Plateformes de mise en relation : lutte contre l’indépendance fictive

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Plateformes de mise en relation : lutte contre l’indépendance fictive
L’Essentiel : Une proposition de loi au Sénat vise à protéger les travailleurs indépendants en luttant contre l’indépendance fictive. Ce texte réglemente les plateformes numériques de travail, telles que Deliveroo et Uber, qui externalisent des tâches à des autoentrepreneurs. L’objectif est de requalifier ces faux indépendants en salariés et d’instaurer un devoir de vigilance pour les entreprises. Cela inclut des mesures pour garantir des protections minimales et améliorer la représentation des travailleurs au sein des plateformes. En renforçant les obligations des donneurs d’ordre, la loi cherche à prévenir les abus et à assurer une rémunération décente pour les indépendants.

Une Proposition de loi déposée au Sénat relative à la protection des travailleurs indépendants vise à créer un devoir de vigilance et à lutter contre l’indépendance fictive.

La Proposition de loi a pour objectif de proposer une régulation de ces « plateformes numériques de travail », dont les principales représentantes sont les plateformes de livraison (Deliveroo, Stuart…) et de transport en VTC (Uber, Heetch, Kapten…). Sont visées, les plateformes mettant en relation et dirigeant en temps réel une offre et une demande dispersées, contrôlées par algorithme, sur des activités à faible valeur ajoutée. Le travail est externalisé avec des indépendants, bien souvent autoentrepreneurs.

Le texte part du constat que l’externalisation de la main d’oeuvre par le recours à des travailleurs indépendants est aujourd’hui une pratique massive des entreprises, qui, ce faisant, placent un nombre sans cesse croissant de personnes en dehors des filets de protections des salariés.

Travailleurs indépendants et économie numérique

L’économie numérique aurait accéléré et accentué ces déséquilibres, avec la mise en concurrence d’une main d’oeuvre disponible à tout moment. La part des indépendants dans l’emploi total est de nouveau en croissance en France. Elle continuera d’augmenter tant les évolutions législatives du milieu des années 2000 (auto et microentreprenariat) et la révolution numérique lui sont favorables. Selon l’INSEE, ils représentaient 12% de la population en emploi en 2019, soit plus de 3 millions de personnes. L’INSEE considérait, en 2017, que 20% de ces indépendants étaient dépendants économiquement à un client ou à un intermédiaire, soit plus de 600 000 travailleurs.

La proposition de loi vise à apporter des réponses à ces déséquilibres afin de lutter contre le recours au travail « indépendant fictif », terme usité par la Cour de Cassation, et de proposer des solutions à même de garantir aux travailleurs indépendants des protections minimales.

Obligation de vigilance des plateformes

Le texte renforce l’arsenal juridique des techniques permettant la requalification des « faux indépendants » en salariés, tout en concevant, pour la première fois, une responsabilité à destination des entreprises ayant recours aux « vrais » indépendants. A cet égard, l’obligation de vigilance qu’elle introduit ne se limite pas à une obligation de réparer un préjudice : elle oblige, en amont à identifier et à prévenir les risques.

Les principales mesures du texte sont les suivantes:

Obligation de vigilance

D’abord, un « devoir de vigilance » de l’ensemble des entreprises envers les travailleurs indépendants, qui n’est autre que l’extension du « devoir de vigilance », issu de la loi Potier de 2017. Il s’agit de responsabiliser les donneurs d’ordre envers les travailleurs indépendants avec lesquels ils contractualisent ; le corollaire de cette proposition est l’amélioration du statut des indépendants.

L’article 1er instituerait au sein du code civil, une obligation de vigilance pesant sur toutes les entreprises, quelle que soit leur forme, ayant recours à des travailleurs indépendants pour l’exécution d’une opération, quelles qu’en soient la nature et la localisation. Afin de prendre en compte les réseaux contractuels, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage de cette entreprise veille aussi au respect de cette obligation. Lorsque les conditions de travail sont commandées par un algorithme, l’entreprise fait état publiquement, sur son site internet, de la façon dont elle assure directement ou par l’intermédiaire des algorithmes, le respect de son obligation de vigilance. Sa violation lui est notifiée par écrit par les acteurs habilités et oblige son auteur à réparer le dommage que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter.

L’article 2 autorise les agents de contrôle de l’inspection du travail à constater tout manquement à cette obligation de vigilance.

Action de groupe

Ensuite, parce que le salariat est d’ordre public et demeure un statut protecteur pour les travailleurs, la proposition de loi définit une « action de groupe » qui permettra des requalifications collectives en salarié, afin de lutter contre l’ « indépendance fictive ».

L’article 4 instaure, dans le respect du régime posé par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, une action de groupe, permettant de mettre fin aux manquements à l’obligation de vigilance commis par une entreprise ayant recours à un travailleur indépendant ainsi qu’aux pratiques abusives dans la fixation du prix de la prestation. Cette action, réservée aux organisations syndicales et aux associations les plus légitimes à agir, peut également tendre à la réparation des préjudices causés par ce manquement.

L’article 5 part du constat qu’en présence de pratiques organisant, dans certaines entreprises, le recours massif à de faux travailleurs indépendants, des condamnations judiciaires isolées visant à requalifier certaines relations de travail en contrat de travail certaines relations de travail, ne suffisent pas à mettre un terme à ces pratiques. Il instaure une action de groupe dans le respect du régime posé par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, lorsque plusieurs travailleurs placés dans une situation similaire subissent des préjudices résultant du recours à un statut fictif de travailleur indépendant. Cette action peut tendre à la cessation du manquement, notamment par la reconnaissance immédiate de la qualité de salarié ou à la réparation des préjudices causés, ou à ces deux fins.

Représentation des travailleurs indépendants

Par ailleurs, le texte améliore la représentation de ces travailleurs et développer un dialogue social au sein des plateformes et des branches professionnelles.

L’article 13 pose une obligation pesant sur toute plateforme d’informer et de consulter une fois par an les représentants syndicaux des travailleurs indépendants sur des données essentielles à leur activité, en particulier les dispositifs d’identification et de prévention des risques, les conditions de travail, le traitement des données personnelles et les modalités de détermination d’une rémunération décente, ainsi que sur les modalités de participation des travailleurs indépendants aux résultats mis en place.

L’article 14 instaure le droit des représentants syndicaux des travailleurs indépendants d’assister, avec voix consultative aux séances du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la plateforme, et le droit d’obtenir les mêmes documents que les membres de ces instances. Ils peuvent soumettre des voeux au conseil d’administration ou au conseil de surveillance, lesquels donnent un avis sur ces voeux.

L’article 15 définit les modalités de négociation et de conclusion d’un accord collectif au sein de la plateforme par des représentants syndicaux des travailleurs indépendants ou, à défaut de tels représentants, par un travailleur indépendant expressément mandaté à cet effet par une organisation syndicale de travailleurs indépendants représentative dans la branche.

L’article 3 renforce la protection de la rémunération du travailleur indépendant. Il est inséré dans le code du commerce, au titre des pratiques restrictives de concurrence, une interdiction d’organiser, directement ou dans le cadre d’une activité de mise en relation, la fourniture d’une prestation de service par autrui à un prix inférieur à celui qui permet à un travailleur indépendant de disposer d’une rémunération décente.

L’article 7 crée un fonds de soutien à destination des coopératives d’activités et d’emploi afin de faciliter leur création et leur développement, de baisser leurs coûts fixes, et notamment les cotisations des adhérents. Ce fonds est provisionné par une taxe sur le chiffre d’affaires des plateformes numériques.

L’article 8 interdit la discrimination contractuelle d’un donneur d’ordre envers un travailleur indépendant au motif que celui-ci serait un entrepreneur salarié associé au sein d’une coopérative d’activité et d’emploi.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’objectif principal de la Proposition de loi relative à la protection des travailleurs indépendants ?

La Proposition de loi déposée au Sénat vise principalement à créer un devoir de vigilance pour protéger les travailleurs indépendants et à lutter contre l’indépendance fictive. Cette initiative répond à un constat alarmant : l’externalisation massive de la main-d’œuvre par les entreprises, qui place de plus en plus de travailleurs en dehors des protections offertes aux salariés. En effet, les plateformes numériques de travail, telles que Deliveroo et Uber, sont souvent accusées d’exploiter des travailleurs indépendants, souvent autoentrepreneurs, sans leur offrir les protections minimales nécessaires.

Comment la loi propose-t-elle de réguler les plateformes numériques de travail ?

La loi propose de réguler les plateformes numériques de travail en introduisant des obligations spécifiques pour les entreprises qui emploient des travailleurs indépendants. Elle vise à renforcer l’arsenal juridique permettant de requalifier les « faux indépendants » en salariés, tout en instaurant une responsabilité pour les entreprises qui emploient des « vrais » indépendants. Cela inclut un devoir de vigilance qui oblige les entreprises à identifier et prévenir les risques liés à l’emploi de travailleurs indépendants, en particulier lorsque les conditions de travail sont déterminées par des algorithmes.

Quelles sont les principales mesures introduites par la Proposition de loi ?

Les principales mesures de la Proposition de loi incluent l’instauration d’un devoir de vigilance pour toutes les entreprises ayant recours à des travailleurs indépendants. Cela signifie que les entreprises doivent non seulement réparer les préjudices causés, mais aussi prendre des mesures proactives pour prévenir ces préjudices. De plus, la loi introduit une action de groupe permettant aux travailleurs de se regrouper pour faire valoir leurs droits et obtenir des requalifications collectives en tant que salariés.

Qu’est-ce que l’obligation de vigilance et comment est-elle mise en œuvre ?

L’obligation de vigilance est une mesure qui impose aux entreprises de prendre des responsabilités envers les travailleurs indépendants avec lesquels elles contractualisent. Cette obligation est inscrite dans le code civil et s’applique à toutes les entreprises, peu importe leur taille ou leur secteur d’activité. Les entreprises doivent veiller à ce que les conditions de travail soient respectées et, en cas de manquement, elles doivent en être notifiées et réparer les dommages causés.

Comment la loi prévoit-elle d’améliorer la représentation des travailleurs indépendants ?

La loi prévoit plusieurs mesures pour améliorer la représentation des travailleurs indépendants et favoriser le dialogue social au sein des plateformes. Elle impose aux plateformes d’informer et de consulter les représentants syndicaux des travailleurs indépendants sur des questions essentielles, telles que les conditions de travail et la rémunération. De plus, les représentants syndicaux auront le droit d’assister aux conseils d’administration des plateformes, ce qui leur permettra de participer activement aux décisions qui les concernent.

Quelles protections supplémentaires sont offertes aux travailleurs indépendants par cette loi ?

La loi renforce la protection de la rémunération des travailleurs indépendants en interdisant les pratiques qui pourraient les amener à travailler pour des prix inférieurs à ceux permettant une rémunération décente. Elle crée également un fonds de soutien pour les coopératives d’activités et d’emploi, afin de faciliter leur développement et de réduire les coûts pour les travailleurs. Enfin, elle interdit toute discrimination contractuelle envers les travailleurs indépendants qui seraient associés à une coopérative, garantissant ainsi une égalité de traitement.

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