L’Essentiel : Mme [S] [J], née le 14 septembre 1970, a sollicité le 2 août 2018 des allocations pour adultes handicapés et la reconnaissance de son handicap. Le 4 octobre 2018, ses demandes ont été rejetées, bien qu’elle ait obtenu la qualité de travailleur handicapé. Après un recours administratif infructueux, elle a saisi le tribunal de Marseille, qui a rejeté son recours le 12 mai 2020. En appel, la cour d’Aix-en-Provence a radié la procédure, et malgré une demande de réenrôlement en 2023, la cour a constaté la péremption de l’instance, condamnant Mme [S] [J] aux dépens.
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Demande d’allocations et de reconnaissance de handicapMme [S] [J], née le 14 septembre 1970, a fait une demande le 2 août 2018 pour bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés, du complément de ressources, ainsi que pour obtenir la carte mobilité inclusion mention invalidité et la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Rejet des demandes et reconnaissance partielleLe 4 octobre 2018, la [6] a rejeté les demandes de Mme [S] [J] concernant l’allocation adulte handicapé et le complément de ressources, tout en lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé jusqu’au 30 septembre 2021. La carte mobilité inclusion mention priorité a été attribuée pour la même période, tandis que la demande de carte mention invalidité a été écartée. Recours et procédures judiciairesLe 16 octobre 2018, Mme [S] [J] a introduit un recours administratif préalable obligatoire, qui a été écarté le 16 février 2019. Elle a ensuite saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité de Marseille le 25 octobre 2018. L’affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille le 1er janvier 2019. Jugement du tribunalPar jugement du 12 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a reçu le recours de Mme [S] [J], l’a déclaré mal fondé, rejeté la demande d’expertise médicale, et a conclu qu’elle présentait un taux d’incapacité inférieur à 50 % à la date de référence. Les dépens ont été laissés à la charge de la [Adresse 8]. Appel et radiation de la procédureMme [S] [J] a relevé appel du jugement le 12 juin 2020. Après plusieurs renvois, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la radiation de la procédure par un arrêt du 5 novembre 2021. Le 17 juillet 2023, Mme [S] [J] a demandé la remise au rôle de la procédure, qui a été effective le 20 juillet 2023. Péremption d’instance et observations des partiesLe 12 mars 2024, la cour d’appel a relevé d’office le moyen de péremption d’instance et a invité les parties à présenter leurs observations. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, Mme [S] [J] a demandé l’infirmation du jugement, la désignation d’un expert, et la condamnation des intimées aux dépens, en justifiant son état de santé et son handicap. Constatation de la péremptionLa cour a constaté que, suite à la déclaration d’appel, aucune diligence n’avait été accomplie pendant plus de deux ans, jusqu’à la demande de réenrôlement. L’arrêt de radiation n’ayant pas interrompu la péremption, la cour a appliqué les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, entraînant l’extinction de l’instance. Condamnation aux dépensEn conséquence, la cour a constaté la péremption de l’instance et a condamné Mme [S] [J] aux entiers dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la péremption d’instance selon le Code de procédure civile ?La péremption d’instance est régie par l’article 386 du Code de procédure civile, qui stipule que : « L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. » Cette disposition implique que si aucune action n’est entreprise par les parties dans ce délai, l’instance est considérée comme éteinte. Il est important de noter que la péremption peut être demandée par l’une des parties, et le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations. En l’espèce, il a été constaté qu’aucune diligence n’a été accomplie par Mme [S] [J] et les autres parties pendant plus de deux ans, ce qui a conduit à la péremption de l’instance. Quel est l’impact de l’arrêt de radiation sur la péremption d’instance ?L’arrêt de radiation, qui sanctionne le défaut de diligence des parties, n’interrompt pas la péremption. En effet, la jurisprudence a établi que : « L’arrêt de radiation n’a pas pour effet d’interrompre le cours de la péremption. » Dans le cas présent, l’arrêt de radiation a été émis par la cour d’appel, mais cela n’a pas fait progresser l’instance. Ainsi, même si Mme [S] [J] a demandé la remise au rôle de la procédure, cela n’a pas suffi à interrompre le délai de péremption, car aucune cause d’interruption n’a été constatée. Comment les dispositions du Code de la sécurité sociale s’appliquent-elles à la péremption d’instance ?Les dispositions de l’article R 142-10-10 du Code de la sécurité sociale stipulent que : « L’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. » Cependant, il a été précisé que cet article ne s’applique qu’à la procédure de première instance. Pour les appels, il convient d’appliquer l’article 386 du Code de procédure civile, qui ne prévoit pas d’obligations spécifiques à la charge des parties. Ainsi, dans le cadre de l’appel, c’est l’article 386 qui a été appliqué, entraînant la péremption de l’instance en raison de l’absence de diligences. Quelles sont les conséquences de la péremption d’instance sur les dépens ?La péremption d’instance entraîne l’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge. En conséquence, selon les règles de procédure, la partie qui a vu son instance périmer peut être condamnée aux dépens. Dans le cas de Mme [S] [J], la cour a décidé de la condamner aux entiers dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure, même si elle a été la partie appelante. Cette décision est conforme à la pratique judiciaire, qui impose généralement les dépens à la partie qui a vu son recours rejeté ou périmer. |
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 26 NOVEMBRE 2024
N°2024/476
Rôle N° RG 23/09666
N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVBB
[S] [J]
C/
[10]
[5]
Copie exécutoire délivrée
le :26.11.2024
à :
– Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE
-[10]
– [5]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 12 mai 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11173
APPELANTE
Madame [S] [J],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
[10],
demeurant [Adresse 3]
non comparant
[5],
demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 octobre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseillère
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour le 26 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [S] [J], née le 14 septembre 1970, a sollicité, le 2 août 2018, de la [Adresse 8] ([9]), le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés et du complément de ressources ainsi que l’attribution de la carte mobilité inclusion mention invalidité et la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Le 4 octobre 2018, la [6] a rejeté les demandes de Mme [S] [J] au titre de l’allocation adulte handicapé ainsi que du complément de ressources et lui a notifié sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé jusqu’au 30 septembre 2021.
Le [7] a attribué à Mme [S] [J] le bénéfice de la carte mobilité inclusion mention priorité pour la période du 4 octobre 2018 au 30 septembre 2021 et écarté sa demande relative à la carte mobilité inclusion mention invalidité.
Le 16 octobre 2018, Mme [S] [J] a introduit un recours administratif préalable obligatoire qui a été écarté le 16 février 2019.
Le 25 octobre 2018, Mme [S] [J] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité de Marseille.
Le 1er janvier 2019, l’affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille en application de la loi du 18 novembre 2016.
Par jugement du 12 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
reçu le recours de Mme [S] [J] ;
l’a déclaré mal fondé;
rejeté la demande d’expertise médicale ;
rejeté la demande de Mme [S] [J] et dit qu’elle présentait, à la date impartie pour statuer du 12 août 2018, un taux d’incapacité inférieur à 50 %;
laissé les dépens à la charge de la [Adresse 8].
Par courrier du 12 juin 2020, Mme [S] [J] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Après plusieurs renvois à la demande de l’appelante, par arrêt du 5 novembre 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la radiation de la procédure.
Par conclusions déposées le 17 juillet 2023, Mme [S] [J] a sollicité la remise au rôle de la procédure qui a été effective le 20 juillet 2023.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par convocation du 12 mars 2024, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a relevé d’office le moyen tiré de la péremption d’instance et a invité les parties à présenter leurs observations sur ce point.
Dans ses conclusions, soutenues oralement à l’audience du 15 octobre 2024, auxquelles il est expressément référé, Mme [S] [J] demande l’infirmation du jugement, la désignation d’un expert et la condamnation des intimées aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
dans la limite des deux ans de la péremption d’instance, son état de santé ne lui a pas permis de rassembler les documents nécessaires au soutien de son appel ;
elle a été victime d’un polytraumatisme qui génère un handicap lourd;
elle est désormais allocataire de l’AAH pour la période du 1er mai 2023 au 30 avril 2026.
Bien que régulièrement convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 mars 2024, la [9] et la [4] n’ont pas comparu à l’audience du 15 octobre 2024.
Sur la péremption d’instance
Selon les dispositions de l’article R 142-10-10 du code de la sécurité sociale, applicables à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non-constatées à cette date, l’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
Le premier texte n’est applicable qu’à la procédure de première instance, faute de dispositions du code de la sécurité sociale prévoyant son application à la procédure d’appel.
Dès lors, devant la cour d’appel, il convient d’appliquer la règle de droit commun contenue dans l’article 386 du code de procédure civile. En effet, l’ancien article R142-22 du code de la sécurité sociale applicable à la procédure d’appel a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, dont l’entrée en vigueur a été différée au 1er janvier 2019.
L’appel a été formé par Mme [S] [J] le 12 juin 2020. L’application de l’article 386 du code de procédure civile s’impose à la cour.
Il résulte des textes rappelés plus haut que, pour les appels postérieurs au 1er janvier 2019, date d’abrogation de l’ancien article R 142-22 du code de la sécurité sociale, la péremption en matière de sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale est régie, en cause d’appel, à défaut de prescriptions dérogatoires spécifiques, par les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, lesquelles ne mettent pas d’obligations spécifiques à la charge des parties.
Dès lors, il incombait à celles-ci, et particulièrement à Mme [S] [J], en sa qualité d’appelante, de veiller à réaliser toutes les diligences utiles à faire progresser l’instance avant le délai de péremption de deux ans.
Or, en l’espèce, suite à la déclaration d’appel du 12 juin 2020, aucune diligence n’a été accomplie par les parties au litige pendant plus de deux ans jusqu’à la demande de réenrôlement de Mme [S] [J] le 17 juillet 2023.
L’arrêt de radiation, qui sanctionne justement le défaut de diligence des parties, n’interrompt pas la péremption puisqu’il émane de la cour et ne fait pas progresser l’instance.
Certes, un arrêt de la Cour de cassation (Civ 2ème 21 décembre 2023 pourvoi 17-13.454) a considéré que l’ordonnance de radiation qui sanctionnait l’absence de diligence des parties quant à la reprise de l’instance suite à son interruption du fait de la radiation d’une société, était le point de départ d’un nouveau délai de péremption. Cependant cette décision n’est pas susceptible de s’appliquer à la présente espèce laquelle n’a connu aucune cause d’interruption de l’instance.
De même, la Cour de cassation, dans quatre arrêts très récents ( Civ. 2e, 7 mars 2024, n° 21-20.719), a décidé qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, notamment au regard des dispositions des articles 908, 909 et 910-4 du code de procédure civile, la péremption ne court plus à leur encontre, la direction de la procédure leur échappant au profit du conseiller de la mise en état, à moins que ce dernier fixe un calendrier ou leur enjoigne d’accomplir une diligence particulière et que lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter cette fixation à seule fin d’interrompre le cours de la prescription. Cependant, ces décisions ont été rendues dans des instances relevant de la procédure écrite avec représentation obligatoire par un conseil. En matière de procédure orale, les parties ne sont pas soumises aux mêmes charges procédurales et le délai de péremption peut être interrompu par la simple demande, adressée à la cour, de fixation de l’audience.
Dans ces conditions, la cour constate la péremption de l’instance et, en conséquence, l’extinction de l’instance et son dessaisissement.
Sur les dépens
Mme [S] [J] est condamnée aux entiers dépens.
La cour
Constate la péremption de l’instance,
Constate, en conséquence, l’extinction de l’instance et son dessaisissement,
Y ajoutant,
Condamne Mme [S] [J] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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