Présomption d’innocence à la télévision

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Présomption d’innocence à la télévision

L’Essentiel : L’affaire Rama Yade soulève des questions sur la présomption d’innocence. Un élu a assigné Rama Yade pour des propos tenus sur France 2, où elle évoquait les condamnations de son concurrent, Manuel Aeschlimann. En première instance, les juges ont estimé que ses déclarations se limitaient à des faits notoires. Cependant, en appel, il a été jugé que Yade avait implicitement reconnu la culpabilité d’Aeschlimann en mentionnant des condamnations non définitives, sans préciser l’existence d’un pourvoi en cassation. Cette omission a été considérée comme une atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficiait Aeschlimann.

Affaire Rama YADE

Un élu a  fait délivrer une assignation à l’encontre de Rama YADE , sur le fondement des articles 9-1 du code civil et 65-1 de la loi du 29 juillet 1881, à raison de propos tenus par l’intéressée sur divers supports de presse, portant atteinte, selon lui, à la présomption d’innocence. Les  propos en cause, tenus dans l’émission télévisée de FRANCE 2  » les 4 vérités » étaient les suivants : « je n’ai aucune leçon à recevoir d’un député sortant qui est mon concurrent direct, Manuel AESCHLIMANN, qui a été condamné par la justice, en première instance et en appel ».

Atteinte à la présomption d’innocence

En première instance, les juges ont relevé que Manuel AESCHLIMANN bénéficiait, certes, de la présomption d’innocence à l’époque des faits, les condamnations concernées n’étant pas définitives en raison de l’exercice d’un pourvoi en cassation, les premiers juges l’ont néanmoins débouté de ses demandes, en considérant notamment que Rama YADE avait limité son propos à l’énonciation de faits objectivement exacts et parfaitement notoires, et ne s’était montrée péremptoire qu’au regard de l’existence des condamnations, s’abstenant de tout commentaire sur les faits les ayant motivées ou les conditions dans lesquelles elles ont été prononcées.

Selon l’article 9-1 du code civil, chacun a droit au respect de la présomption d’innocence : il résulte de ce texte que seule une condamnation pénale devenue irrévocable fait disparaître, relativement aux faits sanctionnés, la présomption d’innocence.

En l’espèce, les juges d’appel ont considéré qu’en faisant référence à des condamnations et non à des poursuites, Rama YADE a, par là même, tenu pour acquise la culpabilité de Manuel AESCHLIMANN, alors qu’elle ne pouvait ignorer, ce qu’au demeurant elle ne prétend pas, qu’un pourvoi avait été formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, ainsi qu’en avait rendu compte la presse dans plusieurs articles régulièrement produits aux débats.

L’existence de ce pourvoi en cassation aurait dû conduire Rama YADE, soit à s’abstenir de faire état des condamnations prononcées, soit à prendre la précaution de mentionner qu’il ne s’agissait pas de condamnations définitives, dans l’attente de l’issue du pourvoi exercé.  En faisant état de ces condamnations, sans précision ni réserves quant à leur caractère non définitif, elle a porté atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficiait Manuel AESCHLIMANN.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire Rama Yade ?

L’affaire Rama Yade concerne une assignation délivrée à l’encontre de l’ancienne élue, en raison de propos qu’elle a tenus sur divers supports de presse. Ces propos, jugés attentatoires à la présomption d’innocence, ont été prononcés lors de l’émission « Les 4 vérités » sur FRANCE 2.

Rama Yade a critiqué son concurrent direct, Manuel Aeschlimann, en mentionnant qu’il avait été condamné par la justice, tant en première instance qu’en appel. Cette déclaration a suscité une réaction de la part de l’élu, qui a estimé que ses droits avaient été bafoués.

Quelles sont les implications de la présomption d’innocence dans cette affaire ?

La présomption d’innocence est un principe fondamental du droit pénal, stipulé par l’article 9-1 du code civil. Ce principe garantit qu’une personne est considérée comme innocente tant qu’elle n’a pas été condamnée de manière définitive. Dans le cas de Manuel Aeschlimann, les juges ont reconnu qu’il bénéficiait de cette présomption au moment des faits, car ses condamnations n’étaient pas encore définitives.

Cependant, les juges ont également noté que Rama Yade avait fait référence à des condamnations, ce qui a été interprété comme une reconnaissance de la culpabilité d’Aeschlimann. Cela a soulevé des questions sur le respect de la présomption d’innocence, surtout en tenant compte du fait qu’un pourvoi en cassation avait été formé.

Quelle a été la décision des juges en première instance ?

En première instance, les juges ont débouté Manuel Aeschlimann de ses demandes, malgré la reconnaissance de sa présomption d’innocence. Ils ont considéré que les propos de Rama Yade étaient basés sur des faits objectivement exacts et notoires, se limitant à l’énonciation de ces faits sans porter de jugement sur les circonstances des condamnations.

Les juges ont donc estimé que, bien que les propos de Yade puissent sembler péremptoires, ils ne constituaient pas une atteinte à la présomption d’innocence, car elle n’avait pas commenté les faits ayant conduit aux condamnations.

Comment les juges d’appel ont-ils interprété les propos de Rama Yade ?

Les juges d’appel ont eu une interprétation différente des propos de Rama Yade. Ils ont conclu qu’en mentionnant des condamnations, elle avait implicitement reconnu la culpabilité de Manuel Aeschlimann, ignorant le fait qu’un pourvoi en cassation était en cours.

Cette omission a été jugée comme une atteinte à la présomption d’innocence, car Rama Yade aurait dû soit s’abstenir de parler des condamnations, soit préciser qu’elles n’étaient pas définitives. En ne le faisant pas, elle a mis en péril le droit d’Aeschlimann à être considéré comme innocent jusqu’à preuve du contraire.

Quelles leçons peut-on tirer de cette affaire concernant la communication publique ?

Cette affaire souligne l’importance de la prudence dans la communication publique, surtout lorsqu’il s’agit de sujets sensibles comme la justice et la présomption d’innocence. Les personnalités publiques, comme les élus, doivent être conscientes de l’impact de leurs mots et de la manière dont ils peuvent être interprétés.

Il est déterminant de faire preuve de rigueur et de précision dans les déclarations, en particulier lorsqu’elles concernent des individus qui n’ont pas encore été condamnés de manière définitive. Cette affaire rappelle également que la liberté d’expression doit être exercée avec responsabilité, afin de respecter les droits fondamentaux des personnes concernées.


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