Prescription et déclaration d’accident du travail : enjeux et délais à respecter.

·

·

Prescription et déclaration d’accident du travail : enjeux et délais à respecter.

L’Essentiel : M. [M] [U] a contesté une décision de la Caisse primaire d’assurance maladie concernant la prise en charge d’un accident de travail survenu le 15 septembre 2016. Bien que le tribunal ait rouvert les débats, il a déclaré l’action de M. [M] [U] irrecevable pour forclusion, estimant que la déclaration devait être faite avant le 15 septembre 2018. M. [M] [U] a soutenu avoir respecté le délai légal en déclarant l’accident le 29 octobre 2018. La Caisse a rétorqué que la déclaration était tardive. La cour a finalement infirmé le jugement initial mais a confirmé l’irrecevabilité de la demande de M. [M] [U].

Contexte de l’affaire

M. [M] [U] a introduit un recours devant une juridiction spécialisée en matière de sécurité sociale contre une décision implicite de rejet de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3]. Cette décision concernait sa demande de prise en charge d’un accident de travail survenu le 15 septembre 2016, déclaré le 29 octobre 2018.

Jugement initial

Le tribunal a rouvert les débats par un jugement du 8 mars 2021. Cependant, dans un jugement du 25 octobre 2021, il a déclaré l’action de M. [M] [U] irrecevable en raison de forclusion, estimant que la déclaration d’accident devait être faite avant le 15 septembre 2018. Le tribunal a également débouté les parties de leurs autres prétentions et a condamné M. [M] [U] aux dépens.

Arguments de M. [M] [U]

M. [M] [U] a soutenu que la loi lui permettait de déclarer l’accident jusqu’à deux ans après sa survenance, et qu’il avait respecté ce délai en soumettant sa déclaration le 29 octobre 2018. Il a également affirmé que la Caisse avait agi de manière indélicate en ne déclarant pas l’accident dans les délais impartis.

Réponse de la Caisse primaire d’assurance maladie

La Caisse a répliqué que le délai de déclaration devait être calculé de date à date, et que M. [M] [U] avait dépassé le délai de prescription en soumettant sa déclaration après le 15 septembre 2018. Elle a demandé la confirmation du jugement initial et a proposé plusieurs alternatives si la cour considérait la demande recevable.

Décision de la cour

La cour a déclaré recevable l’appel de M. [M] [U] et a infirmé le jugement du 25 octobre 2021 en ce qui concerne la déclaration d’irrecevabilité pour cause de forclusion. Toutefois, elle a statué que la demande de M. [M] [U] était irrecevable et a confirmé le rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles. M. [M] [U] a été condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale concernant la déclaration d’accident du travail ?

L’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale stipule que :

« L’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.

La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident. »

Cet article établit clairement que la déclaration d’accident du travail doit être effectuée dans un délai de deux ans à compter de la date de l’accident.

Il est important de noter que ce délai est calculé de date à date, ce qui signifie que si l’accident a eu lieu le 15 septembre 2016, la déclaration devait être faite au plus tard le 15 septembre 2018.

En l’espèce, M. [M] [U] a déclaré son accident le 29 octobre 2018, soit après l’expiration du délai de prescription, ce qui a conduit à la déclaration d’irrecevabilité de sa demande.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle le délai de prescription en matière de déclaration d’accident du travail ?

La jurisprudence a établi que le délai de prescription pour la déclaration d’accident du travail est strict et doit être respecté.

La Cour de cassation a précisé que le délai doit être calculé de date à date, ce qui signifie que le délai de deux ans commence à courir à partir de la date de l’accident.

Ainsi, dans le cas de M. [M] [U], le délai a commencé à courir le 15 septembre 2016 et a expiré le 15 septembre 2018.

La réception de la déclaration d’accident par la caisse le 29 octobre 2018, soit plus d’un mois après l’expiration du délai, a été jugée irrecevable.

Il est également important de souligner que l’information erronée sur le cours de la prescription ne modifie pas le délai de celle-ci.

L’assuré ne peut pas se prévaloir d’une erreur d’information pour justifier un retard dans sa déclaration.

Quelles sont les conséquences d’une déclaration tardive d’accident du travail ?

Les conséquences d’une déclaration tardive d’accident du travail sont significatives.

Lorsque la déclaration est faite après l’expiration du délai de prescription, la demande de prise en charge est déclarée irrecevable.

Dans le cas présent, M. [M] [U] a vu sa demande de reconnaissance d’accident du travail rejetée en raison de la forclusion.

Le tribunal a confirmé que la demande de prise en charge devait être faite dans les délais impartis par la loi, et que le non-respect de ces délais entraîne l’irrecevabilité de la demande.

De plus, l’assuré peut être condamné aux dépens, ce qui signifie qu’il devra supporter les frais de la procédure, y compris les frais engagés par la partie adverse.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans ce contexte ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie qui succombe à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans le cadre de cette affaire, M. [M] [U] a demandé à bénéficier de l’article 700 pour obtenir le remboursement de ses frais de justice.

Cependant, le tribunal a débouté M. [M] [U] de sa demande, considérant qu’il avait succombé dans ses prétentions.

Cela signifie que, en raison de l’irrecevabilité de sa demande de prise en charge, il n’a pas droit à une indemnisation pour ses frais de justice.

Ainsi, l’application de l’article 700 a des conséquences directes sur la prise en charge des frais de justice en cas de défaite dans une procédure.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 17 Janvier 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/09615 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWFL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2021 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/10903

APPELANT

Monsieur [M] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Maryla GOLDSZAL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0800

INTIMEE

CAIISE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]

DIRECTION CONTENTIEUX E T LUTTE CONTRE LA FRAUDE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

Mme Sophie COUPET, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [M] [U] (l’assuré) d’un jugement rendu le 25 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous la référence de n° RG 19/010903 dans un litige l’opposant à la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que M. [M] [U] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] de sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident déclaré le 29 octobre 2018 et qui serait survenu le 15 septembre 2016.

Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal a ordonné la réouverture des débats.

Par jugement en date du 25 octobre 2021, le tribunal :

déclare irrecevable l’action de M. [M] [U] pour cause de forclusion lors de la communication de la déclaration d’accident du travail à la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] ;

déboute les parties de l’intégralité de leurs autres prétentions, y compris celles relatives à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamne M. [M] [U] aux dépens.

Le tribunal a considéré que le délai de l’article L. 441-2 applicable à la déclaration d’accident du travail s’entend de date à date et que dès lors, l’accident dont M. [M] [U] se dit victime devait être déclaré la caisse avant le 15 septembre 2018. Il a écarté le moyen soulevé par l’assuré tendant à voir interrompre le délai pour agir.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise à une date non déterminable au regard de l’accusé de réception à M. [M] [U] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 23 novembre 2021.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [M] [U] demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 25 octobre 2021 ;

en conséquence,

annuler la décision de refus de prise en charge de l’accident du travail subi par M. [M] [U] le 15 Septembre 2016, et la décision de la commission de recours amiable du 8 juillet 2019 ;

dire et juger que l’accident de M. [M] [U] sera pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ;

débouter la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] à payer à M. [M] [U] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] demande à la cour de :

à titre principal,

confirmer le jugement du 8 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

en conséquence :

déclarer la demande de prise en charge de l’accident du 15 septembre 2016 au titre de la législation professionnelle irrecevable pour cause de prescription ;

à titre subsidiaire, si la cour estime que la demande de prise en charge de M. [M] [U] recevable ;

renvoyer M. [M] [U] devant la Caisse pour reprise de l’instruction de l’accident déclaré ;

à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer qu’il n’y a pas lieu de renvoyer le dossier par devant la caisse pour la reprise de l’instruction :

débouter M. [M] [U] de toutes ses demandes ;

en tout état de cause,

condamner M. [M] [U] en tous les dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 18 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

– sur la prescription de l’action :

Moyens des parties :

M. [M] [U] expose que l’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale prévoit la situation dans laquelle certains employeurs se conduiraient d’une manière particulièrement indélicate et refuseraient de déclarer l’accident du travail « dans les délais déterminés », en général 48 heures ; qu’il a donc précisé que la victime ou ses représentants, une fois qu’elle aurait constaté que son employeur refusait catégoriquement de respecter les dispositions légales, se voyait octroyer un délai pour faire les démarches elle-même ; que le législateur a pris le soin dans cet article d’indiquer que la victime avait « jusqu’à l’expiration de la deuxième année » pour adresser la déclaration d’accident du travail à la caisse ; que tant le site officiel gouvernemental que la jurisprudence l’autorisaient à faire valoir ses droits auprès de la caisse jusqu’au 31 décembre 2018 ; que le 29 octobre 2018, il fait parvenir à la caisse une déclaration d’accident de travail, accident intervenu le 15 septembre 2016 ; qu’en application de la loi et de la jurisprudence, il respectait à cette date les délais de déclaration ; que les textes ne prévoient pas que la validité ou la tardiveté d’une action faite par un assuré dépende du jour de l’enregistrement par la caisse, d’un document, en l’espèce le certificat médical initial ; que la caisse a « joué la montre », alors qu’elle connaissait bien évidemment la procédure qui avait été engagée à son encontre devant les juridictions de première instance et d’appel ayant donné lieu à cet arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2019 ; que si elle avait respecté ses obligations envers lui, elle aurait reconnu le caractère professionnel de l’accident du travail dont ce dernier avait été victime, bien avant que cet arrêt soit rendu et notifié.

La Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] réplique que la Cour de cassation s’est en effet prononcée sur l’interprétation de l’article L. 442-1 du code de la sécurité sociale en indiquant que le délai qu’il visait devait se calculer de date à date, de sorte que le délai ne saurait expirer au 31 décembre de la deuxième année suivant l’accident ; que la cour de céans l’a d’ailleurs rappelé dans un arrêt très récent du 31 mai 2024 ; que M. [M] [U] avait jusqu’au 15 septembre 2018 pour solliciter la prise en charge de l’accident dont il a été victime le 15 septembre 2016 ; qu’en l’espèce, elle a réceptionné la déclaration d’accident du travail datée du 29 octobre 2018, le 31 octobre 2018, soit un mois et demi après l’expiration du délai de prescription, tandis que le certificat médical initial a été réceptionné le 12 décembre 2018, de sorte que la caisse était en possession de la demande complète, le 12 décembre 2018 soit plus de deux mois et demi après l’expiration dudit délai.

Réponse de la cour :

L’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale dispose que :

« L’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.

La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident. »

Lorsque qu’une formalité doit être accomplie avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement qui le fait courir. Si le délai est exprimé en année, ce délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’événement.

Il en résulte qu’en l’absence de déclaration par un employeur l’accident déclaré par son salarié, ce dernier dispose d’un délai de deux ans à compter de la date de l’accident pour le déclarer à la caisse.

L’information erronée relativement au cours de la prescription n’a pas pour effet de modifier le délai de celle-ci, de telle sorte que l’assuré ne peut s’abriter derrière une erreur commise par le site service – public – pro.fr pour justifier avoir agi tardivement. Le caractère éventuellement erroné de cette information n’ouvre droit qu’à une action en responsabilité dirigée contre son auteur. Une telle demande n’est pas formulée en l’espèce et il n’est pas démontré que l’auteur de cette information erronée soit la caisse.

En la présente espèce, l’assuré indique avoir été victime d’un accident de travail de 15 septembre 2016, de telle sorte qu’en l’absence de déclaration de l’employeur, il disposait jusqu’au 15 septembre 2018 pour agir. La demande de reconnaissance d’un accident du travail a été formulée le 29 octobre 2018 et reçue par la caisse le 30 octobre 2018, de telle sorte qu’à l’une ou l’autre de ces deux dates, la demande était déjà atteinte de prescription.

Le jugement déféré qui a déclaré la demande irrecevable pour cause de forclusion et débouté les parties de leurs autres demandes, y compris celles au fond, sera donc infirmé, la demande devant être déclarée simplement irrecevable. Le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande formée au titre des frais irrépétibles.

M. [M] [U], qui succombe, sera condamné aux dépens. Sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de M. [M] [U] ;

INFIRME le jugement rendu le 25 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous la référence de n° RG 19/010903 en ce qu’il :

– déclare irrecevable l’action de M. [M] [U] pour cause de forclusion lors de la communication de la déclaration d’accident du travail à la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] ;

– déboute les parties de l’intégralité de leurs autres prétentions, à l’exception de la demande de M. [M] [U] formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT À NOUVEAU :

DÉCLARE irrecevable la demande de M. [M] [U] ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] [U] de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y AJOUTANT :

DÉBOUTE M. [M] [U] de sa demande formée en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [U] aux dépens.

La greffière Le président


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon