Prescription et responsabilité professionnelle : enjeux de la représentation juridique.

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Prescription et responsabilité professionnelle : enjeux de la représentation juridique.

L’Essentiel : Le tribunal de grande instance de Mende a, le 16 mai 2014, fixé l’indemnité d’éviction des consorts [J] [F] à 275.000 euros. Après un appel interjeté le 19 août 2014, une ordonnance de caducité a été prononcée le 21 mai 2015 en raison du non-respect des formalités par l’avocat des consorts. Ces derniers ont assigné Maître [P] [M] en 2021 pour préjudice moral et financier. Cependant, le tribunal a jugé leur action prescrite, car introduite après le délai de cinq ans, déboutant ainsi les consorts et les condamnant aux dépens.

Contexte du litige

Le tribunal de grande instance de Mende a rendu un jugement le 16 mai 2014, fixant l’indemnité d’éviction des consorts [J] [F] à 275.000 euros et condamnant Maître [L] à verser 137.500 euros à titre de dommages et intérêts. Les consorts [J] [F] ont interjeté appel de cette décision le 19 août 2014.

Procédure d’appel et caducité

Maître [P] [M], représentant les consorts, n’a pas respecté les formalités nécessaires pour maintenir l’appel, ce qui a conduit à une ordonnance de caducité le 21 mai 2015. La cour d’appel de Nîmes a confirmé le jugement initial le 9 février 2017, et un pourvoi en cassation a été formé par les consorts, suivi d’un renvoi devant la cour d’appel de Toulouse.

Assignation de Maître [P] [M]

Le 15 octobre 2021, les consorts ont assigné Maître [P] [M] devant le tribunal judiciaire de Nîmes, demandant des indemnités pour préjudice moral et financier, en raison de la caducité de leur appel. Ils ont soutenu que la faute de leur avocat était directement liée à leur incapacité d’obtenir une indemnisation complémentaire.

Décision du juge de la mise en état

Le 20 avril 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande de nullité de l’assignation par Maître [P] [M] et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Montpellier.

Prescription de l’action

Maître [P] [M] a soulevé la prescription de l’action des consorts, arguant que la mission d’avocat avait pris fin en juillet 2015, rendant leur action irrecevable. Il a soutenu que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à la fin de sa mission, et non à la révélation du dommage.

Arguments des consorts

Les consorts ont contesté la prescription, affirmant que leur action ne pouvait être engagée qu’après la décision de la cour d’appel de Toulouse le 22 février 2021, qui a reconnu leur préjudice complémentaire. Ils ont soutenu que le point de départ de la prescription devait être lié à la décision mettant fin à l’instance.

Décision finale du tribunal

Le tribunal a jugé que l’action en responsabilité contre Maître [P] [M] était prescrite, car les consorts avaient introduit leur action après l’expiration du délai de cinq ans. Ils ont été déboutés de leur demande et condamnés aux dépens. Maître [P] [M] a également été débouté de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la durée de prescription pour une action en responsabilité contre un avocat ?

L’article 2225 du Code civil stipule que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Cette disposition est essentielle car elle détermine le point de départ du délai de prescription. En effet, le délai de cinq ans commence à courir à partir de la date à laquelle l’avocat a terminé sa mission, et non à partir de la date à laquelle le préjudice a été découvert.

Il est important de noter que cette règle s’applique spécifiquement aux actions en responsabilité pour des fautes commises dans le cadre de la représentation en justice. Ainsi, si un avocat a été dessaisi de son mandat, le délai de prescription commence à courir à partir de cette date.

En l’espèce, Maître [P] [M] soutient que sa mission a pris fin en juillet 2015, ce qui signifie que le délai de prescription aurait expiré en juillet 2020. Les consorts [J] [F] ont introduit leur action en responsabilité en octobre 2021, soit après l’expiration de ce délai.

Quel est le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité d’un avocat ?

Le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité d’un avocat est précisé par l’article 2225 du Code civil. Cet article indique que l’action se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mission de l’avocat.

Il est crucial de comprendre que ce délai ne commence pas à courir à partir de la date à laquelle le préjudice est découvert, mais bien à partir de la date à laquelle l’avocat a terminé sa mission. Cela signifie que si un avocat a été dessaisi de son mandat, le délai de prescription commence à courir à partir de cette date.

Dans le cas présent, les consorts [J] [F] ont mis fin à la mission de Maître [P] [M] après l’ordonnance de caducité de l’appel, ce qui a eu lieu en mai 2015. Par conséquent, le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à partir de cette date, et leur action en responsabilité, introduite en octobre 2021, est donc prescrite.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle le délai de prescription en matière de responsabilité d’un avocat ?

La jurisprudence a établi que le délai de prescription de l’action en responsabilité contre un avocat court à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle l’avocat avait reçu mandat.

Cela signifie que, même si un préjudice n’est pas immédiatement apparent, le délai de prescription commence à courir dès que la mission de l’avocat est terminée. En effet, le Conseil Constitutionnel a confirmé que les dispositions de l’article 2225 du Code civil sont conformes à la Constitution, en précisant que le législateur a voulu éviter aux avocats de conserver des pièces au-delà d’un délai de cinq ans après la fin de leur mission.

Dans cette affaire, les consorts [J] [F] ont soutenu que le point de départ de leur action devait être fixé à la date de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse, qui a eu lieu en février 2021. Cependant, la cour a jugé que leur action était prescrite, car ils avaient mis fin à la mission de Maître [P] [M] en mai 2015, et le délai de prescription avait donc expiré avant leur assignation en octobre 2021.

Quelles sont les conséquences de la caducité de la déclaration d’appel sur l’action en responsabilité contre l’avocat ?

La caducité de la déclaration d’appel a des conséquences directes sur l’action en responsabilité contre l’avocat. En effet, lorsque la déclaration d’appel est déclarée caduque, cela signifie que l’avocat n’a pas respecté les formalités nécessaires pour poursuivre l’appel, ce qui peut constituer une faute.

Selon l’article 2225 du Code civil, l’action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mission de l’avocat. Dans ce cas, la mission de Maître [P] [M] a pris fin avec l’ordonnance de caducité de l’appel en mai 2015. Par conséquent, les consorts [J] [F] ne pouvaient pas attendre la décision de la cour d’appel de Toulouse en février 2021 pour agir, car leur délai de prescription avait déjà expiré.

Ainsi, la caducité de la déclaration d’appel a eu pour effet de mettre un terme à la mission de l’avocat, et par conséquent, le délai de prescription a commencé à courir à partir de cette date. Les consorts [J] [F] ont donc introduit leur action en responsabilité après l’expiration du délai de cinq ans, rendant leur action prescrite.

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

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N° : N° RG 23/02579 – N° Portalis DBYB-W-B7H-OKRP
Pôle Civil section 3

Date : 21 Novembre 2024
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

Pôle Civil section 3

a rendu le jugement dont la teneur suit :

DEMANDEURS

Madame [W] [J] veuve [F]
née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]

Madame [T] [O] [F]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 11], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [Z] [F]
né le [Date naissance 5] 1985 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]

Madame [H] [F]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 11], demeurant [Adresse 2]

Tous représentés par Maître Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître Nicolas DALMAYRAC, avocat associé de la SCP CAMILLE AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant,

DEFENDEUR

Monsieur [P] [M], avocat, demeurant [Adresse 10]

représenté par Maître Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître Guillaume REGNAULT, avocat associé de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant,

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : Sophie BEN HAMIDA, juge unique

Greffier lors des débats : Cassandra CLAIRET
Greffier lors du prononcé : Tlidja MESSAOUDI

DEBATS : en audience publique du 06 septembre 2024

MIS EN DELIBERE au 12 avril 2024 prorogé au 21 Novembre 2024

JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition le 21 Novembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 16 mai 2014, le tribunal de grande instance de Mende a notamment fixé le montant de l’indemnité totale d’éviction qu’auraient dû recevoir les consorts [J] [F] à la somme de 275.000 euros et il a condamné Maître [L] à payer à madame [W] [J], madame [H] [F], madame [T] [F] et monsieur [Z] [F], à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de l’indemnité d’éviction, 137.500 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2000.

Par déclaration en date du 19 août 2014, les consorts [J] [F] sous la constitution de Maître [P] [M] ont interjeté appel de cette décision.

Maître [P] [M] n’a adressé aucune observation écrite sur la demande adressée le 2 avril 2015 par [9] par le conseiller de la mise en état sur la caducité encourue de la déclaration d’appel, faute pour lui d’avoir dénoncé la déclaration d’appel, signifié les conclusions déposées à l’appui de cet appel et assigné l’entreprise [6] dans le mois de l’avis d’avoir à accomplir ces formalités qui lui a été délivré par le greffe le 6 octobre 2024. Maître [P] [M] n’a pas comparu à l’audience d’incidents du 30 avril 2015. Une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 21 mai 2015 a prononcé la caducité de l’appel formé le 20 août 2014 par madame [W] [J], madame [T] [F], monsieur [Z] [F] et madame [H] [F], des consorts [J] [F] à l’égard de « l’entreprise [6] ».

Par arrêt en date du 9 février 2017, la cour d’appel de Nîmes devait confirmer le jugement du 16 mai 2014. Madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] ont formé un pourvoi en cassation. Suite à cassation et à renvoi devant la cour d’appel de Toulouse, cette juridiction a rendu un arrêt le 22 février 2021, constatant l’extinction de l’instance d’appel vis-à-vis de Maître [L] par l’effet de l’ordonnance de caducité de la déclaration d’appel de Madame [W] [J] et de ses enfants [T] [F], [Z] [F] et [H] [F], prononcée le 19 août 2014.

*****

Par acte d’huissier de justice du 15 octobre 2021, madame [W] [J], madame [T] [F], monsieur [Z] [F] et madame [H] [F] ont assigné monsieur [P] [M] devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins qu’il soit condamné à les indemniser :
De leur préjudice moral respectif :à hauteur de 7.500 euros pour madame [W] [J], à hauteur de 2.500 euros chacun pour monsieur [Z] [F] et madame [H] [F], du préjudice financier de madame [W] [J], à hauteur de 127.911,18 euros, lesdites indemnités devant être augmentées des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, le tout avec capitalisation,5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les frais de recouvrement des articles A.444-31 et A.444-32 du Code de commerce, le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.
Ils reprochaient à Maître [P] [M] le prononcé de la caducité de leur appel interjeté à l’encontre de Maître [G] [L], notaire, dont la responsabilité civile professionnelle était recherchée.

Ils soutenaient qu’ils n’avaient pu avoir connaissance du dommage causé par la faute de leur avocat qu’au moment de la liquidation du quantum de ce préjudice par la cour d’appel de Toulouse le 21 février 2021, la faute de Maître [P] [M] étant en lien de causalité direct avec leur impossibilité d’obtenir la moitié de leurs demandes d’indemnisation complémentaire en sus de l’indemnité d’éviction qu’ils devaient percevoir par la voie des décisions précédentes et particulièrement au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 9 février 2007.

*****

Par ordonnance du 20 avril 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes a débouté Maître [P] [M] de sa demande en nullité de l’assignation et a renvoyé l’affaire en application des dispositions de l’article 47 du Code de procédure civile devant le tribunal judiciaire de Montpellier.

*****

Par conclusions d’incident notifiées par le [9] le 11 septembre 2023, Maître [P] [M] a soulevé la prescription de l’action exercée par les demandeurs au titre d’un manquement dans sa mission de représentation. Il a sollicité reconventionnellement la condamnation in solidum des défendeurs à l’incident à lui payer 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le [9] le 13 février 2024, Maître [P] [M] a maintenu ses demandes telles que susvisées.

Il soutient que l’ordonnance de caducité de la déclaration d’appel ayant été rendue par le conseiller de la mise en état le 21 mai 2015, l’action en responsabilité de l’avocat que prétendent exercer les demandeurs est manifestement prescrite, la mission de Maître [P] [M] étant terminée au mois de juillet 2015, de sorte que la prescription était acquise au jour de l’assignation du concluant le 15 octobre 2021.

Il soutient que le point de départ du délai de prescription quinquennale en matière de responsabilité d’un avocat est la date de la fin de sa mission et non pas celle du jour où le dommage s’est révélé, s’agissant des activités judiciaires pour lesquelles l’avocat a reçu un mandat de représentation et/ou d’assistance en justice. Il estime que l’action en responsabilité contre un avocat, au titre d’une faute commise dans l’exécution de sa mission d’interjeter appel, se prescrit à compter du prononcé de la décision constatant l’irrecevabilité de l’appel. Il ajoute que sa mission a pris fin avec l’ordonnance du conseiller de la mise en état, les consorts [F] ayant alors décidé de le dessaisir. C’est ainsi qu’il a indiqué à son bâtonnier avoir restitué l’intégralité du dossier à madame [F] au mois de juillet 2015, soit plus de 5 ans avant son assignation.

Il répond que les articles 2224 et 2225 du Code civil s’appliquent à deux situations différentes et que leur régime ne se confond pas. Il ajoute que l’existence ou l’étendue du préjudice ne conditionne pas la recevabilité de l’action du demandeur contre son précédent avocat, de sorte que la prescription ne saurait courir comme le soutiennent madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] à compter de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 22 février 2021.

Il ajoute que les consorts [F] n’ignoraient pas que l’ordonnance du 28 mai 2015 avait constaté la caducité de l’appel et donc la faute qu’ils pouvaient reprocher à leur avocat, puisque c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont dessaisi du dossier et mis fin à sa mission, ce qu’ils ne contestent pas.

******

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par le [9] le 1er décembre 2023, madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] se sont opposés à la prescription de leur action, sollicitant 3.000 euros au tire de l’article 700 du Code de procédure civile et que les dépens soient joints au fond.

Selon eux, la liquidation du préjudice complémentaire qu’ils alléguaient par l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Toulouse, tient compte des conséquences de l’évidente faute professionnelle commise par Maître [M] puisque le quantum du préjudice alloué ne devait être que de moitié.

Ils opposent que la prescription de l’article 2225 du Code civil ne court qu’à compter de la décision mettant fin à l’instance, soit selon eux, l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 9 février 2017. Ils avancent qu’au demeurant l’article 2225 du Code civil doit être coordonné avec l’article 2224 tant il serait inconcevable que le point de départ du délai de cette action soit fixé avant que les conditions du droit à réparation existent, selon la doctrine.

Ils soutiennent que la Cour de Cassation ayant, par arrêt du 24 janvier 2019, casser et annuler la décision rendue par la Cour d’Appel de Nîmes en renvoyant par devant la Cour d’Appel de Montpellier, laquelle devait renvoyer l’affaire et décliner sa compétence au profit de la Cour d’Appel de Toulouse, ce n’est qu’au prononcé de l’arrêt rendu par la celle-ci le 22 février 2021 que les consorts [F] ont pu valablement savoir que la faute commise par monsieur [P] [M], du fait de ne pas avoir dénoncé la déclaration d’appel et signifié ses conclusions à Maître [G] [L], était bien en lien de causalité avec un préjudice complémentaire à celui liquidé par le tribunal de grande instance de Mende le 16 mai 2014.

Selon eux, il n’est pas incohérent de considérer que le point de départ de l’action en responsabilité dont disposaient les consorts [F] vis-à-vis de Maître [M] a commencé à courir à compter du prononcé de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Toulouse le 22 février 2021 dans la double mesure où cet arrêt consacre l’existence d’un préjudice complémentaire indemnisable, et surtout, s’analyse comme la décision ayant « terminé l’instance » pour laquelle Maître [P] [M] avait reçu mandat d’assister ou de représenter les consorts [F].

*****
L’affaire a été appelée à l’audience d’incidents du 18 mars 2024, lors de laquelle elle a été retenue et mise en délibéré au 12 avril 2024, prorogé au 21 novembre 2024, par mise à disposition au greffe, en raison du retard causé par des absences prolongées au sein de la chambre.

MOTIVATION

L’article 2225 du Code civil dispose que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

En réponse aux deux questions prioritaires de constitutionnalité transmises par la première chambre civile de la Cour de cassation par décision du 28 juin 2023,  l’une concernant l’atteinte à un recours effectif que pourrait entraîner l’extinction de l’action en responsabilité contre un avocat avant que son client ait eu connaissance des éléments pour agir, l’autre étant relative à l’inégalité de traitement susceptible de porter atteinte au principe d’égalité dans laquelle les clients d’un avocat exerçant une mission de représentation en justice et ceux lui ayant confié une mission juridique, le Conseil Constitutionnel a décidé le 28 septembre 2023 que les mots « à compter de la fin de leur mission » figurant à l’article 2225 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, sont conformes à la Constitution.

Le Conseil Constitutionnel a retenu que, d’une part, il ressort des travaux préparatoires qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité éviter aux personnes ayant représenté ou assisté une partie en justice d’avoir à conserver, au-delà d’un délai de 5 ans courant à compter de la fin de leur mission, les pièces nécessaires à leur défense en cas d’éventuelle mise en jeu de leur responsabilité ; ce faisant, il a entendu limiter le risque d’insécurité juridique et préserver les droits de la défense.
Il a d’autre part relevé que le délai dont dispose la partie représentée ou assistée en justice pour exercer une action contre la personne mandatée à cette fin ne court qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle cette personne avait reçu mandat, à moins que leurs relations aient cessé avant cette date. En prévoyant ainsi qu’une telle action se prescrit par 5 ans à compter de la fin de la mission, le Conseil a considéré que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif.

Le Conseil a jugé que, compte tenu de la spécificité de la mission de représentation et d’assistance en justice, qui s’exerce devant les juridictions et ne peut être accomplie par les avocats ou certaines personnes habilitées et se distingue par sa nature de l’activité de conseil et de rédaction d’actes, le législateur a pu prévoir un point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité différent pour chacune de ces missions de l’avocat sans porter atteinte au principe d’égalité qui ne s’oppose pas à une différence de traitement fondée sur une différence de situation et en rapport avec l’objet de la loi.

Au regard de la règle specialia generalibus derogant, il convient dans le cas de la responsabilité de l’avocat recherchée pour un manquement à son mandat de représentation en justice d’écarter la règle générale de l’article 2224 du Code civil, qui fixe le point de départ de la prescription de droit commun au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, au profit de la règle spéciale de l’article 2225, qui est d’ailleurs le premier article de la section 2 intitulée de quelques délais et points de départs particuliers.

Ainsi, le délai de prescription de l’action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l’exécution de sa mission, court à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle il a reçu mandat de représenter et d’assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.

Il ressort de l’arrêt du 9 février 2017 rendu par la cour d’appel de Nîmes, après l’ordonnance de caducité litigieuse, que madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] n’étaient plus représentés par Maître [P] [M] mais par une autre avocate. Madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] ne contestent pas qu’ils aient mis fin à la mission de Maître [P] [M] après ladite ordonnance de caducité de l’appel qu’il avait interjeté pour eux et que l’avocat leur ait en conséquence restitué leur dossier poursuivi par un autre conseil.

C’est donc de manière fondée que Maître [P] [M] soulève la prescription de leur action contre lui, puisque madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] ont introduit leur action en responsabilité de l’avocat postérieurement à l’expiration du délai quinquennal à compter de leur révocation du mandat de représentation qu’ils lui avaient confié.

Succombant à l’incident, madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] en supporteront les dépens et seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable que Maître [P] [M] supporte la charge de ses frais irrépétibles et il sera pareillement débouté de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Par ordonnance contradictoire rendu après audience publique par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

Disons prescrite l’action en responsabilité engagée par madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] à l’encontre de Maître [P] [M] ;

Disons que madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F] supporteront les dépens  ;

Déboutons madame [W] [J], madame [T] [F], madame [Z] [F] et madame [H] [F], d’une part, et Maître [P] [M], d’autre part, de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La greffière La juge de la mise en état
Madame Tlidja MESSAOUDI Madame Sophie BEN HAMIDA

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER
_____________

R.G.: N° RG 23/02579 – N° Portalis DBYB-W-B7H-OKRP

Date: 21 Novembre 2024

Affaire: [J], [F], [F], [F] / [M]

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

COPIE CERTIFIEE CONFORME DE LA DECISION
REVETUE DE LA FORMULE EXECUTOIRE

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_____

A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

_____

Le Tribunal judiciaire de Montpellier, département de l’Hérault a rendu la décision dont la teneur suit :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
_____________

R.G.: N° RG 23/02579 – N° Portalis DBYB-W-B7H-OKRP

Date: 21 Novembre 2024

Affaire: [J], [F], [F], [F] / [M]

____

E N C O N S E Q U E N C E

L A R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

___

M a n d e e t O r d o n n e

A tous huissiers de Justice, sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution ;

Aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d’y tenir la main ;

A tous Commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis ;

Pour copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire, délivrée par le Directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Montpellier.

P/ LE GREFFIER-EN-CHEF
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER
_____________

R.G.: N° RG 23/02579 – N° Portalis DBYB-W-B7H-OKRP

Date: 21 Novembre 2024

Affaire: [J], [F], [F], [F] / [M]

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE
DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

COPIE CERTIFIEE CONFORME DE LA DECISION
REVETUE DE LA FORMULE EXECUTOIRE

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

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A U N O M D U P E U P L E F R A N C A I S

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Le Tribunal judiciaire de Montpellier, département de l’Hérault a rendu la décision dont la teneur suit :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
_____________

R.G.: N° RG 23/02579 – N° Portalis DBYB-W-B7H-OKRP

Date: 21 Novembre 2024

Affaire: [J], [F], [F], [F] / [M]

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E N C O N S E Q U E N C E

L A R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

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M a n d e e t O r d o n n e

A tous huissiers de Justice, sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution ;

Aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d’y tenir la main ;

A tous Commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis ;

Pour copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire, délivrée par le Directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Montpellier.

P/ LE GREFFIER-EN-CHEF


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