Obligations du bailleur en matière de décence et de salubrité du logement

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Obligations du bailleur en matière de décence et de salubrité du logement

L’Essentiel : Le 19 novembre 2021, M. [Y] [J] a loué une maison à Mme [C] [V] et M. [S] [G] pour 1 050 € par mois. En octobre 2023, les locataires ont assigné M. [Y] [J] et la Sarl Cris Immo, demandant des travaux d’hygiène, la suspension des loyers, et des dommages-intérêts. Le 29 décembre, le juge a ordonné à M. [Y] [J] d’effectuer des travaux sous astreinte, suspendu le paiement des loyers, et accordé 1 500 € de dommages-intérêts. M. [Y] [J] a fait appel, mais la cour a confirmé la décision, le condamnant également aux dépens d’appel.

Contexte de l’Affaire

Le 19 novembre 2021, M. [Y] [J], par l’intermédiaire de la Sarl Cris Immo, a loué une maison à Mme [C] [V] et M. [S] [G] pour un loyer mensuel de 1050 €, hors charges.

Assignation des Locataires

Le 18 et 19 octobre 2023, les locataires ont assigné M. [Y] [J] et la Sarl Cris Immo devant le juge des contentieux de la protection, demandant la réalisation de travaux d’hygiène et de salubrité, la suspension des loyers, une provision de 3 000 €, et des dommages-intérêts.

Décision du Juge

Le 29 décembre 2023, le juge a débouté les locataires de leurs demandes contre la Sarl Cris Immo, mais a ordonné à M. [Y] [J] d’effectuer des travaux de remise aux normes sous astreinte de 50 € par jour, suspendu le paiement des loyers jusqu’à la fin des travaux, et accordé 1 500 € de dommages-intérêts aux locataires.

Appel de M. [Y] [J]

Le 15 janvier 2024, M. [Y] [J] a fait appel de la décision, contestant les obligations qui lui avaient été imposées, sauf en ce qui concerne la Sarl Cris Immo.

Arguments des Parties

M. [Y] [J] a soutenu que certains désordres étaient dus à un dégât des eaux et que le logement était en bon état à son entrée. Les locataires, quant à eux, ont affirmé avoir signalé des problèmes d’hygiène et de salubrité sans réponse, et ont fourni des rapports d’inspection confirmant l’indécence du logement.

État des Lieux et Inspections

L’état des lieux du 19 novembre 2021 a révélé que le logement était vétuste, avec de nombreux désordres. Des inspections par la mairie et des rapports d’experts ont confirmé l’existence de problèmes d’humidité, de ventilation insuffisante, et d’autres défauts.

Décision de la Cour

La cour a confirmé la décision du premier juge, ordonnant à M. [Y] [J] de réaliser les travaux nécessaires et de respecter l’astreinte, tout en rejetant sa demande de dommages-intérêts pour loyers impayés.

Conséquences Financières

M. [Y] [J] a été condamné aux dépens d’appel et à verser 1 000 € aux locataires en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de décence du logement selon la loi du 6 juillet 1989 ?

Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent, conformément à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989. Cet article stipule que :

« Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. »

Il est également précisé que le bailleur doit :

a) Délivrer le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ;

b) Assurer au locataire la jouissance paisible du logement et le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle ;

c) Entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.

Ces obligations sont essentielles pour garantir la sécurité et la santé des locataires.

Quels recours ont les locataires en cas de non-respect des obligations du bailleur ?

Les locataires disposent de plusieurs recours en cas de non-respect des obligations du bailleur, notamment en vertu de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989. Cet article stipule que :

« Si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. »

En cas de non-réponse du bailleur dans un délai de deux mois, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation. Si aucune solution n’est trouvée, le locataire peut saisir le juge pour demander la mise en conformité du logement.

Le juge peut également ordonner la suspension du paiement des loyers jusqu’à l’exécution des travaux nécessaires, comme le prévoit l’article 20-1. Cela permet aux locataires de protéger leurs droits et d’assurer un logement décent.

Quelles sont les conséquences pour le bailleur en cas de manquement à ses obligations ?

En cas de manquement à ses obligations, le bailleur peut être condamné à réaliser les travaux nécessaires sous astreinte, comme le prévoit l’article 835 du code de procédure civile. Cet article stipule que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

De plus, le bailleur peut être condamné à verser des dommages-intérêts aux locataires pour le préjudice subi en raison de l’indécence du logement. L’article 1231-1 du Code civil précise que :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Ainsi, le bailleur est tenu de respecter ses obligations sous peine de sanctions financières et d’obligations de travaux.

Comment se déroule la procédure de référé en matière de logement décent ?

La procédure de référé en matière de logement décent est régie par les articles 834 et 835 du code de procédure civile. L’article 835 précise que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

Cette procédure permet aux locataires d’obtenir rapidement des mesures pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou pour prévenir un dommage imminent. Les locataires peuvent demander au juge d’ordonner des travaux de mise en conformité du logement, ainsi que la suspension du paiement des loyers jusqu’à ce que les travaux soient réalisés.

Le juge peut également accorder une provision au créancier si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Cela permet d’assurer une protection rapide des droits des locataires face à un bailleur défaillant.

13/01/2025

ARRÊT N°18/2025

N° RG 24/00175 – N° Portalis DBVI-V-B7I-P6EY

EV/KM

Décision déférée du 29 Décembre 2023

Tribunal de proximité de Muret

( 23-000190)

E.LAFITE

[Y] [J]

C/

[S] [G]

[C] [V]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [Y] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne MARIN de la SELARL MARIN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphanie DUVERGER, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2024-3186 du 22/02/2025 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

Madame [C] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphanie DUVERGER, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C-31555-2024-3191 du 22/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E. VET, Conseiller faisant fontion de président de chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. VET, président

P. BALISTA, conseiller

S. GAUMET, conseiller

Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 19 novembre 2021, M. [Y] [J], représenté par la Sarl Cris Immo a donné à bail à Mme [C] [V] et M. [S] [G], une maison à usage d’habitation sise [Adresse 1] à [Localité 3], pour un loyer mensuel de 1050 €, hors charges.

Par actes des 18 et 19 octobre 2023, les locataires ont assigné M. [J] et la Sarl Cris Immo devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret statuant à en référé aux fins de voir :

– enjoindre solidairement M. [Y] [J] et la Sarl Cris Immo à réaliser les travaux nécessaires en matière d’hygiène et de salubrité du logement sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– ordonner la suspension des loyers dans l’attente de la réception des travaux,

– allouer une provision d’un montant de 3 000 €,

– condamner solidairement M. [Y] [J] et la Sarl Cris Immo au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 29 décembre 2023, le juge a :

– débouté Mme [C] [V] et M. [S] [G] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la Sarl Cris Immo,

– condamné M. [Y] [J] à effectuer sans delai, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de la decision et pour une durée de six mois, les travaux de remise aux normes de la décence du logement situé [Adresse 1] à [Localité 3], loué à Mme [C] [V] et à Monsieur [S] [G] consistant dans :

* la réparation du bac de douche de nature à prévenir toute fuite,

* la ‘xation des vasques de la salle de bains

* la mise en place d’un système de ventilation dans le logement,

* la réparation de la porte d’entrée du logement (huisserie déboîtée)

* la réparation des fenêtres du séjour (encadrement décollé),

* la reprise du revêtement du mur situé sous l’evier,

* la réparation des plinthes décollées dans la chambre attenante à la salle de bains et dans les toilettes,

– ordonné la suspension du paiement des loyers jusqu’a réception des travaux et au plus tard jusqu’au mois de juin 2024 inclus,

– condamné M. [Y] [J] à payer à Mme [C] [V] et à M. [S] [G] la somme provisionnelle de 1 500 € à titre de dommages-intérêts,

– condamné M. [Y] [J] au paiement de la somme de 500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– dit que l’ordonnance sera transmise au representant de l’Etat dans le département;

– rappelé que l’ordonnance est de droit assortie de l’exécution provisoire,

Par déclaration du 15 janvier 2024, M. [Y] [J] a relevé appel de la décision en en critiquant l’ensemble des dispositions sauf en ce qu’elle a débouté Mme [C] [V] et M. [S] [G] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la Sarl Cris Immo.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Y] [J] dans ses dernières conclusions du 18 avril 2024, demande à la cour de :

– réformer l’ordonnance de référé du 12 janvier 2024 de la vice-présidente des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret en ce qu’elle a:

* condamné M. [Y] [J] sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision et pour une durée de six mois, à effectuer sans délai les travaux de remise aux normes de la décence du logement situé [Adresse 1] à [Localité 3], consistant dans :

** la réparation du bac de douche de nature à prévenir toute fuite,

** la fixation des vasques de la salle de bains,

** la mise en place d’un système de ventilation du logement,

** la réparation de la porte d’entrée du logement (huisserie déboîtée),

** la réparation des fenêtres du séjour (encadrement décollé),

** la reprise du revêtement du mur situé sous l’évier,

** la réparation des plinthes décollées dans la chambre attenante à la salle de bains et dans les toilettes,

* ordonné la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réception des travaux et au plus tard jusqu’au mois de juin 2024 inclus,

* condamné M. [Y] [J] à payer aux consorts [V]/ [G] la somme provisionnelle de 1 500 € à titre de dommages-intérêts,

* condamné M. [Y] [J] à payer la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

– confirmer l’ordonnance de référé du 12 janvier 2024 de la vice-présidente du tribunal de proximité de Muret en ce qu’elle déboute Mme [C] [V] et M. [S] [G] de leurs demandes à l’encontre de la Sarl Cris Immo,

Statuant à nouveau,

– accueillir la demande reconventionnelle de M. [Y] [J],

– condamner Mme [C] [V] et M. [S] [G] au paiement de la somme de 5.538,53 € au titre des dommages-et-intérêts du fait des loyers,

impayés arrêtée au 31 décembre 2023 outre les loyers postérieurs,

– débouter Mme [C] [V] et M. [S] [G] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner Mme [C] [V] et M. [S] [G] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [C] [V] et M. [S] [G] dans leurs dernières conclusions du 8 avril 2024, demandent à la cour au visa des articles 834 et 835 du code civil, de la loi 6 juillet 1989 et de l’article 564 du code de procédure civile, de :

– débouter M. [Y] [J] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer l’ordonnance du 29 décembre 2023 en toutes ses dispositions,

– y ajouter que M.[Y] [J] est condamné à la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile au titre des frais engagés en appel, outre aux entiers dépens, incluant les frais du PV de constat d’huissier.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :

Selon les dispositions de l’article 802 du code de procédure civile applicable en procédure d’appel par renvoi de l’article 907 dans la rédaction en vigueur à la date de la déclaration d’appel, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

L’article 803 du code de procédure civile énonce que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision de la juridiction.

En application de l’article 16 du code de procédure civile le juge applique et fait appliquer le principe du contradictoire qui suppose, en application d’un principe de loyauté, que chaque partie conclut dans des délais permettant à l’autre d’y répondre de manière utile.

En l’espèce, M. [J] a transmis de nouvelles conclusions au fond le 12 novembre 2024, jour de l’ordonnance de clôture, alors que les intimés avaient conclu en dernier lieu le 8 avril 2024 et lui-même le 18 suivant, il convient d’écarter des débats ces dernières conclusions et les pièces jointes comme notifiées trop tardivement pour permettre aux intimés d’y répondre.

Sur les demandes des locataires :

M. [J] fait valoir que :

‘ certains désordres dénoncés proviennent d’un dégât des eaux qui a fait l’objet d’une déclaration de sinistre et que des travaux de réfection ont été réalisés en avril 2023 c’est-à-dire postérieurement aux pièces produites par les intimés qui remontent à janvier 2023,

‘ s’agissant des autres désordres, ils ne peuvent lui être imputés alors que lors de l’entrée dans les lieux des locataires le 19 novembre 2021, le logement était sain et qu’un certain nombre d’installations aujourd’hui manquantes ou défectueuses étaient conformes,

‘ les locataires refusent de mettre le logement à disposition de l’entreprise qu’il a commise,

‘ les locataires restent débiteurs de la somme de 5538,53 € au titre de leur loyer, montants arrêté au 31 décembre 2023 alors que les locaux sont habitables.

Les locataires opposent que :

‘ peu de temps après leur entrée dans les lieux ils ont alerté leur bailleur des manquements aux règles d’hygiène et de salubrité affectant leur logement, ceci sans succès,

‘ le 2 novembre 2022 les services de la mairie auxquels ils avaient fait appel ont constaté l’existence d’anomalies préjudiciables à leurs conditions d’habitation et à leur santé,

‘ ils ont recherché une fuite qui a été identifiée sous le receveur de douche du logement par ailleurs insuffisamment ventilé,

‘ le bailleur disposait d’un délai d’un mois qui a expiré le 10 décembre 2022 pour remédier aux désordres mais les services de la mairie qui ont organisé une visite contradictoire le 26 janvier 2023 ont constaté l’indécence des lieux,

‘ les désordres ne proviennent pas d’un dégât des eaux et si des devis ont été réalisés, aucune suite n’a été donnée,

‘ le danger pour leur santé et leur sécurité justifie qu’il soit fait application de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 alors que leur prétendue dette locative résulte de la suspension de l’APL en raison du constat d’insalubrité des lieux,

‘ la demande reconventionnelle du bailleur au titre des loyers doit être déclarée irrecevable comme nouvelle.

Sur ce

Les locataires n’ont pas estimé utile de préciser s’ils fondaient leurs demandes sur l’article 834 l’article 835 du code de procédure civile. En tout état de cause, ils n’invoquent aucune urgence dès lors il doivent être considérés comme invoquant le second de ces articles.

Suivant l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d’y mettre un terme.

L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose : «Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en ‘uvre échelonnée.

Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;

b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ‘ ».

De plus, au terme du décret du 30 janvier 2002, pour être réputé décent, le logement doit :

‘ assurer le clos et le couvert. Le gros ‘uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation,

‘ protéger contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres,

‘ permettre une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements .

En l’espèce, il résulte de l’état des lieux réalisé le 19 novembre 2021 que le bien n’a pas été donné en bon état au regard des mentions relevant de nombreuses traces la mention « état moyen » qualifiant le plus souvent les postes visés et les équipements électriques ainsi que la VMC n’ont pu être vérifiés. D’ailleurs, il est précisé « les soussignés reconnaissent exactes les constatations sur l’état du logement, sous réserve du bon fonctionnement des canalisations, appareils et installations sanitaires, électriques et du chauffage qui n’a pu être vérifié ce jour. ». Enfin, l’encadrement de la porte d’entrée, en bois était qualifié comme en « état moyen».

Il résulte de l’ensemble de ces mentions que la maison était vétuste, de nombreux postes mentionnant des désordres résultants d’une absence d’entretien (siphon scotché, joints noircis, joint mal appliqué dans la cuisine,encadrements de fenêtres mal fixés (chambre 3 et 4, porte-fenêtre de séjour’).

Si les locataires ne justifient d’aucune mise en demeure adressée au bailleur, la mairie de [Localité 3] écrivait le 2 novembre 2022 à la locataire que le 26 octobre 2022 l’inspection sanitaire avait établi un rapport mettant en évidence des anomalies et infractions au règlement sanitaire départemental et consistant en particulier en deux dégâts des eaux résultant d’un défaut d’étanchéité du bac à douche. Il était précisé que le bailleur était mis en demeure d’y remédier dans le délai d’un mois.

Le rapport établi par la société AAD Phénix II le 13 janvier 2022 concluait à la mise en évidence d’une fuite sur l’évacuation sous le receveur de douche et recommandait la vérification de l’aspiration de la VMC de la salle d’eau de détalonner les portes de 2 cm et de prévoir des aérations sur les fenêtres les plus éloignées des pièces d’eau.

Selon rapport de l’association Soliha du 12 janvier 2023 : le crépi présente des traces d’humidité et de moisissure, les vasques de la salle de bains ne sont pas fixées, des moisissures se développent au niveau des huisseries des fenêtres des chambres, la porte d’accès au logement se ferme difficilement.

Des manquements au décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent étaient relevés concernant l’humidité, l’absence de protection contre l’infiltration d’air parasite, renouvellement d’air insuffisant et les risques électriques.

Enfin, la mairie organisait une nouvelle inspection sanitaire le 26 janvier 2023 de manière contradictoire et concluait à l’absence de résolution des anomalies qui avaient été relevées trois mois plus tôt. Par courrier du 16 février 2023, le bailleur était invité à prendre les mesures nécessaires avant le 26 février 2023.

Le bailleur a produit une facture en date du 4 avril 2023, concernant une recherche de fuite sous le bac avec réparation pour un montant de 1210 € et deux devis de reprise de tapisserie pour des montants respectifs de 687,50 et 946 €. Cependant, il n’est pas justifié de la réalisation de ces derniers travaux, alors que le seul message de l’entreprise commise pour reprendre le bac à douche ne permet pas d’établir la mauvaise volonté des locataires à permettre la réalisation des travaux, le message du 11 janvier 2024 faisant référence à un rendez-vous pris le 22 suivant.

Il résulte de ces pièces que le bailleur ne peut prétendre avoir réalisé la totalité des travaux.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné le bailleur à effectuer sans délai les travaux suivants:

* la réparation du bac de douche de nature à prévenir toute fuite, dont la cour constatera qu’elle a été effectuée,

* la ‘xation des vasques de la salle de bains, l’état des lieux d’entrée mentionnant que le joint du lavabo manquait en partie et que ce désordre doit être analysé comme relevant de la vétusté, le locataire devant entretenir le bien mais celui-ci devant avoir été remis en bon état ce qui n’a pas été le cas en l’espèce,

* la mise en place d’un système de ventilation dans le logement,l’état des lieux d’entrée précisant que la ventilation n’a pas été vérifiée et le courrier de la ville de [Localité 3] du 16 février 2023 relevant « il y a lieu de remédier au manque de dispositifs d’aération des pièces et de rétablir un bon fonctionnement du groupe VMC » et le constat d’ huissier du 20 février 2024 relevant que quatre VMC de la maison ne fonctionnent pas,

* la réparation de la porte d’entrée du logement (huisserie deboitée), désordre relevé dans le rapport Soliha,

* la réparation des fenêtres du séjour encadrement décollé),

* la reprise du revêtement du mur situé sous l’évier, désordres apparaissant dans le rapport Soliha,

* la réparation des plinthes décollées dans la chambre attenante à la salle de bains et dans les toilettes, ces désordres résultant de la fuite sous le bac de douche.

La décision déférée doit être confirmée en ce qu’elle a condamné le bailleur sous astreinte de 50 € par jour de retard et pour une durée de six mois. Cependant, le point de départ de cette astreinte doit être fixé à deux mois après la signification de l’ordonnance déférée.

Enfin, l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1985 dispose : «Si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l’article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge par l’une ou l’autre des parties.

L’information du bailleur par l’organisme payeur de son obligation de mise en conformité du logement, telle que prévue à l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation, tient lieu de demande de mise en conformité par le locataire.

Le juge saisi par l’une ou l’autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l’Etat dans le département l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6.».

Et il résulte des pièces versées que l’absence de dispositif de ventilation du logement destiné à permettre le renouvellement de l’air et l’évacuation de l’humidité est à elle seule de nature à caractériser l’absence de décence du logement.

Au regard des désordres constatés et de la carence persistante du bailleur, la décision déférée doit être confirmée en ce qu’elle a ordonné la suspension du paiement des loyers jusqu’au mois de juin 2024 inclus.

Sur les demandes reconventionnelles du bailleur :

Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile: «A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.».

Ces dispositions n’ont cependant ni pour objet ni pour effet de priver le défendeur non comparant en première instance de la faculté qui est la sienne de contester en appel la décision rendue en son abence par le premier juge, et ce, dès lors que les demandes formulées par lui, certes pour la première fois en appel, sont néanmoins relatives à des prétentions déjà soumises par le demandeur devant ce même premier juge et dont ledit premier juge a dès lors eu à connaître.

Or, en l’espèce, le premier juge a statué sur les loyers dont il a ordonné la suspension.

En conséquence , la demande du bailleur ne peut être déclarée irrecevable, étant relevé qu’en tout état de cause aucune demande d’irrecevabilité de la demande n’a été formée par les intimés dans le dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour.

Cependant, il doit être rappelé que selon courrier de la CAF du 26 janvier 2023, le montant de l’aide au logement de 330 € a été suspendu en application de l’article L 843-1 du code de la construction et de l’habitation au regard de l’absence de mise en conformité du logement par le bailleur qui a été informé de cette suspension. De plus, la suspension temporaire du paiement des loyers a été ordonnée supra.

En conséquence, la demande en paiement de «dommages-intérêts du fait des loyers » présentée par le bailleur se heurte à une contestation sérieuse et ne peut donner lieu à référé.

Sur les demandes annexes:

L’article 1231-1 du Code civil dispose : «Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.».

En l’espèce, malgré plusieurs avertissements le bailleur a tardé, et tarde toujours à faire effectuer les travaux nécessaires à mettre fin à l’état d’indécence de la maison donnée à bail, ceci alors que les locataires sont parents de trois enfants, dont le plus jeune est âgé de neuf ans.

En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a condamné le bailleur à verser aux locataires une provision de 1500 € à titre de dommages-intérêts.

La décision déférée doit être confirmée sur les dépens et la somme octroyée aux locataires en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant qui succombe majoritairement doit être condamné aux dépens qui ne peuvent inclure le procès-verbal de constat d’huissier en application de l’article 695 du code de procédure civile et à verser aux locataires la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine:

Confirme la décision déférée, sauf en ce qu’elle a fait partir l’astreinte du prononcé de la décision,

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant :

Dit que l’astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pour une durée de six mois commencera à courir un mois après la signification de l’ordonnance déférée,

Constate que les travaux de réparation du bac à douche ont été effectués,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de l’appelant « au titre de dommages-et- intérêts du fait des loyers impayés »,

Condamne M. [Y] [J] aux dépens d’appel qui ne pourront inclure le montant du constat d’huissier,

Condamne M. [Y] [J] à verser à Mme [C] [V] et M. [S] [G] la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

K.MOKHTARI E.VET


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