L’Essentiel : La société civile immobilière (SCI) LA CHAUMETTE, un bailleur, et des époux, également bailleurs, ont engagé une procédure contre une société à responsabilité limitée (Sàrl) L’OURS, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Ils réclament le paiement de loyers et arriérés liés à un bail commercial. Les demandeurs sollicitent des sommes précises, tandis que la Sàrl conteste son obligation de paiement, arguant d’un droit de préférence sur les locaux. Le tribunal a constaté que la vente des locaux n’avait été finalisée qu’après la date de paiement des loyers, condamnant ainsi la Sàrl à verser les montants réclamés.
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Contexte de l’affaireLa Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ont engagé une procédure contre la Sàrl L’OURS, en date du 17 juin 2024, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Ils réclament le paiement de loyers et arriérés liés à un bail commercial, ainsi que des indemnités en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Demandes des partiesLes demandeurs ont sollicité des sommes précises : 44.447,36 euros pour la Sci LA CHAUMETTE, 5.485,36 euros pour les époux [K], ainsi que des frais supplémentaires. En réponse, la Sàrl L’OURS a demandé à être déboutée de toutes les demandes et a formulé des demandes reconventionnelles pour un montant total de 85.547,42 euros, en raison d’un préjudice matériel. Arguments des demandeursLes demandeurs soutiennent que la Sàrl L’OURS est redevable des loyers dus jusqu’au 20 octobre 2023, date à laquelle ils ont vendu les locaux. Ils ont mis en demeure la Sàrl L’OURS de régler les sommes dues, fournissant des décomptes qui confirment les montants réclamés. Arguments de la Sàrl L’OURSLa Sàrl L’OURS conteste son obligation de paiement, affirmant qu’elle aurait dû être propriétaire des locaux depuis le 10 novembre 2021, date à laquelle elle a exercé son droit de préférence. Elle réclame également une compensation pour des travaux réalisés sur les locaux, qui, selon elle, incombaient aux bailleurs. Décision du tribunalLe tribunal a constaté que la vente des locaux n’avait été finalisée qu’au 20 octobre 2023, et que la Sàrl L’OURS n’avait pas produit de preuves suffisantes pour justifier son non-paiement des loyers. En conséquence, il a condamné la Sàrl L’OURS à verser les montants réclamés par la Sci LA CHAUMETTE et les époux [K]. Condamnations accessoiresLe tribunal a également accordé des indemnités aux demandeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant les demandes reconventionnelles de la Sàrl L’OURS. La Sàrl L’OURS a été condamnée à payer les frais et dépens de l’instance. Exécution de la décisionLa décision rendue est exécutoire de droit par provision, permettant ainsi aux demandeurs de récupérer rapidement les sommes dues. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour la demande de provision formulée par la Sci LA CHAUMETTE et les époux [K] ?La demande de provision formulée par la Sci LA CHAUMETTE et les époux [K] repose sur l’article 835, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui stipule que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » En l’espèce, la Sci LA CHAUMETTE et les époux [K] ont produit des décomptes justifiant les sommes dues au titre des loyers et arriérés, s’élevant respectivement à 44.447,36 euros et 5.485,36 euros. La Sàrl L’OURS, quant à elle, n’a pas apporté de preuve sérieuse de contestation de ces créances, ce qui permet au juge des référés d’accorder la provision demandée. Quelles sont les obligations de preuve en matière de contestation d’une créance selon le Code civil ?L’article 1353 du Code civil précise les obligations de preuve en matière d’exécution d’une obligation : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. » Dans cette affaire, la Sci LA CHAUMETTE et les époux [K] ont démontré l’existence de leur créance par des décomptes précis. En revanche, la Sàrl L’OURS, qui conteste son obligation de paiement, doit prouver qu’elle a été libérée de cette obligation, ce qu’elle n’a pas fait. Ainsi, la charge de la preuve incombe à la Sàrl L’OURS, qui n’a pas produit de documents justifiant son allégation de non-paiement des loyers. Quelles sont les conséquences de la décision du juge des référés concernant les demandes reconventionnelles de la Sàrl L’OURS ?Le juge des référés a décidé de ne pas donner suite aux demandes reconventionnelles de la Sàrl L’OURS, en précisant que : « Il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les éventuelles responsabilités des demandeurs. » Cela signifie que les demandes d’indemnisation formulées par la Sàrl L’OURS, liées à un prétendu préjudice matériel et à des travaux réalisés, ne peuvent pas être examinées dans le cadre d’une procédure de référé. Ces questions relèvent du juge du fond, qui est compétent pour trancher les litiges complexes et examiner les responsabilités des parties. Ainsi, la Sàrl L’OURS ne peut pas obtenir de compensation pour ses créances dans le cadre de cette procédure. Comment le juge a-t-il statué sur les demandes accessoires au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ?Le juge a statué sur les demandes accessoires en se fondant sur l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que : « La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le juge a alloué à la Sci LA CHAUMETTE la somme de 1.200 euros et aux époux [K] la somme de 800 euros, considérant que ces montants étaient équitables au regard des frais engagés par les demandeurs. La demande de la Sàrl L’OURS sur ce même fondement a été rejetée, car elle a perdu le procès. Ainsi, la Sàrl L’OURS est condamnée à verser ces sommes aux demandeurs, en plus des autres dépens de l’instance. |
N° RG 24/00819 – N° Portalis DB2E-W-B7I-MYZL
Minute n°
COPIE EXÉCUTOIRE à :
Me Jean-Christophe SERRA – 134
Me Emmanuel SPANO – 349
COPIE CERTIFIÉE CONFORME à :
adressées le : 06 février 2025
Le Greffier
République Française
Au nom du Peuple Français
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG
Ordonnance du 06 Février 2025
DEMANDEURS :
S.C.I. LA CHAUMETTE, immatriculée au RCS de SAVERNE sous le n° 420 018 657, prise en la personne de son gérant unique Monsieur [R] [K],
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Christophe SERRA, avocat au barreau de STRASBOURG
Monsieur [R] [K]
né le 09 Juillet 1949 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Jean-Christophe SERRA, avocat au barreau de STRASBOURG
Madame [E] [X] épouse [K]
née le 08 Novembre 1951 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-christophe SERRA, avocat au barreau de STRASBOURG
DÉFENDERESSE :
S.A.R.L. L’OURS, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 487 996 092, prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Emmanuel SPANO, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats à l’audience publique du 14 Janvier 2025
Président : Olivier RUER, Premier vice-président
Greffier : Cédric JAGER
ORDONNANCE :
Prononcée par mise à disposition au greffe par :
Olivier RUER, Premier vice-président
Cédric JAGER, Greffier
Contradictoire
En premier ressort
Signée par le Président et le Greffier,
Par acte délivré le 17 juin 2024, la Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ont fait assigner la Sàrl L’OURS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de STRASBOURG afin de voir :
– condamner la Sàrl L’OURS à payer à la Sci LA CHAUMETTE, au titre des loyers et arriérés du bail, la somme de 44.447,36 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation ;
– condamner la Sàrl L’OURS à payer à Mme et M. [K], conjointement, au titre des loyers et arriérés du bail, la somme 5.485,36 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation ;
– condamner la Sàrl L’OURS à payer à la Sci LA CHAUMETTE la somme de 1.800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Sàrl L’OURS à payer à Mme et M. [K], conjointement, la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Sàrl L’OURS aux frais et dépens de l’instance ;
– rappeler que la décision à intervenir est exécutoire par provision de droit.
Par conclusions du 11 décembre 2024, la Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ont maintenu leurs demandes et ont sollicité voir débouter la défenderesse de ses demandes reconventionnelles, toutes ses fins et conclusions.
Par conclusions du 09 janvier 2025, la Sàrl L’OURS a sollicité voir :
à titre principal,
– débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les demandeurs à lui payer une provision de 85.547,42 euros au titre de son préjudice matériel ;
à titre subsidiaire,
– débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les demandeurs à lui payer une provision de 55.234,06 euros au titre de son préjudice matériel ;
en tout état de cause,
– condamner les demandeurs à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner aux entiers dépens.
À l’audience du 14 janvier 2025, les parties ont réitéré oralement leurs prétentions puis se sont référées à leurs écritures auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample examen des prétentions et moyens.
Sur la demande de provision :
L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Aux termes de l’article 1353 du Code Civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, la Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] sollicitent les sommes demandées au titre des loyers dus jusqu’au 20 octobre 2023 pour des locaux loués [Adresse 2] à [Localité 7] au rez-de-chaussée et au sous-sol selon baux commerciaux distincts signé le 12 décembre 2005 (pièces 2 et 4 demandeurs).
La Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ont vendu leurs locaux avec effet au 20 octobre 2023 à la Sàrl L’OURS.
La Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ont mis en demeure en date du 28 mai 2024 la Sàrl L’OURS d’avoir à payer au titre des loyers et charges les sommes de 44.447,36 euros à la Sci LA CHAUMETTE et de 5.485,36 euros aux époux [K]. Des décomptes sont produits laissant apparaître un solde débiteur de 44.447,36 euros (pièce 32) et de 5.485,36 euros (pièce 1).
La Sàrl L’OURS, sur qui pèse la charge de la preuve du paiement, conteste son obligation de régulariser les loyers à compter du 10 novembre 2021, date à laquelle elle aurait dû prétendre à la propriété des locaux loués dans la mesure où elle avait exercé son droit de préférence en date du 12 juillet 2021 et qu’elle avait fait signifier un projet d’acte de vente aux demandeurs en date du 8 novembre 2021.
Cependant, il est constant que la vente définitive a eu lieu le 20 octobre 2023, que la Sàrl L’OURS n’est devenue propriétaire des locaux qu’à compter de cette date (pièce 9 défenderesse, page 7) et qu’antérieurement elle est demeurée preneuse desdits locaux conformément aux baux commerciaux.
Par ailleurs, la Sàrl L’OURS ne produit aucun document qui mentionnerait qu’elle aurait été dispensée de payer les loyers entre 2021 et 2023.
Les créances de la Sci LA CHAUMETTE, M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K] ne se heurtent donc à aucune contestation sérieuse.
Par ailleurs, la Sàrl L’OURS demande reconventionnellement une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice matériel dû au retard de 23 mois pour conclure la vente, correspondant au montant de 85.547,42 euros au titre du remboursement de son prêt. Elle argue également avoir fait réalisé des travaux postérieurement au 10 novembre 2021 sur les locaux litigieux, lesquels incombaient pourtant aux bailleurs. Elle serait alors créancière de la somme de 19.619,36 euros envers les demandeurs. La Sàrl L’OURS demande la compensation de ses créances avec ses dettes locatives.
Toutefois, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les éventuelles responsabilités des demandeurs, la demande d’indemnisation ayant pu être opportunément formulée devant le juge du fond s’étant prononcé sur l’exercice par la Sàrl L’OURS de son droit de préférence, sachant que le prêt a été conclu pour le rachat de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 7] (pièce 10 défenderesse, page 2) et que la vente a été in fine conclue avec la Sàrl L’OURS. De même, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur le point de savoir si la réalisation des travaux incombait au preneur ou au bailleur. Ainsi, la demande reconventionnelle et la demande de compensation de la Sàrl L’OURS se heurtent à contestations sérieuses. Il sera donc dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision de la Sàrl L’OURS.
La Sàrl L’OURS sera donc condamnée à verser à titre de provision à la Sci LA CHAUMETTE, au titre des loyers et arriérés du bail, la somme de 44.447,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024, d’une part, et, d’autre part, à payer à Mme et M. [K], conjointement, au titre des loyers et arriérés du bail, la somme provisionnelle de 5.485,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024.
Sur les demandes accessoires :
L’équité commande d’allouer à la Sci LA CHAUMETTE la somme de 1.200 euros et aux époux [K] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. La Sàrl L’OURS sera condamnée à verser ces sommes et sa demande effectuée sur le même fondement sera parallèlement rejetée.
La Sàrl L’OURS sera condamnée aux autres dépens.
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir, mais dès à présent ;
CONDAMNONS la Sàrl L’OURS à verser par provision :
– à la Sci LA CHAUMETTE, la somme de 44.447,36 euros (quarante-quatre mille quatre cent quarante-sept euros et trente-six cents) avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024 ;
– à M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K], conjointement, la somme de 5.485,36 euros (cinq mille quatre cent quatre-vingt-cinq euros et trente-six euros) avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024 ;
DISONS n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision de la Sàrl L’OURS ;
REJETONS pour le surplus les demandes des parties ;
CONDAMNONS la Sàrl L’OURS à payer à la Sci LA CHAUMETTE la somme de 1.200 euros (mille deux cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS la Sàrl L’OURS à payer à M. [R] [K] et Mme [E] [X] épouse [K], conjointement, la somme de 800 euros (huit cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETONS la demande de la Sàrl L’OURS fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNONS la Sàrl L’OURS aux autres frais et dépens ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Et avons signé la minute de la présente ordonnance avec le greffier.
Le Greffier Le Président
C. JAGER O. RUER
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