Perte de nationalité et présomption irréfragable : enjeux constitutionnels et droits fondamentaux.

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Perte de nationalité et présomption irréfragable : enjeux constitutionnels et droits fondamentaux.

L’Essentiel : Mme [Z] a demandé un certificat de nationalité française, mais sa demande a été refusée. Elle a alors engagé une action déclaratoire, affirmant sa filiation avec Mme [E], reconnue française. La cour d’appel a statué qu’elle ne pouvait prouver sa nationalité par filiation, ayant perdu celle-ci le 9 octobre 2001, conformément à l’article 30-3 du code civil. Cet article stipule qu’un individu résidant à l’étranger ne peut prouver sa nationalité française par filiation si ses ascendants l’ont perdue depuis plus de cinquante ans. Mme [Z] a ensuite soumis des questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Contexte de la demande de nationalité

Mme [Z] [S] [V] [M] [V] a sollicité un certificat de nationalité française, qu’elle a vu refusé. Elle a alors engagé une action déclaratoire de nationalité, affirmant sa filiation maternelle avec Mme [E] [S] [O], reconnue française par un jugement en 2015. Mme [Z] est née en Égypte en 1987.

Décision de la cour d’appel

L’arrêt de la cour d’appel a statué que, selon l’article 30-3 du code civil, Mme [Z] n’était pas en mesure de prouver sa nationalité française par filiation. Il a été décidé qu’elle était réputée avoir perdu cette nationalité le 9 octobre 2001.

Interprétation de l’article 30-3 du code civil

L’article 30-3 stipule qu’un individu résidant à l’étranger, dont les ascendants ont perdu la nationalité française depuis plus de cinquante ans, ne peut prouver sa nationalité française par filiation, à moins que lui-même ou ses parents n’aient eu la possession d’état de Français.

Évolution jurisprudentielle

La Cour de cassation a précisé que la possession d’état de Français des parents doit être appréciée au moment où le juge statue. En 2019, elle a confirmé que la perte de nationalité pour désuétude doit être constatée par le tribunal, et non considérée comme une fin de non-recevoir.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dans le cadre de son pourvoi, Mme [S] [V] [M] [V] a soumis deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, remettant en question la conformité de l’article 30-3 avec des principes fondamentaux et la garantie des droits.

Examen des questions par la Cour

La première question a été jugée nouvelle et d’un intérêt particulier, car elle concerne des conséquences graves pour les Français de naissance. La seconde question, quant à elle, n’a pas été considérée comme sérieuse, car elle ne portait pas sur une disposition constitutionnelle inédite.

Décision finale de la Cour

La Cour a décidé de renvoyer la première question au Conseil constitutionnel, tout en rejetant la seconde. Cette décision a été prononcée lors de l’audience publique du 8 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnisation de M. [Z] [H] ?

La demande d’indemnisation de M. [Z] [H] repose sur la loi du 5 juillet 1985, qui régit la responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation.

Cette loi, également connue sous le nom de « loi Badinter », vise à faciliter l’indemnisation des victimes d’accidents de la route.

L’article 1 de cette loi stipule que « toute personne victime d’un accident de la circulation a droit à une indemnisation intégrale de son préjudice ».

Ainsi, M. [Z] [H] a le droit de demander réparation pour les préjudices subis à la suite de l’accident, y compris les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux.

Comment le tribunal évalue-t-il le montant de l’indemnisation ?

Le tribunal évalue le montant de l’indemnisation en se basant sur les rapports d’expertise médicale et les éléments de preuve fournis par les parties.

Les préjudices sont classés en deux catégories : les préjudices patrimoniaux et les préjudices extra-patrimoniaux.

L’article 1240 du Code civil précise que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans ce cas, le tribunal a pris en compte les frais divers, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et le déficit fonctionnel permanent pour établir le montant total de l’indemnisation.

Quelles sont les conséquences de la provision versée par M. [Z] [H] ?

La provision versée par M. [Z] [H] a des conséquences sur le montant final de l’indemnisation.

Selon l’article 1231-7 du Code civil, « la somme due en réparation d’un dommage porte intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement ».

Dans ce cas, le tribunal a décidé de déduire la somme de 2 600 € déjà versée à titre de provision du montant total de l’indemnisation, qui s’élevait à 9 447 €.

Ainsi, le montant restant dû à M. [Z] [H] est de 6 847 €.

Quelles sont les demandes accessoires formulées par la société ABEILLE ASSURANCES ?

La société ABEILLE ASSURANCES a formulé plusieurs demandes accessoires, notamment l’acceptation des frais d’assistance à expertise et le débouté concernant la demande de préjudice esthétique temporaire.

Elle a également demandé que le tribunal retranche le recours des tiers payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s’imputer.

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

Dans ce cas, la société ABEILLE ASSURANCES a contesté le doublement des intérêts et a demandé que l’exécution provisoire ne soit pas prononcée en raison de la provision déjà versée.

Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes d’intérêts et d’exécution provisoire ?

Le tribunal a statué en faveur de M. [Z] [H] concernant le doublement des intérêts, en raison du non-respect des délais par la société ABEILLE ASSURANCES.

L’article 514 du Code de procédure civile précise que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire ».

Ainsi, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision, permettant à M. [Z] [H] de recevoir rapidement une partie de son indemnisation.

Le tribunal a également condamné la société ABEILLE ASSURANCES à payer les intérêts au taux légal sur la somme due à M. [Z] [H].

CIV. 1

COUR DE CASSATION

MY1

______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025

RENVOI PARTIEL DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 90 FS-P

Pourvoi n° C 24-13.921

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025

Par mémoire spécial présenté le 10 octobre 2024, Mme [Z] [S] [V] [M] [V], domiciliée [Adresse 2] (Egypte), a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi n° C 24-13.921 qu’elle a formé contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans une instance l’opposant au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [Z] [S] [V] [M] [V], et l’avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Mme [Z] [S] [V] [M] [V], à qui un certificat de nationalité française a été refusé, a engagé une action déclaratoire de nationalité en soutenant être française par filiation maternelle, pour être née le 19 août 1987 à [Localité 3] (Egypte) de Mme [E] [S] [O], née le 8 octobre 1951 à [Localité 4] (Egypte), laquelle a été reconnue française par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 février 2015.

2. L’arrêt attaqué a jugé qu’en application de l’article 30-3 du code civil, Mme [Z] [S] [V] [M] [V] n’était pas admise à faire la preuve qu’elle avait, par filiation, la nationalité française, et a dit qu’elle était réputée avoir perdu cette nationalité le 9 octobre 2001.

3. L’article 30-3 du code civil dispose :

« Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français. »

4. Par un arrêt du 28 février 2018 (1re Civ., 28 février 2018, pourvoi n° 17-14.239, Bull. 2018, I, n° 38), la Cour de cassation a jugé que la possession d’état de Français du père ou de la mère du demandeur à l’action déclaratoire de nationalité s’apprécie au jour où le juge statue sur l’action de l’intéressé.

5. Par un arrêt du 13 juin 2019 (1re Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-16.838), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en jugeant que, selon l’article 30-3 du code civil, celui qui réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, n’est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français. Le tribunal doit, dans ce cas, constater la perte de la nationalité française dans les termes de l’article 23-6. Le texte édicte une règle de preuve et non une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, de sorte qu’aucune régularisation sur le fondement de l’article 126 du même code ne peut intervenir.

6. Cet arrêt renoue avec une jurisprudence plus ancienne (1re Civ., 23 février 1977, n° 75-12.799, Bull. civ. I, n° 106), selon laquelle :

« [La cour d’appel] aurait dû rechercher, pour en tirer les conséquences que l’article 144 [devenu l’article 30-3] y attachait, si, comme il était soutenu, [C] [D] et son père n’avaient pas, pendant plus de cinquante ans, été privés de la possession d’état de Français dans le pays étranger où ils résidaient, sans qu’une immatriculation au consulat français, attestée en 1950, eut pu anéantir les effets d’une perte déjà acquise de nationalité ».

7. Cette jurisprudence est appliquée de façon constante depuis 2019 (1re Civ., 10 février 2021, pourvoi n° 19-50.050, 1re Civ., 12 juillet 2023, pourvoi n° 22-16.946, publié, 1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 21-25.474). La Cour de cassation a précisé que si l’article 30-3 du code civil n’était pas opposé à l’ascendant direct, dont la nationalité française était établie, il ne pouvait l’être à ses enfants mineurs au jour de l’introduction de l’action déclaratoire de nationalité, lesquels suivaient la condition du parent dont ils tenaient leur nationalité (1re Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-50.032, publié ; 1re Civ., 27 novembre 2024, pourvoi n° 23-19.405, publié).

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

8. A l’occasion du pourvoi qu’elle a formé contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d’appel de Paris, Mme [S] [V] [M] [V] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ L’article 30-3 du Code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, est-il contraire au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la perte de la qualité de Français par désuétude ne peut être constatée que par un jugement, en ce qu’il instaure une présomption irréfragable de perte de la nationalité française à l’expiration du délai cinquantenaire d’expatriation de l’ascendant, en l’absence de possession d’état de l’intéressé et de son ascendant durant ce délai ?

2°/ L’article 30-3 du Code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, méconnaît-il la garantie des droits, au sens de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ensemble le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789 et l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, en ce que la présomption irréfragable de perte de la nationalité française qu’il instaure s’applique immédiatement, y compris lorsque l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état qui, en l’état du droit applicable à la date à laquelle ils ont été obtenus, étaient de nature à écarter toute désuétude et lorsque, en l’état du droit applicable à la date d’expiration du délai cinquantenaire, l’intéressé, alors mineur, et son parent français, ne pouvaient raisonnablement s’attendre à ce que la nationalité française soit réputée perdue en l’absence de démarches et pouvaient légitimement penser que, tant que cette perte n’était pas judiciairement constatée, la fin de non-recevoir édictée par l’article 30-3 du Code civil pouvait être régularisée ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

9. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne les conditions de perte de la nationalité française pour désuétude.

10. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

Première question prioritaire de constitutionnalité

11. La question posée, qui porte sur l’interprétation d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République dont le Conseil constitutionnel n’a pas encore eu l’occasion de faire application, est nouvelle.

12. La question peut également être regardée comme nouvelle, au sens que le Conseil constitutionnel donne à ce critère alternatif de saisine, en ce qu’elle présente un intérêt particulier.

13. En effet, elle concerne une disposition qui suscite un contentieux important et qui emporte des conséquences graves, s’agissant pour les Français de naissance d’un cas de perte non-volontaire de la nationalité française pouvant emporter une situation d’apatridie.

14. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Seconde question prioritaire de constitutionnalité

15. D’une part, la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

16. D’autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que l’interprétation jurisprudentielle de l’article 30-3 du code civil, sur laquelle le pourvoi se fonde (1re Civ., 28 février 2018, n° 17-14.239, Bull. 2018, I, n° 38) et qui a été abandonnée par la suite (1re Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-16.838, publié), a été consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt postérieur tant à l’expiration du délai cinquantenaire, qui est survenue le 9 octobre 2001, qu’à l’obtention de certains éléments de possession d’état, qui datent de 2015 et 2016, de sorte qu’elle n’a pas pu fonder des attentes légitimes de la part de l’intéressée, qui était majeure à la date à laquelle l’article 30-3 lui a été opposé.

17. En conséquence, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L’article 30-3 du Code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, est-il contraire au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la perte de la qualité de Français par désuétude ne peut être constatée que par un jugement, en ce qu’il instaure une présomption irréfragable de perte de la nationalité française à l’expiration du délai cinquantenaire d’expatriation de l’ascendant, en l’absence de possession d’état de l’intéressé et de son ascendant durant ce délai ? »

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la seconde question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.


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