Péremption d’instance et obligations procédurales en matière de copropriété

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Péremption d’instance et obligations procédurales en matière de copropriété

L’Essentiel : La Sci du Grand cerf a vendu le lot n°2 de la copropriété à M. [Y] [N] et Mme [B] [C] le 7 avril 2021. Cependant, le 21 avril, la Selarl FHB a opposé le versement du prix de vente, réclamant 11 812,14 euros pour charges impayées. Suite à une assignation en justice, le tribunal a condamné la Sci à verser cette somme, ainsi qu’un préjudice financier. L’appel de la Sci a été radié en juillet 2022, et malgré la contestation de la péremption, l’instance a été déclarée périmée le 15 septembre 2024, entraînant des frais de procédure à sa charge.

Vente de la copropriété

Par acte authentique du 7 avril 2021, la Sci du Grand cerf a vendu à M. [Y] [N] et Mme [B] [C] le lot n°2 de la copropriété située à [Adresse 12]. La Sci a conservé la propriété des lots n°3 et 5 de l’immeuble.

Opposition au versement du prix

Le 21 avril 2021, la Selarl FHB, en tant qu’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires, a fait opposition au versement du prix de vente pour réclamer le paiement de 11 812,14 euros au titre des charges de copropriété impayées par la Sci.

Assignation en justice

Le 21 juillet 2021, la Sci du Grand cerf a assigné la Selarl FHB et Me [T] pour obtenir le versement du prix de vente.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 8 mars 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a rendu un jugement ordonnant à Me [T] de verser la somme de 11 812,14 euros à la Selarl FHB, condamnant la Sci du Grand cerf à payer 7 094,54 euros pour préjudice financier, ainsi que d’autres sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Appel de la Sci du Grand cerf

La Sci du Grand cerf a formé appel du jugement le 11 avril 2022. Me [T] et la Selarl FHB se sont constituées intimées respectivement les 21 et 30 avril 2022.

Demande de radiation de l’appel

Le 4 mai et le 3 juin 2022, la Selarl FHB a demandé la radiation de l’appel, ainsi que le paiement de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ordonnance de radiation

Le 5 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire, précisant que celle-ci serait réinscrite sur production de pièces justifiant du paiement des condamnations. La Sci du Grand cerf a été condamnée à payer 1 500 euros à la Selarl FHB et 500 euros à Me [T].

Reprise de l’affaire

L’affaire a été réenregistrée le 12 juillet 2024. La Selarl FHB et Me [T] ont demandé la péremption de l’instance d’appel, tandis que la Sci du Grand cerf a contesté cette péremption.

Arguments des parties

La Selarl FHB a soutenu que l’instance d’appel était périmée, tandis que la Sci du Grand cerf a affirmé que le délai de péremption n’avait pas commencé à courir en raison de l’absence de notification régulière de l’ordonnance de radiation.

Péremption de l’instance

Le conseiller de la mise en état a constaté que le délai de péremption avait commencé à courir le 15 septembre 2022, date à laquelle la Sci du Grand cerf n’a accompli aucun acte de procédure. L’instance a été déclarée périmée depuis le 15 septembre 2024.

Frais de procédure

La Sci du Grand cerf a été condamnée à payer les dépens de l’instance et à verser 1 000 euros à la Selarl FHB et à Me [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de péremption de l’instance d’appel selon le Code de procédure civile ?

La péremption de l’instance est régie par l’article 386 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. Elle est de droit. »

Cette disposition implique que si aucune action n’est entreprise par les parties dans un délai de deux ans, l’instance est considérée comme périmée.

De plus, l’article 524 précise que :

« Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

Ainsi, la péremption peut être constatée si aucune diligence n’est effectuée dans le délai imparti, et ce, même après une radiation ordonnée par le juge.

Comment la notification de l’ordonnance de radiation affecte-t-elle le délai de péremption ?

L’article 524 du Code de procédure civile précise que :

« La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. »

Cette notification est cruciale car elle marque le début du délai de péremption. En effet, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation.

De plus, il est mentionné que :

« Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation. »

Cela signifie que si la notification n’est pas effectuée correctement, le délai de péremption ne commence pas à courir. Dans le cas présent, la Selarl FHBX a justifié la notification faite au conseil de la Sci du Grand cerf, ce qui a permis de faire courir le délai à partir du 15 septembre 2022.

Quelles sont les conséquences de la péremption sur les frais de procédure ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans le cadre de la péremption, la partie qui succombe à l’instance, ici la Sci du Grand cerf, est condamnée à payer les frais de procédure.

En l’espèce, la Sci du Grand cerf a été condamnée à payer à la Selarl FHBX et à Me [T] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700, en raison de sa défaite dans l’instance d’appel.

Ainsi, la péremption entraîne non seulement la fin de l’instance, mais également des conséquences financières pour la partie qui n’a pas respecté les délais de procédure.

N° RG 24/02511 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JWXJ

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ORDONNANCE DU 19 NOVEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/02291

Tribunal judiciaire d’Evreux du 8 mars 2022

DEMANDEUR A L’INCIDENT :

SELARL FHBX représentée par Me [L] [O] administrateur judiciaire provisoire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l’Eure substituée par Me THOMAS-COURCEL

DEFENDEURS A L’INCIDENT :

SCI DU GRAND CERF

RCS d'[Localité 9] 495 377 194

[Adresse 10]

[Localité 5]

représentée par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau de l’Eure substitué par Me NOEL

Maître [V] [T]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Laurent SPAGNOL de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’Eure

Mme WITTRANT, présidente de la mise en état, à la 1ère chambre civile, assistée de Mme CHEVALIER, greffier,

Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l’audience publique du 15 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 7 avril 2021 reçu par Me [T], notaire, la Sci du Grand cerf a vendu à M. [Y] [N] et Mme [B] [C] le lot n°2 de la copropriété sise à [Adresse 12] ; la Sci restait propriétaire des lots n°3 et 5 de l’immeuble.

Par acte d’huissier du 21 avril 2021, la Selarl FHB, és qualités d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires a fait opposition au versement du prix pour obtenir paiement de la somme de 11 812,14 euros au titre des charges de copropriété non réglées par la Sci.

Par actes du 21 juillet 2021, la Sci du Grand cerf a fait assigner la Selarl FHB et Me [T] aux fins d’obtenir leur condamnation à lui verser le prix.

Par jugement contradictoire du 8 mars 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a, ce avec exécution provisoire, pour l’essentiel :

– ordonné à Me [T] de verser à la Selarl FHB la somme de 11 812,14 euros détenue en qualité de séquestre constitué par la Sci du Grand cerf, M. [N] et Mme [C],

– condamné la Sci du Grand cerf à payer à la Selarl FHB la somme de 7 094,54 euros au titre de la réparation de son préjudice financier, la somme de 3 180 euros à la Selarl FHB et 500 euros à Me [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sci du Grand cerf aux dépens.

Le jugement a été signifié à Me [T] par acte d’huissier le 21 mars 2022.

Par déclaration reçue au greffe le 11 avril 2022, la Sci du Grand cerf a formé appel du jugement.

Me [T], notaire, et la Selarl FHB, ès qualités, se sont constituées intimées respectivement les 21 et 30 avril 2022.

Par conclusions d’incident notifiées le 4 mai puis le 3 juin 2022, la Selarl FHB, ès qualités d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] Vernon, a demandé, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, la radiation du rôle de l’appel régularisé le 11 avril 2022, la condamnation de la Sci du Grand cerf à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a :

– ordonné la radiation de la cour de l’affaire enregistrée sous le RG 22/0129,

– précisé que l’affaire serai de nouveau enrôlée sur production de toute pièce justifiant du paiement des condamnations prononcées par le jugement entrepris,

– condamnée la Sci du Grand cerf à payer à la Selarl FHB ès qualités, la somme de 1 500 euros et à Me [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sci du Grand cerf aux dépens de l’incident.

L’affaire a été à nouveau enrôlée le 12 juillet 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 12 juillet 2024, la Selarl FHBX en qualité d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] [Localité 11] [Adresse 1]) demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 386 et suivants, de :

– juger périmée l’instance d’appel engagée par la Sci du Grand cerf suivant déclaration d’appel du 11 avril 2022 (n°RG 22/01012),

– condamner la Sci du Grand cerf à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sci du Grand cerf aux dépens.

Par conclusions notifiées le 22 août 2024, Me [V] [T] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 386 et suivants, de :

– juger périmée l’instance d’appel engagée par la Sci du Grand cerf suivant déclaration d’appel du 11 avril 2022 à l’encontre du jugement rendu le 8 mars 2022 par le tribunal judiciaire d’Evreux,

– condamner la Sci du Grand cerf à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sci du Grand cerf aux dépens de l’instance recouvrés en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 14 octobre 2024, la Sci du Grand cerf demande au conseiller de la mise en état, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, de :

– juger qu’aucune péremption d’instance ne peut être constatée,

– débouter la Selarl FHBX ès qualités de ses demandes,

– condamner la Selarl FHBX ès qualités à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le délai de péremption n’a pas commencé à courir faute pour les demandeurs à l’incident de justifier d’une notification régulière par lettre simple de l’ordonnance de radiation du 5 juillet 2022 ; que la péremption ne peut être opposée aux parties qui ont accompli les actes de procédure mis à leur charge dans les délais qui leur étaient impartis ; qu’elle se réfère à l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2024.

Elle précise qu’elle n’est pas débitrice de charges procédurales qu’elles n’auraient pas accomplies ; que le conseiller de la mise en état ne lui a pas enjoint de procéder à des diligences particulières sauf précision que l’affaire serait de nouveau enrôlée sur production de toute pièce justifiant du paiement des condamnations par le jugement entrepris.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la péremption de l’instance

L’article 524 du code de procédure civile dispose que :

Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision…./…

La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire…/…

Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation…/..

Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Selon l’article 386 du même code, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Elle est de droit.

En l’espèce, l’ordonnance prononcée par le conseiller de la mise en état le 5 juillet 2022 porte la mention manuscrite de la notification faite par RPVA aux conseils des parties.

Si la Selarl FHBX ne verse pas la notification par lettre simple de la décision à la Sci du Grand cerf, elle justifie de la notification faite au conseil de l’appelante le 8 juillet 2022, et la signification faite par acte extrajudiciaire remis en l’étude le 15 septembre 2022.

En conséquence, le délai a commencé à courir le 15 septembre 2022.

Depuis cette date, la Sci du Grand cerf n’a accompli aucun acte de procédure pour reprendre l’instance d’appel alors qu’elle en avait pris l’initiative. Elle n’a marqué aucune volonté d’exécuter le jugement alors même que l’ordonnance de radiation faisait explicitement référence à la production de toute pièce justifiant du paiement des sommes dues.

Elle n’a conclu que sur l’incident par conclusions notifiées le 14 octobre 2024 pour contester la péremption.

En conséquence, en l’absence d’acte interruptif depuis le 15 septembre 2022, l’instance est atteinte par la péremption depuis le 15 septembre 2024.

Sur les frais de procédure

La Sci du Grand cerf succombe à l’instance et en supportera les dépens.

Elle sera condamnée à payer à la Selarl FHBX, ès qualités et à Me [T] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Constate la péremption de l’instance engagée sur déclaration d’appel de la Sci du Grand cerf le 11 avril 2022 enregistrée sous le n°RG 22/01219,

Condamne la Sci du Grand cerf à payer à la Selarl FHBX, ès qualités d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à Vernon et Me [V] [T], la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sci du Grand cerf aux dépens de l’instance, y compris de l’incident.

Le greffier, La présidente de chambre,


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