Partage des coûts dans un projet commun : obligations et bonne foi des partenaires

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Partage des coûts dans un projet commun : obligations et bonne foi des partenaires

L’Essentiel : Le groupe Ogic, acteur clé de la promotion immobilière, a collaboré avec Crescendo pour le concours « Inventons la Métropole du Grand [Localité 5] » en 2017. Leur projet pour le site « Rosny Métropolitain » n’a pas été retenu. Suite à des coûts engagés de 215 162,49 euros HT, Ogic a facturé 86 065 euros HT à Crescendo, restée impayée. Après une assignation en justice, le tribunal a condamné Crescendo à verser 103 278 euros TTC à Ogic. En appel, Crescendo conteste l’accord de répartition des frais, tandis qu’Ogic réclame la confirmation du jugement initial.

Contexte des sociétés

Le groupe Ogic est un acteur majeur dans le domaine de la promotion immobilière, intervenant dans divers secteurs tels que le logement, l’aménagement urbain et la réhabilitation du patrimoine. La société Ogic, membre de ce groupe, se spécialise dans le support juridique des programmes immobiliers, tandis que la société Crescendo est active en tant que marchand de biens immobiliers.

Participation au concours

En 2017, Ogic et Crescendo ont collaboré pour participer au concours « Inventons la Métropole du Grand [Localité 5] », visant à sélectionner des projets de développement urbain. Elles ont soumis un projet immobilier pour le site « Rosny Métropolitain » à [Localité 6], incluant des logements, des bureaux et des commerces. Cependant, leur projet n’a pas été retenu.

Litige financier

Ogic a avancé des coûts totalisant 215 162,49 euros HT pour leur candidature, avec un accord de répartition des frais de 60 % pour Ogic et 40 % pour Crescendo. En conséquence, Ogic a facturé à Crescendo 86 065 euros HT, correspondant à sa quote-part. Malgré plusieurs relances, la facture est restée impayée, ce qui a conduit à un litige.

Procédure judiciaire

Le 13 janvier 2021, Ogic a assigné Crescendo devant le tribunal de commerce de Paris. Le jugement du 16 juin 2022 a condamné Crescendo à payer 103 278 euros TTC à Ogic, ainsi qu’une indemnité de 2 000 euros pour frais de justice, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes. Crescendo a interjeté appel de cette décision le 3 octobre 2024.

Demandes en appel

Dans ses conclusions du 31 mars 2023, Crescendo a demandé à la Cour de déclarer son appel recevable et fondé, tout en déboutant Ogic de son appel incident. Ogic, dans ses conclusions du 20 février 2023, a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des dommages et intérêts supplémentaires.

Arguments des parties

Crescendo a soutenu qu’aucune convention formalisée n’existait concernant la répartition des coûts, tandis qu’Ogic a affirmé qu’un accord verbal avait été établi pour partager les frais. Ogic a présenté des preuves de la participation conjointe au concours et des dépenses engagées, tandis que Crescendo n’a pas fourni d’éléments prouvant son refus de partager les coûts.

Décision de la Cour

La Cour a confirmé le jugement initial, statuant que les frais engagés devaient être répartis selon l’accord implicite entre les deux sociétés. Elle a également débouté Ogic de sa demande de dommages et intérêts, considérant que son préjudice avait été réparé par les intérêts de retard. Crescendo a été condamnée aux dépens et à verser 2 000 euros à Ogic pour les frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’accord entre Ogic et Crescendo concernant la répartition des coûts ?

L’accord entre Ogic et Crescendo est un accord consensuel, bien qu’il n’ait pas été formalisé par un contrat écrit.

Selon l’article L 110-3 du code de commerce, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens. Cela signifie que même en l’absence d’un contrat écrit, les parties peuvent prouver l’existence d’un accord par d’autres éléments de preuve, tels que des factures ou des échanges de courriels.

De plus, l’article 1104 du code civil stipule que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Dans ce cas, Ogic a avancé les coûts liés à leur candidature commune au concours, et a présenté une facture à Crescendo pour sa quote-part de 40%.

Crescendo, bien qu’elle conteste l’existence d’un contrat formalisé, admet avoir participé au projet et ne produit aucune preuve pour justifier son refus de payer sa part des coûts engagés.

Ainsi, la cour a conclu que les frais exposés par Ogic devaient être supportés par Crescendo dans les proportions convenues de 60% pour Ogic et 40% pour Crescendo.

Quels sont les fondements juridiques des demandes de dommages et intérêts ?

Les demandes de dommages et intérêts sont fondées sur le principe de réparation du préjudice subi par la partie lésée.

Cependant, le tribunal a débouté Ogic de sa demande de dommages et intérêts, considérant que son préjudice financier avait déjà été réparé par l’allocation d’intérêts de retard.

L’article 1231-1 du code civil précise que le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, sauf s’il prouve que cette inexécution est due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Dans cette affaire, Ogic n’a pas justifié d’un préjudice distinct causé par le refus de Crescendo de payer la facture.

Le tribunal a donc estimé que la demande de dommages et intérêts était infondée, car le préjudice financier d’Ogic avait été compensé par les intérêts de retard accordés.

Comment sont régis les frais de justice dans cette affaire ?

Les frais de justice sont régis par les articles 699 et 700 du code de procédure civile.

L’article 699 stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, c’est-à-dire aux frais engagés pour le procès, y compris les frais d’avocat et les frais de greffe.

Dans cette affaire, la cour a condamné Crescendo aux entiers dépens de première instance et d’appel, conformément à cet article.

L’article 700, quant à lui, permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre des dépens.

La cour a décidé d’allouer à Ogic la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700, en raison des frais exposés en cause d’appel.

Cela souligne l’importance de la prise en charge des frais de justice par la partie perdante, afin de garantir l’équité dans le processus judiciaire.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 20 JANVIER 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17009 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPSS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2022 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2021006410

APPELANTE

S.A.S. CRESCENDO

Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice,

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 533 .085.510

représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

INTIMEE

S.A. OGIC

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 382 621 134

représentée par Me Anne COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0178

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Solène LORANS, conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Le groupe Ogic est un acteur de la promotion immobilière intervenant dans les secteurs du logement, de l’aménagement urbain, de l’immobilier d’entreprise, de la réhabilitation et de la valorisation du patrimoine historique.

La société Ogic (ci-après Ogic), membre du groupe Ogic, est spécialisée dans le support juridique de programmes immobiliers. La société Crescendo exerce une activité de marchand de biens immobiliers.

En 2017, Ogic et Crescendo ont participé conjointement au concours « Inventons la Métropole du Grand [Localité 5] », un appel à projets permettant aux villes de la métropole d’identifier et sélectionner les meilleurs projets de développement urbain.

Les deux sociétés concourraient pour l’attribution de « Rosny Métropolitain » situé à [Localité 6] ; elles ont présenté un projet immobilier portant sur la création de logements, bureaux et commerces.

Leur projet n’a finalement pas été retenu. Selon Ogic, il était convenu que les coûts liés à cette candidature commune seraient repartis entre Ogic a 60% et Crescendo a 40% ; Ogic aurait avancé les coûts qui s’élèvent à 215 162,49 euros HT.

Ogic a adressé à Crescendo le 30 août 2018 une facture d’un montant de 86 065 euros HT soit 103 278 euros TTC équivalent à sa quote-part de 40 %.

La facture est impayée malgré deux relances le 18 février 2019 et 14 décembre 2020, date à laquelle Ogic a proposé sans succès une tentative de résolution amiable.

Ainsi est né le litige.

Par acte en date du 13 janvier 2021, remise à personne habilitée, la société Ogic a assigné la S.A.S Crescendo devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 16 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

– Condamne la S.A.S Crescendo à payer à la S.A Ogic la somme de 103.278 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 février 2019 ;

– Condamne la S.A.S Crescendo à payer la somme de 2.000 euros à la S.A Ogic en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;

– Condamne la S.A.S Crescendo aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 71,35 euros dont 11,68 euros de TVA.

Par déclaration du 3 octobre 2024, la S.A.S Crescendo a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions en date du 31 mars 2023, la société Crescendo demande à la Cour de :

– Déclarer la société S.A.S Crescendo recevable et bien fondée en son appel ;

– Débouter la société Ogic de son appel incident ;

Y faisant droit :

– Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 16 septembre 2022 en ce qu’il a :

– Condamné la société S.A.S Crescendo à payer à la société Ogic la somme de 103.278 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 février 2019 ;

– Condamné la société S.A.S Crescendo à payer la somme de 2.000 euros à la société Ogic en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société S.A.S Crescendo aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 71,35 euros dont 11,68 euros de TVA ;

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 septembre 2022 en ce qu’il a débouté la société Ogic de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 3.000 euros ;

Et, statuant à nouveau :

– Débouter la société Ogic de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner la société Ogic à payer à la S.A.S Crescendo la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de m’aître Schwab, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions en date du 20 février 2023, la société Ogic demande à la Cour de :

– Débouter la société Crescendo de son appel ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme en principal de 103.278 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 février 2019 ;

– Condamner la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme en principal de 103.278 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 février 2019 ;

– Infirmer ledit jugement en ce qu’il a débouté la société Ogic de sa demande de dommages et intérêts et sur le montant de l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence :

– Condamner la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– Condamner la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles de première instance ;

– Condamner la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2024.

DECISION

Sur la répartition des frais

La société Crescendo soutient qu’aucune convention n’a été formalisée entre les parties, concernant notamment les coûts liés au montage du projet ; elle fait valoir que ce n’est qu’en cas de succès que les sociétés auraient établi une convention pour répartir les coûts. Elle reproche au tribunal d’avoir renversé la charge de la preuve.

La société OGIC soutient en réponse, que les deux sociétés ont participé au concours et sont convenues de répartir les coûts induits. Elle fait valoir que la société Crescendo admet que le projet a entraîné des frais, que la facture produite témoigne des frais engagés pour le concours et que la société Crescendo ne justifie d’aucun motif qui exclurait sa participation aux frais qu’elle a réglés.

Réponse de la cour

L’article L 110-3 du code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens.

Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés , formés et exécutés de bonne foi.

Il est acquis que les deux sociétés ont participé en 2017 au concours : » Inventons la métropole du grand [Localité 5] », qu’elles ont présenté à ce titre un projet immobilier comportant des logements, commerces et bureaux, sans prévoir de convention écrite.

Au soutien de son action en paiement, la société Ogic se prévaut de l’existence d’un accord consensuel, aux termes duquel les deux sociétés étaient convenues de répartir les coûts induits par le projet. Les coûts liés à leur candidature commune devaient se répartir de la façon suivante : Ogic : 60 % et Crescendo : 40 %.

A l’appui de ses allégations, elle verse la facture en date du 1er août 2018, qu’elle a adressée à la société Crescendo, correspondant à sa quote part, suivie des mises en demeure en 2019 et 2020. Elle précise que ni la facture, ni la mise en demeure n’ont fait l’objet de contestation.

Il n’est pas contesté que la société Ogic a réglé toutes les factures concernant les indemnités de concours, frais et honoraires des architectes, les études (paysagistes, agriculture urbaine, ingénierie environnementale de marché) les frais de communication ainsi que ceux de reproduction. (Pièce 13)

Il est indéniable que pour présenter le projet, les deux sociétés n’ignoraient pas que la réussite du projet était aléatoire qu’elles devaient engager des dépenses communes.

Pour s’opposer au partage des coûts la société Crescendo se prévaut d’une absence de contrat formalisé. Elle admet cependant l’accord de volonté entre les deux sociétés afin de présenter un projet en commun, de créer une synergie de travail et reconnaît que les dépenses querellées sont en lien direct avec la participation au concours auquel elle a participé.

La société Crescendo n’explique pas pourquoi les dépenses devaient peser uniquement sur la société Ogic. Elle ne produit aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations, elle n’établit pas que les parties avaient prévu un déséquilibre entre les droits et obligations des parties contractantes au seul préjudice de la société Ogic.

Le fait de s’engager sur un projet commun incluant des dépenses implique en contrepartie une volonté de s’obliger de part et d’autre. Dans ces conditions, le refus opposé par la société Crescendo d’appliquer la répartition des frais à raison de 60/40 apparaît dénué de bonne foi. Il s’en déduit que les frais exposés par la société Ogic devront être supportés dans les proportions susmentionnées.

Sur les dommages et intérêts

C’est à bon droit que le tribunal a débouté la société Ogic de sa demande de dommages et intérêts dès lors que son préjudice financier a été réparé et qu’il lui a été alloué des intérêts de retard à ce titre, qu’elle ne justifie d’aucun préjudice distinct que lui aurait causé le refus de la société Crescendo de s’acquitter du paiement de la facture litigieuse..

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Crescendo succombant en son appel sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

Il paraît équitable d’allouer à la société Ogic la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qui ont été exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Crescendo aux entiers dépens de première instance et d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute la société Crescendo de sa demande d’indemnité de procédure ;

Condamne la société Crescendo à payer à la société Ogic la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE

S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL


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