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Pour faire annuler une revendication de brevet pensez à recourir à l’absence de nouveauté. Toute divulgation publique par un tiers sur la revendication en cause emporte nullité du brevet pour défaut de nouveauté.
Affaire Biomediqa
Au mois de mai 2016, la société TC Médical et la société Rhea, devenue Hiolle Technologies, se sont rapprochées afin d’élaborer un dispositif permettant d’informer, au niveau de chaque porte de bloc opératoire, qu’un amplificateur de rayons X est branché sur le secteur et qu’il peut être en service, et ainsi d’éviter l’exposition de personnel soignant non protégé entrant dans les salles. Après établissement d’un cahier des charges par la société Rhea, devenue Hiolle Technologies, en août 2016, le dispositif, dénommé AFF’X, a été fabriqué par cette société et commercialisé par la société TC Médical.
La société Biomediqa expose avoir fait constater par huissier de justice, le 21 septembre 2018, la présentation sur le site internet accessible à l’adresse www.rhea-electronique.fr du dispositif AFF’X reproduisant selon elle les caractéristiques du brevet FR 528.
Opérations de saisie contrefaçon
Dument autorisée par deux ordonnances présidentielles du 6 décembre 2018, elle a fait pratiquer le 14 janvier 2019 des opérations de saisie contrefaçon dans les locaux des sociétés Rhea, devenue Hiolle Technologies, et TC Médical.
Par acte du 14 février 2019, la société Biomediqa a fait assigner les sociétés Rhea, devenue Hiolle Technologies, et TC Médical devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire, de Paris en contrefaçon des revendications n°1, 2, 3, 5, 8 et 9 du brevet FR3036528 ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitisme.
La validité des revendications
La validité des revendications a été contestée avec succès par les sociétés Hiolle et TC Médical aux motifs d’insuffisance de description, de défaut de nouveauté et d’activité inventive.
Pour rappel, l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
« 1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle (‘) ».
Selon l’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle,
« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.
L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (‘) ».
L’article L. 611-14 de ce code précise que :
« Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. (‘)».
La définition de l’homme du métier proposée par la société Biomediqa à savoir un ingénieur en électronique n’est pas discutée par les autres parties.
Divulgation publique antérieure
Or, à l’occasion de son intervention, Mme [D] a présenté le dispositif DOSALERT de la société Biomediqa lequel a pour objectif d’ « Alerter le personnel, présent hors de la salle d’opération, de l’utilisation d’un appareil émetteur de rayons X » (diapositive 17 de la présentation). Ce dispositif mobile est présenté par Mme [D] comme composé de deux boîtiers inter-opérationnels, un premier boîtier dans la salle d’intervention, qui détecte l’émission de rayonnement, et un second boîtier à l’extérieur de la salle, connecté et distant au premier boîtier, et qui renseigne sur le danger d’exposition par une signalisation lumineuse, ce dispositif ne nécessitant pas de travaux d’installation spécifique (diapositive 20). Les diapositives 21 à 23 illustrent la configuration et le fonctionnement du dispositif :
- lorsque, lors d’une opération chirurgicale, est utilisé un amplificateur de brillance émettant des rayons X, une lumière rouge clignotante s’allume à l’extérieur,
- lorsque, lors d’une opération chirurgicale ou après celle-ci, l’amplificateur de brillance n’est plus en fonction mais est toujours sous tension, la lumière extérieure allumée est orange clignotante,
ce, pour prévenir les personnes en dehors de la salle d’opération des dangers éventuels.
Toujours selon la présentation, ce dispositif est capable de détecter des émissions de faible énergie, donc de faibles tensions, et des faibles débits de photons, donc de faibles ampérages (diapositive 25). La communication entre les deux boîtiers DOSALERT se fait par radiofréquence, par bande ISM, utilisée pour les applications industrielles, scientifiques ou médicales, sans incidence sur les appareils médicaux environnants (diapositive 27). La diapositive suivante (28) montre que plusieurs dispositifs DOSALERT peuvent coexister en l’illustrant par trois salles d’opération mitoyennes, la première où l’amplificateur de brillance est sous tension, une lumière orange s’allumant à l’extérieur, la seconde où l’amplificateur est hors tension, une lumière verte s’allumant à l’extérieur, et la troisième où l’amplificateur est sous tension et émet des rayons X, une lumière rouge s’allumant à l’extérieur.
En conséquence, la présentation de Mme [D] qui n’est nullement succincte, divulgue un dispositif de signalisation de l’utilisation d’un appareil émettant des rayons X, comprenant un premier boîtier qui détecte l’émission de rayonnement dans la salle d’opération et un second boîtier situé à l’extérieur comportant des moyens de signalisation lumineux de l’utilisation de cet appareil selon qu’il est en fonctionnement, sous tension ou hors tension. Le moyen de détection du rayonnement au sein de la salle d’intervention par le premier boitier n’est pas directement précisé par Mme [D]. Pour autant, il apparaît du tableau objet de la diapositive 25 et des diapositives suivantes que le dispositif DOSALERT fonctionne pour tout mode d’émission, en mode pulsé ou continu, selon une tension mesurée de 50kV à 120kV ou un ampérage de 0,5mA à 10 mA, de sorte qu’est aussi divulguée la capacité du premier boîtier à mesurer la demande en courant électrique de l’appareil à émission, ce qui impose nécessairement qu’il soit connecté au niveau du câble d’alimentation.
Le dispositif DOSALERT présenté par Mme [D] n’est donc pas un dispositif basé sur la mesure du rayonnement de l’appareil à émission qui ne permettrait pas de rendre compte d’un état hors tension de cet appareil.
Le dispositif présenté par Mme [D] utilise en effet des moyens de mesure de demande en courant de l’appareil pour permettre de déterminer le statut de hors tension, veille ou utilisation de l’appareil à émission. A cet égard, la société Biomediqa ne soutient pas utilement que ce dispositif décrit utilise des photodétecteurs pour mesurer le flux électromagnétique, ce qui n’est nullement mentionné par Mme [D] dans sa présentation, ni révélé par la diapositive 21 qui montre le principe de fonctionnement du dispositif, l’absence de câble d’alimentation électrique dans ce schéma étant indifférente.
Par conséquent, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que l’ensemble des caractéristiques de la revendication ont été divulguées par la société Biomediqa lors du congrès du 21 mars 2015. Cette revendication est donc dépourvue de nouveauté et doit être considérée comme nulle.