« Originalité » d’un dessin et modèle

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« Originalité » d’un dessin et modèle

L’Essentiel : L’originalité d’un dessin ou modèle ne se limite pas à son effet esthétique, qui est subjectif. La CJUE a précisé que pour qu’un dessin soit qualifié d’« œuvre », il doit refléter une création intellectuelle, témoignant de la liberté de choix et de la personnalité de son auteur. La protection des dessins et modèles, distincte de celle du droit d’auteur, vise des objets utilitaires et nouveaux, tandis que le droit d’auteur s’applique à des œuvres méritant une protection plus longue. Ainsi, le cumul de ces protections doit respecter les finalités de chaque régime juridique.

La circonstance que des modèles (de vêtements) produisent, au-delà de leur objectif utilitaire, un effet esthétique spécifique, ne permet pas de qualifier de tels modèles d’« œuvres ». Le droit des dessins et modèles et celui du droit d’auteur restent cloisonnés sur le terrain de l’originalité (propre au droit d’auteur).

Affaire G-Star Raw

Dans le  litige concernant le respect de droits d’auteur revendiqués par la société G-Star, contre la société Cofemel, la CJUE a rappelé que l’effet esthétique susceptible d’être produit par un dessin ou modèle ne constitue pas un élément pertinent pour déterminer, dans un cas donné, si ce dessin ou modèle peut être qualifié d’« œuvre », dès lors qu’un tel effet esthétique constitue le résultat de la sensation intrinsèquement subjective de beauté ressentie par chaque personne appelée à regarder le dessin ou modèle en cause.

Preuve de l’originalité

La qualification de l’originalité exige de démontrer, d’une part, l’existence d’un objet identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité et, d’autre part, que cet objet constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur.

Cloisonnement juridique

La protection des dessins et modèles, d’une part, et la protection au titre du droit d’auteur, d’autre part, poursuivent des objectifs différents et sont soumises à des régimes distincts. En effet, la première vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, elle trouve à s’appliquer pendant une durée limitée, permettant de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets sans pour autant entraver excessivement la concurrence.

Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres. Dans ce cadre, l’octroi d’une protection, au titre du droit d’auteur, à un objet déjà protégé en tant que dessin ou modèle ne doit pas porter atteinte aux finalités et à l’effectivité respectives de ces deux régimes, raison pour laquelle l’octroi cumulatif d’une telle protection ne peut être envisagé que dans certaines situations.

Pour rappel, un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État à partir de la date à laquelle le dessin ou modèle a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis, sont déterminées par chaque État membre. Toutefois, en dépit du principe du cumul de la protection spécifique des dessins ou modèles communautaires et de la protection par le droit d’auteur, les États membres ont toute liberté pour déterminer l’étendue de la protection par le droit d’auteur et les conditions auxquelles cette protection est accordée.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la distinction entre les droits des dessins et modèles et le droit d’auteur ?

La distinction entre les droits des dessins et modèles et le droit d’auteur repose sur plusieurs éléments fondamentaux. D’une part, le droit des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, bien que nouveaux et individualisés, possèdent un caractère utilitaire et sont destinés à une production massive.

Cette protection est limitée dans le temps, permettant ainsi aux créateurs de rentabiliser leurs investissements sans nuire excessivement à la concurrence. En revanche, le droit d’auteur protège des œuvres qui méritent d’être qualifiées comme telles, offrant une protection plus longue et plus étendue.

Ainsi, l’octroi d’une protection par le droit d’auteur à un objet déjà protégé en tant que dessin ou modèle doit être soigneusement évalué pour ne pas compromettre les objectifs respectifs de ces deux régimes juridiques.

Quelles sont les conditions pour établir l’originalité d’un modèle ?

Pour établir l’originalité d’un modèle, deux conditions essentielles doivent être remplies. Premièrement, il est nécessaire de démontrer l’existence d’un objet identifiable avec une précision et une objectivité suffisantes. Cela signifie que le modèle doit être clairement défini et distinctif.

Deuxièmement, cet objet doit constituer une création intellectuelle qui reflète la liberté de choix et la personnalité de son auteur. Cela implique que le créateur a exercé un certain degré de créativité et d’innovation dans la conception du modèle, ce qui le distingue des créations banales ou purement utilitaires.

Comment la CJUE a-t-elle interprété l’effet esthétique dans l’affaire G-Star Raw ?

Dans l’affaire G-Star Raw, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a clarifié que l’effet esthétique produit par un dessin ou modèle ne constitue pas un critère pertinent pour déterminer si ce dernier peut être qualifié d’« œuvre ».

La CJUE a souligné que l’appréciation de la beauté est intrinsèquement subjective et varie d’une personne à l’autre. Par conséquent, l’effet esthétique ne peut pas être utilisé comme un fondement pour revendiquer des droits d’auteur sur un modèle, car cela ne garantit pas l’originalité ou la création intellectuelle requise pour bénéficier de cette protection.

Quelles sont les implications du cloisonnement juridique sur la protection des créations ?

Le cloisonnement juridique entre la protection des dessins et modèles et celle du droit d’auteur a des implications significatives pour les créateurs. D’une part, cela signifie que les créateurs doivent choisir le régime de protection le plus approprié en fonction de la nature de leur création.

La protection des dessins et modèles est généralement plus adaptée aux objets utilitaires, tandis que le droit d’auteur s’applique aux œuvres artistiques. Cette distinction permet de garantir que chaque type de création bénéficie d’une protection adéquate sans empiéter sur les droits d’autres créateurs.

En outre, les États membres de l’Union européenne ont la liberté de déterminer les conditions d’obtention de la protection par le droit d’auteur, ce qui peut entraîner des variations dans la portée de cette protection d’un pays à l’autre.


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