Obligations de transmission des documents médicaux en matière d’incapacité professionnelle

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Obligations de transmission des documents médicaux en matière d’incapacité professionnelle

L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor a reconnu l’accident de travail de M. [R] et a fixé son taux d’incapacité à 25 %. L’employeur a contesté cette décision, arguant que la caisse n’avait pas respecté ses obligations de transmission des documents médicaux, notamment les certificats de prolongation. La Cour nationale a jugé que la caisse avait satisfait à ses obligations en transmettant les documents essentiels, mais a constaté l’absence des certificats de prolongation, violant ainsi l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale. La Cour de cassation a déclaré la décision de la caisse inopposable à l’employeur.

Contexte de l’affaire

La caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor a reconnu l’accident du travail de M. [R], salarié de la société [3], et a fixé son taux d’incapacité permanente à 25 % à la date de consolidation du 31 mars 2016.

Recours de l’employeur

L’employeur a contesté cette décision en saisissant une juridiction du contentieux de l’incapacité, arguant que la caisse n’avait pas respecté ses obligations en matière de transmission des documents médicaux.

Argumentation de l’employeur

L’employeur a fait valoir que, selon l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, la caisse devait transmettre tous les documents médicaux, y compris les certificats de prolongation, avant le débat devant le tribunal. Il a soutenu que la caisse n’avait pas fourni ces documents, ce qui aurait violé ses droits.

Réponse de la Cour nationale

La Cour nationale a jugé que la caisse avait satisfait à ses obligations en transmettant la déclaration d’accident, le certificat médical initial et la décision de consolidation. Elle a estimé que le certificat de prolongation n’était pas nécessaire pour établir l’origine des lésions.

Constatations de la Cour

Cependant, la Cour a constaté que la caisse n’avait pas fourni les certificats médicaux de prolongation, ce qui a conduit à une violation de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a décidé que la décision de la caisse du 9 mai 2016 devait être déclarée inopposable à l’employeur, en raison du non-respect des obligations de transmission des documents médicaux.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de la caisse primaire d’assurance maladie en matière de transmission de documents médicaux selon l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ?

La caisse primaire d’assurance maladie est soumise à des obligations précises en matière de transmission de documents médicaux, comme le stipule l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale.

Cet article, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, précise que :

« La caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné. »

Cette obligation inclut les documents que la caisse détient en vertu d’une dérogation au secret médical, tels que :

– Le certificat médical initial,
– Les certificats de prolongation,
– Le certificat de guérison ou de consolidation,
– L’avis du service du contrôle médical.

Il est donc essentiel que la caisse respecte cette obligation pour garantir le droit à un procès équitable et le respect du principe du contradictoire.

Comment la Cour nationale a-t-elle interprété l’obligation de la caisse concernant les certificats médicaux de prolongation ?

La Cour nationale a interprété l’obligation de la caisse en considérant que le certificat de prolongation, bien qu’important, ne mentionne pas nécessairement toutes les constatations pertinentes pour établir l’origine des lésions.

Dans son arrêt, la Cour a relevé que :

« Le certificat de prolongation, dont la finalité est de justifier du droit de la victime au bénéfice des indemnités journalières, ne mentionne pas obligatoirement toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions. »

Elle a également noté que la caisse avait communiqué d’autres documents essentiels, tels que :

– La déclaration d’accident de travail,
– Le certificat médical initial,
– La décision de consolidation rendue par le praticien conseil.

Ainsi, la Cour a conclu que la caisse avait satisfait à ses obligations, estimant que le principe du contradictoire avait été respecté.

Quelles sont les conséquences de la violation de l’article R. 143-8 par la Cour nationale ?

La violation de l’article R. 143-8 par la Cour nationale a eu des conséquences significatives sur la décision relative à l’inopposabilité de la décision de la caisse.

En effet, la Cour de cassation a constaté que la caisse n’avait pas adressé copie des certificats médicaux de prolongation, ce qui constitue une violation des obligations légales.

Ainsi, la Cour a statué que :

« La décision de la caisse du 9 mai 2016 doit être déclarée inopposable à l’employeur. »

Cette décision souligne l’importance de la transmission complète des documents médicaux pour garantir le respect des droits des parties et l’intégrité du processus judiciaire.

En conséquence, la Cour de cassation a décidé de statuer au fond, justifiant cette démarche par l’intérêt d’une bonne administration de la justice, conformément aux articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 8 F-D

Pourvoi n° R 22-23.746

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-23.746 contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (A)), dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor, et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, 9 novembre 2022), la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l’accident du travail de M. [R] (la victime), salarié de la société [3] (l’employeur), et a fixé, par décision du 9 mai 2016, à 25 % le taux d’incapacité permanente de la victime à la date de consolidation du 31 mars 2016.

2. L’employeur a saisi d’un recours une juridiction du contentieux de l’incapacité.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L’employeur fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande d’inopposabilité de la décision attributive de rente, alors « que selon l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné ; que cette obligation porte sur les documents qu’elle détient en vertu d’une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l’avis du service du contrôle médical ; qu’au cas présent, l’employeur faisait valoir que la caisse n’avait pas adressé, avant tout débat devant le tribunal de l’incapacité, l’ensemble des certificats médicaux, notamment les différents certificats médicaux de prolongation ; qu’en jugeant cependant que la caisse n’était pas tenue de produire les certificats médicaux de prolongation, la Cour nationale a violé l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, alors en vigueur :

4. Selon ce texte, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné.

5. Cette obligation porte sur les documents qu’elle détient en vertu d’une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l’avis du service du contrôle médical.

6. Pour rejeter le recours de l’employeur, l’arrêt relève que le certificat de prolongation, dont la finalité est de justifier du droit de la victime au bénéfice des indemnités journalières, ne mentionne pas obligatoirement toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions. Il ajoute que la caisse a communiqué la déclaration d’accident de travail, le certificat médical initial et la décision de consolidation rendue par le praticien conseil de telle sorte que la caisse doit être considérée comme ayant satisfait à ses obligations et que le principe du contradictoire a été respecté.

7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la caisse n’avait pas adressé copie des certificats médicaux de prolongation, la Cour nationale a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 7 que la décision de la caisse du 9 mai 2016 doit être déclarée inopposable à l’employeur.


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