Plateformes de mise en relation d’extras : l’intérim exclu

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Plateformes de mise en relation d’extras : l’intérim exclu
L’Essentiel : Les plateformes de mise en relation d’extras, comme Onestaff, ne doivent pas être confondues avec les agences d’intérim. Contrairement à ces dernières, qui emploient des travailleurs et gèrent leur rémunération, Onestaff facilite la connexion entre établissements de restauration et professionnels indépendants, souvent auto-entrepreneurs. Les extras choisissent leurs missions et fixent leurs tarifs, tandis que la plateforme se limite à fournir des outils de facturation et de paiement. Cette distinction est essentielle pour éviter toute confusion avec le travail temporaire, et la société souligne constamment le statut indépendant de ses utilisateurs. Aucune pratique commerciale trompeuse n’a été retenue.

  Les services d’une plateforme internet ayant pour objet de mettre en relation des établissements exerçant dans le secteur de la restauration avec des professionnels indépendants exerçant, en général, sous le statut d’auto-entrepreneur, ne sont pas assimilables à des prestations d’intérim (soumises à une réglementation restrictive).

Staffmatch c/ Onestaff

La SAS Onestaff, anciennement dénommée Le Club des extras, fondée en mai 2016, exploite une plate-forme internet ayant pour objet de mettre en relation des établissements exerçant dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie avec des professionnels indépendants exerçant, en général, sous le statut d’auto-entrepreneur.

La SAS Staffmatch France est une société holding contrôlant quatre entreprises de travail temporaire, dont la SAS Staffmatch France.

Estimant que le système mis en place par la société Le Club des extras cause un grave trouble aux entreprises de travail temporaire dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration tant sur le plan de la concurrence déloyale qu’en commettant les délits de prêt de main d’oeuvre illicite, de dissimulation d’emploi et de marchandage, la société Staffmatch France a assigné la société Le Club des extras devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir reconnaître un trouble manifestement illicite et l’imminence de dommages, ordonner à cette dernière sous astreinte la suspension de la plate-forme ‘Le Club des extras’ et de l’ensemble des services afférents sur l’ensemble des supports, ainsi que la suppression de toute référence à la notion d »extra indépendant’.

La société Onestaff propose les services suivants: i) mise en relation facilitée entre des extras et des établissements; ii) mise à disposition d’outil de facturation et de moyens de paiement; iii) prestations de conseil sur mesure pour assister un établissement dans la recherche et la sélection d’extra.

Le site fonctionne de la façon suivante: les extras, inscrits sur le site après avoir communiqué leur n° d’inscription au RCS et renseigné leur ‘page profil’ avec les champs photos, métier, niveau d’expérience et références, acceptent une mission postée sur le site par un Etablissement, et dans ce cas seulement l’Etablissement a accès à leur profil et envoie une demande de mise en relation détaillant l’offre de mission en ce compris le prix. En cas d’accord l’extra valide sa disponibilité et l’Etablissement provisionne son compte de monnaie électronique du montant du prix de la mission augmenté de 10% HT destinée à la plate-forme. Une facture est établie et émise par la plate-forme au nom et pour le compte de l’extra.

Puis l’Etablissement doit évaluer l’extra par une note de 1 à 5. Tout extra dont la note est inférieure à 4 pouvant faire l’objet d’une étude puis se voir interdire l’accès à la plate-forme.

Il en résulte i) que ce sont les extras qui s’inscrivent et décrivent eux-mêmes leurs compétences, même si la plate-forme peut leur demander de justifier des diplômes qu’ils revendiquent, ii) que l’inscription sur le site ne nécessite aucun entretien préalable avec la plate-forme, iii) que c’est l’extra qui choisit la mission, et l’Établissement qui en propose, sans l’intervention de la société Onestaff, iv) que la mission y compris en sa rémunération, est fixée par l’Établissement, qui, après sa réalisation, évalue l’extra.

La société Onestaff n’a donc aucun pouvoir d’évaluation de l’extra, quand bien même elle se réserve le droit de ne conserver les profils que des utilisateurs dont les notes sont élevées, pour remplir l’objectif de plate-forme d’extra haut de gamme. Elle ne fixe pas davantage les prix, ceux-ci étant fixés par l’Établissement.

Le fonctionnement de la plate-forme est donc fondamentalement différent de la société d’intérim qui sélectionne les profils pouvant convenir à l’entreprise utilisatrice, emploie elle-même les intérimaires qu’elle met à leur disposition dont elle paie les cotisations patronales et salariées.

La présomption de l’article L 8221-6 du code du travail n’a pas été renversée. Pour rappel, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales’.

Confusion avec le travail temporaire écartée

La confusion avec le travail temporaire n’était pas établie. Il ressortait au contraire des publicités produites et des conditions générales de la plate-forme que l’attention des parties est constamment attirée sur le statut de travailleur indépendant de l’utilisateur, que le mot d’extra est dans la quasi totalité des cas, immédiatement suivi du mot ‘indépendant’ ou ‘autoentrepreneur’, que les conditions générales de vente obligent l’utilisateur à rentrer son numéro d’immatriculation au RCS lors de son inscription.

Les publicités insistent également sur le caractère indépendant de la relation et si le mot d’intérimaire est utilisé, comme par exemple dans la publicité proclamant ‘les indépendants, – nouvel Eldorado des acteurs intérimaires- voient leur statut de Freelance enfin reconnu sur le marché du travail, il est immédiatement insisté sur l’originalité du statut de ‘freelance’.

De la même manière l’affirmation de la plate-forme selon laquelle ‘l’extra n’est pas taxé’ est manifestement en lien avec le fait que c’est l’Etablissement qui paie 10% du prix total TTC de la mission et rémunère ainsi la Société et non pas l’Utilisateur..

Aucune des mentions du site ne permet une quelconque confusion avec le statut de salarié ou ne prétend à l’absence de toute obligation, alors que le statut d’auto entrepreneur comporte ses propres contraintes juridiques, fiscales et que la condition pour bénéficier des services est de s’être d’ores et déjà inscrit en tant que travailleur indépendant.

Enfin la liberté vantée est mise directement en lien avec la faculté pour l’extra de choisir lui-même ses plages horaires et le secteur géographique des missions.

Il apparaît donc que loin de vouloir créer un confusion avec le travail intérimaire, la société Onestaff communique au contraire sur l’indépendance des extras qu’elle met en relation avec les Etablissements, rappelant chaque fois leur statut de travailleur indépendant et en faisant même un critère de reconnaissance.

Aucun trouble manifestement illicite, ni aucune pratique commerciale trompeuse n’a été retenue par la juridiction.

Trouble manifestement illicite exclu

En vertu de l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut toujours, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s’entend de celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Notion de pratiques commerciales trompeuses

Aux termes de l’article L. 121-2 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse : « 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ».

Q/R juridiques soulevées :

Quel est l’objet de la plateforme Onestaff ?

La plateforme Onestaff, anciennement connue sous le nom de Le Club des extras, a été fondée en mai 2016. Son objectif principal est de mettre en relation des établissements du secteur de la restauration et de l’hôtellerie avec des professionnels indépendants, généralement sous le statut d’auto-entrepreneur. Cette mise en relation se fait via une plateforme internet qui facilite l’accès à des extras pour les établissements, tout en leur offrant des outils de facturation et des moyens de paiement. En outre, Onestaff propose également des prestations de conseil sur mesure pour aider les établissements à rechercher et sélectionner des extras adaptés à leurs besoins.

Quelles sont les accusations portées par Staffmatch contre Onestaff ?

La société Staffmatch France a accusé Onestaff, anciennement Le Club des extras, de causer un trouble grave aux entreprises de travail temporaire dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Les accusations incluent la concurrence déloyale, le prêt de main-d’œuvre illicite, la dissimulation d’emploi et le marchandage. Staffmatch a donc assigné Onestaff devant le tribunal de commerce de Paris pour faire reconnaître ce trouble manifestement illicite. Elle a demandé la suspension de la plateforme et la suppression de toute référence à la notion d’« extra indépendant », arguant que les pratiques d’Onestaff nuisent à l’intégrité du marché du travail temporaire.

Comment fonctionne la plateforme Onestaff ?

Le fonctionnement de la plateforme Onestaff repose sur un système d’inscription pour les extras, qui doivent fournir leur numéro d’inscription au RCS et compléter leur profil avec des informations pertinentes telles que des photos, leur métier, leur niveau d’expérience et des références. Une fois inscrits, les extras peuvent accepter des missions proposées par des établissements. L’établissement a alors accès au profil de l’extra et envoie une demande de mise en relation, incluant les détails de la mission et le prix. En cas d’accord, l’extra valide sa disponibilité, et l’établissement provisionne son compte de monnaie électronique pour le montant de la mission, augmentée de 10% HT pour la plateforme. Une facture est ensuite émise au nom de l’extra.

Quel est le rôle de l’établissement dans le processus de mise en relation ?

L’établissement joue un rôle central dans le processus de mise en relation sur la plateforme Onestaff. C’est lui qui propose les missions aux extras, fixe les conditions de la mission, y compris la rémunération, et évalue la performance de l’extra après la réalisation de la mission. L’établissement doit également évaluer l’extra sur une échelle de 1 à 5. Si la note est inférieure à 4, l’extra peut faire l’objet d’une étude et potentiellement se voir interdire l’accès à la plateforme. Ainsi, l’établissement a un contrôle significatif sur le choix des extras et sur les conditions de travail, ce qui diffère fondamentalement du modèle d’intérim traditionnel.

Comment Onestaff se distingue-t-elle des agences d’intérim ?

Onestaff se distingue des agences d’intérim par plusieurs aspects fondamentaux. Contrairement aux agences d’intérim, qui sélectionnent et emploient des intérimaires, Onestaff ne recrute pas les extras. Les extras s’inscrivent eux-mêmes sur la plateforme et choisissent les missions qui les intéressent. De plus, c’est l’établissement qui fixe les prix et évalue les extras, sans intervention de la plateforme dans ce processus. Onestaff ne paie pas les cotisations patronales et salariales, car les extras sont considérés comme des travailleurs indépendants, ce qui les place en dehors du cadre traditionnel de l’intérim.

Quelles sont les implications juridiques du statut d’auto-entrepreneur pour les extras ?

Le statut d’auto-entrepreneur implique des obligations juridiques et fiscales spécifiques. Les extras doivent s’inscrire en tant que travailleurs indépendants pour bénéficier des services de la plateforme Onestaff. Cela signifie qu’ils doivent respecter les réglementations liées à leur statut, y compris la déclaration de leurs revenus et le paiement de leurs cotisations sociales. La plateforme Onestaff insiste sur le caractère indépendant de la relation entre les extras et les établissements, ce qui est clairement indiqué dans les conditions générales de vente et les publicités. Ainsi, il n’y a pas de confusion possible avec le statut de salarié, et les extras sont pleinement conscients des responsabilités qui leur incombent en tant que travailleurs indépendants.

Quelles conclusions ont été tirées concernant les pratiques commerciales d’Onestaff ?

Les conclusions tirées par la juridiction sont que la société Onestaff ne crée pas de confusion avec le travail temporaire. Au contraire, elle met en avant le statut de travailleur indépendant des extras dans ses communications. Les publicités et les conditions générales de la plateforme soulignent constamment ce statut, et les utilisateurs doivent fournir leur numéro d’immatriculation au RCS lors de leur inscription. Aucune pratique commerciale trompeuse n’a été retenue, et il a été établi que la société Onestaff communique clairement sur l’indépendance des extras, sans chercher à créer une confusion avec le travail intérimaire.

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