Pension de réversion : contestation des versements et preuve de réception

·

·

Pension de réversion : contestation des versements et preuve de réception

L’Essentiel : Mme [Z] [K], veuve de [D] [P], a sollicité une pension de réversion après le décès de son mari en 2013. Face à l’inaction de la CARSAT Rhône-Alpes, elle a engagé des procédures, incluant une requête au tribunal judiciaire en 2023, demandant 15 000 euros d’indemnisation. La CARSAT a contesté ces demandes, affirmant avoir versé les prestations dues. Le tribunal a finalement conclu que Mme [Z] [K] avait bien reçu les paiements, même si ceux-ci avaient été initialement versés par erreur. Sa demande a été rejetée, ainsi que sa demande d’indemnisation, la condamnant à supporter les dépens.

Contexte de l’affaire

[I] [Z] [K] était mariée à [D] [P], décédé le 11 mai 2013. À la suite de ce décès, elle a demandé à bénéficier de la pension de réversion qui lui était due. Malgré plusieurs courriers adressés à la CARSAT Rhône-Alpes pour demander le versement direct de cette pension sur son compte bancaire, ses demandes sont restées sans réponse.

Procédures engagées

Face à l’inaction de la CARSAT, Mme [Z] [K] a saisi la commission de recours amiable le 19 septembre 2019, sans succès. Elle a ensuite introduit une requête auprès du tribunal judiciaire le 16 février 2023, demandant une indemnisation de 15 000 euros et la domiciliation de sa pension sur son compte personnel. Les parties ont ensuite précisé leurs demandes lors de l’audience de plaidoiries du 18 octobre 2024.

Demandes de Mme [Z] [K]

Mme [Z] [K] a demandé à la CARSAT Rhône-Alpes de lui verser 40 624,78 euros, des intérêts, des dommages-intérêts de 15 000 euros pour préjudice, ainsi que 2 000 euros pour les frais de justice. Elle soutenait que la CARSAT avait commis une erreur en versant les sommes dues à la CNR, et que cela ne l’exonérait pas de son obligation de paiement direct.

Position de la CARSAT

La CARSAT a contesté les demandes de Mme [Z] [K], affirmant avoir versé les prestations dues depuis le 1er juillet 2013, d’abord via la CNR, puis directement sur son compte à partir de juillet 2023. Elle a également soutenu qu’il n’y avait ni faute ni préjudice justifiant une indemnisation.

Éléments de preuve

Le tribunal a noté que Mme [Z] [K] n’avait pas fourni de preuves de l’absence de versements, tandis que la CARSAT a présenté des documents attestant des paiements effectués. Des courriers de Mme [Z] [K] à la CARSAT ont également été examinés, montrant qu’elle avait reconnu recevoir des paiements en dinars et avait demandé un changement de mode de paiement.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que Mme [Z] [K] avait bien perçu les sommes dues, même si cela avait été fait par erreur au départ via la CNR. Par conséquent, sa demande de paiement a été rejetée, tout comme sa demande d’indemnisation, car elle n’a pas prouvé avoir subi un préjudice. Elle a été condamnée à supporter les dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour bénéficier d’une pension de réversion ?

La pension de réversion est un droit accordé aux épouses survivantes, sous certaines conditions. Selon l’article L353-1 du Code de la sécurité sociale, la pension de réversion est due aux veuves ou veufs d’un assuré décédé, sous réserve que le mariage ait été contracté avant le décès et que le couple ait cohabité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [Z] [K] remplit ces conditions.

Elle est donc en droit de demander le bénéfice de la pension de réversion de son époux défunt, peu importe les complications administratives rencontrées lors de la demande.

Il est également précisé que le versement de cette pension doit se faire directement au bénéficiaire, sans intermédiaire, sauf en cas de pluralité d’épouses survivantes.

Quel est le rôle de la preuve dans le litige concernant les versements de la pension ?

L’article 9 du Code de procédure civile stipule que « celui qui argue d’un fait doit en rapporter la preuve ». Cela signifie que la charge de la preuve incombe à la partie qui avance une prétention.

Dans ce cas, Mme [Z] [K] a affirmé ne pas avoir reçu les versements de la CARSAT, mais elle n’a pas produit de relevés de compte pour étayer sa demande.

En revanche, la CARSAT a fourni des preuves de versements effectués, notamment des captures d’écran et des attestations, prouvant qu’elle avait bien respecté ses obligations de paiement.

Ainsi, le tribunal a conclu que Mme [Z] [K] n’a pas réussi à prouver ses allégations, ce qui a conduit à son déboutement.

Quelles sont les implications de l’article 1315 du Code civil dans ce litige ?

L’article 1315 du Code civil précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Cela signifie que la partie qui demande un paiement doit démontrer que ce paiement est dû.

Dans cette affaire, la CARSAT a démontré qu’elle avait effectué les paiements dus à Mme [Z] [K], tant par l’intermédiaire de la CNR que directement sur son compte personnel.

Les preuves fournies par la CARSAT, y compris les attestations et les relevés de paiement, ont été jugées suffisantes pour établir qu’elle avait respecté ses obligations.

Ainsi, la demande de Mme [Z] [K] a été rejetée, car elle n’a pas pu prouver qu’elle n’avait pas reçu les sommes dues.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur les demandes d’indemnisation ?

La demande d’indemnisation de Mme [Z] [K] était fondée sur l’article 1240 du Code civil, qui prévoit la réparation du préjudice causé par un fait dommageable.

Cependant, le tribunal a constaté que les paiements avaient été effectués, ce qui signifie qu’il n’y avait pas de préjudice à indemniser.

En conséquence, la demande d’indemnisation a été rejetée, car Mme [Z] [K] n’a pas pu prouver qu’elle avait subi un préjudice en raison de l’absence de versements.

Le tribunal a également décidé que les dépens seraient à la charge de Mme [Z] [K], conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante supporte les frais de la procédure.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

31 janvier 2025

Albane OLIVARI, présidente

Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière

tenus en audience publique le 18 octobre 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 31 janvier 2025 par le même magistrat

Madame [I] [Z] [K] C/ CARSAT RHONE-ALPES

N° RG 23/00819 – N° Portalis DB2H-W-B7H-X43K

DEMANDERESSE

Madame [I] [Z] [K],
demeurant [Adresse 1] – ALGÉRIE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 69123/1/2023/002870 du 01/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
représentée par Me Laura GANDONOU, avocate au barreau de LYON, vestiaire : 2103

DÉFENDERESSE

CARSAT RHONE-ALPES,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Mme [G] [U], munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[I] [Z] [K]
CARSAT RHONE-ALPES
Me Laura GANDONOU, vestiaire : 2103
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

CARSAT RHONE-ALPES
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

[I] [Z] [K] était mariée avec [D] [P], lequel est décédé le 11 mai 2013.

Ce dernier percevait jusqu’à son décès une pension de retraite servie par la CARSAT Rhône-Alpes et Mme [Z] [K] a ensuite sollicité le bénéfice de la pension de réversion due aux épouses survivantes.

Ensuite de plusieurs courriers restés sans suite effective, par lesquels elle demandait à percevoir les versements sur son compte bancaire personnel directement de la Carsat et non plus par l’intermédiaire de la Caisse Nationale de Retraite d’Algérie, elle a saisi la commission de recours amiable le 19 septembre 2019, sans davantage de succès.

Aussi saisissait-elle le pôle social du tribunal judiciaire, par requête du 16 février 2023, afin d’obtenir une indemnisation de 15 000 euros sur le fondement de l’article 1383 du code civil, outre la prise en charge de sa demande de domiciliation de paiement de sa pension de retraite de réversion sur son compte personnel.

L’affaire faisait l’objet de différents renvois aux fins de mise en état, et dans leurs dernières écritures développées oralement lors de l’audience de plaidoiries du 18 octobre 2024, les parties fixaient leurs prétentions comme suit :

Mme [Z] [K] sollicitait, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la CARSAT Rhône-Alpes à :

– lui verser la somme de 40 624,78 euros à parfaire à la date du jugement à intervenir, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019, intérêts devant être capitalisés,
– effectuer les versements ultérieurs sur son compte bancaire personnel,
– lui verser 15 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour avoir été privée d’une part essentielle de ses ressources,
– lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sous réserve de renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Elle considérait que si la CARSAT avait réglé par erreur les sommes dues à la CNR, mais qu’elle-même ne les avait pas reçues, il appartenait alors à la CARSAT de se retourner contre la CNR, mais que cela ne la dispensait pas de lui verser directement les sommes litigieuses.

La CARSAT Rhône-Alpes concluait au rejet de l’ensemble des demandes formées à son encontre.

Elle arguait avoir procédé au versement des prestations dues à Mme [Z] [K] depuis le 1er juillet 2013, d’abord par l’intermédiaire de la Caisse Nationale de Retraite en Algérie, puis à partir de l’échéance de juillet 2023 sur le compte personnel de la requérante. En l’absence de faute, et de préjudice, elle s’opposait donc également à la demande d’indemnisation.

La décision a été mise en délibéré au 20 décembre 2024, finalement prorogé au 31 janvier 2025.

MOTIVATION

Il n’est pas contesté par les parties que Mme [Z] [K] remplit les conditions pour bénéficier de la pension de réversion de son époux défunt, peu important en l’espèce les considérations autour des errements ayant concerné son dossier lors du dépôt de sa demande autour de l’existence d’une première épouse, pré-décédée.

Il n’est pas davantage contesté par la CARSAT que le versement de cette prestation doive s’effectuer directement au bénéfice de la requérante, sans qu’il n’y ait besoin de transiter par la Caisse Nationale de Retraite en Algérie. En effet, ce n’est qu’en cas de pluralité d’épouses survivantes que la CNR reçoit le paiement de la CARSAT pour le reverser après avoir effectué la répartition entre les bénéficiaires.

Le litige porte sur la réalité des versements, dont Mme [Z] [K] déclare ne les avoir jamais perçus, tandis que la CARSAT indique s’être libérée de son obligation de paiement.

Il ressort de l’article 9 du code de procédure civile qu’il appartient à celui qui argue d’un fait d’en rapporter la preuve.

Le tribunal relève en premier lieu que la requête intialement déposée par Mme [Z] [K] ne visait qu’à obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de l’absence de prise en compte de ses demandes réitérées d’obtenir le versement de la pension de réversion sur son compte personnel, dont la domiciliation s’était trouvée modifiée. Il n’était pas alors question d’obtenir le paiement de prestations qui n’auraient pas été versées. L’objet du litige a évolué en cours d’instance, et par la voix de son conseil, Mme [Z] [K] a ensuite sollicité le paiement rétroactif des pensions à compter du 3 juin 2013.

Elle ne produit aucun relevé de compte mettant en évidence l’absence de versements de la part de la CARSAT.

A l’inverse, la CARSAT indique avoir procédé à ces versements, d’abord à compter de novembre 2016, puis, après reprise du dossier, s’agissant de la période antérieure.

Elle précise avoir ensuite effectué les réglements, non plus par l’intermédiaire de la Caisse Nationale de Retraite, mais directement sur le compte personnel de Mme [Z] [K], à compter de l’échéance de septembre 2019.

L’article 1315 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la CARSAT verse au dossier copie des captures d’écran attestant de virements mensuels équivalents au montant de la pension de réversion au bénéfice de Mme [Z] [K], ainsi que des ordres de dépense reprenant les périodes de régularisation lorsque le dossier de la requérante a été ré-étudié aux fins de déterminer la date à partir de laquelle elle pouvait valablement prétendre au versement de la pension. Est également produite l’attestation émanant de la directrice de l’agence comptable et financière de la Carsat, selon laquelle la somme de 37 610,26 euros a été versée à la Caisse Nationale de Retraite en Algérie au bénéfice de Mme [Z] [K] pour la période du 1er juillet 2013 au 31 juillet 2023, puis à compter du 1er août 2023, une prestation mensuelle directement au profit de Mme [Z] [K].

Outre ces éléments, le tribunal retient les différents courriers adressés successivement par Mme [Z] [K] elle-même à la CARSAT : le 24 décembre 2016, elle reconnaissait recevoir le paiement de sa pension de réversion en dinars depuis le 12 février 2015 (pièce 10 produite par la CARSAT) ; le 13 février 2017 (pièce CARSAT n° 11), elle demandait qu’il soit procédé au changement du mode de paiement, et que les échéances prochaines soient versées directement par la CARSAT sur son compte bancaire ; le 30 avril 2017 (pièce CARSTA n° 12), elle sollicitait un nouvel examen de sa situation, invoquant une nouvelle date d’entrée en jouissance, et la modification du mode de versement (en euros sur son compte bancaire), ainsi que le 3 avril 2018 (pièce CARSAT n° 17) en raison d’un changement de compte bancaire.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [Z] [K] a bien perçu les sommes dont la CARSAT justifie du réglement, certes par erreur en premier lieu par l’intermédiaire de la CNR avant de procéder comme le prévoit la convention franco-algérienne, en réglant directement la bénéficiaire.

Ainsi, Mme [Z] [K] sera déboutée de sa demande de paiement.

Sa demande d’indemnisation ne sera pas davantage accueillie dans la mesure où, les réglements étant intervenus, que ce soit par l’intermédiaire de la CNR ou directement par la CARSAT, Mme [Z] [K] ne justifie pas d’un préjudice.

La requérante succombant dans l’ensemble de ses prétentions, elle supportera l’ensemble des dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles, ni au prononcé de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE [I] [Z] [K] veuve [P] de l’ensemble de ses demandes.

DIT que les dépens de la présente instance seront mis à la charge de [I] [Z] [K] veuve [P].

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par Albane OLIVARI, Présidente, et Sophie RAOU, Greffière.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon