Partage successoral et contestations sur les donations rapportables

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Partage successoral et contestations sur les donations rapportables

L’Essentiel : En mai 2023, Mme [M] [O] et M. [L] [O] ont assigné leur frère, M. [P] [O], pour le partage judiciaire de la succession de leur mère, [I] [C]-[Y]. Dans leurs conclusions de décembre 2023, ils ont demandé la liquidation de la succession et reconnu des donations rapportables. M. [P] [O] a admis avoir encaissé des chèques, mais a contesté les montants dus. Le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte et a fixé à 29.090 euros la somme à rapporter à la succession, tout en rejetant la demande de recel. Les frais de procédure resteront à la charge de chaque copartageant.

Contexte de l’affaire

Par actes séparés en mai 2023, Mme [M] [O] et M. [L] [O], enfants de [I] [C]-[Y], décédée en 2020, ont assigné leur frère, M. [P] [O], ainsi que les enfants de leur frère prédécédé, à comparaître devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour le partage judiciaire de la succession.

Demandes des demandeurs

Dans leurs conclusions récapitulatives de décembre 2023, Mme [M] [O] et M. [L] [O] ont demandé au tribunal de juger recevable leur action, d’ordonner la liquidation et le partage de la succession, de reconnaître que M. [P] [O] a bénéficié de donations rapportables, de constater un recel de sa part, et de le condamner à verser une somme de 4.000 euros pour les frais de procédure.

Réponse de M. [P] [O]

Dans ses conclusions de mars 2024, M. [P] [O] a reconnu avoir encaissé des chèques à la demande de sa mère, mais n’a pas pu prouver ses dires. Il a demandé au tribunal de rejeter certains chèques du calcul des sommes dues à la succession et de réduire le montant qu’il doit à 9.990 euros, tout en s’opposant aux demandes des autres parties concernant les frais de procédure.

Clôture de la procédure

La clôture de la procédure a été ordonnée le 28 mars 2024, et le tribunal a décidé de se référer aux dernières conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [I] [C]-[Y]. En l’absence d’accord entre les parties, un notaire sera désigné par le tribunal pour établir l’acte de partage.

Évaluation des sommes dues

Le tribunal a constaté que la mention du prénom de M. [P] [O] sur un chèque ne prouve pas qu’il en a bénéficié. Il a fixé à 29.090 euros la somme que M. [P] [O] doit rapporter à la succession, rejetant la demande de recel successoral à son encontre.

Frais de procédure

Le tribunal a décidé que chaque copartageant conservera la charge des dépens qu’il a engagés, sans appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion de la décision

Le tribunal a statué sur plusieurs points, notamment la désignation d’un notaire pour les opérations de partage, la nécessité d’une provision pour les frais, et a rejeté les autres demandes des parties, y compris celles relatives au recel successoral.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour demander un partage judiciaire de la succession ?

Le partage judiciaire de la succession est régi par les articles 778 et suivants du Code civil.

L’article 778 stipule que :

« Le partage peut être demandé en justice lorsque les copartageants ne s’accordent pas sur les modalités du partage. »

Ainsi, en l’absence d’accord amiable entre les héritiers, comme dans le cas présent où Mme [M] [O] et M. [L] [O] ont assigné leur frère M. [P] [O], il est possible de saisir le tribunal pour obtenir un partage judiciaire.

De plus, l’article 815 du Code civil précise que :

« Nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision. »

Cela signifie que chaque héritier a le droit de demander la liquidation de l’indivision, ce qui justifie la demande de partage judiciaire formulée par les demandeurs.

Quelles sont les conséquences des donations rapportables dans le cadre d’une succession ?

Les donations rapportables sont régies par les articles 840 et suivants du Code civil.

L’article 840 dispose que :

« Les donations faites par le défunt à ses héritiers doivent être rapportées à la succession, sauf disposition contraire. »

Dans le cas présent, Mme [M] [O] et M. [L] [O] soutiennent que M. [P] [O] a bénéficié de donations rapportables à la succession de leur mère, ce qui implique qu’il doit les rapporter pour le calcul de sa part successorale.

L’article 843 précise également que :

« Le rapport des donations se fait en valeur au jour de l’ouverture de la succession. »

Cela signifie que M. [P] [O] doit rapporter la valeur des donations qu’il a reçues, ce qui a été jugé par le tribunal dans sa décision.

Quelles sont les implications du recel successoral dans le cadre d’une succession ?

Le recel successoral est abordé dans l’article 860-1 du Code civil, qui définit le recel comme :

« Le fait pour un héritier de dissimuler ou de soustraire des biens de la succession. »

Dans cette affaire, Mme [M] [O] et M. [L] [O] ont allégué que M. [P] [O] avait commis un recel successoral. Cependant, le tribunal a constaté que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour établir ce recel, car M. [P] [O] a reconnu avoir encaissé des chèques à la demande de sa mère, sans pouvoir prouver la nature de ces transactions.

Ainsi, le tribunal a rejeté la demande de recel, soulignant que l’absence de preuves objectives ne permettait pas de conclure à un recel successoral.

Comment se déroule la liquidation et le partage d’une succession en cas de désaccord entre héritiers ?

La liquidation et le partage d’une succession en cas de désaccord sont régis par l’article 842 du Code civil, qui stipule que :

« Le partage peut être fait par acte amiable ou, à défaut d’accord, par voie judiciaire. »

Dans le cas présent, le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, en désignant un notaire pour procéder aux opérations de partage.

L’article 455 du Code de procédure civile précise que :

« Le juge doit motiver sa décision en se référant aux éléments de fait et de droit. »

Le tribunal a donc pris en compte les prétentions des parties et a désigné un notaire pour établir l’état liquidatif, garantissant ainsi que le partage se fasse dans le respect des droits de chaque héritier.

JUGEMENT DU : 09 Janvier 2025
MINUTE N° : 25/
DOSSIER N° : N° RG 23/01623 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GLEU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT du 09 Janvier 2025

Dans l’affaire entre :

DEMANDEURS

Monsieur [L] [O]
né le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 14] (RHONE),
demeurant [Adresse 9]

représenté par Maître Anne christine DUBOST, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : T 40

Madame [M] [F]
née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 14],
demeurant [Adresse 11]

représentée par Maître Anne christine DUBOST, avocat au barreau de l’AIN, vestiaire : T 40

DEFENDEURS

Madame [K] [N] [R] [E] [O] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 14],
demeurant [Adresse 8]

n’ayant pas constitué avocat

Monsieur [D] [W] [T] [O]
né le [Date naissance 7] 1986 à [Localité 18],
demeurant [Adresse 2]

n’ayant pas constitué avocat

Monsieur [P] [O],
demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Virginie ENU, avocat au barreau d’AIN, vestiaire : 116

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 01053-2023-001456 du 22/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOURG EN BRESSE)

représenté par Me Virginie ENU, avocat au barreau d’AIN, vestiaire : 116

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur GUESDON, 1er Vice Président

GREFFIER : Madame LAVENTURE,

DÉBATS : à l’audience publique du 07 Novembre 2024

JUGEMENT : rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et Contradictoire

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par actes séparés datés des 4 et 9 mai 2023, Mme [M] [O], épouse [F]-[H], et M. [L] [O], fille et fils de [I] [C]-[Y], décédée le [Date décès 6] 2020, ont fait assigner M. [P] [O], leur frère, ainsi que Mme [K] [O] et M. [D] [O], les enfants de leur autre frère [V], prédécédé, à comparaître devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en partage judiciaire de la succession de la défunte.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 11 décembre 2023, Mme [M] [O] et M. [L] [O] demandent en définitive au tribunal de :
“ Vu les articles 778, 815 et suivants du Code civil,
Vu les articles 840, 843, 860-1 du Code civil,
Vu l’article 1360 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence visée,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats
Vu l’aveu contenu dans les écritures du défendeur,
Rejetant toutes conclusions, fins et moyens contraires,
JUGER recevable la présente action recevable,
ORDONNER la liquidation et le partage de la succession de Madame [I], [A], [U] [C] [Y], née le [Date naissance 3] 1932 à [Localité 16], et décédée le [Date décès 6] 2020 à [Localité 17]
JUGER que Monsieur [P] [O] a bénéficié de donations rapportables à la succession de Madame [I] [C] [Y],
JUGER que le recel commis par Monsieur [P] [O] est constitué,
JUGER que Monsieur [P] [O] doit rapport à la succession de la somme de 43.030 € correspondant aux sommes reçues,
JUGER que Monsieur [P] [O] ne pourra prétendre à aucune part sur les donations rapportées, objet du recel,
CONDAMNER Monsieur [P] [O] à payer aux demandeurs la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
RAPPELER que la décision à intervenir est exécutoire à titre provisoire,
CONDAMNER Monsieur [P] [O], aux dépens.”

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 7 mars 2024, M. [P] [O], reconnaissant avoir encaissé les chèques autres que ceux à l’ordre de « [13] » et de « [15] » à la demande de sa mère en remboursement des achats, courses et aides qu’il lui apportait, sans être cependant en mesure de prouver ses dires, n’ayant conservé aucune preuve des achats et courses en question, demande en réponse au tribunal de :
“Vu les pièces versées au débat,
Rejetant toutes fins et conclusions contraires,
[…]
– REJETER le chèque n°272013 de 400 € du 16.10.2015 à l’ordre de « [13] » et le chèque n°2852069 de 13 040 € du 18.12.2015 à l’ordre de « [15] » dans le calcul des sommes dues à la succession, Monsieur [P] [O] n’en ayant jamais bénéficié ;
– REDUIRE à la somme de 9 990 €, les sommes dues à la succession par Monsieur [P] [O] ;
– REJETER les demandes formulées par Madame [M] [O] et Monsieur [L] [O] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;”

Mme [K] [O] et M. [D] [O] n’ont pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 28 mars 2024.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient, à défaut de partage amiable, d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [I] [C]-[Y], décédée le [Date décès 6] 2020.

En l’absence d’accord entre les parties, le notaire désigné pour établir l’acte de partage sera choisi par le tribunal.

La simple mention (portée dans des circonstances imprécises) du prénom de M. [P] [O] figurant sur le talon du chèque de 13 040 euros émis au profit de la société [15] ne permet pas d’établir avec suffisamment de certitude que c’est lui qui en a bénéficié, aucun élément objectif ne corroborant en effet l’affirmation des demandeurs à ce sujet.
Les autres copies de chèques justifient, en l’absence de preuve sur leur cause, de fixer à 29 090 euros la valeur des sommes que M. [P] [O] devra rapporter à la succession.

Le montant et le nombre des chèques perçus susceptibles de correspondre au moins en partie au remboursement d’avance effectuées par M. [P] [O], même s’il reconnaît ne pas pouvoir en rapporter la démonstration, commandent d’exclure tout recel successoral. La demande formée à ce titre à son encontre doit être rejetée.

La nature de l’affaire justifie de laisser à chaque copartageant la charge des dépens qu’il a engagés. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [I] [C]-[Y], décédée le [Date décès 6] 2020 ;

Désigne pour procéder aux opérations de partage le président de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Lyon ou son délégataire ;

Dit que le notaire délégataire, en cas de refus ou de récusation, devra en informer le président de la [10] de la cour d’appel de Lyon pour que celui-ci procède lui-même directement à son remplacement ;

Invite le notaire liquidateur à percevoir auprès des copartageants dès avant de commencer ses opération une provision suffisante à valoir sur les frais et honoraires à venir ;

Commet le juge du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse chargé du suivi des partages successoraux pour surveiller ces opérations ;

Dit que dans le délai d’un an suivant sa désignation, sauf prorogation, le notaire dressera un état liquidatif qui établira les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ;

Dit que si un acte de partage amiable est établi, en application des dispositions de l’article 842 du code civil, le notaire en informera le juge qui constatera la clôture de la procédure;

Dit que en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif ;

Dit que M. [P] [O] devra rapporter à la succession la somme de 29 090 euros ;

Rejette les autres demandes des parties, y compris celles au titre du recel successoral ou des frais de procédure ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a engagés.

Le greffier Le président

copie exécutoire + ccc le :
à
Maître Anne christine DUBOST
Me Virginie ENU


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