Prescription et irrecevabilité : enjeux procéduraux en matière de copropriété

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Prescription et irrecevabilité : enjeux procéduraux en matière de copropriété

L’Essentiel : Madame [Y] [E] a engagé une procédure judiciaire contre Monsieur [M] [S], syndic bénévole, pour annuler le procès-verbal de l’assemblée générale du 2 octobre 2023 et obtenir des documents financiers. En réponse, Monsieur [S] a contesté l’assignation, arguant de la prescription de l’action. Madame [Y] [E] a soutenu que sa nouvelle assignation régularisait la précédente. Le juge a déclaré l’action irrecevable, notant l’ambiguïté de l’assignation et le non-respect des délais. Le tribunal a rejeté la demande de frais irrépétibles du Syndicat et a condamné Madame [Y] [E] aux dépens, rendant sa décision le 26 novembre 2024.

Contexte de l’affaire

Madame [Y] [E], née le 02 mars 1985, a engagé une procédure judiciaire contre Monsieur [M] [S], syndic bénévole du Syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 1]. Elle est représentée par ses avocats, Me Patrick FLORENTIN et Me Marie-Josée POFI-MARIANI. Les débats ont eu lieu le 08 octobre 2024.

Demandes de la demanderesse

Par exploit en date du 24 novembre 2023, Madame [Y] [E] a demandé l’annulation du procès-verbal de l’assemblée générale du 2 octobre 2023. Elle a également sollicité la remise de documents financiers, notamment le relevé bancaire du syndicat et les factures de VEOLIA pour 2023, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. En outre, elle a demandé la condamnation de Monsieur [S] à verser 2400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponse du défendeur

Le Syndicat des Copropriétaires, représenté par Monsieur [M] [S], a contesté l’assignation de Madame [Y] [E]. Il a demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’assignation du 24 novembre 2023, arguant que l’action de Madame [Y] [E] était prescrite, car elle n’avait pas assigné le syndicat dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale.

Arguments de la demanderesse

En réponse, Madame [Y] [E] a soutenu que l’assignation du 29 janvier 2024 régularisait celle du 24 novembre 2023 et que la prescription avait été interrompue. Elle a également contesté la demande de Monsieur [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision du juge

Le juge a constaté que l’assignation du 24 novembre 2023 était ambiguë et n’avait pas été adressée explicitement à Monsieur [S] en tant que représentant de la copropriété. Par conséquent, l’action à son encontre a été déclarée irrecevable. De plus, l’action contre le Syndicat des Copropriétaires a également été jugée irrecevable en raison de la prescription, car Madame [Y] [E] avait reçu le procès-verbal le 24 octobre 2023 et n’avait pas agi dans le délai imparti.

Conclusion de l’affaire

Le tribunal a rejeté la demande du Syndicat des Copropriétaires concernant les frais irrépétibles et a condamné Madame [Y] [E] aux dépens. La décision a été rendue à Pontoise le 26 novembre 2024.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la demande

L’article 122 du code de procédure civile stipule que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Dans cette affaire, [M] [8] FRANCE et [M] [8] FRANCE INC soutiennent que Mme [D] [H] est irrecevable en ses demandes, car le tableau litigieux appartient à la succession de feu [Z] [H].

Cette succession est composée de sa veuve, Mme [D] [H], et de sa fille, Mme [P] [H]. Selon le droit civil suisse, un indivisaire ne peut exercer seul une action en justice visant à défendre les intérêts de l’indivision, sauf en cas d’urgence.

Il est à noter que Mme [D] [H] n’a pas abordé cette question dans son acte introductif d’instance.

L’acte introductif révèle que le tableau fait partie de l’indivision successorale de M. [Z] [H], soumise à la loi civile suisse.

[M] [8] FRANCE et [M] [8] FRANCE INC ont prouvé que le droit civil suisse impose cette restriction.

De plus, Mme [D] [H] avait obtenu une autorisation judiciaire du juge suisse pour solliciter l’inclusion de l’œuvre dans le catalogue raisonné.

Cependant, dans le cadre de la présente instance, qui ne présente pas de caractère d’urgence, elle a agi seule, sans l’accord de la coindivisaire ou d’une autre autorisation judiciaire.

Ainsi, son action a été déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir.

Sur les autres demandes

L’article 491 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référés, statue également sur les dépens.

L’article 696 du même code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge, par décision motivée, en met la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Dans cette affaire, Mme [D] [H], ayant succombé, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions susvisées.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie une somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge doit également tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il est important de noter que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de Mme [D] [H] n’a été présenté pour écarter la demande de [M] [8] FRANCE et [M] [8] FRANCE INC.

Celle-ci a été évaluée à la somme de 2.000 euros pour chacun des défendeurs, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi, Mme [D] [H] a été condamnée à payer cette somme à chacun des défendeurs, en plus des entiers dépens.

PREMIERE CHAMBRE

N° RG 23/06279 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NOJ3
71F

[Y] [E]

C/

S.D.C. [Adresse 1]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

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ORDONNANCE D’INCIDENT

–==00§00==–

Ordonnance rendue le 26 novembre 2024 par Didier FORTON, Vice-Président, Juge de la mise en état de ce Tribunal, assisté de Cécile DESOMBRE, Greffier, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe le jour du délibéré ;

Date des débats : 08 octobre 2024.

DEMANDERESSE

Madame [Y] [E], née le 02 mars 1985, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick FLORENTIN, avocat postulant au barreau du Val d’Oise et assistée de Me Maître Marie-Josée POFI-MARIANI, avocat plaidant au barreau de Paris

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de la résidence sise [Adresse 1], représenté par son syndic bénévole Monsieur [M] [S] demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Thomas YESIL, avocat au barreau du Val d’Oise

–==00§00==–

Par exploit en date du 24 novembre 2023 auquel il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, [Y] [E] a fait assigner [M] [S] devant la juridiction de céans et sollicité principalement de voir :

Annuler le procès-verbal d’assemblée générale du 2 octobre 2023,

Condamner Monsieur [M] [S] , syndic de copropriété à remettre le justificatif du relevé bancaire du syndicat des copropriétaires et les factures VEOLIA de 2023 ainsi que les justificatifs de la créance irrecouvrables et Mademoiselle [Y] [E] sous astreinte de 150 euros par jour de retard , l’astreinte commençant à courir dans le délai de 7 jours à compter de la signification du jugement à l’encontre de Monsieur [S] s’il n’a pas fourni ces documents dans le délai d’une semaine selon lettre recommandée avec AR à Mademoiselle [Y] [E],

Condamner Monsieur [S] à la somme de 2400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance,

Par exploit en date du 29 janvier 2024 auquel il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, [Y] [E] a fait assigner le Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1], représenté par son syndic Monsieur [M] [S] SYNDIC BENEVOLE, devant la juridiction de céans aux mêmes fins ;

Par conclusions notifiées par voie électronique, le Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1] sollicite du juge de la mise en état de voir :

Déclarer irrecevable l’assignation du 24 novembre 2023 sollicitant l’annulation de l’assemblée générale signifiée à Monsieur [M] [S] en sa qualité de Syndic,

Déclarer irrecevable car prescrite l’action de Madame [Y] [E], faute pour elle d’avoir assigné le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de la copropriété sise [Adresse 1] dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale du 2 octobre 2023,

Condamner Madame [Y] [E] à verser au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de la copropriété sise [Adresse 1] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens,

Par conclusions notifiées par voie électronique [Y] [E] conclut à voir :

Constater que l’assignation du 29 janvier 2024 a purement et simplement régularisé l’assignation du 24 novembre 2023 et que l’action de Madame [Y] [E] n’est pas prescrite du fait de l’interruption de la prescription jusqu’à ce que le juge statue,

Débouter Monsieur [M] [S] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2500 euros,

Celle-ci soutient que l’assignation a été adressée à [M] [S] en tant que représentant de la copropriété ;

Elle exprime qu’elle a préféré couvrir l’irrégularité en assignant le Syndicat des Copropriétaires « sur et aux fins » le 29 janvier 2024 ;

Elle fait valoir en outre, que la prescription a été interrompue par l’assignation querellée du 24 novembre 2023 ;

L’affaire a été appelée à l’audience d’incident du 8 octobre 2024 et mise en délibéré au 26 novembre 2024 ;

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience ;

SUR CE

Aux termes de l’ article 789 du code de procédure civile : « Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.

Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.  » ;

En vertu des disposition de l’article 122 du code de procédure civile :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » ;

En vertu des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » ;

En vertu des dispositions de l’article 32 du code de procédure civile : »Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » ;

Enfin, en vertu de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 :

« Les dispositions de l’article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.

Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale.

En l’espèce, l’assignation litigieuse du 24 novembre 2023 a été adessée à :

« Monsieur [M] [S]
Demeurant à [Adresse 3]
Désigné syndic bénévole de la copropriété sise [Adresse 1] à [Localité 4] ; »

Force est de constater que le terme « désigné » est ambigu et ne permet pas de distinguer si [M] [S] a été assigné à titre personnel ou en sa qualité de représentant de la copropriété ;

En tout état de cause il y a lieu de constater que ce dernier n’a pas été assigné explicitement en cette qualité ;

Il résulte en outre, du dispositif des demandes que [Y] [E] sollicite la condamnation de [M] [S] à lui payer 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Cette demande est manifestement dirigée à l’encontre de [M] [S] et non pas à celui-ci « ès-qualités », de sorte qu’elle confirme que la demande est dirigée à son encontre à titre personnel ;

[M] [S] étant dépourvu de qualité à agir à titre personnel dans le présent litige; il y aura lieu de déclarer l’action irrecevable à son encontre ;

S’agissant de l’action à l’encontre du Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1], il y lieu de constater que l’assignation du 24 novembre 2023, en raison de la présente décision, n’a pas eu pour effet d’interrompre la prescrition de deux mois évoquée ;

En l’espèce [Y] [E] ne conteste pas avoir été destinataire du procès-verbal de l’Assemblée Générale querellée le 24 octobre 2023, de sorte que son action était precrite à la date de l’assignation du 29 janvier 2024 et ce, depuis le 24 décembre 2024 ;

Il y aura donc lieu de déclarer l’action à l’encontre de le Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1] irrecevable par l’effet de la prescription ;

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de le Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1] le montant des frais irrépétibles et il y aura lieu en conséquence de rejeter sa demande à ce titre ;

Il y aura lieu de condamner [Y] [E] aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons irrecevable l’action de [Y] [E] à l’encontre de [M] [S] ;

Déclarons irrecevable l’action de [Y] [E] à l’encontre de [M] [S] ;

Rejetons la demande du Syndicat des Copropriétaires de la copropriété sis [Adresse 1] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons [Y] [E] aux dépens.

Ainsi fait et jugé à Pontoise, le 26 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,
Madame DESOMBRE Monsieur FORTON


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