Obligation de signature et conditions suspensives : enjeux de la volonté contractuelle.

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Obligation de signature et conditions suspensives : enjeux de la volonté contractuelle.

L’Essentiel : La SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a assigné Madame [J] [O] [U] [E] pour obtenir la signature d’une promesse synallagmatique de vente d’un bien immobilier, suite à l’acceptation d’une offre d’achat de 399.500 euros. Malgré deux projets rédigés, la vendeuse souhaite se rétracter, arguant que les conditions suspensives ne sont pas remplies. Le tribunal, après avoir entendu les arguments des deux parties, a jugé que le refus de Madame [J] [O] [U] [E] constitue un trouble illicite, ordonnant sa condamnation à signer la promesse dans un mois, sous astreinte, et à verser 1.000 euros de frais de justice.

Contexte de l’affaire

La SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a assigné en référé Madame [J] [O] [U] [E] devant le tribunal judiciaire d’Évry le 10 juillet 2024. Elle demande la signature d’une promesse synallagmatique de vente d’un bien immobilier, ainsi que le paiement de frais irrépétibles et des dépens.

Offre d’achat et acceptation

La SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a formulé une offre d’achat de 399.500 euros pour le bien de Madame [J] [O] [U] [E], acceptée le 15 septembre 2023. Depuis cette date, deux projets de promesse de vente ont été rédigés, mais aucun n’a été signé par la vendeuse, qui souhaite se rétracter.

Arguments de la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT

La demanderesse soutient que la volonté de rétractation de Madame [J] [O] [U] [E] est infondée, car les conditions suspensives étaient connues dès l’acceptation de l’offre. Elle affirme que les démarches pour réaliser ces conditions ne pouvaient être engagées avant la signature de la promesse synallagmatique.

Arguments de Madame [J] [O] [U] [E]

En défense, Madame [J] [O] [U] [E] conteste la demande, arguant que les conditions suspensives n’ont pas été réalisées et que l’une d’elles est impossible à satisfaire. Elle a également exprimé son refus de vendre sa maison et a signalé plusieurs dysfonctionnements dans le processus de vente.

Débats et décisions judiciaires

L’affaire a été entendue le 11 octobre 2024, où les deux parties ont présenté leurs arguments. Le tribunal a ensuite mis l’affaire en délibéré pour rendre sa décision le 26 novembre 2024.

Motifs de la décision

Le tribunal a constaté que le refus de Madame [J] [O] [U] [E] de signer la promesse synallagmatique constitue un trouble manifestement illicite. L’acceptation de l’offre étant conforme, la rétractation n’est pas justifiée.

Condamnation et conséquences

Le tribunal a condamné Madame [J] [O] [U] [E] à signer la promesse synallagmatique dans un délai d’un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Elle a également été condamnée à payer 1.000 euros à la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT au titre des frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’obligation de signer la promesse synallagmatique de vente ?

La SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a demandé au tribunal de condamner Madame [J] [O] [U] [E] à signer la promesse synallagmatique de vente de son bien immobilier, en vertu de l’offre acceptée le 15 septembre 2023.

Selon l’article 1113 du Code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, ce qui implique que les parties manifestent leur volonté de s’engager.

L’acceptation, comme précisé à l’article 1118 du même code, est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre.

Dans cette affaire, l’acceptation de Madame [J] [O] [U] [E] était conforme à l’offre, et elle ne peut donc pas se rétracter sans motif valable.

L’absence de signature de la promesse synallagmatique constitue un trouble manifestement illicite, car cela viole les engagements contractuels pris par les parties.

Quelles sont les conséquences de la non-réalisation des conditions suspensives ?

Les conditions suspensives, telles que définies dans l’offre acceptée, sont des événements dont la réalisation conditionne l’exécution du contrat.

En l’espèce, les conditions suspensives incluent l’obtention d’un financement bancaire et d’une autorisation de division du lot.

L’article 1304 du Code civil stipule que les effets d’un contrat sont suspendus tant que la condition n’est pas réalisée.

Cependant, dans ce cas, le tribunal a constaté que Madame [J] [O] [U] [E] ne pouvait pas se prévaloir de la non-réalisation de ces conditions pour justifier son refus de signer.

En effet, le point 7 de l’offre stipule que la signature de l’avant-contrat est nécessaire pour engager les démarches nécessaires à la réalisation des conditions suspensives.

Ainsi, le refus de signer ne peut être justifié par l’impossibilité alléguée de réaliser la clause de division, car cela ne constitue pas un motif valable de rétractation.

Quelles sont les implications de l’astreinte imposée par le tribunal ?

Le tribunal a décidé d’imposer une astreinte de 50 euros par jour de retard à Madame [J] [O] [U] [E] si elle ne signait pas la promesse synallagmatique dans le délai imparti.

L’article 1316-4 du Code civil précise que l’astreinte est une somme d’argent que le débiteur doit payer en cas de non-exécution d’une obligation.

Cette mesure vise à inciter le débiteur à exécuter son obligation dans les délais impartis.

Dans ce cas, l’astreinte est fixée pour une durée de six mois, ce qui montre la volonté du tribunal de garantir l’exécution de la décision.

Il est important de noter que l’astreinte est une mesure coercitive qui ne doit pas être confondue avec des dommages-intérêts, qui visent à réparer un préjudice subi.

Quelles sont les conséquences de la demande reconventionnelle de Madame [J] [O] [U] [E] ?

Madame [J] [O] [U] [E] a formulé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, mais le tribunal a décidé de ne pas y donner suite.

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais irrépétibles.

Dans ce cas, le tribunal a jugé que la demande reconventionnelle n’était pas fondée, car le refus de signer la promesse synallagmatique constituait un trouble manifestement illicite.

Ainsi, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive a été rejetée, et Madame [J] [O] [U] [E] a été condamnée à payer une indemnité de 1.000 euros à la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT.

Cette décision souligne l’importance de la bonne foi dans les relations contractuelles et le respect des engagements pris par les parties.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 26 novembre 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00910 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QH63

PRONONCÉE PAR

Carol BIZOUARN, Première vice-présidente,
Assistée de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 11 octobre 2024 et de Fabien DUPLOUY, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. CITEVO DEVELOPPEMENT
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Pierre-Guillaume CLOAREC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : EV

DEMANDERESSE

D’UNE PART

ET :

Madame [J] [O] [U] [E]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Emmanuel LEBLANC de l’AARPI BOUCHARD – LEBLANC, avocat au barreau de l’ESSONNE

DÉFENDERESSE
D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice du 10 juillet 2024, la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a assigné en référé Madame [J] [O] [U] [E] devant le président du tribunal judiciaire d’Évry, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution, pour voir :
– Condamner Madame [J] [O] [U] [E] à procéder à la signature de la promesse synallagmatique dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard ;
– La condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle a formulé une offre d’achat du bien mis en vente par Madame [J] [O] [U] [E] au prix de 399.500 euros, laquelle a été acceptée le jour même par la propriétaire, soit le 15 septembre 2023. Elle indique que depuis cette date, l’agence immobilière mandatée pour la vente à rédigé deux projets de promesse de vente, dont aucun n’a été signé par la vendeuse qui a souhaité se rétracter malgré son engagement initial. Elle précise que cette volonté de rétractation s’appuie sur la supposée impossibilité à réaliser les deux conditions suspensives inscrites au contrat (obligations d’obtenir un financement bancaire et une autorisation de division du lot auprès de la mairie) alors que ces conditions étaient connues de la vendeuse dès l’acceptation de l’offre et que celle-ci ne saurait s’en prévaloir pour se rétracter. Elle ajoute que les démarches en vue de la réalisation de ces conditions ne pouvaient être engagées avant la signature de la promesse synallagmatique, celle-ci étant exigée comme élément de preuve.

L’affaire a été appelée à l’audience du 3 septembre 2024 puis renvoyée à la demande des parties et entendue à l’audience du 11 octobre 2024. A cette audience, la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT, représentée par son avocat, a soutenu son acte introductif d’instance et déposé ses pièces telles que visées dans l’assignation.

En défense, Madame [J] [O] [U] [E], présente et représentée par son avocat, se référant à ses conclusions écrites, a sollicité de :
– Débouter la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamner la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– La condamner au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

Elle fait valoir que les deux conditions suspensives, qui figuraient déjà dans l’offre acceptée, n’ont pas été suivies d’effets à ce jour et que la condition de division du lot est de surcroît impossible à réaliser puisqu’elle est non conforme au PLU et à son article 8. Elle ajoute qu’elle avait demandé que cette clause soit retirée du compromis de vente, ce qui n’ a pas été fait, de sorte qu’elle a maintenu son refus de signer. Elle a signifié par courrier du 2 octobre 2023 qu’elle ne souhaitait plus vendre sa maison et maintient cette position aujourd’hui, bien que la demanderesse lui ait proposé de négocier en direct avec elle, sans l’intermédiaire de l’agence immobilière mandatée. Elle précise que par un courrier du 27 décembre 2023 elle pointait plusieurs dysfonctionnements justifiant son refus : le maintien de la condition suspensive d’obtention d’une division du lot, la fausse déclaration dans le compromis décrivant son bien comme une division en trois lots, la volonté de la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT de passer outre le mandat confié à l’agence alors que cela aurait pu avoir des lourdes conséquences financières pour elle et le comportement de harcèlement de la demanderesse à son égard.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience ainsi qu’à la note d’audience.

A l’issue des débats, il a été indiqué aux parties que l’affaire était mise en délibéré au 26 novembre 2024 et que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

L’article 835 du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT sollicite qu’il soit imposé à Madame [J] [O] [U] [E] l’obligation de signer la promesse synallagmatique de vente de son bien immobilier en application de l’offre acceptée le 15 septembre 2023, demande à laquelle s’oppose Madame [J] [O] [U] [E] qui fait valoir le caractère impossible à réaliser l’une des conditions suspensives et l’absence de démarches de la demanderesse pour réaliser les deux conditions depuis l’acceptation de l’offre.

Sur ce, en application du texte susvisé, il convient de vérifier l’existence d’un trouble manifestement illicite non sérieusement contestable, qu’il s’agirait de faire cesser.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En droit, en application de l’article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

L’article 1118 du même code précise que l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre.

Tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation.
L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle.
En l’espèce, la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT a soumis à Madame [J] [O] [U] [E] une proposition d’acquisition de son bien immobilier en date du 15 septembre 2023 qui précise, en son point 5 «Conditions suspensives» que, «en sus des conditions usuelles, notre offre est soumise aux conditions suspensives suivantes :
– Obtention d’une déclaration préalable de division purgée du recours des tiers et du retrait administratif
– Obtention d’un financement bancaire comptant pour 80% du montant total de l’acquisition (prix de vente plus frais de notaire). Les 20% restants ainsi que les frais afférents à l’opération seront financés par nos fonds propres.».

Cette offre a été acceptée par Madame [J] [O] [U] [E] le 15 septembre 2023, laquelle n’a fait figurer aucune réserve sur son acceptation, dans un contexte où l’offre acceptée mentionnait déjà les deux clauses suspensives litigieuses. Il n’est pas contesté que celle-ci soit la signataire de l’offre.

L’acceptation étant conforme à l’offre, elle ne peut être rétractée.

En outre, le point 7 de cette proposition stipulait que «l’avant-contrat qui marquerait nos engagements respectifs sera organisé sur une durée de 6 mois pour nous permettre de réaliser la condition d’obtention d’une déclaration préalable de division purgée de tous recours».

Dès lors, Madame [J] [O] [U] [E] ne peut se prévaloir de la non réalisation des conditions suspensives d’obtention d’un financement et de division pour justifier un refus de signature de l’avant-contrat, le point 7 précité prévoyant, sans que cela soit sujet à interprétation, la signature du dit avant-contrat comme fixant les engagements réciproques et comme point de départ du délai imposé pour la réalisation de la division.

Dans ce contexte, l’impossibilité alléguée de réaliser la clause de division ne saurait être un motif de rétractation du vendeur, dès lors que le caractère licite de ladite clause n’est pas contesté et que le vendeur sera libéré en cas de non réalisation de celle-ci, le retard évoqué par Madame [J] [O] [U] [E] étant largement imputable au présent contentieux et non au délai de réalisation contractuellement prévu.

En conséquence, il ressort des éléments ainsi développés que le trouble dont se prévaut la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT est manifestement illicite, en ce que le refus de signature du contrat synallagmatique de vente par Madame [J] [O] [U] [E] constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il sera donc fait droit à la demande, sous astreinte de 50 euros passé un délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Madame [J] [O] [U] [E], partie perdante, sera condamnée aux dépens de la présente procédure de référé.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, Madame [J] [O] [U] [E] sera en outre condamnée à payer à la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT une indemnité de procédure qu’il est équitable de fixer à la somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire rendue par voie de mise à disposition au greffe et en premier ressort,

CONDAMNE Madame [J] [O] [U] [E] à signer la promesse synallagmatique de vente de son bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 5], cadastré AE[Cadastre 4], conformément à l’offre acceptée en date du 15 septembre 2023, et ce, dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant 6 mois ;

DIT n’y avoir lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Madame [J] [O] [U] [E] à l’encontre de la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

CONDAMNE Madame [J] [O] [U] [E] à payer à la SARL CITEVO DEVELOPPEMENT une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [J] [O] [U] [E] aux dépens de l’instance en référé ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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