Paiement des artistes : la preuve à la charge de l‘employeur

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Paiement des artistes : la preuve à la charge de l‘employeur
L’Essentiel : L’employeur a la charge de prouver le paiement des salaires, même en cas de délivrance de fiches de paie. Selon l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation d’un bulletin de paie par un artiste ne constitue pas une renonciation au paiement des sommes dues. Dans une affaire récente, un artiste-magicien a contesté le non-paiement de ses salaires, mais la cour a débouté sa demande, arguant qu’il n’avait pas prouvé que les paiements indiqués sur ses bulletins étaient fictifs. Cette décision souligne l’importance pour l’employeur de justifier le versement des rémunérations.

Nonobstant la délivrance de fiches de paie à un artiste, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.

Y compris pour les artistes, selon l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.

Droits des artistes-magiciens

En la cause, un artiste-magicien, a conclu le 1er octobre 2014, un contrat d’engagement avec la société Wolf productions.

Estimant ne pas avoir été rémunéré durant cette période et invoquant l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée, il a saisi la juridiction prud’homale, le 4 septembre 2015, de demandes en paiement d’un rappel de salaires et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

L’artiste débouté à tort

Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de salaires pour la période allant d’octobre 2014 à avril 2015 et de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, l’arrêt relève que celui-ci produisait six bulletins de paie, correspondant à cette période, mentionnant le montant du salaire réclamé et acceptés sans réserve.

Il ajoute que l’intéressé, qui a accepté de travailler durant la période, ne justifie pas que le paiement indiqué sur ces pièces n’aurait été que fictif et que l’employeur aurait manqué à son obligation de versement d’une rémunération.

Délivrance des fiches de paie

Or, nonobstant la délivrance de fiches de paie, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.

Paiement du salaire, une obligation comme une autre

Pour rappel, aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
 
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
 
SOC.
 
CH9
 
COUR DE CASSATION
 
______________________
 
Audience publique du 21 septembre 2022
 
Cassation partielle
 
M. SCHAMBER, conseiller doyen
 
faisant fonction de président
 
Arrêt n° 978 F-D
 
Pourvoi n° A 21-12.136
 
Aide juridictionnelle totale en demande
 
au profit de M. [M].
 
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
 
près la Cour de cassation
 
en date du 14 janvier 2021.
 
 
M. [N] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-12.136 contre l’arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d’appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l’opposant :
 
1°/ à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 3], dont le siège est [Adresse 4],
 
2°/ à la société MJ Synergie mandataire judiciaire, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur de la société Wolf productions,
 
défenderesses à la cassation.
 
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
 
Le dossier a été communiqué au procureur général.
 
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [M], après débats en l’audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
 
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
 
Faits et procédure
 
1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 9 janvier 2020), M. [M], artiste-magicien, a conclu le 1er octobre 2014, un contrat d’engagement avec la société Wolf productions.
 
2. Estimant ne pas avoir été rémunéré durant cette période et invoquant l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée, il a saisi la juridiction prud’homale, le 4 septembre 2015, de demandes en paiement d’un rappel de salaires et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
 
Examen du moyen
 
Sur le moyen, pris en sa première branche
 
Enoncé du moyen
 
3. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en paiement des salaires dus pour la période de novembre 2014 à avril 2015 inclus, outre les congés payés afférents, en dommages-intérêts, en fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société et tendant à obtenir que l’AGS apporte sa garantie, alors « que nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire ; qu’en énonçant, pour débouter M. [M] de sa demande tendant au paiement du salaire, qu’il ne justifiait pas que le paiement indiqué sur les six bulletins de paie qu’il produisait n’aurait été que fictif et que l’employeur aurait manqué à son obligation de versement d’une rémunération, cependant qu’il appartenait à l’employeur de justifier, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l’article 1353 du code civil ensemble l’article L. 3243-3 du code du travail. »
 
Réponse de la Cour
 
Vu l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article L. 3243-3 du code du travail :
 
4. Aux termes du premier texte, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
 
5. Selon le second, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.
 
6. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de salaires pour la période allant d’octobre 2014 à avril 2015 et de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, l’arrêt relève que celui-ci produisait six bulletins de paie, correspondant à cette période, mentionnant le montant du salaire réclamé et acceptés sans réserve. Il ajoute que l’intéressé, qui a accepté de travailler durant la période, ne justifie pas que le paiement indiqué sur ces pièces n’aurait été que fictif et que l’employeur aurait manqué à son obligation de versement d’une rémunération.
 
7. En statuant ainsi, alors que, nonobstant la délivrance de fiches de paie, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire conformément au droit commun, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
 
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :
 
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il dit que M. [M] et la société Wolf productions ont été liés par un contrat de travail à compter du 1er octobre 2014 jusqu’au mois d’avril 2015, l’arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ;
 
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;
 
Condamne la société MJ Synergie Mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Wolf productions, aux dépens ;
 
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJ Synergie Mandataire judiciaire, ès qualités, à payer à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, la somme de 3 000 euros ;
 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
 
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.
 
 
 
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
 
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [M]
 
M. [N] [M] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande en paiement des sommes de 38 072,02 euros au titre des salaires de novembre 2014 à avril 2015 inclus, 4 441 euros au titre des congés payés afférents, et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, de sa demande de fixation sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Wolf Productions et de celle tendant à obtenir que l’AGS apporte sa garantie,
 
1° ALORS QUE nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire ; qu’en énonçant, pour débouter M. [M] de sa demande tendant au paiement du salaire, qu’il ne justifiait pas que le paiement indiqué sur les six bulletins de paie qu’il produisait n’aurait été que fictif et que l’employeur aurait manqué à son obligation de versement d’une rémunération, cependant qu’il appartenait à l’employeur de justifier, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l’article 1353 du code civil ensemble l’article L. 3243-3 du code du travail,
 
2° ALORS QUE le juge est tenu d’examiner les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu’afin de faire la preuve du bien-fondé de sa demande, M. [M] produisait deux lettres adressées à l’employeur les 20 décembre 2014 et 5 février 2015 demandant le paiement de ses salaires (Prod. n° 7 & 8) et une lettre du gérant datée du 18 février 2015 répondant que la société n’était pas en mesure de pouvoir régler ses salaires (Prod. n° 9), ce dont il résultait que le paiement des salaires était discuté avant même la mise en liquidation judiciaire de la société le 22 avril 2015 ; qu’en omettant d’examiner ces documents de nature à démontrer que l’employeur n’avait pas réglé les salaires dus, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
 
Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les droits des artistes en matière de paiement de salaire ?

Les droits des artistes, y compris ceux des artistes-magiciens, sont protégés par le code du travail français. Selon l’article L. 3243-3, l’acceptation d’un bulletin de paie sans protestation ne signifie pas que l’artiste renonce à ses droits au paiement de son salaire ou à des indemnités. Cela signifie que même si un artiste reçoit une fiche de paie, cela ne prouve pas nécessairement qu’il a été payé. L’employeur a l’obligation de prouver qu’il a effectivement versé le salaire dû. Cette protection est essentielle pour garantir que les artistes ne soient pas lésés dans leurs droits financiers, surtout dans des situations où des litiges peuvent survenir concernant le paiement de leur travail.

Quelles sont les obligations de l’employeur concernant le paiement des salaires ?

L’employeur a une obligation légale de prouver le paiement des salaires. Selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Cela signifie que si un employeur prétend avoir payé un salaire, il doit fournir des preuves tangibles de ce paiement, comme des relevés bancaires ou des pièces comptables. Dans le cas d’un artiste-magicien, même si des bulletins de paie sont délivrés, cela ne suffit pas à prouver que le salaire a été effectivement versé. L’employeur doit démontrer que les paiements indiqués sur ces bulletins sont réels et non fictifs. Cette exigence vise à protéger les travailleurs contre les abus et à garantir qu’ils reçoivent la rémunération qui leur est due.

Quel a été le résultat du litige entre l’artiste-magicien et la société Wolf productions ?

Dans le litige opposant l’artiste-magicien à la société Wolf productions, l’artiste a été débouté de sa demande de paiement de salaires et de dommages-intérêts. La cour a considéré que l’artiste avait produit des bulletins de paie acceptés sans réserve, ce qui, selon elle, prouvait qu’il avait accepté le paiement. Cependant, la cour a commis une erreur en inversant la charge de la preuve. En effet, c’est à l’employeur de prouver qu’il a effectué le paiement, et non à l’artiste de prouver que le paiement était fictif. La Cour de cassation a finalement cassé l’arrêt de la cour d’appel, soulignant que l’employeur devait apporter la preuve du paiement, indépendamment de la délivrance des fiches de paie.

Comment la jurisprudence protège-t-elle les artistes en matière de paiement ?

La jurisprudence française, à travers des décisions comme celle de la Cour de cassation, renforce la protection des artistes en matière de paiement. Elle établit clairement que la délivrance d’une fiche de paie ne constitue pas une preuve suffisante de paiement. Les décisions judiciaires rappellent que l’employeur doit fournir des preuves concrètes du paiement des salaires, ce qui inclut des documents comptables et des relevés de transactions. Cette approche vise à garantir que les artistes ne soient pas victimes de pratiques abusives et qu’ils puissent faire valoir leurs droits en cas de litige concernant leur rémunération. Cela contribue à un environnement de travail plus équitable pour les artistes et les travailleurs en général.

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