Prescription et conditions de recours : enjeux d’interprétation juridique

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Prescription et conditions de recours : enjeux d’interprétation juridique

L’Essentiel : Le tribunal correctionnel a condamné M. [D] [I] pour abus de biens sociaux le 25 mai 2011, lui infligeant deux ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros. M. [I] a formé opposition à ce jugement le 17 octobre 2019, mais celle-ci a été déclarée irrecevable le 6 juillet 2022. En appel, il a contesté cette décision, arguant que le délai d’opposition ne commençait qu’à la connaissance de la signification du jugement. La cour a confirmé l’irrecevabilité, considérant que la requête de 2017 prouvait que M. [I] avait connaissance de la décision, rendant ainsi son opposition tardive.

Contexte de l’affaire

Le tribunal correctionnel a rendu un jugement le 25 mai 2011, condamnant M. [D] [I] pour abus de biens sociaux à deux ans d’emprisonnement et à une amende de 100 000 euros, tout en décernant un mandat d’arrêt et en se prononçant sur l’action civile.

Opposition et jugement ultérieur

Le 17 octobre 2019, M. [I] a formé opposition à ce jugement. Cependant, le tribunal correctionnel a déclaré cette opposition irrecevable par un jugement du 6 juillet 2022.

Appel et appel incident

Suite à cette décision, M. [I] a interjeté appel, tandis que le ministère public a également formé un appel incident.

Critique de l’arrêt attaqué

Le moyen soulevé conteste l’arrêt qui a confirmé la déclaration d’irrecevabilité de l’opposition. Il soutient qu’une requête en constatation de la prescription de la peine ne constitue pas un acte d’exécution au sens de l’article 492 du code de procédure pénale. Il argue également que le délai d’opposition ne commence à courir que si le prévenu a eu connaissance de la signification du jugement.

Réponse de la Cour

La cour a déclaré l’opposition irrecevable en se basant sur le fait qu’aucun des avis requis n’avait été adressé au prévenu. Elle a noté qu’une requête présentée par l’avocat de M. [I] en 2017 mentionnait la date du jugement et celle de sa signification, ce qui prouve que M. [I] avait connaissance de la décision.

Conclusion de la Cour

Les juges ont conclu que la requête en constatation de la prescription de la peine était un acte d’exécution, ce qui a fait courir le délai d’opposition. Par conséquent, l’opposition formée le 17 octobre 2019 a été jugée irrecevable, et le moyen soulevé n’a pas été accueilli. L’arrêt a également été jugé régulier en la forme.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé selon le Code de procédure civile ?

La demande de provision en référé est régie par l’article 835 du Code de procédure civile. Cet article stipule que :

« Le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu’en son montant.

La condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Dans l’affaire en question, le tribunal a constaté qu’il n’existait aucune contestation sérieuse quant au principe et au quantum de la créance détenue par la société Latricogne Capital à l’égard de la société Société Est Métropoles, ce qui a conduit à la condamnation provisionnelle.

Quels sont les effets d’une clause pénale dans un contrat selon le Code civil ?

La clause pénale est régie par l’article 1231-5 du Code civil, qui précise que :

« Le créancier peut demander l’exécution de l’obligation, même si elle est assortie d’une clause pénale. Toutefois, le juge peut modérer cette clause si elle est manifestement excessive. »

Dans le cas présent, la société Latricogne Capital avait prévu dans le protocole transactionnel un taux d’intérêt majoré de 500 points en cas de non-paiement.

Le tribunal a considéré que cette clause pénale pouvait être modérée en raison des difficultés financières de la société SEM, ce qui a conduit à une contestation du montant de la clause pénale et a influencé la décision de ne pas accorder la provision pour les intérêts au taux majoré.

Quelles sont les conditions pour accorder des délais de paiement selon le Code civil ?

Les délais de paiement sont régis par l’article 1343-5 du Code civil, qui stipule que :

« Le juge peut accorder des délais de paiement dans la limite de deux années, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier. »

Dans l’affaire, la société SEM a demandé des délais de paiement en raison de ses difficultés financières. Cependant, le tribunal a noté que la société SEM avait déjà obtenu des délais de paiement dans le passé et n’avait pas justifié de nouvelles raisons pour sa demande actuelle.

Ainsi, la société SEM a été déboutée de sa demande de délais de paiement, car elle n’a pas apporté d’éléments nouveaux sur sa situation financière depuis le dernier protocole.

Quels sont les critères pour écarter des pièces dans une procédure judiciaire ?

Le juge a le pouvoir d’écarter des pièces qui ne sont pas recevables ou qui sont illisibles. Dans cette affaire, le tribunal a examiné les pièces fournies par la société SEM et a constaté que la pièce 6 était illisible.

Il a donc décidé de l’écarter des débats, conformément aux principes de clarté et de lisibilité des documents présentés.

Les autres pièces, jugées lisibles, ont été prises en compte pour la décision finale, ce qui souligne l’importance de la qualité des documents dans une procédure judiciaire.

Quelles sont les conséquences d’un non-respect d’un protocole transactionnel ?

Le non-respect d’un protocole transactionnel peut entraîner des conséquences juridiques significatives. Dans le cas présent, la société SEM n’a pas respecté les modalités de paiement convenues dans le protocole du 12 juillet 2024.

Cela a conduit à la demande de la société Latricogne Capital de faire constater la déchéance du terme, rendant immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues.

Le tribunal a noté que la société SEM avait déjà obtenu des délais de paiement et n’avait pas justifié son incapacité à respecter les termes du protocole, ce qui a influencé la décision de débouter la société SEM de sa demande de délais supplémentaires.

N° Y 24-81.583 F-D

N° 00022

RB5
8 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2025

M. [D] [I] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-12, en date du 14 février 2024, qui a déclaré irrecevable son opposition au jugement du tribunal correctionnel du 25 mai 2011, l’ayant condamné, pour abus de biens sociaux, à deux ans d’emprisonnement, 100 000 euros d’amende, et ayant prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [I], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 25 mai 2011, le tribunal correctionnel, après relaxe partielle, a condamné M. [D] [I], pour abus de biens sociaux, à deux ans d’emprisonnement, 100 000 euros d’amende, a décerné mandat d’arrêt et a prononcé sur l’action civile.

3. Le 17 octobre 2019, M. [I] a formé opposition.

4. Par jugement du 6 juillet 2022, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable son opposition.

5. L’intéressé a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement entrepris qui a déclaré irrecevable l’opposition par lui formée à l’encontre du jugement du 25 mai 2011, alors :

« 1°/ qu’une requête en constatation de la prescription de la peine, qui tend à faire constater que le jugement de condamnation ne peut plus être exécuté, ne constitue pas un acte d’exécution de celui-ci au sens de l’article 492 du code de procédure pénale ; qu’en jugeant au contraire que la requête en constatation de la prescription de la peine était un mode particulier d’exécution de la décision rentrant dans le champ des actes d’exécution visés par cet article (p. 7, § 2), la cour d’appel a violé l’article 492 du code de procédure pénale ;

2°/ en tout état de cause, que le délai d’opposition ne court que s’il résulte d’un acte d’exécution quelconque que le prévenu a eu connaissance de la signification du jugement de condamnation ; qu’en effet le délai d’opposition ne peut courir qu’à la condition que le prévenu ait connaissance de l’acte de signification, et donc des voies et délais de recours contre la décision ; que l’arrêt attaqué énonce que la loi ne distingue pas selon les manières dont le prévenu a eu connaissance de la seule signification de la décision rendue par défaut, et non de ses conséquences juridiques, et en déduit que M. [I] ayant fait mention, dans sa requête en constatation de la prescription de la peine, de la date du jugement et de celle de sa signification, il a reconnu avoir eu connaissance de la signification de la décision (p. 7, §§ 1-2) ; qu’en jugeant ainsi que la connaissance de la seule date de la signification, et non du contenu de l’acte lui-même, avait fait courir le délai d’opposition, la cour d’appel a violé l’article 492 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer l’opposition irrecevable, l’arrêt attaqué énonce que si aucun des avis prévus aux articles 557, 558 ou 560 du code de procédure pénale n’a été adressé au prévenu, son avocat, après avoir consulté le dossier, a présenté, le 31 octobre 2017, une requête aux fins de constatation de la prescription de la peine dans laquelle il mentionnait à la fois la date du jugement et celle de sa signification, dont il tirait argument pour exposer que la peine de son client était prescrite.

8. Les juges ajoutent que le 25 janvier 2018, le procureur de la République, reprenant la date du jugement et celle de sa signification, a fait connaître à l’intéressé que la peine n’était pas prescrite, un mandat d’arrêt ayant été décerné contre lui le 19 juillet 2016, qui a interrompu la prescription.

9. Ils retiennent qu’une requête en constatation de la prescription de la peine, mode particulier d’exécution de la décision, entre dans le champ des actes d’exécution quelconques au sens des dispositions de l’article 492 du code de procédure pénale.

10. Ils en concluent que l’opposition, déclarée le 17 octobre 2019, est irrecevable.

11. En se déterminant ainsi la cour d’appel n’a pas méconnu le texte visé au moyen.

12. En effet, la présentation, par le prévenu, le 31 octobre 2017, d’une requête en constatation de la prescription de la peine établit qu’à cette dernière date il avait connaissance du jugement prononcé contre lui, ce dont il résulte que ladite date constitue le point de départ du délai d’opposition.

13. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.

14. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.


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