Pas de Vodka sous la marque Mont Blanc

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Pas de Vodka sous la marque Mont Blanc
L’Essentiel : La Cour de cassation a confirmé l’interdiction pour les sociétés Unipak et Alvisa Montblanc d’utiliser la marque MONT BLANC pour des boissons alcoolisées en France. Cette décision repose sur la protection spéciale accordée aux marques renommées, visant à éviter toute confusion dans l’esprit des consommateurs. La commercialisation d’une vodka sous cette dénomination risquerait de troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc, nuisant ainsi à son image et à son succès commercial. La cour a souligné l’importance de préserver la renommée de la marque face aux enjeux de santé publique liés à la publicité de l’alcool.

La mise en oeuvre de la protection spéciale reconnue aux marques renommées permet de s’opposer au dépôt d’une marque désignant les vins et alcools. Cette protection s’explique par le régime restrictif de la publicité de l’alcool et des enjeux de santé publique.

Mont Blanc c/ Unipak

Les sociétés Unipak et Alvisa Montblanc ont font grief sans succès à l’arrêt confirmatif attaqué de leur faire interdiction d’utiliser à quelque titre que ce soit les termes ou la marque internationale MONT BLANC pour désigner, commercialiser ou promouvoir des boissons alcoolisées sur le territoire français.

Troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc

La commercialisation d’une vodka sous la dénomination Mont Blanc serait de nature à troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc et, finalement, nuire à son succès commercial et risquerait d’engendrer dans l’esprit des consommateurs une assimilation de sa marque à l’image d’une boisson alcoolisée avec pour risque que la société Mont Blanc soit contrainte de se soumettre aux restrictions publicitaires prévues pour les boissons alcoolisées par la réglementation de santé publique.

Protection élargie accordée à la marque renommée

La protection élargie accordée à la marque renommée par l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle suppose de constater l’établissement d’un lien entre la marque renommée et le signe postérieur dans l’esprit du public concerné par chacun des deux signes ; que l’existence d’un tel lien doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent notamment l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure, le caractère unique ou non de celle-ci, la nature des produits ou services pour lesquels les deux marques sont enregistrées, y compris le degré de proximité et de dissemblance de ces produits ou services, ainsi que le public concerné par les produits en cause.

La mise en oeuvre de la protection spéciale reconnue aux marques renommées en cas de risque d’atteinte à la marque est subordonnée à l’existence d’éléments permettant de conclure à « un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur ».

COMM.
 
CH.B
 
COUR DE CASSATION
 
______________________
 
Audience publique du 28 septembre 2022
 
Rejet non spécialement motivé
 
Mme DARBOIS, conseiller doyen
 
faisant fonction de président
 
Décision n° 10545 F
 
Pourvoi n° U 21-11.670
 
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
 
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
_________________________
 
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
 
1°/ la société Obshchestvo S Ogranichennoy Otvetstvennostyu « Unipak », dont le siège est [Adresse 2] (Fédération de Russie),
 
2°/ la société Alvisa Montblanc, dont le siège est [Adresse 3] (Espagne),
 
ont formé le pourvoi n° U 21-11.670 contre l’arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d’appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Mont Blanc, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
 
Le dossier a été communiqué au procureur général.
 
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Obshchestvo S Ogranichennoy Otvetstvennostyu « Unipak » et Alvisa Montblanc, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Mont Blanc, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
 
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
 
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
 
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
 
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
 
REJETTE le pourvoi ;
 
Condamne les sociétés Obshchestvo S Ogranichennoy Otvetstvennostyu « Unipak » et Alvisa Montblanc aux dépens ;
 
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Obshchestvo S Ogranichennoy Otvetstvennostyu « Unipak » et Alvisa Montblanc et les condamne in solidum à payer à la société Mont Blanc la somme de 3 000 euros ;
 
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
 
MOYEN ANNEXE à la présente décision
 
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour les sociétés Obshchestvo S Ogranichennoy Otvetstvennostyu « Unipak » et Alvisa Montblanc.
 
Les sociétés Unipak et Alvisa Montblanc font grief à l’arrêt confirmatif attaqué de leur faire interdiction d’utiliser à quelque titre que ce soit les termes ou la marque internationale MONT BLANC pour désigner, commercialiser ou promouvoir des boissons alcoolisées sur le territoire français, alors :
 
1°) que la protection élargie accordée à la marque renommée par l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle suppose de constater l’établissement d’un lien entre la marque renommée et le signe postérieur dans l’esprit du public concerné par chacun des deux signes ; que l’existence d’un tel lien doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent notamment l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure, le caractère unique ou non de celle-ci, la nature des produits ou services pour lesquels les deux marques sont enregistrées, y compris le degré de proximité et de dissemblance de ces produits ou services, ainsi que le public concerné par les produits en cause ; qu’en retenant que le dépôt de la marque internationale MONT BLANC par la société Unipak portait atteinte à la marque antérieure MONT BLANC, sans apprécier l’établissement d’un lien entre les deux marques par le public concerné par chacune de celle-ci en tenant compte de tous les critères pertinents du cas d’espèce, la cour d’appel qui ne s’est pas livrée à une appréciation globale de l’existence d’un lien entre les deux marques, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 ancien du code de la propriété intellectuelle tel qu’il doit s’interpréter au regard de l’article 5§2 de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988, devenu l’article 5§2 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
 
2°) que la mise en oeuvre de la protection spéciale reconnue aux marques renommées en cas de risque d’atteinte à la marque est subordonnée à l’existence d’éléments permettant de conclure à « un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur » ; qu’en se bornant à retenir que la commercialisation d’une vodka sous la dénomination MONT BLANC serait de nature à troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc et, finalement, nuire à son succès commercial et risquerait d’engendrer dans l’esprit des consommateurs une assimilation de sa marque à l’image d’une boisson alcoolisée avec pour risque que la société Mont Blanc soit contrainte de se soumettre aux restrictions publicitaires prévues pour les boissons alcoolisées par la réglementation de santé publique, sans caractériser le caractère sérieux du risque d’atteinte invoqué par la société Mont Blanc, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions alors applicables de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle telles qu’elles doivent s’interpréter au regard de l’article 5§2 de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988, devenu l’article 5§2 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
 
3°) que la mise en oeuvre de la protection spéciale reconnue aux marques renommées en cas d’exploitation injustifiée suppose de constater l’intention de tirer profit de la renommée ; qu’en se bornant à retenir que constituait une faute le fait pour la société Unipak d’avoir adopté une marque homonyme à celle de la société Mont Blanc malgré l’absence de proximité ou de lien avec la montagne du même nom, sans caractériser l’intention de la société Unipak de tirer profit de la renommée de la marque antérieure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 ancien du code de la propriété intellectuelle tel qu’il doit s’interpréter au regard de l’article 5§2 de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988, devenu l’article 5§2 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
 
4°) que l’existence d’un juste motif à l’usage d’un signe n’entre pas en compte dans l’appréciation du profit indûment tiré de la renommée de la marque, mais doit être appréciée séparément, une fois l’atteinte caractérisée ; qu’en relevant l’existence d’un juste motif présenté par la société Alvisa Montblanc et tiré d’une homonymie avec la commune catalane de Montblanc, lieu de son siège social, sans avoir au préalable constaté un profit indûment tiré par cette société de la renommée de la marque antérieure et constitutif d’une faute, la cour d’appel ne pouvait reconnaître l’existence d’une faute de sa part, sans priver sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 ancien du code de la propriété intellectuelle tel qu’il doit s’interpréter au regard de la directive communautaire alors applicable.
 
Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la raison de la protection spéciale accordée aux marques renommées ?

La protection spéciale accordée aux marques renommées est principalement justifiée par le régime restrictif de la publicité pour les boissons alcoolisées et les enjeux de santé publique. Cette protection vise à éviter que des marques renommées soient associées à des produits alcoolisés, ce qui pourrait nuire à leur image et à leur succès commercial. En effet, la commercialisation de produits alcoolisés sous des marques renommées peut induire en erreur les consommateurs, les amenant à associer ces marques à des boissons alcoolisées, ce qui pourrait entraîner des conséquences négatives pour la réputation de la marque.

Quelles sont les implications de l’affaire Mont Blanc c/ Unipak ?

Dans l’affaire Mont Blanc c/ Unipak, les sociétés Unipak et Alvisa Montblanc ont contesté l’interdiction d’utiliser la marque MONT BLANC pour des boissons alcoolisées. La Cour de cassation a confirmé que l’utilisation de cette marque pour des produits alcoolisés pourrait troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc. Cela pourrait également nuire à son succès commercial et entraîner une assimilation de la marque à une boisson alcoolisée, ce qui obligerait Mont Blanc à se conformer aux restrictions publicitaires imposées par la réglementation de santé publique.

Comment la protection élargie des marques renommées est-elle définie ?

La protection élargie des marques renommées est définie par l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle nécessite l’établissement d’un lien entre la marque renommée et le signe postérieur dans l’esprit du public. Cette évaluation doit prendre en compte divers facteurs, tels que l’intensité de la renommée, le caractère distinctif de la marque antérieure, et la nature des produits ou services concernés. Il est essentiel d’apprécier ces éléments de manière globale pour déterminer si un risque d’atteinte à la marque renommée existe.

Quelles conditions doivent être remplies pour invoquer la protection des marques renommées ?

Pour invoquer la protection des marques renommées, il faut démontrer l’existence d’éléments permettant de conclure à un « risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur ». Cela signifie que la simple possibilité d’une atteinte n’est pas suffisante ; il faut des preuves concrètes de ce risque. La jurisprudence exige également que la cour examine attentivement les circonstances spécifiques de chaque cas, y compris les intentions des parties et la nature des produits en question.

Quels sont les critères d’évaluation du lien entre deux marques ?

L’évaluation du lien entre deux marques repose sur plusieurs critères pertinents. Parmi ceux-ci figurent l’intensité de la renommée de la marque antérieure, son caractère distinctif, et la nature des produits ou services pour lesquels les marques sont enregistrées. Il est également important de considérer le degré de proximité ou de dissemblance entre les produits ou services concernés, ainsi que le public cible. Cette analyse globale permet de déterminer si le public pourrait établir un lien entre les deux marques, ce qui est crucial pour la protection des marques renommées.

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