Paternité contestée et reconnaissance légale : enjeux de filiation et d’identité familiale.

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Paternité contestée et reconnaissance légale : enjeux de filiation et d’identité familiale.

L’Essentiel : Le tribunal a statué que M. [B] n’est pas le père de l’enfant [W] et a annulé sa reconnaissance de paternité. Cette décision, fondée sur une expertise génétique révélant une probabilité de paternité de M. [M] supérieure à 99,9999 %, a été prononcée après que M. [B] n’ait pas participé aux procédures. La mention de cette décision sera ajoutée à l’acte de naissance de l’enfant. M. [M] et Mme [O] ont été condamnés aux dépens, tandis que le ministère public n’a pas formulé d’observations sur l’affaire, qui a été mise en délibéré le 8 octobre 2024.

Inscription de l’enfant et reconnaissance de paternité

Le 26 octobre 2009, l’enfant [W], née le [Date naissance 5] 2009, a été inscrite à l’état civil de la mairie de [Localité 17]. Ses parents, [V], [S] [O] et [F] [B], l’ont reconnue le 1er octobre 2009. En 2019, M. [Y], [P] [M] a également déclaré reconnaître l’enfant.

Assignation en contestation de paternité

M. [M] a assigné Mme [O] et M. [B] devant le tribunal pour contester la paternité de ce dernier et établir la sienne. Le tribunal a déclaré M. [M] irrecevable dans sa demande, mais a permis à Mme [D] [I], administrateur ad hoc de l’enfant, de contester la paternité de M. [B].

Expertise génétique

Le tribunal a ordonné une expertise pour déterminer la paternité. Le rapport, déposé le 26 février 2024, a révélé que M. [B] n’avait pas participé à l’expertise, tandis que la probabilité que M. [M] soit le père de [W] était supérieure à 99,9999 %.

Demandes des parties

M. [M] a demandé au tribunal de déclarer que M. [B] n’est pas le père de [W] et d’annuler sa reconnaissance de paternité. Mme [O] a formulé des demandes similaires, affirmant qu’elle est la mère biologique de [W] et qu’elle a été mariée à M. [M] depuis 2017. Mme [D] [I] a également soutenu que M. [B] n’est pas le père de l’enfant.

Absence de M. [B] et conclusions du ministère public

M. [B] n’a pas constitué avocat et n’a pas participé aux procédures. Le ministère public n’a pas formulé d’observations sur l’affaire. La clôture a été prononcée le 8 octobre 2024, et l’affaire a été mise en délibéré.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que M. [B] n’est pas le père de l’enfant [W] et a annulé sa reconnaissance de paternité. Il a ordonné la mention de cette décision en marge de l’acte de naissance de l’enfant et a condamné M. [M] et Mme [O] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la reconnaissance de paternité en droit français ?

La reconnaissance de paternité est un acte par lequel un homme déclare être le père d’un enfant. En droit français, cette reconnaissance est régie par les articles 316 et suivants du Code civil.

L’article 316 du Code civil stipule :

« La reconnaissance de paternité peut être faite par déclaration à l’état civil. Elle produit les mêmes effets que la filiation légitime. »

Ainsi, la reconnaissance de paternité confère à l’enfant des droits identiques à ceux d’un enfant légitime, notamment en matière d’héritage et de nom.

De plus, l’article 317 précise que :

« La reconnaissance peut être faite avant ou après la naissance de l’enfant. »

Cela signifie que la reconnaissance peut intervenir à tout moment, mais elle doit être effectuée dans les formes légales pour être valable.

En cas de contestation, comme dans le litige présenté, la reconnaissance peut être annulée si des preuves suffisantes démontrent que l’homme qui a reconnu l’enfant n’est pas le père biologique, ce qui a été établi par l’expertise dans cette affaire.

Quelles sont les conditions de contestation de la paternité en droit français ?

La contestation de la paternité est encadrée par les articles 332 et suivants du Code civil. Selon l’article 332 :

« L’action en contestation de paternité peut être exercée par le père, par la mère, ou par l’enfant lui-même. »

Il est important de noter que l’article 333 impose un délai pour agir :

« L’action en contestation de paternité se prescrit par un an à compter de la reconnaissance. »

Dans le cas présent, M. [M] a tenté de contester la paternité de M. [B] après avoir reconnu l’enfant lui-même. Cependant, le tribunal a déclaré M. [M] irrecevable dans sa demande de contestation, ce qui souligne l’importance de respecter les délais et les conditions prévues par la loi.

L’article 334 précise également que :

« La contestation de paternité ne peut être fondée que sur des éléments de preuve établissant que l’homme qui a reconnu l’enfant n’est pas le père. »

Dans cette affaire, l’expertise génétique a fourni la preuve nécessaire pour établir que M. [B] n’était pas le père de l’enfant, permettant ainsi la contestation de la reconnaissance de paternité.

Quels sont les effets de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?

L’annulation de la reconnaissance de paternité a des conséquences juridiques importantes, notamment en matière de filiation et de droits successoraux. L’article 316-1 du Code civil stipule :

« L’annulation de la reconnaissance de paternité entraîne la disparition des effets de cette reconnaissance. »

Cela signifie que l’enfant perd tous les droits qui découlaient de la reconnaissance annulée, y compris les droits à l’héritage et à l’utilisation du nom de famille de l’homme qui a reconnu.

De plus, l’article 334-1 précise que :

« L’annulation de la reconnaissance de paternité doit être mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. »

Dans le cas présent, le tribunal a ordonné la mention de l’annulation de la reconnaissance de M. [B] en marge de l’acte de naissance de l’enfant, conformément à cette exigence légale.

Ainsi, l’annulation de la reconnaissance de paternité permet de rétablir la situation juridique de l’enfant et de clarifier sa filiation, ce qui est essentiel pour la protection de ses droits.

Comment se déroule la procédure de contestation de paternité ?

La procédure de contestation de paternité est régie par le Code de procédure civile, notamment par les articles 425 et suivants. L’article 425-1 précise que :

« L’action en contestation de paternité est introduite par assignation devant le tribunal judiciaire. »

Dans cette affaire, M. [M] a introduit une action en contestation de paternité par voie d’assignation, ce qui est conforme à la procédure.

L’article 427 souligne l’importance de l’expertise :

« Le tribunal peut ordonner une expertise pour établir la filiation. »

Le tribunal a ordonné une expertise génétique pour déterminer la paternité, ce qui a été crucial dans cette affaire.

Enfin, l’article 431 indique que :

« Le jugement doit être notifié aux parties et mentionné en marge des actes d’état civil. »

Le tribunal a respecté cette procédure en ordonnant la mention de son jugement en marge des actes de naissance et de reconnaissance, garantissant ainsi la transparence et la clarté des droits de l’enfant.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Pôle famille
Etat des personnes

N° RG 22/37983 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CX4ML

SC

N° MINUTE :
AIDE JURIDICTIONNELLE

JUGEMENT
rendu le 26 Novembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y], [P] [M]
[Adresse 8]
[Localité 10]
représenté par Me Joseph KENGNE-EIRL, avocat au barreau de Paris#E1681

DÉFENDEURS

Madame [V], [S] [O]
en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de l’enfant mineur [W], [Z] [O] née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par Me Karine PEROTIN, avocat au barreau de Paris #P505
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/034216 du 07/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

Monsieur [F] [B]
décédé en cours de procédure, le [Date décès 1] 2024

PARTIE INTERVENANTE

Madame [D] [I]
en qualité d’administrateur ad hoc de l’enfant mineure [W], [Z] [O] née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 17]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 9]
représentée par Me Véronique BOULAY, avocat au barreau de Paris #D1490
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/030099 du 22/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Décision du 26 Novembre 2024
Pôle famille Etat des personnes
N° RG 22/37983 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX4ML

MINISTÈRE PUBLIC

Isabelle MULLER-HEYM

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nastasia DRAGIC, Vice-Présidente
Sabine CARRE, Vice-Présidente
Anne FREREJOUAN DU SAINT, Juge

assistées de Founé GASSAMA, Greffière lors des débats et de Karen VIEILLARD, Greffière lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 12 novembre 2024 tenue en chambre du conseil.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Nastasia DRAGIC, Présidente et par Karen VIEILLARD, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 octobre 2009, l’enfant [W], [Z] [O] a été inscrite sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 17], comme étant née le [Date naissance 5] 2009 de [V], [S] [O], née le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 11] (Cameroun), et de [F] [B], né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (République démocratique du Congo), qui l’ont reconnue le 1er octobre 2009 à la mairie de [Localité 18].

Par acte reçu le 08 octobre 2019 par l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 17], M. [Y], [P] [M], né le [Date naissance 7] 1975 à [Localité 14] (Cameroun), a déclaré reconnaître l’enfant [W].

Par actes d’huissier de justice délivrés le 31 décembre 2019 et le 06 janvier 2020, M. [M], de nationalité camerounaise, a fait assigner devant ce tribunal, Mme [O], de nationalité française, et M. [B], en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de [W], aux fins de contestation de la paternité de ce dernier à l’égard de l’enfant et d’établissement de sa propre paternité.
Par jugement mixte du 10 octobre 2023, le tribunal, faisant application des lois congolaise et française, a :
– déclaré M. [M] irrecevable en son action en contestation de paternité ;
– déclaré Mme [D] [I], ès qualités d’administrateur ad hoc de l’enfant [W], recevable en son action en contestation de paternité ;
Avant-dire droit sur les demandes présentées,
– ordonné une expertise, et désigné pour y procéder l’[13], avec pour mission de procéder à l’examen comparatif des empreintes génétiques afin de dire au résultat de cet examen, si M. [B] peut ou non être le père de [W], et préciser, s’il y a lieu en pourcentage, les chances de paternité de ce dernier ou, si M. [M] peut ou non être le père de l’enfant, et préciser, s’il y a lieu en pourcentage, les chances de paternité de ce dernier ;
– sursis à statuer sur les demandes présentées jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;
– réservé les dépens.

Le 26 février 2024, l’expert a déposé son rapport daté du 20 février 2024, aux termes duquel il indique, d’une part, que M. [B] n’a pas participé à l’expertise, les convocations qui lui ont été adressées par lettres recommandées avec accusés de réception ayant été retournées avec la mention “destinataire inconnu à l’adresse” et, d’autre part, que la probabilité de paternité de M. [M] à l’égard de [W] est supérieure à 99,9999 %.

Aux termes de ses dernières conclusions en ouverture de rapport notifiées le 6 septembre 2024 par la voie électronique et signifiées au défendeur non constitué le 23 septembre 2024, M. [M] demande au tribunal de :
– dire que M. [B] n’est pas le père de [W] ;
– annuler la reconnaissance souscrite par M. [B] à l’égard de cette enfant ;
– juger que la reconnaissance qu’il a lui-même souscrite le 8 octobre 2019 à la mairie de [Localité 17] à l’égard de [W] produira ses pleins effets ;
– ordonner la mention du dispositif du jugement à intervenir en marge de l’acte de reconnaissance annulé et de l’acte de naissance de l’enfant ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.

Il expose, au soutien de ses demandes, qu’il est marié à Mme [O] depuis le [Date mariage 2] 2017 et qu’ils vivent tous les trois avec [W] qu’il a officiellement reconnue le 8 octobre 2019 ; que, même s’il a été déclaré irrecevable en son action en contestation de la paternité de M. [B] à l’égard de [W], il a intérêt, au regard des conclusions du rapport de l’expert, à voir tirer à son égard toutes conséquences des termes de ces conclusions et donc à voir annuler la reconnaissance de paternité souscrite par M. [B] et juger que la reconnaissance qu’il a lui-même souscrite produira tous ses effets.

Par dernières conclusions en ouverture de rapport notifiées le 10 juin 2024 par la voie électronique et signifiées au défendeur non constitué le 11 juin 2024, Mme [O] demande au tribunal de :
– dire que M. [B] n’est pas le père de [W] ;
– annuler la reconnaissance souscrite par M. [B] à l’égard de cette enfant ;
– ordonner la transcription des mentions du jugement à intervenir en marge de l’acte de reconnaissance annulé et de l’acte de naissance de l’enfant ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir qu’elle est la mère biologique de [W] ; qu’elle n’a vécu que quelques mois avec M. [B] en 2009 ; qu’elle est mariée depuis 2017 avec M. [M] et qu’ils sont les parents d’un autre enfant, [H] [W], né le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 19] au Cameroun ; qu’au regard des conclusions du rapport d’expertise, elle sollicite, d’une part, que la paternité de M. [B] soit annulée et, d’autre part, qu’il soit dit que la reconnaissance souscrite par M. [M] produira ses effets.

Suivant conclusions en ouverture de rapport notifiées par la voie électronique le 7 juin 2024 et signifiées au défendeur non constitué le 19 juin 2024, Mme [D] [I], ès qualités d’administrateur ad hoc de l’enfant, demande au tribunal de :
– dire que M. [B] n’est pas le père de [W] ;
– annuler la reconnaissance souscrite par M. [B] à l’égard de cette enfant ;
– ordonner la transcription des mentions du jugement à intervenir en marge de l’acte de reconnaissance annulé et de l’acte de naissance de l’enfant ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle rappelle que l’enfant a été informée par ses soins de son droit à être entendue et que celle-ci n’a pas souhaité l’être ; que M. [B] ne s’est pas présenté aux opérations d’expertise qui conclut que M. [M] a 99,99 % de chances d’être le père de l’enfant ; qu’au vu de ces résultats, il est désormais scientifiquement établi que M. [B] n’est pas le père de [W] et qu’il convient d’annuler sa paternité ; que M. [M] est manifestement le père de l’enfant qu’il a d’ores et déjà reconnue selon déclaration souscrite le 8 octobre 2019 à la mairie de [Localité 17] ; que cette reconnaissance a vocation à produire ses effets et qu’il lui appartiendra de la faire porter en marge de l’acte de naissance de l’enfant à la suite de la transcription du jugement à intervenir ; que les parents pourront le cas échéant, selon les règles fixées à l’article 311-23 du code civil, changer le nom de leur enfant au moment de la mention de la reconnaissance, ou durant toute la minorité de celle-ci.

M. [B], cité par acte d’huissier de justice du 06 janvier 2020 donnant lieu à l’établissement d’un procès-verbal de recherches infructueuses, n’a pas constitué avocat.
Le ministère public, à qui l’affaire a été communiquée conformément aux dispositions de l’article 425 1° du code de procédure civile, n’a pas formulé d’observations.

La clôture a été prononcée le 8 octobre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 12 novembre 2024 pour être plaidée, puis mise en délibéré au 26 novembre 2024.

En cours de délibéré, le ministère public a produit l’acte de décès de M. [B], survenu le [Date décès 1] 2024 à [Localité 12] (Val d’Oise).

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DIT que M. [F] [B], né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (République démocratique du Congo), n’est pas le père de l’enfant [W], [Z] [O], née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 17], de Mme [V], [S] [O], née le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 11] (Cameroun) ;

ANNULE en conséquence la reconnaissance de l’enfant [W], [Z] [O] effectuée par M. [F] [B], né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (République démocratique du Congo), le 1er octobre 2009 devant l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 18] ;

ORDONNE la mention de ces dispositions du présent jugement en marge de l’acte de naissance de [W], [Z] [O], née le [Date naissance 5] 2009, de Mme [V], [S] [O], née le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 11] (Cameroun), dressé sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 17], sous le numéro 2586, ainsi qu’en marge de l’acte de reconnaissance numéro 1501, souscrite le 1er octobre 2009 par M. [F] [B], né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (République démocratique du Congo), devant l’officier de l’état civil de [Localité 18] ;

CONDAMNE in solidum M. [Y] [M] et Mme [V] [O] aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise et ceux liés à la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant.

Fait et jugé à Paris le 26 novembre 2024.

La Greffière La Présidente

Karen VIEILLARD Nastasia DRAGIC


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