Péremption d’instance et effets des diligences dans le cadre de travaux voisins

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Péremption d’instance et effets des diligences dans le cadre de travaux voisins

L’Essentiel : Mme [L] [I] a contesté l’extension de M. [Y] [U] sur son terrain, entraînant une procédure judiciaire. Malgré ses efforts, le tribunal a débouté Mme [I] et l’a condamnée à verser 1000 € à M. [U]. En appel, la cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement, suspendant la décision sur la démolition. En janvier 2024, la question de la péremption de l’instance a été soulevée. Mme [I] a soutenu que le délai était suspendu, tandis que les consorts [U] ont affirmé le contraire. Finalement, la péremption a été prononcée, déboutant Mme [I] de ses demandes.

Propriétés en Conflit

Mme [L] [I] est propriétaire d’une maison située au numéro 8, tandis que M. [Y] [U], décédé le 14 juillet 2024, était propriétaire de la maison voisine au numéro 6.

Demande de Travaux et Expertise

Le 16 avril 2013, M. [U] a soumis une demande d’autorisation pour réaliser une extension de sa maison. Mme [I] a alors allégué un empiétement de cette construction sur son terrain et a demandé une expertise judiciaire. L’expert désigné, M. [F], a remis son rapport le 12 décembre 2014.

Procédure Judiciaire

Le 24 mars 2015, Mme [I] a assigné M. [U] devant le tribunal de grande instance de Brest pour obtenir la démolition de l’extension. Le jugement rendu le 7 juin 2017 a débouté Mme [I] de ses demandes, tout en condamnant Mme [I] à verser 1000 € à M. [U] pour les frais irrépétibles.

Appel et Décisions de la Cour

Mme [I] a interjeté appel le 30 août 2017. Par un arrêt du 17 septembre 2019, la cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement initial, rejeté la demande d’expertise de Mme [I] et a suspendu la décision sur la demande de démolition jusqu’à l’achèvement des travaux de M. [U].

Péremption de l’Instance

Le 23 janvier 2024, le greffe a sollicité les observations des parties concernant la péremption de l’instance. Mme [I] a soutenu que le délai de péremption avait été suspendu, tandis que les consorts [U] ont affirmé que la péremption était acquise en raison de l’absence de diligences suffisantes.

Conclusions des Parties

Dans leurs dernières conclusions, Mme [I] a demandé à ce que l’instance ne soit pas déclarée périmée, tandis que les consorts [U] ont demandé la constatation de la péremption et le déboutement de Mme [I] de ses demandes.

Décision Finale

La conseillère de la mise en état a prononcé la péremption de l’instance, condamnant Mme [I] aux dépens de l’incident et déboutant les consorts [U] de leurs demandes de frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la péremption d’instance

La péremption d’instance est régie par les articles 386 et 388 du Code de procédure civile.

L’article 386 dispose que :

* »L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. »*

Cet article établit un délai de deux ans sans aucune diligence pour qu’une instance soit déclarée périmée.

L’article 388 précise que :

* »La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »*

Dans le cas présent, Mme [I] soutient que le délai de péremption a été suspendu par le sursis à statuer lié à l’achèvement des travaux par M. [U].

Elle affirme que la radiation de l’affaire n’a pas eu d’effet sur la péremption, et que plusieurs événements, comme la notification d’une décision d’aide juridictionnelle, ont suspendu le délai.

Cependant, les consorts [U] soutiennent que la diligence requise pour interrompre la péremption doit faire avancer l’affaire.

Ils avancent que la demande d’aide juridictionnelle, bien qu’interruptive, a créé un nouveau délai qui a couru jusqu’au 2 juin 2023.

Ainsi, les conclusions de réenrôlement de Mme [I] notifiées le 19 février 2024 seraient hors délai, entraînant la péremption de l’instance.

La cour a constaté que l’arrêt du 17 septembre 2019 a mis fin à l’empiétement, et que le délai de péremption a recommencé à courir à partir de cette date.

La notification de la décision d’aide juridictionnelle a été faite le 7 février 2022, et Mme [I] n’a pas prouvé qu’elle l’a reçue après le 20 février 2022.

Ainsi, un nouveau délai de péremption a commencé à courir, rendant les conclusions de réenrôlement de Mme [I] hors délai et confirmant la péremption de l’instance.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens et les frais irrépétibles sont régis par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 stipule que :

* »Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la conduite de l’instance. »*

Dans cette affaire, Mme [I] a succombé dans ses demandes, ce qui implique qu’elle doit supporter les dépens de l’incident.

L’article 700, quant à lui, dispose que :

* »Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »*

Cependant, la cour a noté que la péremption a été soulevée d’office, ce qui rend inéquitable de laisser les consorts [U] à la charge de leurs frais irrépétibles.

Ainsi, Mme [I] est condamnée aux dépens de l’incident, tandis que les consorts [U] ne seront pas condamnés à payer des frais irrépétibles.

Cette décision est conforme aux principes de justice et d’équité, tenant compte des circonstances de l’affaire et des actions des parties.

1ère Chambree

ORDONNANCE N°

N° RG 24/03964

N° Portalis

DBVL-V-B7I-U6JA

M. [Y] [U]

M. [H] -INTERVENANT VOLONTAIRE- [U]

Mme [W] [U] épouse -INTERVENANTE VOLONTAIRE-

M. [S] -INTERVENANT VOLONTAIRE- [U]

C/

Mme [L] [J] [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

DU 7 JANVIER 2025

Le sept janvier deux mille vingt cinq, date indiquée à l’issue des débats du deux décembre deux mille vingt quatre, Madame Véronique VEILLARD, magistrate de la mise en état de la 1ère chambre, assistée de Elise BEZIER, greffier,

Statuant dans la procédure opposant :

DEMANDEUR A L’INCIDENT

Monsieur [H] [U] en sa qualité d’héritier de Monsieur [Y] [U] décédé le 14 juillet 2024 à [Localité 9], dessinateur

né le 1er juillet 1980 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Adresse 14]

[Localité 5]

Madame [W] [U] en sa qualité d’héritière de Monsieur [Y] [U] décédé le 14 juillet 2024 à [Localité 9], comptable

née le 9 juin 1982 à [Localité 10]

[Adresse 12]

[Localité 3]

Monsieur [S] [U] en sa qualité d’héritier de Monsieur [Y] [U] décédé le 14 juillet 2024 à [Localité 9], directeur adjoint

né le 9 juin 1987 à [Localité 10]

[Adresse 13]

[Localité 4]

Tous représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

INTIMES

A

DÉFENDEUR A L’INCIDENT

Madame [L] [J] [I]

née le 26 septembre 1943 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me François RANCHERE de la SARL BERTHELOT RANCHERE AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/008581 du 11/08/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 15])

APPELANTE

A rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [I] est propriétaire d’une maison d’habitation sise [Adresse 8].

M. [Y] [U] ‘ décédé le 14 juillet 2024, et aux droits duquel sont venus ses ayants-droit ‘ était propriétaire de la maison d’habitation voisine portant le numéro 6.

Le 16 avril 2013, M. [U] a déposé une demande d’autorisation de travaux en vue de réaliser une extension de sa maison d’habitation.

Alléguant un empiétement de la construction sur son fonds, Mme [I] a sollicité une expertise judiciaire. M. [F] a été désigné en qualité d’expert par ordonnance de référé du 10 mars 2014 et a déposé son rapport le 12 décembre 2014.

Par exploit du 24 mars 2015, Mme [I] a fait assigner M. [U] devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins de voir ordonner la démolition de l’extension litigieuse.

Par jugement du 7 juin 2017, le tribunal de grande instance de Brest a :

– débouté Mme [I] de ses demandes, considérant au regard des conclusions de l’expert judiciaire que M. [U] avait entrepris les travaux de suppression de tout empiétement,

– condamné Mme [I] à payer à M. [U] la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [U] aux dépens de l’instance en référé et au paiement des frais d’expertise judiciaire,

– condamné Mme [I] aux dépens de l’instance au fond dont distraction au profit de la selarl Baley Martin Rangheard,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [I] a interjeté appel par déclaration du 30 août 2017.

Par arrêt du 17 septembre 2019, la cour d’appel de Rennes :

– a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [I] de sa demande de démolition au titre des troubles anormaux de voisinage et condamné M. [U] aux dépens de l’instance en référé et au paiement des frais d’expertise judiciaire,

– y ajoutant,

– a rejeté la demande d’expertise formée par Mme [I] portant sur des empiétements persistants à la suite des travaux réalisés,

– pour le surplus,

– a sursis à statuer sur la demande de démolition formée par Mme [I] au titre de l’empiétement sur sa propriété jusqu’à l’achèvement des travaux entrepris par M. [U] et sur la demande d’expertise relative à l’empiétement résultant de la pose du bardage,

– dit que la cour sera saisie à l’initiative de la partie la plus diligente et que dans cette attente, l’affaire sera radiée du rôle des affaires de la cour,

– sursis à statuer sur les frais irrépétibles et les dépens de l’instance au fond et en cause d’appel.

Par avis du greffe du 23 janvier 2024, les observations des parties ont été sollicitées quant à la péremption de l’instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 novembre 2024, Mme [I] demande au conseiller de la mise en état de :

– dire que l’instance n’est pas affectée par la péremption d’instance,

– débouter les consorts [U] de leurs prétentions,

– condamner ceux-ci aux dépens du présent incident,

– dire que les dépens seront recouvrés directement par maître [Localité 11] Ranchère conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 novembre 2024, les consorts [U] demandent au conseiller de la mise en état de :

– es déclarer recevables et bien fondés en leur incident,

– constater la péremption de l’instance,

– constater en conséquence l’extinction de l’instance,

– débouter Mme [I] de ses demandes,

– la condamner à leur payer la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

SUR CE,

1) Sur la péremption d’instance

Mme [I] soutient que le délai de péremption a été suspendu par le sursis à statuer adossé à un événement précis, à savoir l’achèvement des travaux par M. [U], que la radiation n’a donc eu aucun effet sur la péremption, que ce délai de péremption a encore été suspendu par la notification de la décision d’aide juridictionnelle du 1er juillet 2021 puis par la décision modificative de l’huissier désigné du 6 août 2021 mais notifiée par courrier simple seulement après le 20 février 2022 de sorte qu’elle avait donc jusqu’au 20 février 2024 pour faire diligence et qu’ayant déposé des conclusions de réenrôlement notifiées le 19 février 2024, la péremption n’est pas encourue.

Les consorts [U] soutiennent que la diligence attendue pour interrompre la péremption doit être de nature à faire avancer l’affaire, que la demande d’aide juridictionnelle du 2 juin 2021, qui constitue certes une manifestation de la volonté de poursuivre l’instance, n’a toutefois pu qu’être interruptive de sorte qu’un nouveau délai a couru jusqu’au 2 juin 2023 et que les conclusions de reprise d’instance du 19 février 2024 sont hors délai, qu’enfin, la cause du sursis a disparu puisque M. [U] avait effectué les travaux utiles tandis que le tour d’échelle lui a toujours été refusé par Mme [I] pour la pose du bardage ‘ au demeurant non indispensable et non prévu à l’arrêt d’appel ‘, laquelle n’a donc pas été réalisée, Mme [I] ne pouvant invoquer sa propre turpitude.

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, ‘L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.’

L’article 388 du code de procédure civile dispose que ‘La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.’

Une demande d’aide juridictionnelle, qui n’est pas une diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile, interrompt de délai de péremption (Cass. civ. 2e, 19 novembre 2009, pourvoi no 08-16698).

En l’espèce, l’arrêt du 17 septembre 2019 a retenu que M. [U] avait réalisé les travaux mettant fin à l’empiétement sur la parcelle voisine, qu’il n’avait pas l’intention d’effectuer le bardage mais pouvait y être contraint en application de l’arrêté du 28 février 2014 et qu’il convenait de surseoir à statuer sur une démolition dudit bardage et sur la demande d’expertise relative à l’empiétement résultant de la pose de cet équipement.

Aucune démolition ne pouvant être ordonnée par anticipation d’un ouvrage qui n’était pas réalisé et à la réalisation duquel M. [U] n’était pas condamné, la cour d’appel en a tiré les conséquences et a ordonné la radiation de l’affaire en précisant qu’elle devait être saisie à l’initiative de la partie la plus diligente après achèvement des travaux.

L’affaire ayant été radiée par l’arrêt du 17 septembre 2019, le délai de péremption a commencé à courir à compter de la date dudit arrêt.

S’agissant de la notification de la décision d’aide juridictionnelle rectifiée, celle-ci a été rendue le 6 août 2021 et il résulte de la mention apposée par le greffier du bureau d’aide juridictionnelle qu’elle a été notifiée le 7 février 2022 à Mme [I] à son adresse du [Adresse 7] [Localité 9].

En regard, Mme [I] ne prouve pas qu’elle aurait reçu cette notification postérieurement au 20 février 2022 comme elle le soutient, et à une date qu’elle ne précise du reste pas.

Un nouveau délai de péremption de deux ans a donc recommencé à courir à compter de cette notification de la décision d’aide juridictionnelle rectifiée de sorte que les conclusions de Mme [I] de réenrôlement notifiées le 19 février 2024 sont hors délai et que la péremption est acquise.

2) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, Mme [I] supportera les dépens de l’incident.

Compte tenu de ce que la péremption a été soulevée d’office, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des consorts [U] la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS, la conseillère de la mise en état,

Prononce la péremption de l’instance dans l’affaire inscrite au rôle de la cour d’appel de Rennes sous le n° RG 24/3964,

Condamne Mme [L] [I] aux dépens de l’incident,

Déboute du surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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