euros bruts,

– Madame [B] [KE] : 1.696,55 euros bruts,

– Madame [P] [UZ] : 5.372,57 euros bruts,

– Madame [WM] [A] : 3.538,32 euros bruts,

– Madame [J] [XG] épouse [E] : 1.475,86 euros bruts,

– Madame [KY] [I] : 1.770,25 euros bruts.

Avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021 et jusqu’au 15 juin 2023 et capitalisation des intérêts, la somme de 1.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail pour :

– Madame [N] [W],

– Madame [Z] [G] [S] [H],

– Madame [M] [L] [X],

– Madame [K] [U],

– Madame [V] [T],

– Madame [D] [O],

– Madame [B] [KE],

-Madame [P] [UZ],

– Madame [WM] [A],

– Madame [J] [XG] épouse [E],

– Madame [KY] [I]

la somme de 1.500 euros pour chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

CONDAMNER in solidum Maître [C] [Y] et Maître [R], ès qualités de mandataires liquidateurs de la société VAUBAN SANTE SAS à verser à chacune des concluantes la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

STATUER ce que de droit quant aux dépens. »

Par ses dernières conclusions communes à 11 anciennes salariées dont Mme [O], communiquées par voie électronique le 6 octobre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, l’AGS, CGEA d’Île-de-France Est demande à la cour de :

« JUGER recevable et bien fondée l’AGS en ses demandes, moyens et prétentions dont son appel incident et y faisant droit :

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

PRONONCER l’irrecevabilité des prétentions de Madame [A], de Madame [I] au titre de la période antérieure au 1er août 2015 au titre de leur prescription

PRONONCER l’irrecevabilité des prétentions de Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ], au titre de la période antérieure au 31 mai 2015 au titre de la prescription

JUGER ET PRONONCER l’irrecevabilité des demandes salariales formées par Madame [I] et Madame [U], au motif pris de l’effet libératoire du rec’u pour solde de tout compte, sur le fondement de l’article L1234-20 du code du travail

JUGER ET PRONONCER l’irrecevabilité des demandes salariales formées par Madame [UZ], au motif pris de l’effet extinctif attaché à son désistement d’instance et d’action

DEBOUTER Madame [A], Madame [E], Madame [I], Madame [W], Madame [S] [H], Madame [U], Madame [L] [X], Madame [T], Madame [O], Madame [KE], Madame [UZ] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

SUR LA GARANTIE

Juger, Ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites et conditions des articles L 3253-6 et suivants dont l’article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.

Juger et inscrire au dispositif de la décision à intervenir qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l’un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS. »

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 15 octobre 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 24 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la prime de fin d’année

Par infirmation du jugement la société Vauban santé et l’AGS soutiennent que les demandes portant sur la période antérieure au 31 mai 2015 sont prescrites, que Mme [O] a été remplie de ses droits pour la période postérieure et qu’elle est mal fondée dans le quantum de ses demandes du fait des erreurs commises dans son mode de calcul de la prime de fin d’année : Mme [O] a en effet pris en considération dans l’assiette de calcul de la prime de fin d’année pour l’année N, des indemnités journalières de sécurité sociale, des indemnités de prévoyance (COLLECTEAM) ou des sommes versées à titre d’intéressement qui n’entrent pourtant pas dans le calcul de la prime de fin d’année, la prime de fin d’année N-1 et un salaire inexact.

Seuls les calculs exposés par la société Vauban santé sont susceptibles d’être retenus (pièce employeur n° 23).

En réplique, Mme [O] s’oppose à ce moyen tiré de la prescription et demande par confirmation du jugement la somme de 2 593 euros au titre de la prime de fin d’année.

Sur la prescription

Par infirmation du jugement, la société Vauban santé et l’AGS soutiennent que le point de départ du délai de prescription de 3 ans de l’article L. 3245-1 du code du travail est la date d’exigibilité des salaires et que la prescription a été interrompue par la saisine du Conseil de prud’hommes le 31 mai 2018 en sorte que les primes de fin d’année dues avant le 31 mai 2015 ne sont pas dues et qu’aucun des éléments produits ne permet de retenir que l’arrêt du 1er février 2018 ou le jugement du 27 octobre 2016 confirmé par l’arrêt précité constituent le point de départ du délai de prescription.

En réplique, Mme [O] soutient que la créance de prime de fin d’année est née du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 27 octobre 2016 qui en a reconnu pour la première fois l’existence et a dit que la société Vauban santé devait régulariser la situation des salariés éligibles au titre des années 2013 et suivantes, que cette créance est devenue exigible à compter de l’arrêt exécutoire rendu le 1er février 2018 par la cour d’appel de Paris ayant confirmé ce jugement. Partant, il doit être retenu, en application de l’article L 3245-1 du code du travail, que chaque salarié concerné disposait, pour agir en paiement de l’intégralité de sa créance de prime de fin d’année devant le juge prud’homal, d’un délai de 3 ans courant :

– à compter du jugement de première instance en date du 27 octobre 2016, et jusqu’au 27 octobre 2019,

– ou, comme retenu dans la décision déférée, à compter du 1er février 2018, date de l’arrêt ayant rendu exigible la créance, et jusqu’au 1er février 2021.

Aucune prescription ne saurait donc lui être opposée au titre de la partie de sa créance relative aux années 2013 et 2014 du fait qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes le 31 mai 2018.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La cour constate qu’un contentieux a été introduit devant le tribunal de grande instance de Bobigny par une organisation syndicale relativement notamment à la prime de fin d’année et que :

– par jugement du 27 octobre 2016 le tribunal de grande instance a :

. ordonné à la société Vauban santé de verser à tous les salariés repris étant en contrat à durée indéterminée et n’étant plus en période d’essai au moment de l’exigibilité, la prime de fin d’année selon les modalités de versement et de calcul prévues aux articles 2.2.1 et 5-2 des accords des 27 juin 2005 et 13 avril 2011, jusqu’à nouvel accord

. dit que la société Vauban santé devra régulariser le cas échéant la situation des salariés repris dans le cadre de la cession dans le mois suivant la notification du jugement à intervenir (pièce commune n° G).

– par arrêt du 1er février 2018 rendu sur l’appel formé par la société Vauban santé à l’encontre du jugement précité, la cour d’appel de Paris a :

. dit que la prime de fin d’année avait acquis la valeur d’un accord d’entreprise le 13 avril 2011 par l’effet de la signature d’un accord d’entreprise ayant consacré son principe (1 mois de salaire), définit son assiette (salaire brut annuel), identifié ses bénéficiaires (salariés en CDI n’étant plus en période d’essai) et prévu ses modalités de versement (pour moitié en juillet et l’autre en janvier de chaque année),

. dit que faute d’accord de substitution intervenu pendant la période de survie de l’accord du 13 avril 2011 mis en cause par l’effet de la cession de la clinique à la société Vauban santé, la prime de fin d’année était devenue un droit individuel acquis depuis le 10 octobre 2014 pour les salariés de la clinique en CDI et n’étant plus en période d’essai au moment de la reprise,

. jugé que la société Vauban santé était débitrice de cette prime pour la période courant à compter de 2013 inclus,

. et en conséquence, confirmé le jugement du tribunal de grande instance « sauf à écarter la référence à l’accord d’entreprise du 27 juin 2005 » en ce qu’il avait « pour l’avenir ordonné à la société Vauban santé de verser la prime de fin d’année à tous les salariés en CDI qu’elle avait repris et qui n’étaient plus en période d’essai au moment de la reprise selon les modalités prévues par l’accord du 13 avril 2011 » et « pour le passé dit que la société Vauban santé devrait régulariser le cas échéant la situation des salariés repris dans le cadre de la cession » sauf à prévoir que la régularisation devra intervenir dans le mois suivant la signification du présent arrêt et y ajoutant, dit que les salariés repris par la société Vauban santé étant en CDI et n’étant plus en période d’essai au moment de la reprise en date du 9 juillet 2013 bénéficient, depuis le 10 octobre 2014, d’un droit individuel acquis à une prime de fin d’année dans les conditions prévues à l’article 5-2 de l’accord du 13 avril 2011, sans réduction (pièce commune n° H).

– par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2019, le pourvoi formé contre cet arrêt par la société Vauban santé a été rejeté (pièce commune n° L).

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le point de départ du délai de prescription de 3 ans de l’article L. 3245-1 du code du travail, est la date du jugement du 27 octobre 2016 du fait que c’est le jour où Mme [O] a connu les faits lui permettant d’exercer son action en paiement de la prime de fin d’année étant précisé que ce jugement a fixé l’obligation à la dette de la société Vauban santé au titre de la prime de fin d’année et que la société Vauban santé et l’AGS sont donc mal fondées dans le moyen tiré de la prescription au motif d’une part que l’action introduite le 31 mai 2018 est recevable puisqu’elle est intervenue dans le délai de trois ans suivant le jugement du 27 octobre 2016 et au motif d’autre part que Mme [O] est recevable à demander la prime de fin d’année due pour les années 2013, 2014 et 2015, dès lors qu’en droit, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où le salarié a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action, en sorte qu’en ayant eu connaissance de son droit le 27 octobre 2016, Mme [O] est donc recevable à demander les primes de fin d’année dues pour les années 2013, 2014 et 2015, car elles entrent dans la période des trois années précédant cette date.

Pour les motifs précités et ceux du premier juge, le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a déclaré Mme [O] recevable dans sa demande de primes de fin d’année.

Sur le fond

A l’examen des pièces produites (pièces employeur n° 23 et salarié n° 2, 3 et 4) et des moyens débattus, la cour retient que Mme [O] est bien fondée dans sa demande au titre de la prime de fin d’année à hauteur de 2 593 euros au motif que Mme [O] produit un tableau de ses calculs pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, qu’elle a repris pour chaque mois de chaque année le salaire brut tel qu’il résulte des bulletins de paye afin d’obtenir le salaire brut annuel, dont elle a déduit les sommes versées au titre de la prime de fin d’année, et elle a établi le montant de la prime de fin d’année due au douzième du salaire brut annuel corrigé.

C’est donc à tort que la société Vauban santé soutient que Mme [O] a inclus la prime de fin d’année versée au titre de l’année N dans le calcul de la prime de fin d’année due au titre de l’année suivante, des indemnités journalières de sécurité sociale, des indemnités de prévoyance (COLLECTEAM) ou des sommes versées à titre d’intéressement et un salaire inexact.

C’est aussi en vain que la société Vauban santé soutient que la demande de rappel de prime de fin d’année repose sur des calculs erronés et que seuls ses calculs sont susceptibles d’être retenus (pièce employeur n° 23) ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que la pièce employeur n° 23 ne constitue pas un décompte ni n’expose les calculs que la société Vauban santé aurait opérés : cette pièce n° 23 est un tableau récapitulant les demandes présentées par Mme [O] et les sommes que la société Vauban santé reconnaît lui devoir au titre des années 2015 à 2017 inclus et qu’elle a réglées en 24 échéances mensuelles à compter du mois d’avril 2018.

Cette pièce n° 23 ne permet donc de de contredire les calculs présentés par Mme [O] que le conseil de prud’hommes a retenus à juste titre.

Compte tenu de l’évolution du litige et de l’impossibilité de prononcer une condamnation à l’encontre de la société Vauban santé qui est en cours de liquidation judiciaire, le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a condamné la société Vauban santé à payer à Mme [O] la somme de 2 593 euros au titre des primes de fin d’année et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [O] au passif de la société Vauban santé à la somme de 2 593 euros au titre des primes de fin d’année.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [O] demande par confirmation du jugement la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et soutient que :

– le non-paiement de tout ou partie du salaire caractérise une exécution déloyale du contrat de travail ;

– la société Vauban santé persiste dans son manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail de Mme [O] du fait qu’elle ne lui a pas versé toutes les sommes qui lui étaient dues et dont elle a dû réclamer le paiement.

– son préjudice résulte de la minoration de son salaire des années durant.

En réplique et par infirmation du jugement, la société Vauban santé soutient que :

– Mme [O] est mal fondée dans ses demandes principales et les dommages et intérêts demandés à titre accessoire sont mal fondés ;

– aucune faute ne saurait lui être imputée ;

– aucun préjudice ne justifie l’octroi de dommages et intérêts.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [O] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au motif qu’en l’espèce le désaccord sur les réclamations litigieuses ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail, peu important que la cour a partiellement fait droit aux demandes de Mme [O].

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Vauban santé à payer à Mme [O] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Mme [O] de sa demande relative aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les autres demandes

La créance salariale allouée sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Vauban santé de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 15 juin 2023.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu’elle a été ordonnée par les premiers juges et qu’il est demandé la confirmation du jugement ; elle s’opérera par année entière en application de l’article 1343-2 du code civil.

La cour condamne Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Vauban santé aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il a condamné la société Vauban santé à payer à Mme [O] les sommes de :

– 2 593 euros au titre des primes de fin d’année,

– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

FIXE la créance de Mme [O] au passif de la société Vauban santé à la somme de 2 593 euros au titre des primes de fin d’année.

DIT que les créances salariales allouées à Mme [O] sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Vauban santé de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 15 juin 2023.

ORDONNE la capitalisation des intérêts et dit qu’elle s’opérera par année entière en application de l’article 1343-2 du code civil.

DÉBOUTE Mme [O] de sa demande relative aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

DÉBOUTE Mme [O] de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant,

DÉCLARE le présent arrêt commun à l’AGS, CGEA d’Île-de-France Est.

DIT que les sommes allouées au salarié seront garanties par l’AGS, CGEA d’Île-de-France Est dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture.

DÉBOUTE Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Vauban santé et Mme [O] de leurs demandes antagonistes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Maître [VT] [C] [Y] et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Vauban santé aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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