L’originalité des origami et tato japonais

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L’originalité des origami et tato japonais

L’Essentiel : L’originalité des créations en origami et tato japonais est souvent mise en question par la présence d’antériorités. Dans le cadre d’une affaire récente, le tribunal a souligné que, bien qu’une œuvre appliquée puisse bénéficier d’une protection par le droit d’auteur, la multitude de modèles préexistants empêche de considérer qu’une création particulière exprime la personnalité de son auteur. La combinaison de caractéristiques telles qu’une boîte en carton avec un système d’auto-fermeture ne suffit pas à établir cette originalité. Ainsi, malgré l’esthétisme indéniable de ces œuvres, leur protection est compromise par l’existence de nombreux prototypes similaires.

La combinaison des caractéristiques revendiquées, à savoir une boîte en carton, présentant une base et des côtés plats, avec huit rabats, un système d’auto-fermeture par pliage, servant de contenant d’aliments, et pouvant être aplatie en forme d’assiette avec des pétales, ne suffit pas à représenter l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

Il est indéniable qu’une oeuvre appliquée peut faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur, indépendamment de la date de divulgation de celle-ci, et qu’une création d’origami et de tato japonais possède un esthétisme certain.

Toutefois, l’originalité ne peut être retenue en présence de nombreuses antériorités. Si l’antériorité n’est pas un critère permettant d’établir l’originalité de l’oeuvre, ces nombreux modèles préexistants, et en particulier les prototypes publiés en 1999, mettent cependant en lumière l’impossibilité, pour l’oeuvre litigieuse, d’exprimer la personnalité de son auteur, notamment du fait de la multitude de modèles de boîtes en carton similaires existant déjà sur le marché et s’inscrivant dans la continuité de l’art de l’origami et du tato japonais.

Résumé de l’affaire

Mme [U] [F], créatrice designer spécialisée dans le packaging, constate que la société First Fast Food Collective a présenté des copies de son modèle « Magnolia » lors d’un salon et dans un catalogue. Le tribunal judiciaire de Paris reconnaît le caractère original du modèle Magnolia et le protège par le droit d’auteur. Mme [U] [F] et la société Ellaechim Trading intentent une action en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale contre la société First FFC. Elles demandent des dommages et intérêts, la cessation des actes de contrefaçon et des mesures d’interdiction. La société First FFC nie les accusations et demande le rejet des demandes ainsi que des dommages et intérêts pour agissements déloyaux. L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état pour examen.

Les points essentiels

Intervention volontaire de la société Aphinitea


Les demanderesses font valoir que la société Aphinitea, venant aux droits de la société Ellarchim par l’effet d’un acte de cession de créances en date du 8 septembre 2023, est en droit d’intervenir à la présente procédure. La société First FFC s’en remet au tribunal pour statuer sur la recevabilité de l’intervention volontaire opérée par la société Aphinitea.

Violation au titre des droits d’auteur


Mme [M] [F] et la société Aphinitea soutiennent que le modèle Magnolia doit être protégé au titre des droits d’auteur, en raison de son caractère original. La société First FFC conteste l’originalité du modèle et fait valoir des antériorités.

Protection au titre des droits d’auteur


L’oeuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre de l’esprit prévue à l’article L. 111-1. Les demanderesses exposent une liste des caractéristiques rendant le modèle de boîte en carton original. La société First FFC conteste l’originalité de l’oeuvre.

Actes de concurrence déloyale et de parasitisme


Les demanderesses estiment que la reprise du packaging constitue un acte de concurrence déloyale, tandis que la société First FFC conteste ces allégations. Concernant les actes de parasitisme, la société First FFC rappelle que la source d’inspiration se trouve dans des emballages antérieurs déjà divulgués.

Demande reconventionnelle


La société First FFC soutient que l’action des demanderesses trouve son origine dans une volonté de nuire à un concurrent loyal. Les demanderesses réfutent le bien-fondé de ces demandes.

Autres demandes


Le tribunal rappelle les conditions d’exécution provisoire des décisions de première instance. Mme [M] [F] et la société Aphinitea seront condamnées aux dépens de l’instance et à payer à la société First FFC une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil

Article du Code de procédure civile cité:
Article 328: L’intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n’est recevable que si son auteur dispose d’un droit d’agir sur cette prétention.
Article 329: L’intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est accessoire lorsqu’elle tend seulement à soutenir la prétention de l’une des parties.

Article du Code de la propriété intellectuelle cité:
Article L. 111-1: L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Article L. 112-2, 10°: Les œuvres appliquées sont éligibles à la protection du droit d’auteur.

Article du Code civil cité:
Article 1240: La concurrence déloyale consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître François Illouz
– Maître Pouya Amiri

Mots clefs associés & définitions

– Intervention volontaire
– Recevabilité
– Droits d’auteur
– Originalité
– Protection
– Propriété intellectuelle
– Oeuvre de l’esprit
– Concurrence déloyale
– Parasitisme
– Actes de contrefaçon
– Préjudice
– Dénigrement
– Abus de procédure
– Exécution provisoire
– Dépens
– Indemnisation
– Intervention volontaire : action entreprise de manière volontaire par une personne ou une entité
– Recevabilité : caractère admissible ou acceptable d’une demande ou d’une action
– Droits d’auteur : ensemble des droits exclusifs accordés à l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique ou scientifique
– Originalité : caractère d’une œuvre qui est nouvelle et créative
– Protection : action de protéger légalement un bien ou un droit
– Propriété intellectuelle : ensemble des droits protégeant les créations intellectuelles
– Œuvre de l’esprit : création originale résultant de l’activité intellectuelle d’une personne
– Concurrence déloyale : pratiques commerciales trompeuses ou déloyales visant à nuire à la concurrence
– Parasitisme : pratique consistant à tirer profit de l’activité d’un concurrent sans en supporter les coûts
– Actes de contrefaçon : actions consistant à reproduire ou imiter une œuvre protégée sans autorisation
– Préjudice : dommage subi par une personne du fait d’une action ou d’une négligence d’autrui
– Dénigrement : action de déprécier ou de discréditer la réputation d’une personne ou d’une entreprise
– Abus de procédure : utilisation abusive des procédures judiciaires pour nuire à autrui
– Exécution provisoire : mise en œuvre d’une décision judiciaire avant que celle-ci ne soit définitive
– Dépens : frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Indemnisation : compensation financière accordée à une personne pour réparer un préjudice subi

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/02992
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Pouya Amiri, vestiaire K176
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître François Illouz, vestiaire P38

3ème chambre
1ère section

N° RG 22/02992 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CWGXL

N° MINUTE :

Assignation du :
25 février 2022

JUGEMENT
rendu le 08 février 2024
DEMANDERESSES

Société APHINITEA CORPORATION
venant aux droits de la société ELLAECHIM TRADING
intervenante volontaire
Commence Chambers P.O BOX 2208
Road Town, Tortola (ILES VIERGES BRITANNIQUES)

Madame [S] [U] [M] [F]
[Adresse 5]
[Localité 4] (PHILIPPINES)

représentées par Maître François ILLOUZ de la SELEURL ILLOUZ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0038

DÉFENDERESSE

S.A.S. FIRST FAST FOOD COLLECTIVE
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Pouya AMIRI de la SELARL L&KA AVOCATS – KAB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0176

Décision du 08 février 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/02992 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWGXL

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère vice-présidente adjointe
Madame Elodie GUENNEC, vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, juge

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 23 octobre 2023, tenue en audience publique avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 08 février 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [U] [F] est une créatrice designer spécialisée dans le packaging destiné notamment à la restauration. Elle dirige la société Ellaechim Trading ( la société Ellaechim), société spécialisée dans le commerce de la fabrication d’emballages alimentaires, aux droits de laquelle vient la société Aphinitea Corporation (la société Aphinitea), par acte de cession de créance du 7 septembre 2023, modifié par avenant.

La société First Fast Food Collective (ci-après First FFC) est une société spécialisée dans le domaine du commerce interentreprises de fournitures et d’équipements divers pour le commerce et les services. Sous le nom commercial First Pack, elle exerce une activité de distributeur et fabricant de vaisselles jetables et d’emballages alimentaires.
Mme [M] [F] a créé différentes boites dans le cadre de son activité, notamment le modèle “Magnolia” commercialisé par la société Ellaechim Trading sur le site Internet http://www.aphinitea.com qui détient les droits d’exploitation conformément à un accord de licence exclusive :

Au courant du mois de septembre 2021, Mme [M] [F] et la société Ellaechim ont constaté que la société First FFC avait présenté lors du salon Sirha [Localité 3] et dans le catalogue Savours and Co d’octobre 2021 des copies de son modèle.
Le caractère original du modèle Magnolia a été reconnu par jugement du 13 août 2021 du tribunal judiciaire de Paris qui a déclaré que la boite Magnolia bénéficiait de la protection par le droit d’auteur.
Décision du 08 février 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/02992 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWGXL

Après différents échanges infructueux, Mme [M] [F] et la société Ellaechim ont fait procéder le 2 février 2022, suivant ordonnance du président du tribunal de céans en date du 16 décembre 2021, à une saisie-contrefaçon au siège de la société First FFC.
Par acte d’huissier du 25 février 2022, Mme [M] [F] et la société Ellaechim ont assigné la société First FFC devant le présent tribunal, en contrefaçon de droit d’auteur sur le modèle Magnolia au préjudice de Mme [M] [F], subsidiairement en concurrence déloyale et parasitisme, en réparation de leurs préjudices patrimonial et moral à raison des actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale et cessation des actes de contrefaçon.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2023, Mme [M] [F] et la société Aphinitea demandent au tribunal, au visa des articles 328 et 329 du code de procédure civile, 1240 du code civil,et L111-1, L112-1, L112-2, L112-4, L331-1-3, L511-1, L513-1, L513-4, L513-5, L521-1, L521-7, L713-1, L713-2 et L716-14 du code de la propriété intellectuelle, de:- Recevoir la société Aphinitea en sa demande d’intervention volontaire comme venant aux droits de la société Ellaechim ;
A titre principal
– Condamner la société First FFC à leur payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice patrimonial subi du fait des actes de contrefaçon commis sur le fondement du droit d’auteur ;
– Condamner la société First FFC à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon commis sur le fondement du droit d’auteur ;
A titre subsidiaire,
– condamner la société First FFC à leur payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait des actes de concurrence déloyale;
condamner la société First FFC à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
En tout état de cause
– Condamner la société First FFC à retirer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, toute diffusion du modèle contrefaisant sur le catalogue de vente saisi et sur le catalogue « Savours and Co » présent également sur son site internet ;
– Interdire, sous astreinte provisoire et non comminatoire de 1.000 euros par infraction constatée, postérieurement au prononcé du jugement à intervenir à la société First FFC d’importer ou d’exporter, de fabriquer ou faire fabriquer, de proposer à la vente et de vendre en France ou d’utilisation d’une quelconque manière des produits constituant une copie du modèle « Magnolia » ;
– Se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la société First FFC aux entiers dépens comprenant notamment la somme de 1000 € correspondant aux frais de saisie contrefaçon réalisée le 2 février 2022 et à leur verser la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– Condamner la société First FFC à prendre en charge les émoluments de recouvrement d’huissier prévus à l’article A 444-32 du code de commerce.

Dans ses conclusions en défense n°4 notifiées par voie électronique du 9 octobre 2023, la société First FFC demande au tribunal, au visa des articles L111-1, L112-2 et L521-4 du code de la propriété intellectuelle, de :- Débouter les demanderesses de l’ensemble de leurs demandes ;
– Donner acte à la société First FFC qu’elle s’en remet à Justice sur la recevabilité de la demande d’intervention volontaire de la société Aphinitea, déclarée comme venant aux droits de la société Ellaechim ;
– Dire et juger que la société First FFC ne s’est rendue coupable d’aucun acte de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de Mme [M] [F] et de la société Aphinitea (ou de la société Ellaechim si l’intervention volontaire de Aphinitea devait être jugée irrecevable) ;
– Dire et juger que la société First FFC n’a commis aucun acte de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de Mme [M] [F] et de la société Aphinitea ( ou de la société Ellaechim si l’intervention volontaire de Aphinitea devait être jugée irrecevable) et que par cette action infondée, les requérantes ont agi déloyalement au préjudice de la concluante en tentant de faire interdire la commercialisation de la boîte Origami en faussant le jeu normal de la concurrence,
– Condamner solidairement Mme [M] [F] et la société Aphinitea (ou de la société Elleachim si l’intervention volontaire de Aphinitea devait être jugée irrecevable) à verser la somme de 20.000 euros au titre du préjudice subi du fait des agissements déloyaux commis à son encontre par les demanderesses ;
– Rejeter l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
– Condamner solidairement les demanderesses aux entiers dépens et à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction a été close le 21 mars 2023. Le 23 mars 2023, une injonction aux parties de rencontrer le médiateur a été prononcée, sans qu’une solution amiable ne soit trouvée.
Les demanderesses ayant notifié le 15 septembre 2023 des conclusions aux fins d’intervention volontaire de la société Aphinitea, qui se présente comme venant aux droits de la société Elleachim par l’effet de la convention de cession de créances du 7 septembre 2023, le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 21 septembre 2023, fait droit à la demande de révocation d’ordonnance de clôture formulée par les demanderesses, et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 10 octobre 2023, clôturée le

MOTIVATION

Sur l’intervention volontaire de la société Aphinitea :

Moyens des parties

Les demanderesses font valoir que la société Aphinitea venant aux droits de la société Ellarchim par l’effet d’un acte de cession de créances en date du 8 septembre 2023, elle est en droit d’intervenir à la présente procédure.

La société First FFC s’en remet au tribunal pour statuer sur la recevabilité de l’intervention volontaire opérée par la société Aphinitea.
Décision du 08 février 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/02992 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWGXL

Sur ce,

Selon les articles 328 et 329 du code de procédure civile, l’intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n’est recevable que si son auteur dispose d’un droit d’agir sur cette prétention.
En l’espèce, les demanderesses justifient que la société Aphinitea vient aux droits de la société Ellarchim en produisant un acte de cession de créances en date du 8 septembre 2023 en vertu duquel la première détient l’intégralité des droits, actions et créances de la seconde. La société Aphinitea est donc recevable dans sa demande d’intervention volontaire.
Sur la violation au titre des droits d’auteur :

Mme [M] [F] et la société Aphinitea soutiennent que le droit d’auteur protège les œuvres peu important leur fonction, ce qui inclut les œuvres des arts appliqués à l’industrie ; que le caractère original du modèle Magnolia a été reconnu par une décision du tribunal judiciaire de Paris en date du 13 août 2021 ; que la boîte porte l’empreinte de la personnalité de Mme [M] [F] qui “a procédé arbitrairement à des choix de forme, de pliage, de taille et a souhaité concilier tout ceci avec un système de fermeture tout-à-fait spécifique qui ne nécessite aucune attache ni aucun adhésif” et présente des caractéristiques originales : Boîte en carton, érigée à la verticale ; Présentant une base et des côtés plats ; Huit rabats ; Dotée d’un système d’auto-fermeture par pliage ; Permettant de servir de contenant et notamment de contenir des aliments selon le concept d’origine ; Pouvant être aplatie pour se transformer en une assiette en révélant des pétales arrondies. Elles concluent que le modèle Magnolia doit donc être protégé au titre des droits d’auteur, et ce dès sa création, sans besoin d’établir une date certaine et sans qu’une quelconque antériorité puisse contredire cette protection, puisque l’antériorité n’a pas d’application en propriété littéraire et artistique.
Elles soutiennent, par ailleurs, que l’impression visuelle d’ensemble entre le modèle antérieur (livre “Prototypes” de 1999) et celui litigieux est différente, du fait d’une vue du modèle uniquement en position verticale, ce qui ne permet pas de l’apprécier dans sa globalité, de la différence de hauteur, de l’absence de pétale sur l’antériorité et de l’impossibilité pour celle-ci de se fermer par une attache. Elles ajoutent que les liens hypertextes associés à l’antériorité sont inexploitables, non datés et invérifiables et que s’agissant des autres antériorités, la quasi-totalité de celles-ci n’ont soit pas de date connue, soit une date postérieure au modèle Magnolia.
La société First FFC conclut en premier lieu à l’absence d’originalité du modèle de boîte en carton Magnolia, aux motifs que des antériorités existaient avant qu’elle révèle publiquement sa création, notamment par l’ouvrage d’[K] [Z] et [O] [D] intitulé Packaging Prototypes Design Fundamentals, publié en 1999. De plus, ce récipient s’inscrirait dans la tradition du « Tato japonais », qui se décline depuis de très longues années sous diverses formes de boîtes ou de contenants, pour des usages variés. Les simples variations entre les antériorités présentées et le modèle litigieux ne peuvent suffire à constituer l’empreinte de la personnalité de l’auteur, notamment le système de fermeture, qui est propre aux boites en origami. Enfin, ces modèles antérieurs produits sont exploitables, ce qui ressortirait du constat d’huissier du 8 février 2023.
Elle fait valoir en deuxième lieu que les demanderesses ne donnent pas de date certaine à leur création. Elle observe que le certificat philippin de copyright du modèle “Magnolia” est en date du 2 janvier 2009, mais que ce certificat n’aurait été établi que le 17 décembre 2020 ; que le jugement rendu le 13 mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris retient quant à lui une date de création en 2011, se basant sur le site www.aphinitea.com ; que, cependant, une date de création doit pouvoir être établie avec certitude afin de pouvoir protéger l’oeuvre dont l’originalité est revendiquée.
Elle estime en dernier lieu que si la décision du Tribunal judiciaire de Paris en date du 13 août 2021 a reconnu l’originalité de la boîte “Magnolia” et la commission d’actes de contrefaçon de droit d’auteur de la part de la société Ze Boite, cette partie était défaillante et l’originalité non contestée, de ce fait.
Sur ce,

L’oeuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre de l’esprit prévue à l’article L. 111-1 selon lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur du fait de la création d’une forme originale, en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable. L’article L. 112-2, 10° du même code vise spécialement les oeuvres appliquées, éligibles à la protection du droit d’auteur.
En l’espèce, les demanderesses exposent une liste des caractéristiques rendant, selon elles, le modèle de boîte en carton, original. Il est indéniable qu’une oeuvre appliquée peut faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur, indépendamment de la date de divulgation de celle-ci, et que la création de Mme [M] [F] possède un esthétisme certain. De nombreuses antériorités sont soulevées en défense pour contester le caractère original de cette oeuvre. Si l’antériorité n’est pas un critère permettant d’établir l’originalité de l’oeuvre, ces nombreux modèles préexistants, et en particulier les prototypes publiés en 1999, mettent cependant en lumière l’impossibilité, pour l’oeuvre litigieuse, d’exprimer la personnalité de son auteur, notamment du fait de la multitude de modèles de boîtes en carton similaires existant déjà sur le marché et s’inscrivant dans la continuité de l’art de l’origami et du tato japonais.

Au surplus, la combinaison des caractéristiques revendiquées, à savoir une boîte en carton, présentant une base et des côtés plats, avec huit rabats, un système d’auto-fermeture par pliage, servant de contenant d’aliments, et pouvant être aplatie en forme d’assiette avec des pétales, ne suffit pas à représenter l’empreinte de la personnalité de Mme [M] [F], et de ce fait, empêche de pouvoir caractériser l’originalité de l’oeuvre, peu important à cet égard que le tribunal Judiciaire de Paris, dans sa décision rendue le 13 août 2021 opposant Mme [M] [F] et la société Elleachim à une société tierce, en sorte qu’elle n’a pas été rendue entre les mêmes parties au présent litige, ait retenu, au terme d’une motivation qui n’a pas été soumise au tribunal, que l’originalité de l’oeuvre litigieuse était établie.
Dans ces conditions, faute d’originalité, la protection de droit d’auteur invoquée par les demanderesses sera rejetée, de même que les demandes d’indemnisation subséquentes au titre des actes de contrefaçon commis sur le fondement du droit d’auteur.
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Moyens des parties

Les demanderesses estiment que la reprise du packaging est constitutive d’un acte de concurrence déloyale, indépendant de la bonne foi, puisque la présence du modèle litigieux dans un stand proche de celui de ses concurrentes a entretenu la confusion des consommateurs et des professionnels du secteur, entrainant un détournement de clientèle.
De plus, en exposant au salon professionnel de Syrha à [Localité 3], et en publiant sur son catalogue de vente, un modèle d’emballage exploité à titre exclusif par la société demanderesse, la société First FFC s’est appropriée son oeuvre et a profité, sans bourse délier des droits dont est titulaire la société Ellaechim ainsi que de sa renommée, de son savoir-faire et de ses investissements de création, développement et promotion.
La société First FFC oppose en substance que le packaging n’est pas un élément de marketing accompagnant la vente d’un produit et dont l’imitation prouverait la recherche de confusion entre deux produits ; que le packaging est ici l’objet de la prétendue confusion, qu’il est le produit lui-même ; qu’aucune preuve du risque de confusion entre les deux modèles n’est donc rapportée puisqu’ils appartiennent tous deux à une même collection de formes traditionnelles, partagées, antérieurement divulguées et connues. Concernant les actes de parasitisme, elle rappelle que la société Ellaechim n’est titulaire d’aucun droit sur l’objet revendiqué, la source d’inspiration des deux antagonistes se trouvant dans les nombreux emballages antérieurs qui étaient déjà divulgués. Elle invoque, en tout état de cause, les mêmes arguments que pour le rejet de l’indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon de droit d’auteur.
Sur ce,

La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.Le parasitisme se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
Elle suppose la caractérisation d’une faute en lien de causalité avec un préjudice.

Les demanderesses reprochent à la société First FFC d’avoir commis des actes de concurrence déloyale à son égard. Cependant, du fait de l’apparence très répandue des boîtes de Mme [M] [F], dépourvue d’une originalité permettant de les distinguer des modèles antérieurs du fonds commun des formes d’origami existantes, aucun risque de confusion spécifique entre les deux modèles de boîtes qui appartiennent à la même collection de formes traditionnelles, partagées, antérieurement divulguées, n’apparaît caractérisé. Le catalogue de vente des défenderesses ne comporte, au demeurant, aucune mention du nom de sa concurrente. Les professionnels, qui sont susceptibles d’acheter les boîtes pour contenir leurs aliments, notamment au salon Sirha, n’ont donc pu confondre les deux sociétés par cette similitude des produits, du fait du grand nombre de boîtes proches de ces modèles. La distinction entre les deux sociétés se fait nécessairement sur d’autres critères, notamment par l’utilisation de la marque de l’union européenne “Aphinitea redefining packaging”.
S’agissant des actes de parasitisme allégués, faute de savoir-faire ou d’efforts déterminés, les boîtes de Mme [M] [F] s’inscrivant dans la continuité de ce qui se produit déjà dans l’art des Tato Japonais ou des Origamis, aucune économie de coût de recherche ou de développement ne peut être caractérisée. En tout état de cause, aucun préjudice moral ne peut avoir été subi par la société Aphinitea, l’apparence de la boîte, bien que traduisant un esthétisme certain, étant très répandue, voir banale.
En l’état de ces éléments, il y a lieu de débouter Mme [M] [F] et la société Aphinitea de leurs demandes subsidiaires aux fins de condamnation de la société First FFC pour concurrence déloyale et parasitisme.
Sur la demande reconventionnelle

La société First FFC soutient que l’action des demanderesses n’a pas de fondement et trouve son origine dans une volonté de nuire à un concurrent loyal ; que cette faute lui a causé un préjudice à la société First FFC qui n’a pas pu commercialiser ses boîtes ; que la société demanderesse laisserait entendre, par un message sur son site, que les oeuvres similaires aux siennes sont des contrefaçons, ce qui constituerait un acte de dénigrement envers la société First FFC.
Les demanderesses réfutent le bien fondé de ces demandes.
Sur ce,

La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux consistant en un dénigrement de ses concurrents, par des propos ou informations malveillants, publics, diffusés dans le but de discréditer un concurrent, ses produits et services.Elle suppose la caractérisation d’une faute en lien de causalité avec un préjudice.

En publiant sur son site www.aphinitea.com, un message selon lequel toute reproduction de son modèle de boite d’emballage en carton “Magnolia” serait une contrefaçon, la société Ellaechim a commis une faute pouvant s’assimiler à un acte de dénigrement. Cependant, en l’absence d’identification claire et précise des concurrents que cette dernière vise dans ce message, la société First FFC n’a pu subir de préjudice tiré de ce fait.
La demande reconventionnelle de la société FFC fondée sur la concurrence déloyale par dénigrement sera donc rejetée.
Quant à l’abus que pourrait constituer la présente action, il est rappelé que l’accès au juge est un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit. Ce n’est donc que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La demande de dommages-intérêts doit être rejetée.
Sur les autres demandes

Le tribunal rappelle qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision n’en dispose autrement. Si le juge peut néanmoins décider d’écarter l’exécution provisoire en tout ou partie c’est à la condition qu’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ou qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessive, ce qui n’apparaît pas établi au cas présent.
Mme [M] [F] et la société Aphinitea, venant au droit de la société Ellaechim, qui succombent, seront solidairement condamnées aux dépens de l’instance et à payer à la société First FFC la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

-Reçoit la société Aphinitea Corporation en sa demande d’intervention volontaire comme venant aux droits de la société Ellaechim Trading ;

-Rejette les demandes de Mme [S] [U] [M] [F] et de la société Aphinitea Corporation, principales et subsidiaires ;

-Rejette la demande reconventionnelle de la société First Fast Food Collective ;

-Condamne in solidum Mme [S] [U] [M] [F] et de la société Aphinitea Corporation à verser à la société First Fast Food Collective la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamne in solidum Mme [S] [U] [M] [F] et la société Aphinitea Corporation aux entiers dépens.

Fait et jugé à Paris le 08 février 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire entre Mme [U] [F] et la société First Fast Food Collective ?

L’affaire concerne Mme [U] [F], une créatrice designer spécialisée dans le packaging, qui a constaté que la société First Fast Food Collective avait présenté des copies de son modèle de boîte « Magnolia » lors d’un salon et dans un catalogue.

Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu le caractère original du modèle Magnolia et l’a protégé par le droit d’auteur. En réponse, Mme [U] [F] et la société Ellaechim Trading ont intenté une action en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale contre First FFC, demandant des dommages et intérêts, la cessation des actes de contrefaçon et des mesures d’interdiction.

La société First FFC a nié les accusations et a demandé le rejet des demandes, ainsi que des dommages et intérêts pour agissements déloyaux. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état pour examen.

Quels sont les arguments avancés par les demanderesses concernant la protection au titre des droits d’auteur ?

Les demanderesses, Mme [M] [F] et la société Aphinitea, soutiennent que le modèle Magnolia doit être protégé par le droit d’auteur en raison de son caractère original. Elles affirment que l’œuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est une création de l’esprit, et que le modèle présente des caractéristiques uniques, telles qu’une boîte en carton avec un système d’auto-fermeture par pliage.

Elles insistent sur le fait que l’originalité de l’œuvre est reconnue indépendamment de la date de divulgation et que l’antériorité ne peut pas contredire cette protection. Les demanderesses soulignent également que le modèle Magnolia a été reconnu comme original par un jugement antérieur du tribunal judiciaire de Paris.

Cependant, la société First FFC conteste cette originalité, en faisant valoir l’existence de nombreux modèles antérieurs, notamment des prototypes publiés en 1999, qui montrent que le modèle litigieux ne représente pas l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Quelles sont les implications de l’intervention volontaire de la société Aphinitea dans cette affaire ?

La société Aphinitea, venant aux droits de la société Ellaechim par un acte de cession de créances, a demandé à intervenir dans la procédure. Les demanderesses soutiennent que cette intervention est légitime, car elle détient les droits d’agir sur cette prétention.

La société First FFC a laissé le tribunal décider de la recevabilité de cette intervention. Selon les articles 328 et 329 du code de procédure civile, l’intervention volontaire peut être principale ou accessoire, et dans ce cas, elle est considérée comme principale, car elle élève une prétention au profit de la société Aphinitea.

Le tribunal a finalement jugé que l’intervention de la société Aphinitea était recevable, ce qui lui permet de participer activement à la procédure.

Quels sont les points clés concernant la concurrence déloyale et le parasitisme dans cette affaire ?

Les demanderesses estiment que la reprise du packaging par la société First FFC constitue un acte de concurrence déloyale, car cela a créé une confusion parmi les consommateurs et a détourné la clientèle. Elles affirment que First FFC a profité de leur savoir-faire et de leurs investissements en utilisant un modèle d’emballage qu’elles exploitent exclusivement.

En revanche, la société First FFC conteste ces allégations, arguant que le packaging n’est pas un élément distinctif et que les modèles appartiennent à une collection de formes traditionnelles déjà connues. Elle soutient qu’aucune preuve de confusion n’a été apportée, car les produits sont suffisamment distincts.

Le tribunal a conclu qu’en raison de l’absence d’originalité du modèle de boîte, il n’y avait pas de risque de confusion entre les deux modèles, et a donc rejeté les demandes des demanderesses pour concurrence déloyale et parasitisme.

Quelles ont été les décisions finales du tribunal concernant les demandes des parties ?

Le tribunal a pris plusieurs décisions importantes dans cette affaire. Il a d’abord reçu la demande d’intervention volontaire de la société Aphinitea, mais a ensuite rejeté les demandes principales et subsidiaires de Mme [M] [F] et de la société Aphinitea concernant la contrefaçon de droit d’auteur.

De plus, la demande reconventionnelle de la société First FFC a également été rejetée. En conséquence, Mme [M] [F] et la société Aphinitea ont été condamnées à verser à la société First FFC la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Le tribunal a également rappelé que les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, sauf indication contraire, ce qui signifie que les parties doivent se conformer aux décisions rendues, même en attendant un éventuel appel.


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