Occupation illégale du domaine public : enjeux de régularisation et de sanctions financières.

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Occupation illégale du domaine public : enjeux de régularisation et de sanctions financières.

L’Essentiel : La VILLE DE BORDEAUX a assigné la SARL ALMAR pour la suppression d’une terrasse installée sans autorisation depuis janvier 2022. La ville réclame également des mesures d’astreinte et une provision pour la redevance d’occupation. La SARL ALMAR conteste ces demandes, arguant de l’absence de trouble manifestement illicite. Le juge des référés a constaté que l’occupation sans autorisation constitue un trouble illicite, justifiant la suppression de la terrasse. Le tribunal a ordonné la libération des lieux sous astreinte et condamné la SARL ALMAR à verser une provision de 2 630,43 euros pour la redevance d’occupation.

I – FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La VILLE DE BORDEAUX a assigné la SARL ALMAR devant le juge des référés pour obtenir la suppression d’une terrasse installée sans autorisation depuis janvier 2022. La ville demande également des mesures d’astreinte pour garantir l’exécution de cette ordonnance, ainsi qu’une provision pour la redevance d’occupation due depuis le début de l’année 2022. La SARL ALMAR, exploitant le restaurant SAN PIETRO, conteste ces demandes en arguant de l’absence de trouble manifestement illicite et en sollicitant l’annulation des contraventions précédemment dressées.

II – MOTIFS DE LA DECISION

Le juge des référés a constaté que l’occupation du domaine public par la SARL ALMAR, sans autorisation, constitue un trouble manifestement illicite. Malgré une demande d’autorisation formulée par la défenderesse, l’absence de réponse de la mairie justifie la décision de supprimer la terrasse. La ville est également en droit de réclamer une provision pour la redevance d’occupation, car l’occupant a réalisé un gain indû en occupant le domaine public sans autorisation.

III – DECISION

Le tribunal a ordonné à la SARL ALMAR de libérer les lieux sous astreinte, et a prévu que la ville pourra procéder au séquestre des biens mobiliers en cas de non-exécution. La SARL ALMAR a été condamnée à verser une provision de 2 630,43 euros pour la redevance d’occupation et une indemnité de 1 500 euros pour les frais de justice. La défenderesse a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 835 du code de procédure civile dans le cadre de la demande de suppression de la terrasse ?

L’article 835 du code de procédure civile stipule que :

« Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, ordonner toutes mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Dans cette affaire, la VILLE DE BORDEAUX a invoqué cet article pour demander la suppression de la terrasse installée par la SARL ALMAR sans autorisation.

Il a été établi que l’occupation du domaine public routier par la défenderesse, sans autorisation, constitue un trouble manifestement illicite.

Les multiples procès-verbaux de constat dressés par la police municipale, ainsi que d’autres éléments de preuve, ont confirmé que la SARL ALMAR occupe le trottoir depuis le 1er janvier 2022 sans droit ni titre.

Ainsi, le juge des référés a pu ordonner la suppression de la terrasse, en se fondant sur l’article 835, pour faire cesser ce trouble.

Quelles sont les conséquences de l’occupation irrégulière du domaine public selon l’article 2125-1 du code général des collectivités territoriales ?

L’article 2125-1 du code général des collectivités territoriales dispose que :

« Toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance. »

Dans le cas présent, la SARL ALMAR a occupé le domaine public sans autorisation, ce qui a entraîné un gain indû.

La ville a demandé une provision de 2 630,43 euros, correspondant à la redevance d’occupation due depuis le 1er janvier 2022.

L’absence d’autorisation administrative rend cette redevance exigible, et le gérant de la SARL ALMAR ne pouvait ignorer cette obligation, notamment après avoir été sollicité par la ville pour le versement d’une somme au titre de l’occupation irrégulière.

Le juge a donc condamné la SARL ALMAR à verser cette provision, en se fondant sur l’article 2125-1, pour compenser l’occupation illégale du domaine public.

Quels sont les fondements de l’indemnité de 1 500 euros accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la SARL ALMAR a été déboutée de l’ensemble de ses demandes, ce qui signifie qu’elle a succombé dans l’instance.

La VILLE DE BORDEAUX a donc demandé une indemnité pour couvrir les frais qu’elle a engagés pour faire valoir ses droits.

Le juge a jugé équitable d’allouer 1 500 euros à la ville, en application de l’article 700, pour compenser les frais non compris dans les dépens.

La SARL ALMAR, en tant que partie perdante, a ainsi été condamnée à verser cette somme à la ville.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

64B

Minute n° 24/981

N° RG 24/00962 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y7SZ

3 copies

GROSSE délivrée
le 25/11/2024
à la SCP COULOMBIE – GRAS – CRETIN – BECQUEVORT – ROSIER
Me Yves MOUNIER

Rendue le VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 21 Octobre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDERESSE

Commune Ville de [Localité 3] représentée par son Maire en exercice.
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Clotilde GAUCI de la SCP COULOMBIE – GRAS – CRETIN – BECQUEVORT – ROSIER, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. ALMAR
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Yves MOUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par acte du 16 avril 2024, la VILLE DE BORDEAUX a assigné la SARL ALMAR devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa notamment de l’article 835 du code de procédure civile, afin de :
– voir ordonner à la défenderesse de procéder à la libération des lieux en supprimant la terrasse située [Adresse 1] à Bordeaux composée de mobiliers, de plantes en pots, et le cas échéant de parasols, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et jusqu’à exécution totale de l’ordonnance ;
– se voir autoriser, à défaut de libération volontaire des lieux, à procéder à la suppression des terrasses et au gardiennage du mobilier aux frais avancés de la défenderesse, et ce si besoin avec le concours de la force publique ;
– voir interdire à la défenderesse de réinstaller la terrasse litigieuse en l’absence d’autorisation expresse, sous peine d’astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction ;
– voir condamner la défenderesse à lui payer à titre de provision, la somme de 2 630,43 euros à parfaire à valoir sur la redevance d’occupation due depuis le 1er janvier 2022 pour la terrasse située [Adresse 1] à [Localité 3] ;
– voir condamner la défenderesse à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La demanderesse expose que la SARL ALMAR, qui exerce une activité de restauration sous l’enseigne SAN PIETRO, a installé depuis janvier 2022 sans autorisation une terrasse qui occupe le trottoir ; que cet établissement a déjà fait l’objet de plusieurs contraventions pour les mêmes faits ; qu’elle est fondée à demander qu’il soit mis fin au trouble manifestement illicite que constitue cette occupation, sans autorisation, du domaine public routier.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 juin 2024, avant d’être renvoyée et retenue à l’audience du 21 octobre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– la ville de [Localité 3], le 25 septembre 2024, par des écritures dans lesquelles elle maintient ses demandes et conclut au rejet de celles de la défenderesse,

– la SARL ALMAR, le 25 juillet 2024, par des écritures dans lesquelles elle sollicite :
– à titre principal, de :
– juger nuls les porcès-verbaux dressés par la police municipale le 11 octobre 2023,
– constater l’absence de trouble manifestement illicite,
– débouter la ville de [Localité 3] de l’intégralité de ses demandes,
– à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Mairie de [Localité 3] quant à la nouvelle demande d’octroi de terrasse formulée,
– en tout état de cause, de condamner la ville de [Localité 3] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.

II – MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de suppression de la terrasse

L’article 835 alinéa 1du code de procédure civile permet au juge des référés de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tel que l’occupation irrégulière du domaine public routier.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des multiples procès-verbaux de constat dressés par la police municipale dont la recevabilité ne saurait être sérieusement contestée, des rapports de surveillance de la ville et d’un courriel du 05 janvier 2023 de l’agent placier relatif aux plaintes des autres restaurateurs, que la parcelle occupée par la société ALMAR appartient au domaine public routier de la VILLE DE [Localité 3], et que la défenderesse, qui a installé sans autorisation des tables et autre mobilier sur le trottoir, l’occupe sans droit ni titre de manière certaine depuis le 1er janvier 2022.

L’occupation de la parcelle par l’installation de terrasse en l’absence d’autorisation est constitutive d’un trouble manifestement illicite.

La défenderesse se prévaut d’une demande d’autorisation formulée le 23 juillet 2024. A défaut cependant de justifier d’une réponse de la Mairie de [Localité 3], et sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer dans l’attente de cette réponse, il y a lieu de faire droit à la demande et d’ordonner la suppression de la terrasse située [Adresse 1] à Bordeaux, avec le concours éventuel de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée de trois mois.

La VILLE DE [Localité 3] pourra procéder au séquestre des biens mobiliers composant la terrasse aux frais, risques et périls de la défenderesse, à défaut de libération volontaire des lieux passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance.

Sur la demande de provision

Selon l’article 2125-1 du code général des collectivités territoriales, toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance.

En l’absence d’autorisation administrative, l’occupant sans droit ni titre du domaine public réalise un gain indû. Le gérant de SARL ALMAR ne peut ignorer cette situation depuis a minima le 02 février 2023, date à laquelle la Ville de [Localité 3] a sollicité le versement d’une somme au titre de l’occupation irrégulière du domaine public routier du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022.

Cette obligation n’étant pas sérieusement contestable, il y a lieu de condamner la SARL ALMAR à verser à la VILLE DE [Localité 3] une provision de 2 630,43 euros au titre de la redevance qu’elle aurait dû payer depuis le 1er janvier 2022.

Sur les autres demandes

La SARL ALMAR supportera la charge des dépens. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer dans le cadre de la présente instance pour faire valoir ses droits. Il lui sera alloué 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La défenderesse, qui succombe, sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

III – DECISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel;

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer

Ordonne à la SARL ALMAR de procéder à la libération des lieux en supprimant la terrasse située [Adresse 1] composée de mobiliers et de plantes en pots, et le cas échéant de parasols, sans délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée de trois mois

Dit qu’à défaut de libération volontaire des lieux passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ou en cas de réinstallation de la terrasse sans autorisation, la VILLE DE [Localité 3] pourra procéder au séquestre des biens mobiliers composant la terrasse aux frais, risques et périls de la défenderesse ;

Condamne la SARL ALMAR à verser à la VILLE DE [Localité 3] la somme provisionnelle de 2 630,43 euros à valoir sur la redevance d’occupation due depuis le 1er janvier 2022 ;

Condamne la SARL ALMAR à verser à la VILLE DE [Localité 3] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL ALMAR de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne la SARL ALMAR aux dépens.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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