L’Essentiel : Les planches de bande dessinée de Jean Giraud, utilisées pour le documentaire « Jodorowsky’s Dune », retourneront à la succession de l’ARCEPiste. Bien que Mœbius ait collaboré à un projet de film basé sur « Dune » sans contrat formel, ses héritiers ont obtenu la restitution des œuvres et un dédommagement. La société de production, considérée comme dépositaire précaire, n’a pas pu revendiquer la propriété des planches. Selon le code civil, la restitution doit se faire en nature, et les droits moraux de Mœbius sont transmissibles à ses héritiers, leur permettant d’agir en défense de son œuvre.
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Propriété des planchesLes planches de bande dessinée de Jean Giraud (plus connu sous les pseudonymes de Mœbius et de Gir), ayant servi à la réalisation du documentaire « Jodorowsky’s Dune » retourneront bien dans l’actif de la succession du dessinateur. De son vivant, Mœbius et la société de production poursuivie avaient tenté de produire un film tiré du roman « Dune » de Franck Herbert, projet initié en 1974 avec pour réalisateur Alejandro Jodorowsky mais abandonné en 1976. Mœbius avait créé les personnages, leurs costumes et les décors au travers de 250 planches (plus de 3.000 dessins au total) sans qu’aucun contrat n’ait été signé à cette occasion. Par la suite, la société de production a réalisé un documentaire retraçant l’histoire de la pré-production du film « Dune ». Les héritiers de Mœbius ont obtenu la restitution de ces planches et un dédommagement financier au titre du manque à gagner. Le producteur de l’œuvre audiovisuelle « Jodorowsky’s Dune » n’a pas été considéré comme propriétaire des planches utilisées dans l’œuvre produite. Contrat de dépôt appliquéLa remise des dessins aux fins d’exploitation par la société de production a été analysée comme un contrat de dépôt au sens des articles 1927 et suivants du code civil, le dépositaire n’ayant pas vocation à devenir cessionnaire à titre gratuit des oeuvres déposées. La société de production devait restitution et ne pouvait opposer aucune prescription, tant acquisitive qu’extinctive (les planches ont été conservées pendant trente-cinq ans). La société de production n’a pas bénéficié de la règle selon laquelle « en fait de meubles, la possession vaut titre » (article 2276 du code civil). En effet, ce texte nécessite une possession non équivoque à titre de propriétaire et de bonne foi, celle-ci étant présumée sauf preuve contraire et s’entendant de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis, le doute sur ce point étant exclusif de la bonne foi. Est équivoque la possession d’un bien meuble lorsque les circonstances de sa remise au possesseur font présumer une remise à titre précaire. Or, la société de production était un détenteur précaire. Pour rappel, l’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature », il s’agit d’un contrat réel, au sens du nouvel article 1109, dont l’existence n’est subordonnée qu’à la remise effective de la chose entre les mains du dépositaire. Le contrat de dépôt emporte l’obligation pour le dépositaire de restituer la chose déposée en nature et lorsque ce contrat est l’annexe d’un contrat d’entreprise, il subsiste après la réalisation des travaux commandés. En l’espèce l’abandon après 1976 du projet de réalisation cinématographique dans lequel s’insérait le contrat d’entreprise (réalisation de dessins pour adapter un roman), n’a pas mis fin au contrat de dépôt portant sur les supports matériels des dessins réalisés par Moebius. Tant que la chose reste entre les mains du dépositaire, ce dernier reste tenu à restitution, l’obligation de restitution étant perpétuelle, de telle sorte qu’il importe peu que de son vivant Moebius n’ait pas sollicité la restitution de ses planches. Obligation de restitutionIl résulte des dispositions des articles 1915 et 1932 que lorsque la chose existe encore, la restitution doit se faire en nature et en cas de mort du déposant l’article 1939 précise que la chose déposée ne peut être rendue qu’à ses héritiers. En l’espèce, la restitution des planches de Moebius a été ordonnée au profit du mandataire successoral. Précisions procéduralesA noter que l’action en restitution ne portait pas sur le story-board lui-même mais sur les dessins originaux réalisés par Mœbius. La propriété incorporelle dont jouissent indivisément les coauteurs d’une oeuvre de collaboration laisse subsister le droit exclusif de chaque coauteur sur l’objet matériel qui est l’expression de sa création matérielle. Mœbius a seul créé matériellement les planches dessinées originales avec les moyens de son art, il était donc l’unique auteur des oeuvres objet de l’action en revendication des héritiers. Le film « Jodorowsky’s Dune » est une oeuvre de collaboration, la recevabilité de l’action engagée au titre du droit moral par l’auteur de l’oeuvre contrefaite et dirigée exclusivement à l’encontre de l’exploitant de l’oeuvre de collaboration n’était pas subordonnée à la mise en cause de l’ensemble des coauteurs de celle-ci. Sur le volet de la succession, il ressort des dispositions de l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) que les prérogatives du droit moral de l’auteur relatives au droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre sont transmissibles à cause de mort à ses héritiers selon l’ordre établi par le code civil. L’épouse de Mœbius était co-héritière de son mari avec les quatre enfants de celui-ci. En vertu des dispositions de l’article 815-2 du code civil elle avait donc qualité et intérêt légitime à agir seule en défense du droit moral au respect de l’oeuvre de son mari décédé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les circonstances entourant la propriété des planches de Mœbius ?Les planches de bande dessinée créées par Jean Giraud, connu sous les pseudonymes de Mœbius et de Gir, ont été utilisées dans le documentaire « Jodorowsky’s Dune ». Ces planches, qui ont été réalisées pour un projet de film basé sur le roman « Dune » de Franck Herbert, ont été créées entre 1974 et 1976. Mœbius a produit 250 planches, représentant plus de 3.000 dessins, sans qu’aucun contrat formel n’ait été signé. Après l’abandon du projet, la société de production a réalisé un documentaire sur la pré-production du film. Les héritiers de Mœbius ont finalement obtenu la restitution des planches et un dédommagement financier pour le manque à gagner, car le producteur du documentaire n’a pas été reconnu comme propriétaire des œuvres. Quel type de contrat a été appliqué pour la remise des dessins ?La remise des dessins à la société de production a été considérée comme un contrat de dépôt, conformément aux articles 1927 et suivants du code civil. Ce type de contrat implique que le dépositaire, ici la société de production, n’acquiert pas de droits de propriété sur les œuvres déposées. La société était donc tenue de restituer les planches et ne pouvait pas revendiquer de droits acquis, même après une possession prolongée de trente-cinq ans. L’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt comme un acte où une personne remet une chose à une autre pour qu’elle soit gardée et restituée. Dans ce cas, la société de production était considérée comme un détenteur précaire, ce qui signifie qu’elle n’avait pas de droits de propriété sur les planches. Quelles sont les obligations de restitution en vertu du contrat de dépôt ?Selon les articles 1915 et 1932 du code civil, la restitution des biens déposés doit se faire en nature tant que la chose existe. En cas de décès du déposant, l’article 1939 stipule que la restitution doit être faite aux héritiers. Dans le cas de Mœbius, la restitution des planches a été ordonnée au profit de son mandataire successoral, ce qui signifie que les héritiers ont le droit de récupérer les œuvres. Cette obligation de restitution est perpétuelle, ce qui signifie que même si Mœbius n’avait pas demandé la restitution de ses planches de son vivant, cela n’affecte pas le droit de ses héritiers à les récupérer. Quelles précisions procédurales sont à noter concernant l’action en restitution ?A noter que l’action en restitution ne portait pas sur le story-board, mais spécifiquement sur les dessins originaux réalisés par Mœbius. Les coauteurs d’une œuvre de collaboration conservent un droit exclusif sur l’objet matériel de leur création. Mœbius, en tant qu’unique auteur des planches, avait donc le droit de revendiquer la restitution de ses œuvres. Le film « Jodorowsky’s Dune » étant une œuvre collaborative, l’action engagée par les héritiers de Mœbius au titre du droit moral n’était pas conditionnée à la participation de tous les coauteurs. De plus, les droits moraux de l’auteur, tels que le respect de son nom et de son œuvre, sont transmissibles à ses héritiers, ce qui a permis à l’épouse de Mœbius d’agir en défense de ces droits. |
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