Occupation illicite et obligations contractuelles : enjeux de la restitution des lieux et de l’indemnisation.

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Occupation illicite et obligations contractuelles : enjeux de la restitution des lieux et de l’indemnisation.

L’Essentiel : Le 14 mai 1998, Monsieur [T] [S] a signé une convention avec SFR pour l’installation d’un pylône. Après son décès en 2010, la convention a été transférée à la SAS HIVORY, qui a continué à occuper les lieux malgré l’expiration de la convention en 2023. Les consorts [S] ont assigné la SAS HIVORY en référé pour obtenir l’enlèvement des ouvrages. Le juge a constaté l’occupation sans droit et a ordonné le rétablissement des lieux dans un délai de six mois, avec astreinte, tout en condamnant la SAS HIVORY à verser une indemnité d’occupation.

Contexte de l’affaire

Le 14 mai 1998, Monsieur [T] [S] a signé une convention avec la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR) pour la mise à disposition d’un terrain à des fins d’installation d’un local technique et d’un pylône de 12 mètres pour des dispositifs d’antennes. Une nouvelle convention a été établie le 16 novembre 2001, incluant un loyer annuel de 3049 euros et une durée de douze ans, reconductible tacitement.

Décès de Monsieur [T] [S] et transfert de la convention

Monsieur [T] [S] est décédé le 11 septembre 2010, laissant derrière lui une veuve et trois enfants. En 2018, SFR a informé les héritiers du transfert de la convention à la SAS HIVORY. La convention a été reconduite pour deux périodes de cinq ans, se terminant le 1er décembre 2023. Les consorts [S] ont notifié un préavis de non-renouvellement un an avant cette date.

Conflit sur l’occupation des lieux

Après l’expiration de la convention, la SAS HIVORY n’a pas libéré les lieux, entraînant le versement erroné d’un loyer annuel de 5683,08 euros aux consorts [S], qui a été remboursé. Les consorts ont mis en demeure la SAS HIVORY de quitter les lieux, mais cette mise en demeure est restée sans effet.

Procédure judiciaire

Le 8 août 2024, les consorts [S] ont assigné la SAS HIVORY en référé pour obtenir l’enlèvement des ouvrages et le rétablissement des lieux, ainsi qu’une indemnité d’occupation. La SAS HIVORY a demandé un délai de grâce de neuf mois pour libérer les lieux, invoquant des difficultés pratiques et la continuité des services.

Arguments des parties

Les consorts [S] soutiennent que la SAS HIVORY n’a plus de droit d’occupation et que son maintien constitue un trouble manifestement illicite. En revanche, la SAS HIVORY a fait valoir des difficultés pour trouver un nouveau site et a contesté le montant des astreintes demandées.

Décision du juge

Le juge a constaté que la SAS HIVORY occupait le terrain sans droit ni titre depuis la résiliation de la convention. Il a ordonné l’enlèvement des ouvrages et le rétablissement des lieux dans un délai de six mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. La SAS HIVORY a également été condamnée à verser une indemnité d’occupation provisionnelle de 6630,26 euros, ainsi qu’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion

La SAS HIVORY a été déboutée de ses demandes de délais et condamnée aux dépens de l’instance, tandis que les consorts [S] ont obtenu satisfaction sur leurs principales demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner des mesures en référé selon les articles 834 et 835 du code de procédure civile ?

Les articles 834 et 835 du code de procédure civile régissent les mesures pouvant être ordonnées en référé par le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection.

L’article 834 stipule que :

« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

Cet article souligne l’importance de l’urgence et de l’absence de contestation sérieuse pour justifier une intervention en référé.

L’article 835, quant à lui, précise que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Ainsi, même en cas de contestation, des mesures peuvent être ordonnées si elles visent à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans le cas présent, les consorts [S] soutiennent que la SAS HIVORY occupe leur terrain sans droit ni titre, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Ils fondent donc leur demande sur ces articles, arguant que la situation nécessite une intervention rapide pour protéger leur droit de propriété.

Quelles sont les conséquences de l’occupation sans droit ni titre selon le droit français ?

L’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier constitue une violation du droit de propriété, qui est protégé par l’article 544 du code civil, stipulant que :

« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

En conséquence, l’occupant sans droit ni titre peut être contraint de restituer le bien au propriétaire légitime.

L’article 555 du code civil précise également que :

« Le propriétaire peut toujours revendiquer son bien, même si celui-ci a été occupé par un tiers. »

Cela signifie que les consorts [S] ont le droit de demander l’enlèvement des ouvrages et le rétablissement des lieux dans leur état primitif, car la SAS HIVORY n’a plus de titre légal pour occuper le terrain depuis la résiliation de la convention.

De plus, l’occupation illicite peut donner lieu à des demandes d’indemnité d’occupation, comme le prévoit l’article 1231-1 du code civil, qui stipule que :

« Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution. »

Ainsi, la SAS HIVORY pourrait être condamnée à verser une indemnité pour la période d’occupation illicite.

Quels sont les droits des propriétaires en cas de trouble manifestement illicite ?

En cas de trouble manifestement illicite, les propriétaires disposent de plusieurs droits pour protéger leur propriété.

L’article 835 du code de procédure civile, déjà mentionné, permet au juge d’ordonner des mesures pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Cela inclut la possibilité d’ordonner l’enlèvement des ouvrages ou des installations qui causent ce trouble.

En effet, le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente de la règle de droit.

Dans le cas présent, la SAS HIVORY occupe le terrain des consorts [S] sans droit ni titre, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Les consorts [S] peuvent donc demander au juge d’ordonner l’enlèvement des installations et le rétablissement des lieux dans leur état primitif.

De plus, ils peuvent demander une astreinte pour garantir l’exécution de ces mesures, conformément à l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui permet au juge de prononcer une astreinte pour assurer l’exécution d’une décision.

Ainsi, les consorts [S] ont le droit de protéger leur propriété et d’obtenir réparation pour le trouble causé par l’occupation illicite de la SAS HIVORY.

Quelles sont les implications de la continuité des services en matière de téléphonie mobile ?

La continuité des services en matière de téléphonie mobile est une obligation qui incombe aux opérateurs, comme le stipule l’article D.98-4 du code des postes et des communications électroniques, qui précise que :

« Les opérateurs de communications électroniques doivent garantir la continuité des services qu’ils fournissent. »

Cependant, cette obligation ne s’applique qu’aux opérateurs titulaires d’une autorisation pour fournir des services de télécommunications.

Dans le cas présent, la SAS HIVORY invoque cette obligation pour justifier sa demande de délai de grâce afin de libérer les lieux.

Cependant, il n’est pas établi que la SAS HIVORY soit un opérateur au sens de la réglementation, ce qui remet en question la pertinence de cet argument.

De plus, même si la continuité des services est une préoccupation légitime, cela ne peut pas justifier une occupation illicite d’un terrain appartenant à autrui.

Les consorts [S] ont le droit de récupérer leur propriété, et la SAS HIVORY doit trouver une solution pour assurer la continuité de ses services sans empiéter sur les droits des propriétaires.

Ainsi, l’obligation de continuité des services ne peut pas être utilisée comme un prétexte pour justifier le maintien d’une occupation illégale.

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/06116 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KLA5

MINUTE n° : 2025/ 15

DATE : 08 Janvier 2025

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEURS

Madame [L] [R] veuve [S], demeurant [Adresse 6]

Madame [M] [S], demeurant [Adresse 4]

Monsieur [I] [S], demeurant [Adresse 6]

Monsieur [U] [S], demeurant [Adresse 6]

tous représentés par Me Agnès REVEILLON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSE

S.A.S. HIVORY, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Clément MICHAU, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) et Me Nicolas SCHNEIDER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN (avocat postulant)

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 27 Novembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Agnès REVEILLON
Me Nicolas SCHNEIDER

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à
Me Agnès REVEILLON
Me Nicolas SCHNEIDER

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 14 mai 1998, Monsieur [T] [S] a conclu avec la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR) une convention prévoyant notamment la mise en disposition à SFR du terrain de Monsieur [S] situé au [Adresse 6] sur la commune de [Localité 5], sur la parcelle cadastrée section D numéro [Cadastre 1], aux fins d’installation d’un local technique sur ledit terrain susceptible de servir de site d’émission-réception.

En vertu de cette convention a été implanté, à côté du local technique, un pylône de 12 mètres environ destiné à supporter les divers dispositifs d’antennes d’émission-réception.

Une nouvelle convention a été conclue le 16 novembre 2001, en raison de l’ajout d’une antenne et de deux faisceaux hertziens. La durée stipulée par la convention est de douze années avec effet le premier jour du mois suivant sa date de signature par les parties, reconductible tacitement par périodes successives de cinq années, sauf résiliation de l’une des parties adressée à l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception respectant un préavis d’une année au mois avant chaque échéance. Il est encore prévu le loyer annuel d’un montant de 3049 euros nets, toutes charges locatives incluses et outre indexation de cette somme à l’indice du coût de la construction, à verser à Monsieur [S] par SFR.

Monsieur [T] [S] est décédé le 11 septembre 2010, laissant comme héritiers sa veuve Madame [L] [R] et leurs enfants Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S].

Par courriers postaux des 3 septembre et 12 décembre 2018, SFR a informé les consorts [S] du transfert de la convention à la SAS HIVORY.

La convention du 16 novembre 2001 a été reconduite tacitement pour deux périodes de cinq années pour s’achever au 1er décembre 2023 et, par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 octobre 2022, reçu le 25 octobre 2022, les consorts [S] ont adressé à la SAS HIVORY un préavis de non-renouvellement du contrat un an avant la date d’expiration du 1er décembre 2023.

Malgré la fin du contrat, les lieux n’ont pas été libérés par la SAS HIVORY et une somme de 5683,08 euros, représentant le loyer annuel pour la période postérieure au 1er décembre 2023 a été versée par erreur aux consorts [S], ayant remboursé cette somme.

Exposant qu’après réunion entre les parties, le délai laissé jusqu’au 15 mars 2024 à son cocontractant pour débarrasser les lieux n’avait pas été respecté et que ce dernier ne s’était pas acquitté de l’indemnité d’occupation au prorata de l’occupation illicite des lieux, le conseil des consorts [S] a adressé le 29 mars 2024 un courrier, reçu le 8 avril 2024, mettant en demeure la SAS HIVORY de s’exécuter.

La mise en demeure étant restée sans effet et par assignation délivrée le 8 août 2024 à la SAS HIVORY, Madame [L] [R] veuve [S], Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins principales de condamner la défenderesse à enlever les ouvrages en litige, procéder au rétablissement des lieux mis à disposition, outre le paiement provisionnel d’une indemnité d’occupation et, suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024 au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, reprenant leur assignation et auxquelles ils se réfèrent à l’audience du 27 novembre 2024, sollicitent de :
Condamner la société HIVORY à procéder à l’enlèvement de l’ensemble de ses ouvrages (local technique, matériels de télécommunication, pylône, dispositifs d’antennes d’émission réception, paraboles hertziennes, câbles, équipements, armoires électriques, groupe de climatisation etc…) implantés sur la parcelle numéro [Adresse 2], ce dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
Condamner la société HIVORY à procéder au rétablissement des lieux mis à disposition sis parcelle [Adresse 6] en l’état primitif, ce dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
Dire que le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan se réservera la liquidation de l’astreinte ;
Condamner la société HIVORY à payer à titre d’indemnité d’occupation une somme provisionnelle de 3788,72 euros, à parfaire jusqu’au parfait enlèvement des ouvrages et remise en état des lieux dans leur état primitif, somme éventuellement à réviser et indexer conformément à la réglementation et aux dispositions contractuelles en vigueur ;
Condamner la société HIVORY à verser à Madame [L] [R] veuve [S], Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, en ce compris le constat d’huissier du 25 juin 2024 ;
Rejeter les demandes de délai réclamées par la société HIVORY.

Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2024, complétant celles du 7 octobre 2024 et auxquelles elle se réfère à l’audience du 27 novembre 2024, la SAS HIVORY sollicite, au visa des articles 808, 809 du code de procédure civile, D.98-4, D98-8 du code des postes et des communications électroniques, L.421-1 et L.421-2 du code des procédures civiles d’exécution, de :
Lui ACCORDER un délai de grâce de 9 mois au moins pour lui permettre de s’organiser avec la société SFR afin de libérer les lieux tout en assurant une continuité de services ;
REJETER les demandes d’astreinte formées par les consorts [S] ;
A défaut, RAMENER ces demandes d’astreinte à de plus justes proportions ;
DEBOUTER les consorts [S] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION

A titre liminaire, il est rappelé que, par l’article 77 du code de procédure civile, le juge ne peut, en matière contentieuse, relever d’office son incompétence territoriale que dans les litiges relatifs à l’état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas.

Sur les demandes principales d’enlèvement des ouvrages et de rétablissement des lieux

Les requérants fondent leurs demandes de ce chef sur les articles :
834 du code de procédure civile selon lequel, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;835 du même code aux termes duquel le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours :* même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (alinéa 1er) ;
* dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire (alinéa 2).
Ils soutiennent que la défenderesse n’a plus ni droit ni titre à maintenir sur leur terrain les stations et matériels et que l’atteinte à leur propriété constitue un trouble manifestement illicite à faire cesser.
En réponse aux éléments adverses, ils prétendent que les liens avec SFR sont indifférents, que la société HIVORY pouvait attraire SFR en la cause, qu’en tant que spécialiste de la matière elle aurait dû prévoir le délai pour enlever les installations, et qu’elle ne peut se prévaloir de son manque d’anticipation en invoquant la continuité des services de sorte que le délai de grâce de neuf mois minimum réclamé n’est pas sérieux.

En défense, la SAS HIVORY invoque :
-les difficultés pratiques rencontrées pour trouver un site de repli, n’étant pas une filiale de SFR comme le prétendent les requérants et devant faire face à des considérations techniques, pratiques et juridiques générant des délais importants qu’elle n’a pas pu négocier en reprenant en 2018 la convention de 2001 ;
-l’obligation de continuité de services en matière de téléphonie mobile, ressortant notamment des articles D.98-4 et suivants du code des postes et communications électroniques et qui la conduit à solliciter un délai de grâce d’autant plus légitime que les requérants ne justifient d’aucun projet immobilier particulier impliquant le déplacement du site en urgence ;
-que le montant de l’astreinte demandée, en tout 600 euros, est excessif et fait doublon avec le montant de la demande d’indemnité d’occupation hors bail qu’elle accepte de verser.

Il est relevé qu’aucune condition d’urgence n’est rapportée par les requérants, en particulier liée à l’usage particulier du terrain que pourraient en faire les consorts [S], de sorte que le fondement de l’article 834 précité n’est pas pertinent.

De plus, les requérants développent uniquement le fondement juridique du trouble manifestement illicite prévu à l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, qui n’implique pas la démonstration d’une obligation non sérieusement contestable.

En droit, le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si le trouble est avéré, le juge apprécie souverainement les mesures propres à y remédier.

En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que, depuis le 1er décembre 2023, la convention signée le 16 novembre 2001 a été résiliée.

Aussi, il est incontestable que la SAS HIVORY occupe la parcelle appartenant aux requérants sans droit ni titre, causant une atteinte à leur droit de propriété qui constitue un trouble manifestement illicite.

Les difficultés pratiques invoquées par la SAS HIVORY sont indifférentes à la caractérisation de ce trouble d’autant que la défenderesse exerce une activité professionnelle en lien avec la convention en litige, qu’elle a repris la convention signée par SFR depuis 2018 en toute connaissance de cause et que par conséquent il ne peut ainsi être raisonnablement opposé des délais importants pour trouver un nouveau site aux ouvrages en litige. Il est observé qu’elle avait connaissance depuis octobre 2022, plus d’un an avant l’expiration de la convention, de l’absence de nouvelle reconduction tacite de ladite convention.

L’absence de lien juridique avec SFR et l’absence de présence de SFR en la cause sont tout aussi inopérantes alors que la SAS HIVORY pouvait le cas échéant procéder par voie d’intervention forcée et qu’au demeurant SFR n’est plus titulaire de la convention transférée à la défenderesse en 2018.

Les consorts [S] ont d’ailleurs laissé un temps suffisant à la SAS HIVORY, en lui donnant un délai jusqu’au 15 mars 2024 pour quitter les lieux, puis ne l’assignant à la présente instance que le 8 août 2024, soit plus de huit mois après la fin de la convention.

S’agissant de l’obligation de continuité des services en matière de téléphonie mobile, cette obligation incombe aux opérateurs d’après l’article D.98-4 du code des postes et communications électroniques et il n’est pas établi la qualité d’opérateur de la SAS HIVORY, celle-ci soulignant seulement les conséquences à l’égard des opérateurs de téléphonie mobile dans leur utilisation des équipements en litige.

Dès lors, il ne peut davantage s’agir d’un élément de nature à remettre en cause l’existence du trouble manifestement illicite causé par l’atteinte à la propriété des consorts [S]. Il ne peut davantage s’agir d’un délai de grâce au sens de l’article 1343-5 du code civil, ne concernant pas une obligation de paiement d’une somme d’argent, mais plutôt d’un délai pour différer le point de départ des mesures de nature à remédier au trouble manifestement illicite.

Aussi, il pourra être tenu compte, quant au choix des mesures adaptées pour remédier au trouble manifestement illicite, des éventuelles conséquences des mesures sollicitées.

Sur ce point, il a été relevé le délai important laissé à la SAS HIVORY pour procéder au déplacement des ouvrages en litige puisqu’elle a été informée dès le 25 octobre 2022 de l’absence de renouvellement de la convention et qu’au jour où la présente juridiction statue le 8 janvier 2025, plus d’une année s’est écoulée depuis la fin de la convention.

Dans ces circonstances, aucun élément ne s’oppose au principe des obligations sollicitées d’enlèvement des ouvrages implantés et de remise en état des lieux.

Il ne peut y avoir double emploi avec le paiement de la provision demandée, laquelle a trait à l’occupation avant remise en état du site.

Afin de garantir l’exécution de ces mesures, le prononcé d’une astreinte apparaît nécessaire conformément à l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution.

La détermination de l’astreinte est souverainement appréciée par le juge et, s’agissant en l’espèce de deux obligations en lien, le prononcé d’une seule astreinte globale apparaît plus adaptée.

De plus, il sera tenu compte des conséquences importantes sur les opérateurs de téléphonie mobile pour accorder à la défenderesse un dernier délai de six mois pour s’exécuter et pour modérer l’astreinte à hauteur de 200 euros par jour de retard.

Il n’est d’ailleurs pas établi que les articles L.421-1 et L.421-2 du code des procédures civiles d’exécution s’appliquent en l’espèce à l’astreinte prononcée, à défaut de démontrer que les mesures concernent une procédure d’expulsion.

Dès lors, la SAS HIVORY sera condamnée à procéder à l’enlèvement de l’ensemble de ses ouvrages (local technique, matériels de télécommunication, pylône, dispositifs d’antennes d’émission réception, paraboles hertziennes, câbles, équipements, armoires électriques, groupe de climatisation etc…) implantés sur la parcelle en litige, et à procéder au rétablissement des lieux dans leur étant primitif, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai de six mois suivant la signification de la présente décision.

Le contentieux éventuel de la liquidation de l’astreinte sera réservé à la présente juridiction.

Les consorts [S] seront déboutés du surplus de leurs demandes de ce chef.

Sur la demande principale de versement d’une provision

Cette demande est nécessairement fondée sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, duquel il résulte, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En droit, il est admis que la contestation sérieuse est appréciée souverainement par le juge des référés, et qu’elle ne saurait être constituée par la seule expression d’une opposition aux demandes par le défendeur.

Aucune contestation n’est opposée par la défenderesse sur le principe et le quantum retenus, l’indemnité d’occupation étant fondée sur une somme mensuelle de 473,59 euros, correspondant à celle qui était fixée au contrat et due depuis le début de l’occupation illicite des lieux le 1er décembre 2023.

Les délais de grâce sollicités de manière générale par la défenderesse ne sont accrédités par aucun élément financier précis et seules les difficultés pratiques pour procéder à l’enlèvement des ouvrages et la remise en état des lieux sont en réalité invoquées.

Dès lors, la SAS HIVORY sera condamnée à payer la somme provisionnelle de 6630,26 euros au titre de l’indemnité d’occupation due à la date de la présente ordonnance, soit sur une durée de quatorze mois entre décembre 2023 et janvier 2025 inclus, outre une somme provisionnelle de 473,59 euros par mois à compter du premier mois suivant la signification de l’ordonnance et jusqu’à ce que les mesures d’enlèvement et de rétablissement des lieux soient constatées, sans toutefois excéder la durée totale de six mois. Il ne peut être prévu une indexation et révision de cette somme alors que les dispositions contractuelles ne sont plus en vigueur entre les parties.

Les consorts [S] seront déboutés du surplus de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Par application de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS HIVORY, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens. Les dépens de l’instance ne peuvent comprendre le coût du constat de commissaire de justice du 25 juin 2024, acte non visé par l’article 695 du code de procédure civile, de sorte que les requérants seront déboutés de leur demande de ce chef.

Par ailleurs, l’équité commande de ne pas laisser la charge de leurs frais irrépétibles aux consorts [S] de sorte que la SAS HIVORY sera condamnée à leur payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les consorts [S] seront déboutés du surplus de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire, exécutoire de droit et en premier ressort :

Vu le procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 25 juin 2024 par Maître [E] [D] ;

CONDAMNONS la SAS HIVORY, dans un délai de SIX MOIS suivant la signification de la présente ordonnance, à procéder à l’enlèvement de l’ensemble de ses ouvrages (local technique, matériels de télécommunication, pylône, dispositifs d’antennes d’émission réception, paraboles hertziennes, câbles, équipements, armoires électriques, groupe de climatisation etc…) implantés sur la parcelle numéro [Adresse 2], et à procéder au rétablissement des lieux de ladite parcelle en l’état primitif.

DISONS que, faute pour elle de s’exécuter dans le délai indiqué, la SAS HIVORY sera condamnée à payer Madame [L] [R] veuve [S], Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S] une astreinte de 200 euros (DEUX CENTS EUROS) par jour de retard.

DISONS que la présente juridiction se réserve le contentieux éventuel de la liquidation de l’astreinte ordonnée.

CONDAMNONS la SAS HIVORY à payer à Madame [L] [R] veuve [S], Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S] le somme provisionnelle de 6630,26 euros (SIX MILLE SIX CENT TRENTE EUROS ET VINGT-SIX CENTS) au titre de l’indemnité d’occupation à la date de la présente ordonnance, soit sur une durée de quatorze mois entre décembre 2023 et janvier 2025 inclus, outre la somme provisionnelle de 473,59 euros (QUATRE CENT SOIXANTE-TREIZE EUROS ET CINQUANTE-NEUF CENTS) par mois à compter du premier mois suivant la signification de l’ordonnance et jusqu’à ce que les mesures d’enlèvement et de rétablissement des lieux soient constatées, sans toutefois excéder la durée totale de six mois.

DEBOUTONS la SAS HIVORY de ses demandes de délais de paiement ou de grâce.

CONDAMNONS la SAS HIVORY aux dépens de l’instance.

CONDAMNONS la SAS HIVORY à payer à Madame [L] [R] veuve [S], Madame [M] [S], Monsieur [I] [S] et Monsieur [U] [S] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REJETONS le surplus des demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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