L’Essentiel : Un agent de sécurité pour la société [3] a subi un accident du travail le 2 juin 2017 lors d’une intervention pour suspicion de vol, entraînant une entorse du ligament latéral interne du genou droit. Reconnu par la CPAM, l’accident a conduit à une incapacité permanente partielle de 5 %. En avril 2021, l’agent a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, demandant une majoration de sa rente et une indemnité provisionnelle. Cependant, la société a contesté la recevabilité de la demande pour cause de prescription, et le tribunal a déclaré l’action irrecevable.
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Accident du travail de Monsieur [F]Monsieur [I] [F], agent de sécurité pour la société [3], a subi un accident du travail le 2 juin 2017. Lors d’une intervention pour suspicion de vol, il a ressenti une douleur au genou, accompagnée d’un craquement, résultant d’un faux mouvement et d’un effort sur le genou. Un certificat médical a confirmé une entorse du ligament latéral interne du genou droit. La CPAM a reconnu l’accident au titre de la législation professionnelle. Évolution de l’état de santé et rechutesLes lésions de Monsieur [F] ont été déclarées consolidées le 30 avril 2018, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 5 %. Il a connu deux rechutes, prises en charge respectivement le 12 octobre 2018 et le 9 août 2019. Saisine du tribunal et demandes de Monsieur [F]Le 6 avril 2021, Monsieur [F] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon pour faire reconnaître la faute inexcusable de la société [3] à l’origine de son accident. Il a demandé une majoration de sa rente, une expertise médicale, une indemnité provisionnelle de 5 000 euros, ainsi qu’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC. Arguments de la société [3]La société [3] a contesté la recevabilité de la demande de Monsieur [F], invoquant la prescription de l’action. Elle a soutenu que la saisine de la CPAM en mars 2021 ne pouvait pas interrompre le délai de prescription, car elle concernait une rechute. De plus, elle a affirmé que Monsieur [F] n’avait pas prouvé la faute de l’employeur à l’origine de son faux mouvement. Décision du tribunalLe tribunal a examiné la question de la prescription de l’action en reconnaissance de faute inexcusable. Selon l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, l’action se prescrit par deux ans à compter de l’accident. Monsieur [F] avait jusqu’au 30 avril 2020 pour agir, mais il a saisi le tribunal après cette date. Le tribunal a conclu que la demande de reconnaissance de faute inexcusable était irrecevable en raison de la prescription. Conclusion du jugementLa présidente du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a déclaré l’action de Monsieur [I] [F] irrecevable pour cause de prescription, laissant les dépens à sa charge. Le jugement a été mis à disposition au greffe du tribunal le 3 février 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la durée de prescription pour l’action en reconnaissance de faute inexcusable ?L’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale précise que l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter de plusieurs événements, notamment : – Du jour de l’accident, Dans le cas présent, la victime a bénéficié d’indemnités journalières jusqu’au 30 avril 2018. Ainsi, il avait jusqu’au 30 avril 2020 pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Cependant, la saisine de la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM le 26 mars 2021, ainsi que la demande au tribunal le 6 avril 2021, ont été effectuées après l’expiration de ce délai de prescription. Il est donc établi que l’action en reconnaissance de faute inexcusable est irrecevable en raison de la prescription. Les conséquences de la saisine du conseil de prud’hommes sur le délai de prescriptionLa victime a soutenu que la saisine du conseil de prud’hommes (CPH) le 18 septembre 2019 avait interrompu le délai de prescription. Cependant, il est important de noter que l’action devant le CPH concernait des demandes distinctes, notamment : – La résiliation judiciaire du contrat de travail, Ces demandes ne concernaient pas les manquements de l’employeur à l’origine de l’accident du travail survenu le 2 juin 2017. Ainsi, la saisine du CPH ne pouvait pas interrompre le délai de prescription pour la reconnaissance de la faute inexcusable liée à cet accident. En conséquence, l’action de la victime a été jugée irrecevable en raison de la prescription. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité ?L’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers ses employés, ce qui implique qu’il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. Cette obligation est inscrite dans le code du travail, notamment dans l’article L. 4121-1, qui stipule que : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Dans le cas présent, la victime a allégué que l’employeur n’avait pas dispensé de formation sur les risques de vol et d’agression, ni mis à disposition l’équipement de sécurité nécessaire. Cependant, la société a contesté ces allégations, affirmant que la victime ne prouvait pas la faute de l’employeur à l’origine du faux mouvement. Il est donc essentiel de démontrer que l’employeur a manqué à ses obligations pour établir la faute inexcusable. Quelles sont les implications de la reconnaissance de la faute inexcusable ?La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a des implications significatives pour la victime. En effet, si la faute inexcusable est reconnue, la victime peut bénéficier d’une majoration de son taux de rente, ainsi que d’une indemnisation pour les préjudices subis. L’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale précise que : « En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une majoration de la rente. » Dans cette affaire, la victime a demandé la majoration de son taux de rente à son maximum, ainsi que l’organisation d’une expertise médicale pour évaluer les préjudices. Cependant, en raison de la prescription de son action, ces demandes n’ont pas pu être examinées. Ainsi, la reconnaissance de la faute inexcusable aurait pu avoir des conséquences financières importantes pour la victime, mais cela n’a pas été possible en raison du non-respect des délais de prescription. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
3 février 2025
Florence AUGIER, présidente
Marie-José MARQUES, assesseur collège salarié
assistées lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière
tenus en audience publique le 2 décembre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 3 février 2025 par le même magistrat
Monsieur [I] [F] C/ S.A.S. [3]
N° RG 21/00704 – N° Portalis DB2H-W-B7F-VXSF
DEMANDEUR
Monsieur [I] [F],
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS,
avocats au barreau de LYON, vestiaire : 559
DÉFENDERESSE
S.A.S. [3],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Adeline LAVAULT, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
CPAM DU RHONE,
dont le siège social est sis [Adresse 5] –
[Localité 4]
représentée par Mme [G] [J], munie d’un pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[I] [F], S.A.S. [3], CPAM DU RHONE, Me Adeline LAVAULT,
la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, vestiaire : 559
Une copie revêtue de la formule exécutoire : Me Adeline LAVAULT
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [I] [F], employé par la société [3] venant aux droits de la société [3] en qualité d’agent de sécurité, a été victime d’un accident du travail le 2 juin 2017.
La déclaration d’accident du travail établie par l’employeur le 2 juin 2017 indique : « en partant sur une intervention pour une suspicion de vol, l’agent a senti son genou craquer ainsi qu’une douleur. Faux mouvement au départ de l’intervention et effort sur le genou lors de l’intervention ».
Le certificat médical initial de du 2 juin 2017 constate : « genou droit ; entorse du ligament latéral interne ».
La CPAM a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.
Les lésions relatives à cet accident ont été déclarées consolidées le 30 avril 2018 avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 5 %. Deux rechutes ont été prises en charge le 12 octobre 2018 et le 9 août 2019.
Monsieur [F] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon le 6 avril 2021 aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [3] à l’origine de l’accident du travail.
Il sollicite la majoration à son taux maximum de la rente servie par la CPAM, l’organisation d’une mesure d’expertise médicale avant-dire droit sur la réparation des préjudices, l’allocation d’une somme de 5 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle et la condamnation de la société [3] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
En réponse à la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l’action, il expose qu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 18 septembre 2019 ce qui a interrompu le délai de prescription jusqu’à la notification du jugement intervenu le 13 janvier 2022 ; qu’il a ensuite saisi la commission de recours amiable de la caisse le 26 mars 2021 aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [3], action résultant du même fait dommageable qui a justifié la saisine du conseil de prud’hommes ; qu’en conséquence son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est parfaitement recevable.
Au fond il fait valoir que la société [3] ne démontre pas lui avoir dispensé une formation sur les risques de vol et d’agression, ni avoir mis à sa disposition l’équipement de sécurité nécessaire pour interpeller un individu dans le cadre d’une intervention ; que la société ne produit pas le DUER ce qui constitue une faute.
Il explique avoir été victime de 2 rechutes alors que l’employeur n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail concernant l’aménagement de son poste.
La société [3] conclut à la prescription de la demande de monsieur [F] depuis le 30 avril 2020.
Elle fait valoir d’une part que la saisine de la CPAM du 26 mars 2021 n’a pas pu interrompre le délai de prescription de 2 ans car elle visait la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur au titre de l’accident du travail du 9 août 2019, qui est en réalité une rechute, étant rappelé que la victime est irrecevable à invoquer la faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’une rechute ; que d’autre part la demande devant le CPH ne procède pas du même fait dommageable puisqu’elle concerne uniquement le non-respect des préconisations de la médecine du travail à l’origine des rechutes et du licenciement et non des manquements commis à l’origine de l’accident du travail.
Elle expose que monsieur [F] ne démontre pas la faute de l’employeur à l’origine du faux mouvement qu’il a pu réaliser en partant sur une intervention ni que ce faux mouvement avait pour origine un manque d’équipement ou un défaut de formation.
Elle sollicite à titre subsidiaire le débouté des demandes et à titre infiniment subsidiaire que soit ordonnée une expertise dans les termes de la mission qu’elle propose.
La CPAM de [Localité 4] conclut à la prescription de l’action de monsieur [F] et à titre subsidiaire précise qu’elle ne formule pas d’observations sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et demande au tribunal de prendre acte qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l’avance directement auprès de l’employeur.
En l’absence d’un assesseur, la présidente a statué seule avec l’accord des parties et après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent, en application des articles L.218-1 et L.211-16 du code l’organisation judiciaire.
Sur la prescription de l’action en reconnaissance de faute inexcusable
En application des dispositions de l’article L. 431 -2 du code de la sécurité sociale, l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter du jour de l’accident ou de la clôture de l’enquête de la caisse ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.
Monsieur [F] a bénéficié d’indemnités journalières au titre de cet accident jusqu’au 30 avril 2018.
Il avait jusqu’au 30 avril 2020 pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l’accident du 2 juin 2017.
Il a saisi la CRA de la CPAM du Rhône d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’un accident du travail du 9 août 2019, le 26 mars 2021, puis le tribunal de sa demande le 16 avril 2021 soit à des dates postérieures à l’expiration de la date de prescription.
Il fait valoir que la saisine du CPH dans le cadre d’une action résultant du même fait dommageable, le 18 septembre 2019, a interrompu le délai de prescription.
L’action de Monsieur [F] devant le CPH concernait une demande visant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, à la reconnaissance de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat et au caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Les demandes formées devant cette juridiction ne concernent pas des manquements de l’employeur à l’origine de l’accident du travail du 2 juin 2017 mais uniquement les manquements liés non-respect des préconisations du médecin du travail après la consolidation de l’état du salarié et qui sont à l’origine des rechutes.
Il doit être rappelé que la demande de reconnaissance de faute inexcusable pour des manquements qui seraient à l’origine d’une rechute est irrecevable.
L’action de monsieur [F] devant le CPH ne procédait pas du même fait dommageable de sorte que la saisine de cette juridiction n’a pas interrompu le délai de prescription.
Monsieur [F] ayant saisi le tribunal au-delà du délai de 2 ans après la date de fin de versement des indemnités journalières, sa demande doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite.
La présidente du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant seule après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Déclare l’action de Monsieur [I] [F] en reconnaissance de faute inexcusable de son employeur la société [3], irrecevable comme étant prescrite.
Laisse les dépens à la charge de monsieur [F].
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 3 février 2025 et signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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