L’Essentiel : Le 14 juin 2010, Monsieur [X] [H] et Madame [G] [Z] ont signé un contrat pour l’achat d’un bien immobilier via la société Consilium. Après des pertes financières, ils ont assigné la société Edelis en juillet 2022, invoquant un manquement aux obligations d’information. Le tribunal de Créteil a déclaré leur demande irrecevable pour cause de prescription. Cependant, en appel, les époux [H] ont soutenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au 6 avril 2021. La cour a finalement infirmé la décision initiale, déclarant l’action non prescrite et condamnant la société Edelis aux dépens.
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Contexte de l’AffaireLe 14 juin 2010, Monsieur [X] [H] et Madame [G] [Z] ont signé un contrat de réservation pour l’achat d’un bien immobilier en l’état futur d’achèvement, d’une valeur de 184 100 euros TTC, via la société Consilium. Ce bien, situé dans la résidence [Adresse 6] à [Localité 5], devait leur permettre de réaliser un investissement locatif dans le cadre du régime fiscal « Scellier ». L’acte de vente a été finalisé le 31 janvier 2011, et le bien a été livré le 30 mai 2012. Procédure Judiciaire InitialeLes époux [H] ont assigné la société Edelis, successeur de la société Akerys Promotion, devant le Tribunal judiciaire de Créteil le 22 juillet 2022, arguant d’un manquement aux obligations d’information et de conseil par la société Consilium. Ils ont soutenu que leur investissement avait été mal orienté, ce qui a conduit à des pertes financières. Décision du Tribunal de CréteilLe 7 novembre 2023, le juge de la mise en état a déclaré les demandes des époux [H] irrecevables pour cause de prescription. Il a également condamné les époux aux dépens et à verser 500 euros à la société Edelis en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Appel des Époux [H]Les époux [H] ont interjeté appel le 28 novembre 2023, demandant l’infirmation de l’ordonnance du tribunal. Ils ont soutenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au 6 avril 2021, date à laquelle ils auraient pu connaître la réalisation du risque lié à leur investissement. Arguments de la Société EdelisLa société Edelis a répliqué que l’action des époux [H] était prescrite, car elle avait été engagée plus de cinq ans après la signature de l’acte d’engagement. Elle a également contesté la valeur des projections financières fournies aux époux et a affirmé que son rôle se limitait à un mandat immobilier. Analyse de la CourLa cour a examiné les arguments des deux parties et a conclu que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date d’expiration de l’engagement de location, soit le 19 août 2021. Étant donné que l’assignation avait été délivrée le 22 juillet 2022, l’action des époux [H] n’était pas prescrite. Décision Finale de la CourLa cour a infirmé l’ordonnance du tribunal de Créteil, déclarant l’action des époux [H] non prescrite et condamnant la société Edelis aux dépens. Toutes les autres demandes ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’obligation d’information et de conseil dans le cadre d’un contrat de réservation immobilière ?L’obligation d’information et de conseil est un principe fondamental dans les relations contractuelles, notamment dans le domaine immobilier. Elle impose au professionnel, ici la société Consilium, de fournir au client toutes les informations nécessaires pour lui permettre de prendre une décision éclairée. Selon l’article 1112-1 du Code civil, « celui qui propose un contrat doit informer l’autre partie des éléments d’information dont il dispose et qui sont déterminants pour le consentement de cette dernière ». Cette obligation est renforcée par l’article 1992 du même code, qui stipule que « le mandataire est tenu d’informer son mandant de tout ce qu’il a fait pour lui ». Dans le cas présent, les époux [H] soutiennent que la société Consilium a manqué à cette obligation, ce qui pourrait engager sa responsabilité. Quel est le point de départ du délai de prescription pour une action en responsabilité ?Le délai de prescription pour une action en responsabilité est régi par l’article 2224 du Code civil, qui précise que « le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Dans le contexte de l’affaire, les époux [H] affirment que le point de départ de la prescription doit être fixé au 19 août 2021, date à laquelle leur engagement de location a pris fin. La cour a retenu que le point de départ de la prescription doit être déterminé à la lumière de la révélation du risque, ce qui signifie que les époux [H] auraient dû connaître les éléments leur permettant d’agir à cette date. Quelles sont les conséquences d’une action déclarée irrecevable pour cause de prescription ?Lorsqu’une action est déclarée irrecevable pour cause de prescription, cela signifie que le tribunal ne peut pas examiner le fond de l’affaire. L’article 2224 du Code civil, en lien avec l’article 1304 du Code de procédure civile, stipule que « la prescription est un moyen de défense qui peut être soulevé par la partie défenderesse ». Dans ce cas, la société Edelis a demandé la confirmation de l’ordonnance du juge de première instance, qui avait déclaré les demandes des époux [H] irrecevables. Cela aurait entraîné le déboutement des époux de leurs demandes et la condamnation à payer des dépens. Cependant, la cour a finalement infirmé cette ordonnance, déclarant l’action des époux [H] non prescrite, ce qui leur permet de poursuivre leur action en responsabilité. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais non compris dans les dépens. Dans le cas présent, la société Edelis a demandé une indemnité de 500 euros sur le fondement de cet article, en raison de la procédure engagée par les époux [H]. Cependant, la cour a décidé de rejeter cette demande, considérant que l’ordonnance initiale était infirmée et que la société Edelis ne pouvait pas obtenir de condamnation à ce titre. Cela souligne l’importance de la décision de la cour, qui a non seulement permis aux époux [H] de poursuivre leur action, mais a également eu des conséquences financières pour la société Edelis. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 20 JANVIER 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 23/19121 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CITDX
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Novembre 2023 – Juge de la mise en état de CRÉTEIL – RG n° 22/05235
APPELANTS
Monsieur [X] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]/ France
représenté par Me Richard JONEMANN de l’AARPI JONEMANN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0280
Madame [G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]/ France
représentée par Me Richard JONEMANN de l’AARPI JONEMANN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0280
INTIMEE
S.A.S.U. EDELIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Claire LITAUDON de la SELARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Solène LORANS, Conseiller
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Le 14 juin 2010, par l’intermédiaire de la société Consilium, Monsieur [X] [H] et Madame [G] [Z], son épouse, ont signé un contrat de réservation préliminaire aux fins d’achat, en l’état futur d’achèvement, d’un bien immobilier situé dans la résidence [Adresse 6] à [Localité 5], pour un montant de 184 100 euros TTC, auprès de la société Akerys Promotion devenue Edelis, dans le but de réaliser un investissement immobilier leur permettant de défiscaliser les revenus de ce bien.
L’acte de vente en l’état futur d’achèvement a été conclu en la forme authentique par acte reçu par Me [Y] [D], notaire à [Localité 5], le 31 janvier 2011.
Le bien a été livré le 30 mai 2012 et le premier contrat de bail a pris effet le 27 août 2012.
Le financement de l’acquisition a été assuré par un prêt de 184 100 € consenti par la banque BNP Paribas Personale Finance.
Soutenant en substance qu’ils ont été démarchés par la société Consilium afin de procéder à un investissement immobilier locatif dans le cadre du régime fiscal « Scellier », mais que cette société, mandataire de la société EDELIS, a manqué à ses obligations d’information et de conseil, par exploit d’huissier du 22 juillet 2022, les époux [H] ont fait assigner la société Edelis devant le Tribunal judiciaire de Créteil.
* * *
Vu l’ ordonnance prononcée le 7 novembre 2023 par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Créteil qui a statué comme suit :
Déclare les demandes irrecevables comme prescrites ;
Condamne in solidum les époux [H] aux dépens et à payer à la société Edelis la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’appel déclaré le 28 novembre 2023 par les époux [H],
Vu dernières conclusions signifiées le 16 février 2024 par les époux [H],
Vu dernières conclusions signifiées le 13 mars 2024 par la société Edelis,
Les époux [H] demandent à la Cour de statuer comme suit :
D’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
Déclarer les demandes irrecevables comme prescrites ;
Condamner in solidum les époux [H] aux dépens et à payer à Edelis la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Accordé aux avocats en ayant la demande le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Et suivant, statuant à nouveau :
Dire et juger que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au plus tôt au 6 avril 2021 ;
Dire et juger que l’action des époux [H] est recevable et ne se heurte à aucune prescription ;
Réserver les dépens d’appel.
La société Edelis demande à la cour de statuer comme suit :
Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Créteil le 7 novembre 2023 ;
Ce faisant :
Déclarer les demandes des époux [H] irrecevables comme prescrites, les en débouter intégralement ;
Condamner in solidum les époux [H] à payer à la société Edelis une indemnité de 500 euros du le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Y ajoutant :
Condamner in solidum les époux [H] à payer à la société Edelis, en cause d’appel, une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Litaudon sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les époux [H] exposent que l’opération financière leur a été proposée par M. [P], intervenant pour la société Consilium, mandataire de la société Akeris devenue Enedis, présentait un caractère complèxe ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d’impôts avec en complément un effort d’épargne mensuel devant permettre suivant la revente du bien au terme de l’engagement de location le remboursement du prêt et la réalisation d’un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni. Ils mentionnent que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de réalisation du risque soit, au plus tôt, le 19 août 2021, date du terme de l’engagement de location. Ils en déduisent que leur action introduite le 27 juillet 2022 n’est pas prescrite .
La société Edelis soutient, au visa de l’article 2224 du code civil, que toute action en
responsabilité se trouve prescrite à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait
dû connaître les faits, date qu’il convient d’apprécier in concreto. Plus spécifiquement, le
manquement à l’obligation d’information et de conseil cause un préjudice consistant en une
perte de chance de n’avoir pas souscrit l’opération litigieuse ou de n’avoir pu souscrire un
investissement plus rentable, préjudice qui se réalise au jour de la signature de l’acte
d’engagement. En l’occurrence, l’action des époux [H] est prescrite dès lors
que l’assignation est postérieure au délai de 5 années suivant le jour de la signature de l’acte .
La société Edelis rappelle également que la projection financière et la plaquette commerciale n’ont aucune valeur commerciale et que les appelants ne produisent aucun plan d’épargne fiscal de telle sorte que l’intervention de la société Consilium a pu se limiter à un simple mandat immobilier au titre de la loi Hoguet.
Ceci étant exposé, les époux [H] fondent leurs demandes sur le manquement au devoir d’information et de conseil et situent le point de départ de la prescription au 19 août 2021, date du terme de l’engagement de location .
La cour relève que si effectivement les époux [H] ne versent aucun plan d’épargne fiscal susceptible d’avoir été établi à leur intention par la société Consilium, le contrat de réservation du 14 juin 2010 a été établi par la société Consilium représentant la société Akerys Promotion . Cette dernière a également délivré aux époux [H] à cette même date une attestation ‘Location initiale et garantie locative’.
S’il appartiendra aux époux [H] de justifier ultérieurement qu’ils ont acquis le bien dans le cadre d’un dispositif fiscal notamment Scellier et que des engagements leur ont été donnés en matière de revenus locatifs, de défiscalisation et de rentabilité en lien avec un prix de revente, dans l’hypothèse dans laquelle ils se situent et sous réserve des éléments qu’ils fourniront devant le juge du fond, le point de départ de la prescription se situe au jour de la révélation du risque.
L’économie générale de l’opération se trouverait ainsi entièrement réalisée à l’issue de la période locative de 9 années constituant le terme des économies fiscales en relation avec la durée maximale de location prévue par la loi. Les époux [H] peuvent alors soutenir qu’à cette date ils disposaient de toutes les informations leur permettant d’agir en intégrant le prix de de l’appartement s’ils estimaient cet élément utile à leur contestation.
La première location ayant suivi la vente du bien ayant pris effet le 27 août 2012, le point de départ de la prescription de 5 années de l’article 2224 du code civil doit alors être fixé à la date d’expiration du délai de 9 années au terme duquel l’investisseur pouvait connaître dans son intégralité la réalisation du risque. Les époux [H] peuvent ainsi fixer au 19 août 2021 le point de départ de la prescription.
L’assignation ayant été délivrée le 22 juillet 2022, l’action engagée dans le délai de 5 années suivant le 19 août 2021 n’est pas prescrite.
L’ordonnance déférée doit être infirmée.
La sociétés Edelis condamnée aux dépens doit nécessairement être déboutée de sa demande présentée contre les époux [H] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Infirme l’ordonnance déférée ;
Statuant de nouveau :
Dit l’action de Monsieur [X] [H] et de Madame [G] [Z] épouse [H] non prescrite ;
Condamne la sociétés Edelis aux dépens.
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL
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