Prescription et qualité à agir dans le cadre d’une restitution de sommes versées.

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Prescription et qualité à agir dans le cadre d’une restitution de sommes versées.

L’Essentiel : La société O’Châteaudun, fondée par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], a acquis un fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant, ainsi qu’un bureau de validation de jeux, le 15 janvier 2018. En février 2018, Madame [J] [T] a effectué des paiements à la société SCI Msirda, et a ensuite cédé des parts sociales. Le 6 septembre 2022, elle a assigné la SCI en justice pour récupérer 60 500,00 €, contestée par la société sur des bases de prescription. Le juge a déclaré irrecevables certaines demandes de la SCI et a rejeté la prescription.

Acquisition du fonds de commerce

La société O’Châteaudun a été fondée par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], qui ont acquis un fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant, ainsi qu’un bureau de validation de jeux de la Française des Jeux, le 15 janvier 2018. Un bail commercial a été signé le 5 mars 2018 avec la société SCI Msirda, propriétaire des lieux, dont les associés sont également Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G].

Transactions financières

Madame [J] [T] a effectué plusieurs paiements à la société SCI Msirda, incluant un chèque de 14 000,00 € et un virement de 142 500,00 €, tous deux réalisés en février 2018. Le même jour, Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G] ont cédé leurs parts sociales de la société O’Châteaudun à Madame [J] [T] et Madame [P] [F] pour un montant de 2 000,00 € chacune, ainsi que leurs créances de compte courant pour un total de 97 450,00 €.

Assignation en justice

Le 6 septembre 2022, Madame [J] [T] a assigné la société SCI Msirda devant le tribunal judiciaire de Versailles, demandant la restitution de 60 500,00 € qu’elle estime avoir versés indûment. La société SCI Msirda a contesté cette demande, invoquant la prescription et le défaut de qualité de bénéficiaire effectif de Madame [J] [T].

Arguments de la société SCI Msirda

La société SCI Msirda a soutenu que la demande de Madame [J] [T] était irrecevable en raison de la prescription de trois ans applicable aux actions liées à la cession de parts sociales. Elle a également affirmé que Madame [J] [T] n’avait pas prouvé une erreur ou une contrainte justifiant le remboursement, et que les sommes versées avaient été reçues pour le compte des cédants.

Réponse de Madame [J] [T]

En réponse, Madame [J] [T] a contesté la prescription, arguant que son action était soumise à un délai de cinq ans. Elle a également soutenu que la question de la qualité de bénéficiaire effectif devait être examinée par le tribunal, et que la demande de dommages et intérêts de la société SCI Msirda était infondée.

Décisions du juge de la mise en état

Le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts de la société SCI Msirda pour procédure abusive et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription. Il a également rejeté les fins de non-recevoir concernant le défaut d’intérêt à agir et la qualité à défendre de Madame [J] [T].

Perspectives d’avancement de l’affaire

Le juge a invité les parties à accomplir les diligences nécessaires avant de fixer une audience pour la clôture de l’instruction. La société SCI Msirda a été condamnée à supporter les dépens de l’incident et à verser 1 000,00 € à Madame [J] [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la prescription applicable à l’action en répétition de l’indu dans le cadre de la cession de parts sociales ?

L’article L. 235-9 du code de commerce stipule que les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.

Cependant, l’article 2224 du code civil précise que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Dans le cas présent, l’action exercée par Madame [J] [T] à l’encontre de la société SCI Msirda est une action en répétition d’un indu, qui ne remet pas en cause les actes ou délibérations de la société.

Ainsi, elle ne relève pas du délai de prescription de trois ans prévu par l’article L. 235-9, mais du délai de droit commun de cinq ans selon l’article 2224.

L’assignation a été délivrée le 6 septembre 2022, moins de cinq ans après les paiements litigieux effectués en février 2018, ce qui signifie que l’action n’est pas prescrite.

Madame [J] [T] a-t-elle la qualité pour agir contre la société SCI Msirda ?

L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

Il n’est pas nécessaire de démontrer le bien-fondé de l’action pour établir l’intérêt à agir. L’article 122 du même code précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond.

En l’espèce, la société SCI Msirda soutient que Madame [J] [T] ne justifie pas d’une qualité de bénéficiaire effectif. Cependant, il est établi que les sommes versées par Madame [J] [T] à la société SCI Msirda l’ont été pour le compte des cédants, Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G].

L’article 1302-1 du code civil stipule que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Ainsi, même si la société SCI Msirda a reçu les fonds, elle n’est pas dépourvue de qualité à défendre, car elle a reçu les sommes en tant que mandataire des cédants.

Quelles sont les conséquences de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cependant, la société SCI Msirda a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, ce qui ne relève pas des compétences du juge de la mise en état.

En effet, la liquidation d’un préjudice autre que les frais irrépétibles est de la compétence du juge du fond.

Ainsi, la demande indemnitaire de la société SCI Msirda pour procédure abusive a été déclarée irrecevable, car le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir d’allouer des dommages et intérêts pour un préjudice causé par une action en justice jugée abusive.

Comment se détermine la qualité de l’action en répétition de l’indu ?

L’article 1302-2 du code civil précise que l’action en restitution ne peut être dirigée contre celui qui n’a rien reçu, ou qui, ayant reçu pour le compte d’autrui, a transmis à son donneur d’ordre ce qu’il a reçu.

Dans cette affaire, Madame [J] [T] a versé des sommes à la société SCI Msirda, qui les a reçues pour le compte des cédants.

La société SCI Msirda ne peut donc pas être considérée comme le débiteur de ces sommes, car elle a agi en tant que mandataire.

La preuve du caractère indu du paiement invoqué par la demanderesse n’est pas une condition de recevabilité de l’action, mais de son succès.

Ainsi, la société SCI Msirda ne peut pas se prévaloir d’un défaut de qualité à défendre, car elle a reçu les fonds, même si elle ne peut pas prouver qu’ils ont été transmis aux cédants.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Deuxième Chambre

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

rendue le 09 JANVIER 2025

N° RG 22/04899 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q2OG

JUGE DE LA MISE EN ETAT : Monsieur MADRE, Vice-Président

GREFFIER : Madame SOUMAHORO, Greffier,

DEMANDERESSE au principal et défenderesse à l’incident :

Madame [J] [T], née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5], de nationalité
française, sans profession, demeurant [Adresse 2],
représentée par Me François-Xavier GRIGNON DERENNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Me Asma MZE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

DEFENDERESSE au principal et demanderesse à l’incident :

La société SCI MSIRDA, société civile immobilière immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 499 952 471 et dont le siège social est sis10 [Adresse 4], prise en la personne de son Gérant domicilié audit siège ès qualité,
représentée par Maître Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEBATS : A l’audience publique d’incident tenue le 18 Novembre 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Monsieur MADRE, Vice-Président, juge de la mise en état assisté de Madame SOUMAHORO, greffier, puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 09 Janvier 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 15 janvier 2018, la société O’Châteaudun, dont les associés fondateurs étaient Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], a acquis un fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant auquel était attaché un bureau de validation du loto et de jeux de grattage de la Française des Jeux, situé [Adresse 3], à [Localité 6] (Yvelines).

Elle a conclu un bail commercial le 5 mars 2018 avec la société SCI Msirda, société civile immobilière propriétaire des lieux et dont le capital est détenu à égalité par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G].

Madame [J] [T] a versé à la société SCI Msirda la somme de 14 000,00 €, par chèque émis le 2 février 2018 et tiré le 9 février 2018, ainsi que la somme de 142 500,00 €, par virement effectué le 6 février 2018.

Par acte sous seing privé conclu le 5 mars 2018, Monsieur [B] [G] a cédé à Madame [J] [T] les 50 parts sociales de la société O’Châteaudun, dont il était titulaire, pour un prix de 2 000,00 € « réglé par virement bancaire dès avant ce jour » et Monsieur [X] [G] a cédé à Madame [P] [F] épouse [T] les 50 parts sociales de la société O’Châteaudun qu’il détenait, pour un prix de 2 000,00 €.

Par acte sous privé conclu le 5 mars 2018, Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G] ont cédé à Madame [J] [T] les créances de compte courant dont ils étaient titulaires à l’encontre de la société O’Châteaudun, moyennant une somme « payée dès avant ce jour par virement bancaire », répartie comme suit : à hauteur de 48 725,00 € pour la créance de Monsieur [B] [G] et à hauteur de 48 725,00 € pour la créance de Monsieur [X] [G].

Par acte en date du 6 septembre 2022, Madame [J] [T] a fait assigner la société SCI Msirda devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’obtenir sa condamnation à lui restituer une somme de 60 500,00 € en principal, qu’elle estime lui avoir versée indûment.

Par conclusions d’incident notifiées le 13 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société SCI Msirda demande au juge de la mise en état de :
à titre principal, déclarer Madame [J] [T] irrecevable en ses demandes comme prescrites ;subsidiairement, rejeter (sic) les demandes de Madame [J] [T] pour défaut de qualité de bénéficiaire effectif de la société SCI Msirda ;à titre plus subsidiaire, juger infondées les demandes de Madame [J] [T] et l’en débouter ;à titre reconventionnel, condamner Madame [J] [T] à lui verser la somme de 20 000,00 € à titre de dommage et intérêts ;condamner Madame [J] [T] à lui payer la somme de 2 400,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’incident.
Elle soutient en substance que la demande de Madame [J] [T] est irrecevable comme prescrite, au visa de l’article L. 235-9 du code de commerce, dès lors que la demanderesse sollicite le remboursement de sommes versées à l’occasion de la cession de parts sociales d’une société à responsabilité limitée, que les actions formées à ce titre se prescrivent par trois ans, que la cession de parts sociales incriminée a été conclue le 5 mars 2018 et que l’assignation n’a été délivrée que le 6 septembre 2022.

Elle invoque, à titre subsidiaire, l’irrecevabilité de la demande au motif que la demanderesse ne justifie nullement d’une « erreur » et encore moins d’une « contrainte » qui l’aurait conduite à procéder à un règlement prétendument non dû, alors que la Cour de cassation a jugé que la négligence ou l’imprudence du prétendu solvens rendait irrecevable l’action en répétition de l’indu.

Elle ajoute, au visa de l’article 1302-2 du code civil, que l’action en restitution ne peut être dirigée contre celui qui n’a rien reçu, ou qui, ayant reçu pour le compte d’autrui, a transmis à son donneur d’ordre ce qu’il a reçu et qu’en l’espèce, à l’exception des loyers et du dépôt de garantie, les sommes versées à la société SCI Msirda l’ont été pour le compte de Messieurs [X] et [B] [G], à leur demande et leur ont été restituées. Elle précise que la demanderesse lui a versé en toute connaissance de cause, au nom et pour le compte de Messieurs [X] et [B] [G] le prix de cession de parts sociale de la société O’Châteaudun, le remboursement des comptes courants d’associés des cédants et le remboursement des sommes avancées à Monsieur [K] [G].

Elle fait enfin valoir que Madame [J] [T] tente d’instrumentaliser la justice et d’obtenir des sommes indues en entraînant la société SCI Msirda indûment dans une procédure qui ne la concerne pas, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts à son profit.

Par conclusions d’incident notifiées le 18 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] [T] demande au juge de la mise en état de :
à titre principal,
rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société SCI Msirda ;déclarer Madame [J] [T] recevable et bien fondée en son opposition à ce qu’il soit statué par le juge de la mise en état sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande ne serait pas valablement formée contre la société SCI Msirda soulevée par cette société, et renvoyer l’affaire sur ce point devant la formation de jugement ;rejeter la demande indemnitaire et la demande en paiement des frais irrépétibles non compris dans les dépens formées par la société SCI Msirda ;condamner la société SCI Msirda à lui verser la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la société SCI Msirda aux entiers dépens de l’incident, avec distraction au profit de Maître [M] [Z].
Elle fait valoir, en substance, que l’action en justice dont le tribunal est saisi n’est pas une action visant à obtenir l’annulation de la cession des parts sociales conclue le 5 mars 2018 mais une action en répétition de l’indu, soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil.

Elle s’oppose, au visa de l’article 789 du code civil, à ce que le juge de la mise en état statue sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande ne serait pas valablement formée contre la société SCI Msirda dès lors que constituent des questions de fond, relevant de la compétence du tribunal, la question de savoir si elle se serait acquittée d’obligations naturelles en réglant des sommes à la société SCI Msirda, la question de savoir si Messieurs [X] et [B] [G] auraient été les bénéficiaires du profit effectif des sommes versées à la société SCI Msirda, la question de savoir si la société SCI Msirda n’aurait reçu ces sommes qu’en qualité de mandataire, et, plus généralement, les questions de savoir à l’égard de quelles personnes Madame [J] [T] était débitrice et si l’indu invoqué constitue un indu objectif ou un indu subjectif.

Elle estime enfin que la demande de condamnation à des dommages et intérêts ne peut qu’être rejetée puisque la société SCI Msirda ne fait état d’aucune faute commise par Madame [J] [T], d’aucun préjudice subi par cette société et a fortiori d’aucun lien de causalité entre une quelconque faute et un éventuel préjudice.

Les parties ont été convoquées pour plaider sur cet incident par bulletin du greffe à l’audience du 18 novembre 2024. A cette audience, l’incident a été mis en délibéré au 9 janvier 2025.

MOTIFS :

Sur la compétence du juge de la mise en état :
L’article 789 du code de procédure civile dispose notamment que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

En l’espèce, la société SCI Msirda forme une demande indemnitaire au titre d’une procédure abusive, reprochant à Madame [J] [T] de l’avoir attraite à tort devant la juridiction.

Il est cependant constant que les pouvoirs du magistrat de la mise en état lui permettent de statuer sur les dépens et sur les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, mais ne comprennent pas celui d’allouer à une partie des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par une action en justice jugée abusive . La liquidation d’un préjudice autre que les frais irrépétibles ressort en effet du seul office du juge du fond.

La société SCI Msirda est ainsi dite irrecevable en sa demande indemnitaire au titre d’une procédure abusive.

Il en est de même de sa demande subsidiaire tendant à « juger infondées les demandes de Madame [J] [T] et l’en débouter ».

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Aux termes de l’article L. 235-9 alinéa 1er du code de commerce, les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l’article L. 235-6.

Par ailleurs, l’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, l’action exercée par Madame [J] [T] à l’encontre de la société SCI Msirda, qui est une action en répétition d’un indu portant sur des sommes versées dans le contexte d’une cession de parts sociales et n’emporte aucune remise en cause des actes ou délibérations de la société elle-même, ne relève pas du délai de prescription prévu à l’article L. 235-9 alinéa 1er du code de commerce mais du délai de droit commun de l’article 2224 du code civil.
L’assignation introductive d’instance, en date du 6 septembre 2022, a été délivrée moins de cinq ans à compter de la réalisation des paiements litigieux, intervenus les 2 et 6 février 2018, de sorte que l’action n’est pas prescrite.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur les autres fins de non-recevoir soulevées par la société SCI Msirda :
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 125 alinéa 3 du code de procédure civile précise que lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir.

En outre, l’article 789 du même code dispose, en ses deux derniers alinéas, que s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. Dans ce cas, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.

En application de ces dispositions, issues du décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024, en vigueur depuis le 1er septembre 2024 et applicables aux instances en cours à cette date, il n’y a pas lieu de renvoyer l’examen d’une question de fond au tribunal, ce renvoi n’étant qu’une faculté et ne s’imposant pas en l’espèce au regard d’une complexité du moyen soulevé.

L’article 12 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En application de ce texte et au regard de sa formulation et des moyens invoqués, la demande subsidiaire de la société SCI Msirda tendant à rejeter les demandes de Madame [J] [T] pour défaut de qualité de bénéficiaire effectif de la société SCI Msirda s’analyse comme des fins de non-recevoir tirées d’un défaut d’intérêt à agir et de qualité à défendre.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. L’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.

Par ailleurs, l’article 32 du code de procédure civile prévoit qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Enfin, l’article 1302-1 du code civil dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

L’action en répétition de l’indu doit être exercée contre celui pour le compte duquel les fonds ont été indûment versés, qui en est le bénéficiaire, et non contre celui qui les a reçus en qualité de mandataire (Com., 17 juin 2003, pourvoi n° 00-18.741).

En l’espèce, il est constant et ressort des pièces produites que les prix de cession des parts sociales cédées par Monsieur [B] [G] et des créances d’associé respectives de Monsieur [B] [G] et de Monsieur [X] [G] ont été versés par Madame [J] [T] à la société SCI Msirda, qui les a reçus pour le compte des cédants.

S’agissant du surplus des sommes versées par Madame [J] [T], la société SCI Msirda ne justifie toutefois pas qu’elles ont été reçues au nom et pour le compte de Monsieur [B] [G] et de Monsieur [X] [G]. En effet, les seules pièces produites pour établir le mandat allégué sont deux attestations en date du 22 mai 2024 manifestement établies pour les besoins de la cause par Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G], associés et gérants de la société SCI Msirda, en méconnaissance du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et à l’exclusion de tout autre document. N’est notamment pas apportée la preuve que les sommes litigieuses ont effectivement été transmises par la société SCI Msirda à Monsieur [B] [G] et Monsieur [X] [G].

La société SCI Msirda, qui a reçu les fonds dont la restitution est sollicitée, n’est donc pas dépourvue de qualité à défendre.

Enfin, la preuve du caractère indu du paiement invoqué par la demanderesse, que cet indu résulte d’une erreur ou d’une contrainte, n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.
Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société SCI Msirda tirées d’un défaut d’intérêt à agir et de qualité à défendre.

Sur les perspectives d’avancement de l’affaire :
Eu égard à l’état d’avancement de l’affaire et à la durée de la procédure, il convient d’inviter les parties à accomplir les diligences prescrites au dispositif avant rappel à l’audience pour envisager la clôture de son instruction.

Sur les demandes accessoires :
En application des articles 696 et 790 du code de procédure civile, il convient de condamner la société SCI Msirda, qui succombe à l’incident, à supporter les dépens de l’incident et de réserver au fond le surplus des dépens de l’instance.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, Maître [M] [Z] peut recouvrer directement contre la société SCI Msirda les dépens de l’incident dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

L’équité et les situations respectives des parties commandent en outre de condamner la société SCI Msirda à payer à Madame [J] [T] la somme de 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il convient de rappeler que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et non susceptible d’appel,

DISONS irrecevable la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée devant le juge de la mise en état ;
DISONS irrecevable la demande subsidiaire de la société SCI Msirda tendant à juger infondées les demandes de Madame [J] [T] et à l’en débouter ;
REJETONS la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
REJETONS les fins de non-recevoir soulevées par la société SCI Msirda tirées d’un défaut d’intérêt à agir et de qualité à défendre ;
DISONS que la société SCI Msirda devra conclure au fond avant le 13 février 2025, puis Madame [J] [T] avant le 20 mars 2025, les derniers échanges devant intervenir avant le 21 avril 2025 ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 28 avril 2025 à 9 heures 01 pour être clôturée et fixée pour plaidoiries ;
CONDAMNONS la société SCI Msirda à supporter les dépens de l’incident ;
DISONS que Maître [M] [Z] peut recouvrer directement contre la société SCI Msirda les dépens de l’incident dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS le surplus des dépens de l’instance ;
CONDAMNONS la société SCI Msirda, à payer à Madame [J] [T] la somme de 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
REJETONS toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 JANVIER 2025 par Monsieur MADRE, Vice-Président, assisté de Madame SOUMAHORO, Greffier.

Le GREFFIER Le JUGE de la MISE en ETAT


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