Obligations financières et contributions en période de crise économique

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Obligations financières et contributions en période de crise économique

L’Essentiel : La SARL [3] a subi des difficultés économiques, entraînant la perte d’un client majeur et des licenciements, dont ceux de [K] [M], [O] [N] et [J] [L], qui ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Pôle Emploi a mis en demeure la SARL de régler 28 106,61 euros pour les contributions dues. Après l’émission d’une contrainte, la SARL a formé opposition, contestée par Pôle Emploi. Le tribunal a jugé l’opposition recevable et a condamné la SARL à verser la somme due, tout en reconnaissant sa bonne foi et en ne prononçant pas de condamnation supplémentaire.

Contexte de l’affaire

La SARL [3] a rencontré des difficultés économiques majeures, entraînant la perte d’un client important à la suite de la crise sanitaire. En conséquence, elle a dû se séparer de plusieurs de ses employés pour des raisons économiques, dont [K] [M], [O] [N] et [J] [L], qui ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Demande de paiement par Pôle Emploi

Le 17 février 2022, Pôle Emploi Services a mis en demeure la SARL [3] de régler un montant total de 28 106,61 euros, correspondant aux contributions dues pour les salariés ayant adhéré au CSP. La SARL a demandé un échéancier de paiement, invoquant des difficultés financières.

Émission de la contrainte

Le 25 novembre 2022, Pôle Emploi Services a émis une contrainte à l’encontre de la SARL [3] pour le montant total dû, signifiée le 21 décembre 2022. En réponse, la SARL a formé opposition à cette contrainte, contestant les majorations et pénalités de retard.

Intervention de France Travail

France Travail, agissant pour le compte de l’UNEDIC, a rappelé que l’adhésion au CSP entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis, et que l’employeur est tenu de contribuer au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle. En l’absence de régularisation de la dette, France Travail a demandé la validation de la contrainte.

Jonction des affaires

France Travail a également sollicité la jonction de trois affaires similaires concernant la SARL [3]. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas ordonner cette jonction en raison des différences dans les dates de mise en demeure et d’opposition.

Recevabilité de l’opposition

Le tribunal a jugé que l’opposition de la SARL [3] était recevable, ayant été formalisée dans le délai imparti et motivée. Pôle Emploi Services n’a pas contesté cette recevabilité.

Analyse du fond de l’affaire

Le tribunal a examiné les obligations de l’employeur en vertu du code du travail et de la convention relative au CSP, stipulant que l’employeur doit payer une somme correspondant à l’indemnité de préavis. Les majorations de retard sont dues de plein droit et ne peuvent être modérées par le juge.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné la SARL [3] à verser la somme de 28 106,61 euros à France Travail, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2022. Il a également décidé de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de la bonne foi de la SARL. La société a été condamnée à supporter les dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ?

L’article 1233-66 du Code du travail stipule que l’adhésion d’un salarié au contrat de sécurisation professionnelle entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis.

Parallèlement, l’employeur est tenu de contribuer au financement de ce dispositif en versant une indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du CSP.

Cette contribution inclut l’ensemble des charges patronales et salariales.

Ainsi, l’employeur doit s’acquitter de cette obligation pour chaque salarié ayant adhéré au CSP, ce qui est essentiel pour garantir le bon fonctionnement du dispositif et le soutien aux salariés concernés.

Quels sont les effets des majorations de retard sur les contributions dues par l’employeur ?

L’article 25 de la convention du 26 janvier 2015 précise que les contributions non payées à la date limite d’exigibilité sont passibles des majorations de retard prévues par l’article R. 243-18 du Code de la sécurité sociale.

Ces majorations sont dues de plein droit en cas de défaillance de l’employeur et ne peuvent être modérées par le juge.

L’article R243-16 du Code de la sécurité sociale établit que les intérêts appliqués en cas de versement tardif des cotisations sont considérés comme des ressources des organismes sociaux, ayant la même nature que les cotisations elles-mêmes.

Il en résulte que les majorations de retard sont automatiquement dues et ne peuvent être contestées par le débiteur, sauf dans des cas spécifiques prévus par la loi.

Comment se déroule la procédure d’opposition à une contrainte émise par Pôle Emploi ?

La société [3] a respecté le formalisme imposé par l’article R133-3 du Code de la sécurité sociale, qui exige que l’opposition soit formée dans un délai de quinze jours suivant la notification de la contrainte.

Cette opposition doit être motivée, ce qui a été le cas ici, puisque la SARL [3] a contesté les majorations et pénalités de retard.

Pôle Emploi Services n’a pas contesté la recevabilité de cette opposition, ce qui renforce la légitimité de la démarche de la société.

Ainsi, la procédure d’opposition permet à l’employeur de contester les sommes réclamées, notamment en cas de difficultés financières ou de désaccord sur les montants dus.

Quelles sont les conséquences de la mise en demeure sur le paiement des sommes dues ?

Selon l’article 1344-1 du Code civil, la mise en demeure constitue le point de départ des intérêts au taux légal.

Dans le cas présent, les intérêts seront dus à compter du 22 février 2022, date de réception de la mise en demeure par la SARL [3].

Cela signifie que, en plus du montant principal de la dette, la société devra également s’acquitter des intérêts accumulés depuis cette date, augmentant ainsi le coût total de la créance.

La mise en demeure est donc un acte crucial qui déclenche des conséquences financières pour le débiteur, rendant le paiement des sommes dues encore plus urgent.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les dépens et les frais de mise en demeure ?

Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la société [3] a été condamnée à supporter les dépens de la présente instance, y compris les frais de signification de la contrainte.

Cela signifie que, en cas de défaite dans ses prétentions, le débiteur doit assumer les coûts liés à la procédure judiciaire, ce qui peut représenter une charge financière supplémentaire.

En revanche, le tribunal a décidé de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, tenant compte de la bonne foi de la SARL [3] et des difficultés financières qu’elle a rencontrées.

Cette décision souligne l’importance de l’équité dans le traitement des litiges, même lorsque des obligations financières sont en jeu.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

31 janvier 2025

Albane OLIVARI, présidente

Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié

assistées lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière

tenus en audience publique le 18 octobre 2024

jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 31 janvier 2025 par le même magistrat

FRANCE TRAVAIL SERVICES C/ S.A.R.L. [3]

N° RG 23/00452 – N° Portalis DB2H-W-B7H-XXDE

DEMANDERESSE

FRANCE TRAVAIL SERVICES,
dont le siège social est sis Agence contentieux – [Adresse 1]
représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 713

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. [3],
dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

FRANCE TRAVAIL SERVICES
S.A.R.L. [3]
la SELARL LEVY ROCHE SARDA, vestiaire : 713
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

la SELARL LEVY ROCHE SARDA, vestiaire : 713
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

La SARL [3] ayant rencontré des difficultés importantes et perdu un client majeur suite à la crise sanitaire, s’est séparée de plusieurs de ses salariés pour motifs économiques.

Ainsi, [K] [M], [O] [N] et [J] [L] ont-ils adhéré au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, pour le financement duquel la législation prévoit une participation de l’employeur.

Par trois courriers du 17 février 2022, Pôle Emploi Services mettait en demeure la SARL [3] de régler les sommes de 16 080,24 euros (Mme [M]), 5 011,81 euros (M. [N]) et 7 014,56 euros (M. [L]) soit un total de de 28 106,61 euros.

La SARL [3] sollicitait l’établissement d’un échéancier pour honorer sa dette, exposant rencontrer des difficultés financières.

Le 25 novembre 2022, Pôle Emploi Services émettait une contrainte à l’encontre de la société, pour un montant de 28 106,61 euros, qui lui était signifiée le 21 décembre 2022.

Par courrier du 3 janvier 2023, la SARL [3] formait opposition à ladite contrainte, contestant être redevable des majorations et pénalités de retard s’ajoutant à la participation de l’employeur, indiquant que l’absence de paiement résultait du silence opposé par Pôle Emploi à ses demandes réitérées que soit étudiée la possibilité d’un échéancier de paiement.

A l’audience de plaidoiries du 18 octobre 2024, la SARL [3] à l’origine de l’opposition à contrainte ne comparaissait pas.

France Travail indiquait intervenir aux droits de Pôle Emploi Services et agir pour le compte de l’UNEDIC, organisme gestionnaire de l’assurance chômage.

En application de l’article 1233-66 du code du travail, et de l’article 21 de la convention du 26 janvier 2015, l’institution rappelait que l’adhésion du salarié au CSP entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis et parallèlement l’obligation pour l’employeur de contribuer au dispositif par le versement d’une indemnité dont le montant équivaut à l’indemnité compensatrice de préavis.

En l’absence de régularisation de la dette par l’employeur, elle sollicitait donc la validation de la contrainte, en conséquence la condamnation de la SARL [3] à lui verser la somme de 28 106,61 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2022, outre les frais de mise en demeure, ainsi qu’à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens, comprenant les frais de la contrainte.

Deux autres contraintes ont été délivrées dans le même contexte, à l’encontre desquelles la société débitrice a également formé opposition. France Travail sollicite que la jonction des trois affaires soit ordonnée, s’agissant des mêmes parties, et du même litige.

L’affaire était mise en délibéré au 20 décembre 2024, délibéré prorogé au 31 janvier 2025.

MOTIVATION

Sur le refus d’ordonner la jonction

Si les litiges concernant les trois affaires sont en effet semblables, les dates de mise en demeure, les dates des contraintes ainsi que les dates auxquelles les oppositions ont été formalisées sont différentes. Pour davantage de clarté dans la lecture, puis l’exécution du dispositif des décisions, il procède d’une meilleure administration de la justice de ne pas procéder à la jonction sollicitée.

Sur la recevabilité de l’opposition

La société [3] a respecté le formalisme imposé par l’article R133-3 du code de la sécurité sociale ; son opposition a été régularisée dans le délai de quinze jours suivant la notification de la contrainte et elle est motivée.

Pôle Emploi Services ne conteste d’ailleurs pas la recevabilité de l’opposition.

Sur le fond

L’article 1233-69 du code du travail, complété par l’article 21 de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle prévoient que l’employeur contribue au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle versée aux bénéficiaires en s’acquittant du paiement d’une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du dispositif et qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale prévue à l’article L. 1234-1 (2° et 3°) du code du travail.

Cette contribution comprend l’ensemble des charges patronales et salariales.

Pôle emploi assure, pour le compte de l’Unédic, le recouvrement de ces sommes.

L’article 25 de la convention prévoit notamment :

§ 2. – Les contributions non payées à la date limite d’exigibilité fixée au paragraphe 1 du présent article sont passibles des majorations de retard prévues par l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.

§ 3. – Toute action intentée ou poursuite engagée contre un employeur manquant aux obligations de la présente convention est obligatoirement précédée d’une mise en demeure dans les conditions prévues à l’article R. 5422-9 du code du travail.

L’article 26 dispose quant à lui :

§ 2. – Remise des majorations de retard et délais de paiement.

Une remise totale ou partielle des majorations de retard prévues à l’article 25, paragraphe 2, ainsi que des délais de paiement, peuvent être consentis aux débiteurs qui en font la demande. Les demandes de remise des majorations de retard ainsi que les demandes de délai de paiement sont examinées par l’instance compétente au sein de Pôle emploi.

Les parties s’accordent sur le montant dû en principal correspondant à la somme de 26 768,22 euros.

La contestation élevée par la société [3] porte sur les majorations de retard.

Ces dernières sont prévues par l’article R243-16 du code de la sécurité sociale, sur le fondement duquel la jurisprudence établit que les intérêts appliqués en cas de versement tardif des cotisations constituent au même titre que celles-ci des ressources des organismes sociaux et ont la même nature que les cotisations; il s’ensuit que ces majorations, qui sont dues de plein droit et qui ne sont assimilables à aucun titre à des dommages-intérêts évalués par les juridictions ne peuvent être modérées, pas plus qu’elles ne pourraient être augmentées, par le juge au motif qu’elles seraient manifestement excessives.

Il est également de jurisprudence constante, sur le fondement de l’article L256-4 du code de la sécurité sociale, que seule l’organisme a compétence pour réduire le montant de sa créance, à l’exception des cotisations et majorations de retard, en cas de précarité du débiteur.

Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments que non seulement les majorations de retard ne sont pas soumises à l’appréciation du créancier et sont automatiquement dues en cas de défaillance, et qu’en outre le tribunal n’a pas compétence en la matière.

La société [3] est donc tenue au paiement de la somme réclamée de 28106,61 euros.

Selon l’article 1344-1 du code civil, la mise en demeure constitue le point de départ des intérêts au taux légal. Ils seront dès lors dus à compter du 22 février 2022, date de réception de la mise en demeure par la société [3], dont le coût sera également supporté par le débiteur.

Succombant dans ses prétentions, la société [3] supportera les dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Au vu de la bonne foi de la demanderesse à l’opposition, qui n’a pas entendu se dérober à ses obligations et justifie des difficultés financières qu’elle a rencontrées par différents éléments versés au débat, l’équité commande en revanche de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en premier ressort,

RECOIT la SARL [3] dans son opposition,

CONDAMNE la SARL [3] à verser à France Travail venant aux droits de Pôle Emploi service, agissant pour le compte de l’Unedic, la somme de 28 106,61 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2022, et majorée du coût de la mise en demeure,

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL [3] à supporter les dépens de la présente instance, comprenant les frais de signification de la contrainte,

RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire.

En foi de quoi, le présent jugement a été rendu par Albane OLIVARI, présidente et par Sophie RAOU, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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