L’Essentiel : L’originalité d’une œuvre peut se manifester dans une partie spécifique, nécessitant une évaluation par rapport à des créations antérieures. Dans le cas de la société LALIQUE, la Cour de cassation a jugé que l’originalité de la tige des verres ‘100 Points’ n’était pas suffisamment démontrée. Malgré des caractéristiques esthétiques mises en avant, telles que les stries verticales, LALIQUE n’a pas réussi à prouver que ces éléments résultaient d’un effort créatif distinctif. La cour a conclu que la tige ne traduisait pas un choix artistique révélant la personnalité de l’auteur, rendant ainsi la protection par le droit d’auteur inapplicable.
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L’originalité peut porter sur une partie seulement de l’oeuvre. Celle-ci doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur. Dans cette affaire, la société LALIQUE a revendiqué en vain des droits d’auteur, non sur les verres de sa gamme ‘100 Points’, mais sur la tige (ou jambe) de ces verres. C’est ce qu’ont retenu les trois décisions qui ont déjà été rendues dans ce litige, par le tribunal de grande instance, la cour d’appel (arrêt de 2019) et la Cour de cassation. Originalité d’une tige de verreDans son arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a cassé le précédent arrêt de cette cour pour avoir notamment considéré (comme avant elle, le tribunal) que l’originalité de la tige des verres ‘100 Points’ de la société LALIQUE n’était pas contestée. Preuve de l’originalitéEn application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Selon l’article L.112-2, 10° du même code, sont considérées comme ‘uvres de l’esprit les oeuvres de arts appliqués. La notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur. Preuve défaillanteEn l’espèce, la société LALIQUE a choisi de passer sous silence la présence de stries verticales sur la jambe du verre, cette caractéristique esthétique étant pourtant très remarquable et particulièrement mise en avant par la société LALIQUE dans sa communication relative à sa gamme ‘100 Points’ comme traduisant le raffinement et le ‘style unique’ de cette collection (‘le verre se distingue par sa jambe striée à côtes dépolies’), créée en collaboration avec un oenologue américain de renom, et ce, manifestement, afin de faire correspondre les caractéristiques revendiquées avec celles du produit litigieux de la société HABITAT et ainsi favoriser le succès de ses prétentions. Antérieurement au dépôt des modèles de verres ‘100 Points’ en 2012 et 2013, aucune autre date de création n’étant spécialement invoquée au titre du droit d’auteur, étaient déjà connus des verres présentant des jambes avec en leur milieu un renflement, une partie inférieure transparente plus fine et plus haute que la partie supérieure également transparente et avec, par ailleurs, un contraste entre des parties opaques et d’autres plus transparentes induit par la présence de gravures. Dans ces conditions, alors que force est de constater que la société LALIQUE se borne à décrire techniquement les caractéristiques de la jambe de son verre ‘100 Points’, au nombre desquelles elle ne revendique pas le travail de stries, sans aucunement expliciter la démarche créative et le parti pris esthétique qui traduiraient les choix personnels d’un auteur et seraient le reflet de sa personnalité, la cour estime que la tige du verre telle que revendiquée, faute de traduire un travail créatif résultant de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur, n’est pas éligible à la protection au titre du droit d’auteur. Télécharger cette décision |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que l’originalité dans le contexte des droits d’auteur ?L’originalité est un concept clé en matière de droits d’auteur, qui se réfère à la capacité d’une œuvre à se distinguer des créations antérieures. Pour qu’une œuvre soit considérée comme originale, elle doit présenter des caractéristiques qui la différencient de manière significative d’autres œuvres déjà connues. Cette originalité doit être le résultat d’un effort créatif, reflétant ainsi la personnalité de l’auteur. En d’autres termes, l’œuvre doit porter l’empreinte de son créateur, ce qui implique que les différences entre l’œuvre revendiquée et les œuvres antérieures ne doivent pas être superficielles, mais bien ancrées dans une démarche artistique réfléchie. Quel était le litige impliquant la société LALIQUE ?La société LALIQUE a engagé un litige concernant les droits d’auteur sur la tige de ses verres de la gamme ‘100 Points’. Bien que la société ait revendiqué des droits sur cette partie spécifique des verres, les tribunaux ont rejeté cette demande. Les décisions rendues par le tribunal de grande instance, la cour d’appel et la Cour de cassation ont toutes conclu que l’originalité de la tige n’était pas suffisamment démontrée. En effet, la société n’a pas réussi à prouver que cette tige se distinguait de manière significative des créations antérieures, ce qui a conduit à la perte de son recours. Comment la Cour de cassation a-t-elle évalué l’originalité de la tige de verre ?Dans son arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a annulé une décision antérieure en affirmant que l’originalité de la tige des verres ‘100 Points’ n’était pas contestée. Cependant, cette évaluation a été critiquée, car la cour a omis de prendre en compte des éléments essentiels, tels que les caractéristiques esthétiques de la tige. La cour a souligné que l’originalité doit être appréciée en tenant compte des œuvres déjà existantes. Ainsi, pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit se dégager de manière nette et significative des créations antérieures, ce qui n’a pas été le cas pour la tige de verre en question. Quelles sont les implications de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ?L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle stipule que l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur celle-ci, simplement du fait de sa création. Ce droit est opposable à tous et comprend des attributs intellectuels, moraux et patrimoniaux. Cela signifie que l’auteur a le droit de contrôler l’utilisation de son œuvre et de bénéficier des fruits de sa création. De plus, l’absence de formalités pour la protection d’une œuvre originale souligne l’importance de la créativité et de l’innovation dans le domaine artistique. Pourquoi la société LALIQUE a-t-elle échoué à prouver l’originalité de sa tige de verre ?La société LALIQUE a échoué à prouver l’originalité de sa tige de verre en raison de son incapacité à démontrer un effort créatif significatif. En effet, elle a omis de mentionner des caractéristiques esthétiques importantes, telles que les stries verticales sur la jambe du verre, qui étaient pourtant mises en avant dans sa communication. De plus, des verres présentant des caractéristiques similaires étaient déjà connus avant le dépôt des modèles de LALIQUE. La cour a donc conclu que la description technique des caractéristiques de la tige ne suffisait pas à établir un travail créatif distinctif, ce qui a conduit à la non-éligibilité de la tige à la protection par le droit d’auteur. |
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