Exécution des obligations contractuelles et conséquences de l’impossibilité alléguée de paiement

·

·

Exécution des obligations contractuelles et conséquences de l’impossibilité alléguée de paiement

L’Essentiel : Le 15 janvier 2020, M. [Y] [J] et M. [W] [J] ont consenti un bail commercial à la Sasu Kia pour des locaux à [Adresse 7]. Le bail a pris effet le 19 janvier 2021. Le 22 février 2022, la Sasu Kia a assigné les bailleurs en résiliation du bail, mais le tribunal judiciaire de Rouen a rejeté sa demande le 20 mars 2024, condamnant la Sasu Kia à verser 16 926 euros à MM. [J]. En appel, la Sasu Kia a demandé des délais de paiement, invoquant des difficultés financières, mais a été radiée pour défaut d’exécution du jugement.

Constitution du bail commercial

Par acte du 15 janvier 2020, M. [Y] [J] et M. [W] [J], représentés par la Sarl Agi-Cabinet Soudey, ont consenti un bail commercial à la Sasu Kia pour des locaux situés à [Adresse 7] à [Localité 8]. Ce bail a pris effet le 19 janvier 2021.

Assignation en résiliation du bail

Le 22 février 2022, la Sasu Kia a assigné MM. [J] et la Sarl Agi-Cabinet Soudey en vue d’obtenir la résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs, ainsi qu’une indemnisation.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 20 mars 2024, le tribunal judiciaire de Rouen a rejeté les demandes de la Sasu Kia, condamnant cette dernière à verser 16 926 euros à MM. [J] et à la Sarl Agi-Cabinet Soudey, ainsi qu’à payer 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La Sasu Kia a également été condamnée aux dépens.

Appel de la Sasu Kia

La Sasu Kia a formé appel du jugement le 8 avril 2024. Les conclusions au fond ont été déposées respectivement le 5 juillet 2024 par la Sasu Kia et le 14 août 2024 par MM. [J]. La Sarl Agi-Cabinet Soudey ne s’est pas constituée après la signification de la déclaration d’appel.

Demandes des parties

MM. [J] ont demandé la radiation de l’affaire pour défaut de paiement des condamnations prononcées par le jugement, ainsi qu’une indemnisation de 1 000 euros. De son côté, la Sasu Kia a demandé le rejet de cette demande et a sollicité des délais de paiement pour sa dette, invoquant des difficultés financières dues à l’absence d’activité dans les locaux loués.

Arguments de la Sasu Kia

La Sasu Kia a soutenu qu’elle n’a pas pu exercer son activité en raison de la responsabilité de la Sarl Agi-Cabinet Soudey et a demandé des délais de paiement, arguant que l’exécution de la décision aurait des conséquences excessives. Elle a également mentionné des dettes envers son président et l’absence de trésorerie.

Décision sur la radiation de l’affaire

Le conseiller de la mise en état a constaté que la Sasu Kia n’a pas justifié de son impossibilité d’exercer l’activité de restauration rapide, malgré les arguments avancés. Il a donc décidé de prononcer la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement.

Frais de procédure

La Sasu Kia, ayant succombé à l’incident, a été condamnée à supporter les dépens et à verser 1 000 euros à MM. [J] au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’exécution provisoire en matière de bail commercial ?

L’exécution provisoire est un mécanisme juridique qui permet à une décision de justice d’être mise en œuvre immédiatement, même si elle est susceptible d’appel.

Selon l’article 514 du Code de procédure civile, « les jugements sont exécutoires de plein droit, même en cas d’appel, sauf disposition contraire ». Cela signifie que, dans le cas présent, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen est exécutoire immédiatement, sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’issue de l’appel.

De plus, l’article 524 du même code précise que « lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ».

Ainsi, la Sasu Kia, en n’exécutant pas le jugement, se trouve dans une situation où la demande de radiation de l’affaire pour défaut d’exécution est justifiée.

Quelles sont les conséquences du défaut de paiement des condamnations prononcées ?

Le défaut de paiement des condamnations prononcées par le jugement entraîne des conséquences juridiques significatives.

L’article 524 du Code de procédure civile, déjà mentionné, permet la radiation de l’affaire si l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision. Cela signifie que la Sasu Kia, en ne s’acquittant pas de ses obligations financières, risque de voir son appel rejeté et l’affaire radiée.

De plus, l’article 700 du même code stipule que « la partie qui succombe peut se voir allouer une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans ce cas, la Sasu Kia a été condamnée à payer 1 000 euros à MM. [J] en application de cet article, ce qui souligne que le non-paiement des condamnations peut également entraîner des frais supplémentaires pour la partie défaillante.

En somme, le non-respect des obligations financières peut non seulement conduire à la radiation de l’affaire, mais également à des condamnations supplémentaires au titre des frais de justice.

Comment la mauvaise foi peut-elle être caractérisée dans le cadre d’un bail commercial ?

La mauvaise foi dans le cadre d’un bail commercial peut être caractérisée par le comportement d’une partie qui ne respecte pas ses obligations contractuelles ou qui tente de contourner les décisions judiciaires.

Dans le cas présent, la Sasu Kia a été accusée de mauvaise foi en soutenant qu’elle manquait de trésorerie tout en proposant un paiement échelonné de sa dette.

L’article 1134 du Code civil, qui stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », impose aux parties de respecter les engagements pris. En ne s’acquittant pas de ses obligations financières, la Sasu Kia semble agir en contradiction avec cet article.

De plus, l’absence de preuves tangibles de l’impossibilité de payer, comme des éléments comptables ou des justificatifs de trésorerie, renforce l’idée de mauvaise foi.

Ainsi, la mauvaise foi peut être caractérisée par le non-respect des engagements contractuels et l’absence de justification valable pour ne pas exécuter les décisions judiciaires.

Quels sont les droits des bailleurs en cas de non-paiement des loyers ?

Les bailleurs disposent de plusieurs droits en cas de non-paiement des loyers, notamment en vertu des dispositions du Code de commerce et du Code civil.

L’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit que « le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de non-paiement des loyers ». Cela signifie que les bailleurs, MM. [J], ont le droit de demander la résiliation du bail commercial si la Sasu Kia ne s’acquitte pas de ses obligations de paiement.

De plus, l’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cela permet aux bailleurs de demander des dommages-intérêts en cas de préjudice subi en raison du non-paiement des loyers.

En résumé, les bailleurs ont le droit de demander la résiliation du bail et de réclamer des dommages-intérêts en cas de non-paiement des loyers, ce qui leur permet de protéger leurs intérêts financiers.

N° RG 24/01283 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JUAU

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ORDONNANCE DU 19 NOVEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00895

Tribunal judiciaire de Rouen du 20 mars 2024

DEMANDEUR A L’INCIDENT :

Monsieur [Y] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Hortense VERILHAC de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de Rouen substituée par Me ABDOU

Monsieur [W] [J]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Hortense VERILHAC de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de Rouen substituée par Me ABDOU

DEFENDEURS A L’INCIDENT :

SASU KIA

RCS de Rouen 892 617 713

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par Me Stéphane PASQUIER, avocat au barreau de Rouen

SARL AGI – CABINET SOUDEY

RCS de Rouen 519 294 763

[Adresse 1]

[Localité 4]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice remis le 16 mai 2024 à personne

Mme WITTRANT, présidente de la mise en état, à la 1ère chambre civile, assistée de Mme CHEVALIER, greffier,

Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l’audience publique du 15 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.

* * * *

* * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 15 janvier 2020, M. [Y] [J] et M. [W] [J], représentés par la Sarl Agi-Cabinet Soudey ont consenti un bail commercial à la Sasu Kia sur des locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8].

Par acte d’huissier de justice du 22 février 2022, la Sasu Kia a assigné MM. [J] et la Sarl Agi-Cabinet Soudey afin d’obtenir la résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs outre une indemnisation.

Par jugement contradictoire du 20 mars 2024, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– rejeté les demandes formées par la Sasu Kia,

– condamné la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] la somme de 16 926 euros,

– condamné la Sasu Kia aux dépens,

– condamné la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] et à la Sarl Agi-Cabinet Soudey la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration reçue au greffe le 8 avril 2024, la Sasu Kia a formé appel du jugement.

La Sasu Kia a conclu au fond dès le 5 juillet 2024, MM. [J] dès le 14 août 2024.

La Sarl Agi-Cabinet Soudey ne s’est pas constituée après signification de la déclaration d’appel à personne habilitée le 16 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions d’incident notifiées le 14 août 2024 et signifiées le 20 août 2024 à la Sarl Agi-Cabinet Soudey, complétées par conclusions notifiées le 3 octobre 2024, MM. [J] demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles

514 et 524 du code de procédure civile, de :

– prononcer la radiation de l’affaire pour défaut de paiement des condamnations prononcées par le jugement susvisé,

– condamner la Sasu Kia à leur payer une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’incident.

Ils font valoir que la Sasu Kia soulève à tort le défaut de décision du premier juge sur l’exécution provisoire de la décision alors que le jugement est exécutoire par provision de plein droit ; que la Sasu Kia ne peut à la fois soutenir qu’elle manque de trésorerie et proposer un paiement échelonné de la dette ; que cette dernière est de mauvaise foi.

Par conclusions notifiées le 13 mai 2024 puis le 14 octobre 2024, la Sasu Kia demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 514, 519 et 524 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

– rejeter la demande de radiation formée à son encontre,

à titre subsidiaire,

– l’autoriser à se libérer de sa dette en lui octroyant les délais de paiement les plus larges à hauteur de 24 mois conformément aux dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil,

enfin,

– condamner MM. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’en raison de la responsabilité engagée de la Sarl Agi-Cabinet Soudey, elle n’a jamais pu exercer une activité dans les locaux loués et ne dispose dès lors pas de trésorerie pour s’acquitter de la dette ; que l’exécution de la décision aurait des conséquences manifestes et excessives alors que le premier juge n’a pas statué sur l’exécution provisoire. Elle demande à titre subsidiaire des délais de paiement.

Elle souligne encore que son projet est avorté faute d’activité ; qu’elle est en sommeil et doit encore, alors que son compte bancaire est clôturé, une somme de

37 643,36 euros à son président eu titre du compte courant d’associé et des frais engagés.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de radiation de l’affaire

En application de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Il n’existe pas de débat sérieux sur l’exécution provisoire qui s’attache au jugement puisque celle-ci est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile sans dès lors que le juge ne soit tenu de le préciser.

Par acte sous seing privé du 15 janvier 2020, MM. [J], représenté par l’agence immobilière, ont consenti à la Sasu Kia un bail commercial avec effet le 19 janvier 2021, soit un an plus tard. M. [G], représentant légal de la société, associé unique, s’est engagé en qualité de caution de la société dans le contrat.

Par ailleurs, le dirigeant a pris en location le bien à compter du 4 janvier 2020 soit rétroactivement puisque l’engagement de location a été signé le 4 décembre 2020 et antérieurement à la société.

Pour contester la demande de radiation, il invoque l’impossibilité d’exécuter le jugement en l’absence de trésorerie et l’existence de conséquences manifestement excessives si l’exécution provisoire de la décision était mise en oeuvre.

Toutefois, il ne justifie pas de l’impossibilité d’exercer l’activité de restauration rapide visée dans le bail.

En effet, alors que le local loué était qualifié déjà de local commercial possédant notamment une vitrine, l’activité précisée à l’article 29 du contrat ne vise pas spécifiquement la création d’une friterie.

Il soutient que son activité aurait été rendue impossible du fait exclusif des bailleurs à défaut d’avoir obtenu l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires d’effectuer l’installation d’un conduit d’évacuation des vapeurs de cuisson sur l’arrière du local.

Outre l’absence de preuve du caractère impératif de cette installation suivant de telle modalité, cette absence d’autorisation ne correspond pas au refus de l’assemblée générale de l’affectation des lieux conformément au bail puisque la résolution prise le même jour le 9 juillet 2021 autorise des travaux de plomberie en sous-sol pour les besoins précisés du preneur. En outre, les SMS communiqués ne visent que la gestion de la friterie, activité restrictive au regard des termes du bail relatifs à la restauration rapide.

La Sasu Kia ne peut imputer sa situation aux bailleurs pour justifier de son impossibilité d’exercer et donc de payer l’arriéré locatif.

Il convient de relever qu’alors que la création de la société a été immatriculée le 6 janvier 2021 après une publication dans un journal d’annonces légales du 21 décembre 2020, visant une création de l’entité par acte sous seing du même jour, la cessation d’activité déclarée au RCS est datée du 1er avril 2020 soit avant même sa création sans qu’aucune explication ne soit fournie sur cette incohérence.

L’absence d’activité et donc de financement alléguée n’a pas provoqué la liquidation de la société et sa radiation d’une part, l’ouverture d’une procédure collective d’autre part.

En outre, la Sasu Kia ne verse pas davantage d’éléments comptables alors même que d’une part, le capital social porté au registre du commerce et des sociétés s’élève à 1 000 euros et que d’autre part, elle communique des factures correspondant à des travaux exécutés entre décembre 2020 et mai 2021, des factures d’énergie. La seule affirmation d’une dette au titre d’un compte courant d’associé ne peut suffire en l’absence d’éléments probants. La production d’un relevé de compte bancaire affichant un solde de zéro euro ne prouve pas davantage l’impossibilité de payer la dette.

Comme le souligne, MM. [J] l’offre de consignation n’est pas crédible au regard de l’argumentation développée par la Sasu Kia.

En conséquence, faute de rapporter la preuve objective de sa situation, les moyens opposés à la demande de radiation de l’affaire seront rejetés. Il sera fait droit à la demande de radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement.

Sur les frais de procédure

La Sasu Kia succombe à l’incident et en supportera les dépens.

Elle sera condamnée au titre des frais irrépétibles de MM. [J], et en application de l’article 700 du code de procédure civile, à leur payer la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,

Ordonne la radiation de l’affaire enregistrée sous le n°RG 24/01283 du rôle de la cour,

Précise que l’affaire ne sera de nouveau enrôlée que sur la production des justificatifs relatifs au paiement des condamnations prononcées,

Condamne la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sasu Kia aux dépens de l’incident.

Le greffier, La présidente de la mise en état,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon