Obligations financières et contestations liées au contrat de sécurisation professionnelle

·

·

Obligations financières et contestations liées au contrat de sécurisation professionnelle

L’Essentiel : La SARL [3] a rencontré des difficultés économiques, entraînant la perte d’un client majeur et des licenciements. L’un des employés, [X] [J], a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), nécessitant une contribution de l’employeur. Le 1er décembre 2022, Pôle Emploi a mis en demeure la SARL de payer 27 469,05 euros. En raison de ses difficultés, la SARL a demandé un échéancier. Le 14 avril 2023, une contrainte a été émise, à laquelle la SARL a formé opposition. Lors de l’audience du 18 octobre 2024, le tribunal a confirmé la dette, condamnant la SARL à verser la somme due avec intérêts.

Contexte de l’affaire

La SARL [3] a rencontré des difficultés économiques majeures, notamment la perte d’un client important en raison de la crise sanitaire, ce qui l’a amenée à se séparer de plusieurs de ses employés pour des raisons économiques. Parmi ces employés, [X] [J] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui nécessite une contribution financière de l’employeur.

Demande de paiement par Pôle Emploi

Le 1er décembre 2022, Pôle Emploi Services a mis en demeure la SARL [3] de régler une somme de 27 469,05 euros. En raison de ses difficultés financières, la SARL a demandé un échéancier pour le paiement de cette dette.

Émission de la contrainte

Le 14 avril 2023, Pôle Emploi Services a émis une contrainte à l’encontre de la SARL pour le même montant, signifiée le 27 avril 2023. En réponse, la SARL a formé opposition à cette contrainte le 2 mai 2023, contestant les majorations et pénalités de retard, arguant que le non-paiement était dû à l’absence de réponse de Pôle Emploi à ses demandes d’échéancier.

Audience et interventions

Lors de l’audience du 18 octobre 2024, la SARL [3] ne s’est pas présentée. France Travail, agissant pour le compte de l’UNEDIC, a rappelé les obligations de l’employeur en matière de contribution au CSP, précisant que l’adhésion du salarié entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice.

Demande de validation de la contrainte

En l’absence de régularisation de la dette, France Travail a demandé la validation de la contrainte et la condamnation de la SARL à verser la somme due, ainsi que des intérêts et des frais de mise en demeure. Deux autres contraintes similaires ont également été mentionnées, avec une demande de jonction des affaires.

Motivations du tribunal

Le tribunal a décidé de ne pas ordonner la jonction des affaires en raison des différences de dates. Concernant la recevabilité de l’opposition, la SARL a respecté le formalisme requis et Pôle Emploi n’a pas contesté cette recevabilité. Sur le fond, le tribunal a confirmé que la SARL devait payer la somme réclamée, y compris les majorations de retard, qui ne peuvent être modérées par le juge.

Décision finale

Le tribunal a accueilli l’opposition de la SARL, mais a condamné celle-ci à verser 27 469,05 euros à France Travail, avec intérêts à compter du 9 décembre 2022. Il a également décidé de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en tenant compte de la bonne foi de la SARL. La société a été condamnée à supporter les dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ?

L’article 1233-66 du Code du travail stipule que l’adhésion d’un salarié au contrat de sécurisation professionnelle entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis.

Parallèlement, l’employeur est tenu de contribuer au financement de ce dispositif en versant une indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du CSP.

Cette contribution inclut l’ensemble des charges patronales et salariales.

L’article 1233-69 précise que cette obligation de paiement est essentielle pour garantir le bon fonctionnement du CSP et le soutien aux salariés concernés.

En cas de non-paiement, des majorations de retard peuvent être appliquées, conformément à l’article 25 de la convention du 26 janvier 2015, qui prévoit que les contributions non payées à la date limite d’exigibilité sont passibles de ces majorations.

Comment se déroule la procédure de mise en demeure et de contrainte ?

L’article R5422-9 du Code du travail impose qu’une mise en demeure soit effectuée avant toute action ou poursuite contre un employeur manquant à ses obligations.

Cette mise en demeure doit être notifiée, et c’est à partir de cette date que les intérêts au taux légal commencent à courir, conformément à l’article 1344-1 du Code civil.

Dans le cas présent, la SARL [3] a reçu une mise en demeure le 1er décembre 2022, ce qui a déclenché le début des intérêts.

Si l’employeur ne régularise pas sa situation, une contrainte peut être émise, comme cela a été le cas le 14 avril 2023, pour un montant de 27 469,05 euros.

La contrainte est signifiée à l’employeur, et celui-ci a la possibilité de former opposition dans un délai de quinze jours, comme l’indique l’article R133-3 du Code de la sécurité sociale.

Quelles sont les conséquences du non-paiement des contributions dues au CSP ?

Le non-paiement des contributions dues au CSP entraîne des conséquences financières pour l’employeur.

L’article 25 de la convention du 26 janvier 2015 précise que les contributions non réglées à la date limite sont passibles de majorations de retard, conformément à l’article R243-18 du Code de la sécurité sociale.

Ces majorations sont dues de plein droit et ne peuvent être modérées par le juge, comme l’indique la jurisprudence fondée sur l’article R243-16 du Code de la sécurité sociale.

Il est également établi que seule l’organisme compétent peut réduire le montant de sa créance, sauf pour les cotisations et majorations de retard, en cas de précarité du débiteur.

Ainsi, la SARL [3] est tenue de payer la somme réclamée de 27 469,05 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2022, date de réception de la mise en demeure.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les dépens et les frais de justice ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante dans un litige doit supporter les dépens, y compris les frais de signification de la contrainte.

Dans cette affaire, la SARL [3] a été condamnée à supporter les dépens de la présente instance, ce qui inclut les frais liés à la contrainte émise par Pôle Emploi Services.

Cependant, le tribunal a décidé de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet d’accorder des dommages et intérêts pour couvrir les frais de justice.

Cette décision a été motivée par la bonne foi de la SARL [3], qui a justifié ses difficultés financières et n’a pas cherché à se dérober à ses obligations.

Ainsi, bien que la société soit condamnée à payer la somme due, elle ne sera pas pénalisée par des frais supplémentaires au titre de l’article 700.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

31 janvier 2025

Albane OLIVARI, présidente

Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié

assistées lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière

tenus en audience publique le 18 octobre 2024

jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 31 janvier 2025 par le même magistrat

FRANCE TRAVAIL SERVICES C/ S.A.R.L. [3]

N° RG 23/01544 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YJFG

DEMANDERESSE

FRANCE TRAVAIL SERVICES,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 713

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. [3],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
non comparante, ni représentée

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

FRANCE TRAVAIL SERVICES
S.A.R.L. [3]
la SELARL LEVY ROCHE SARDA, vestiaire : 713
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

la SELARL LEVY ROCHE SARDA, vestiaire : 713
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

La SARL [3], ayant rencontré des difficultés importantes et perdu un client majeur suite à la crise sanitaire, s’est séparée de plusieurs de ses salariés pour motifs économiques.

Ainsi, [X] [J] a-t-il adhéré au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, pour le financement duquel la législation prévoit une participation de l’employeur.

Par courrier du 1er décembre 2022, Pôle Emploi Services mettait en demeure la SARL [3] de régler la somme de 27 469,05 euros.

La SARL [3] sollicitait l’établissement d’un échéancier pour honorer sa dette, exposant rencontrer des difficultés financières.

Le 14 avril 2023, Pôle Emploi Services émettait une contrainte à l’encontre de la société, pour un montant de 27 469,05 euros, qui lui était signifiée le 27 avril 2023.

Par courrier du 2 mai 2023, la SARL [3] formait opposition à ladite contrainte, contestant être redevable des majorations et pénalités de retard s’ajoutant à la participation de l’employeur, indiquant que l’absence de paiement résultait du silence opposé par Pôle Emploi à ses demandes réitérées que soit étudiée la possibilité d’un échéancier de paiement.

A l’audience de plaidoiries du 18 octobre 2024, la SARL [3], à l’origine de l’opposition à contrainte, ne comparaissait pas.

France Travail indiquait intervenir aux droits de Pôle Emploi Services et agir pour le compte de l’UNEDIC, organisme gestionnaire de l’assurance chômage.

En application de l’article 1233-66 du code du travail, et de l’article 21 de la convention du 26 janvier 2015, l’institution rappelait que l’adhésion du salarié au CSP entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis, et parallèlement l’obligation pour l’employeur de contribuer au dispositif par le versement d’une indemnité dont le montant équivaut à l’indemnité compensatrice de préavis.

En l’absence de régularisation de la dette par l’employeur, elle sollicitait donc la validation de la contrainte, en conséquence la condamnation de la SARL [3] à lui verser la somme de 27 469,05 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2022, outre les frais de mise en demeure, ainsi qu’à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens, comprenant les frais de la contrainte.

Deux autres contraintes ont été délivrées dans le même contexte, à l’encontre desquelles la société débitrice a également formé opposition. France Travail sollicite que la jonction des trois affaires soit ordonnée, s’agissant des mêmes parties, et du même litige.

L’affaire était mise en délibéré au 20 décembre 2024, délibéré prorogé au 31 janvier 2025.

MOTIVATION

Sur le refus d’ordonner la jonction :

Si les litiges concernant les trois affaires sont en effet semblables, les dates de mise en demeure, les dates des contraintes ainsi que les dates auxquelles les oppositions ont été formalisées sont différentes. Pour davantage de clarté dans la lecture, puis l’exécution du dispositif des décisions, il procède d’une meilleure administration de la justice de ne pas procéder à la jonction sollicitée.

Sur la recevabilité de l’opposition :

La société [3] a respecté le formalisme imposé par l’article R133-3 du code de la sécurité sociale ; son opposition a été régularisée dans le délai de quinze jours suivant la notification de la contrainte, et elle est motivée.

Pôle Emploi Services ne conteste d’ailleurs pas la recevabilité de l’opposition.

Sur le fond :

L’article 1233-69 du code du travail, complété par l’article 21 de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle prévoient que l’employeur contribue au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle versée aux bénéficiaires en s’acquittant du paiement d’une somme correspondant à l’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du dispositif et qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale prévue à l’article L. 1234-1 (2° et 3°) du code du travail.

Cette contribution comprend l’ensemble des charges patronales et salariales.

Pôle emploi assure, pour le compte de l’Unédic, le recouvrement de ces sommes.

L’article 25 de la convention prévoit notamment :

§ 2. – Les contributions non payées à la date limite d’exigibilité fixée au paragraphe 1 du présent article sont passibles des majorations de retard prévues par l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.

§ 3. – Toute action intentée ou poursuite engagée contre un employeur manquant aux obligations de la présente convention est obligatoirement précédée d’une mise en demeure dans les conditions prévues à l’article R. 5422-9 du code du travail.

L’article 26 dispose quant à lui :

§ 2. – Remise des majorations de retard et délais de paiement.

Une remise totale ou partielle des majorations de retard prévues à l’article 25, paragraphe 2, ainsi que des délais de paiement, peuvent être consentis aux débiteurs qui en font la demande.

Les demandes de remise des majorations de retard ainsi que les demandes de délai de paiement sont examinées par l’instance compétente au sein de Pôle emploi.

Les parties s’accordent sur le montant dû en principal correspondant à la somme de 26 161 euros.

La contestation élevée par la société [3] porte sur les majorations de retard.

Ces dernières sont prévues par l’article R243-16 du code de la sécurité sociale, sur le fondement duquel la jurisprudence établit que les intérêts appliqués en cas de versement tardif des cotisations constituent au même titre que celles-ci des ressources des organismes sociaux et ont la même nature que les cotisations ; il s’ensuit que ces majorations, qui sont dues de plein droit et qui ne sont assimilables à aucun titre à des dommages-intérêts évalués par les juridictions ne peuvent être modérées, pas plus qu’elles ne pourraient être augmentées, par le juge au motif qu’elles seraient manifestement excessives.

Il est également de jurisprudence constante, sur le fondement de l’article L256-4 du code de la sécurité sociale, que seule l’organisme a compétence pour réduire le montant de sa créance, à l’exception des cotisations et majorations de retard, en cas de précarité du débiteur.

Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments que non seulement les majorations de retard ne sont pas soumises à l’appréciation du créancier et sont automatiquement dues en cas de défaillance et qu’en outre le tribunal n’a pas compétence en la matière.

La société [3] est donc tenue au paiement de la somme réclamée de 27469,05 euros.

Selon l’article 1344-1 du code civil, la mise en demeure constitue le point de départ des intérêts au taux légal. Ils seront dès lors dus à compter du 9 décembre 2022, date de réception de la mise en demeure par la société [3], dont le coût sera également supporté par le débiteur.

Succombant dans ses prétentions, la société [3] supportera les dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Au vu de la bonne foi de la demanderesse à l’opposition, qui n’a pas entendu se dérober à ses obligations et justifie des difficultés financières qu’elle a rencontrées par différents éléments versés au débat, l’équité commande en revanche de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en premier ressort,

RECOIT la SARL [3] dans son opposition,

CONDAMNE la SARL [3] à verser à France Travail venant aux droits de Pôle Emploi service, agissant pour le compte de l’Unedic, la somme de 27 469,05 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2022 et majorée du coût de la mise en demeure,

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL [3] à supporter les dépens de la présente instance, comprenant les frais de signification de la contrainte,

RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire.

En foi de quoi, le présent jugement a été rendu par Albane OLIVARI, présidente et par Sophie RAOU, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon