L’Essentiel : Le 4 mars 2024, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a condamné IBM France à verser des indemnités à Madame [D] pour harcèlement moral et licenciement nul. Le 7 octobre 2024, Madame [D] a assigné la société devant le juge de l’exécution pour obtenir des documents de fin de contrat. Lors de l’audience du 6 décembre, elle a demandé la production de documents sous astreinte. Le juge a constaté des erreurs dans les documents fournis par IBM et a ordonné leur remise conforme, assortie d’une astreinte de 500 euros par jour, ainsi que le versement de 1.500 euros à Madame [D].
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Exposé du litigePar jugement du 4 mars 2024, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a condamné la société IBM France à verser à Madame [C] [D] des sommes pour harcèlement moral, licenciement nul, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des congés payés et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a également ordonné la remise des documents de fin de contrat. Assignation devant le juge de l’exécutionLe 7 octobre 2024, Madame [D] a assigné la société IBM France devant le juge de l’exécution de Nanterre pour obtenir la production des documents de fin de contrat sous astreinte. L’affaire a été entendue le 6 décembre 2024, où les avocats des deux parties ont présenté leurs arguments. Demandes de Madame [D]Madame [D] a demandé au juge de déclarer ses demandes recevables et fondées, d’ordonner la production de documents spécifiques sous astreinte de 1.500 euros par jour, ainsi que le versement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponse de la société IBM FranceLa société IBM France a contesté les demandes de Madame [D], demandant son déboutement et affirmant avoir déjà exécuté la décision du conseil de prud’hommes. Elle a également soutenu que Madame [D] lui devait une somme en raison d’un trop-perçu pendant son arrêt maladie. Motifs de la décisionLe juge a noté que la société IBM France avait fourni certains documents, mais que ceux-ci contenaient des erreurs. Il a souligné que la société devait fournir des documents exacts permettant à Madame [D] de faire valoir ses droits. En conséquence, il a décidé d’assortir d’une astreinte la demande de Madame [D] pour la remise des documents conformes. Décision finaleLe juge a condamné la société IBM France à remettre à Madame [D] les documents de fin de contrat conformes à la décision du conseil de prud’hommes, avec une astreinte de 500 euros par jour pendant trois mois. La société a également été condamnée à verser 1.500 euros à Madame [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. La décision est exécutoire de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de la décision du conseil de prud’hommes du 4 mars 2024 ?La décision du conseil de prud’hommes du 4 mars 2024 a eu plusieurs conséquences juridiques importantes pour la société IBM France et Madame [D]. Tout d’abord, la société a été condamnée à verser des dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul, ainsi qu’à payer l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis. Ces condamnations sont fondées sur les articles L1232-1 et L1235-1 du Code du travail, qui stipulent respectivement que : « Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. » « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des dommages et intérêts. » En outre, la décision a ordonné la remise des documents de fin de contrat, ce qui est essentiel pour permettre à Madame [D] de faire valoir ses droits, notamment en matière de calcul des droits à l’assurance chômage. Il est également important de noter que l’article 700 du Code de procédure civile a été invoqué, permettant à la partie gagnante de demander le remboursement des frais de justice. Ainsi, la société IBM France est tenue de respecter cette décision, sous peine de sanctions supplémentaires. Quelles sont les conditions d’application de l’astreinte dans le cadre de la décision du juge de l’exécution ?L’astreinte est une mesure coercitive qui peut être ordonnée par le juge de l’exécution pour garantir l’exécution d’une décision de justice. Selon l’article L 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances le justifient. L’alinéa 2 précise que : « L’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. » Dans le cas présent, le juge a décidé d’assortir d’une astreinte la condamnation de la société IBM France à remettre à Madame [D] les documents de fin de contrat. Cette astreinte est fixée à 500 euros par jour, à compter d’un délai de trois mois après la signification de la décision, et ce, pour une durée de trois mois. Cela signifie que si la société ne respecte pas cette obligation, elle devra payer cette somme pour chaque jour de retard, ce qui incite à l’exécution rapide de la décision. Quels sont les droits de Madame [D] concernant les documents de fin de contrat ?Madame [D] a des droits spécifiques concernant les documents de fin de contrat, qui sont essentiels pour la régularisation de sa situation après la rupture de son contrat de travail. L’article L1234-19 du Code du travail stipule que : « À la rupture du contrat de travail, l’employeur doit remettre au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire. » Ces documents doivent être conformes aux décisions judiciaires antérieures, notamment celles du conseil de prud’hommes. Dans cette affaire, Madame [D] a souligné que les documents fournis par la société IBM France étaient erronés, ce qui l’empêche de faire valoir ses droits, notamment en matière de calcul des droits à l’assurance chômage. Le juge a donc ordonné à la société de fournir des documents exacts, conformes à la décision du conseil de prud’hommes, afin de garantir que Madame [D] puisse bénéficier de ses droits. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice à l’autre partie, lorsque celle-ci succombe dans ses prétentions. Cet article stipule que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans le cas présent, le juge a condamné la société IBM France à verser à Madame [D] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700, en raison de sa défaite dans cette instance. Cela signifie que la société doit couvrir une partie des frais engagés par Madame [D] pour faire valoir ses droits, ce qui est une mesure d’équité dans le cadre des procédures judiciaires. Cette disposition vise à éviter que les parties ne soient dissuadées d’agir en justice en raison des coûts potentiels associés à une procédure. |
AFFAIRE : [C] [D] / Société IBM FRANCE
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 17 JANVIER 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Amélie DRZAZGA
GREFFIER : Marie-Christine YATIM
DEMANDERESSE
Madame [C] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Michèle ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 177
DEFENDERESSE
Société IBM FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Angéline BARBET-MASSIN de la SELARL REIBELL ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0290
Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 06 Décembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 17 Janvier 2025, par mise à disposition au Greffe.
Par jugement du 4 mars 2024, le conseil de prud’hommes de St GERMAIN EN LAYE a notamment condamné la société IBM France au paiement, à Madame [C] [D], de diverses sommes, au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, au titre de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La dite décision a également ordonné la remise des documents de fin de contrat.
Par acte d’huissier du 7 octobre 2024, Madame [D] a fait assigner, à bref délai, la société Compagnie IBM France, devant le juge de l’exécution de Nanterre aux fins de voir ordonner sous astreinte la production des documents de fin de contrat.
L’affaire a été retenue, sans renvoi, à l’audience du 6 décembre 2024, lors de laquelle les parties représentées par leurs avocats ont été entendues.
Madame [D], représentée par son conseil, s’en rapportant à ses écritures visées à l’audience, demande au juge de l’exécution de :
– dire Madame [D] recevable et bien fondée en ses demandes,
– ordonner la production par la Compagnie IBM France, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard pendant trois mois, à compter du prononcé de la décision à intervenir, la production:
du bulletin de salaire correspondant aux condamnations prononcées par le Conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye le 4 mars 2024 au bénéfice de Madame [D],du solde de tout compte établi au 4 mars 2024 date de la résiliation judiciaire du contrat de travail conforme aux condamnations prononcées par le Conseil des Prud’hommes,de l’attestation destinée à France Travail corrigée des erreurs constatées,- condamner la Compagnie IBM France à verser à Madame [D] une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente instance.
Par note en délibéré autorisée, en date du 10 décembre 2024, Madame [D] a communiqué son dossier de plaidoirie.
En défense, la société Compagnie IBM France, représentée par son conseil, s’en rapportant à ses écritures visées à l’audience, demande au juge de l’exécution de :
– déclarer Madame [D] mal-fondée en toutes ses demandes ;
En conséquence,
– débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
– constater que Madame [D] a d’ores et déjà perçu le montant des condamnations prononcées à l’encontre de la société IBM France par jugement du 4 mars 2024, duquel a été déduit la dette de salaire donc elle était redevable à l’égard de son employeur,
– juger du bien-fondé de la dette dont était tenue Madame [D] à l’égard de la société IBM France,
– condamner Madame [D] à régler à la société IBM France la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, il convient de se reporter aux conclusions des parties visées à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2025, par mise à disposition au greffe.
Sur les demandes de “juger” ou de “constater”
Le juge n’est pas tenu de statuer sur les demandes de “juger” ou les demandes de “constater” formées ici par les parties, qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Sur la demande de prononcé d’une astreinte
Madame [D] fait valoir qu’à la suite de la saisine du juge de l’exécution, elle a reçu une attestation France Travail, un certificat de travail ainsi qu’un reçu pour solde de tout compte, outre un bulletin de salaire pour le mois de juillet 2024. Toutefois, elle souligne qu’à l’exception du certificat de travail, ces documents sont tous erronés en sorte qu’elle maintient sa demande d’astreinte. En ce qui concerne le solde de tout compte et le bulletin de salaire, elle estime que la société IBM ne dispose d’aucun titre lui permettant de pratiquer des déductions sur le montant des condamnations prononcées, d’autant que les sommes invoquées sont inexactes, et incompréhensibles. Madame [D] souligne, en outre, que le bulletin de salaire doit être établi à la date du 4 mars 2024 et non à celle du mois de juillet 2024. Elle ajoute également que la société IBM lui doit les congés payés pour toute la période d’arrêt maladie. Par ailleurs, s’agissant de l’attestation France travail, Madame [D] indique qu’elle est inexploitable en l’absence de toute mention au titre du préavis et en lien avec des montants de salaire mentionnés erronés qui rendent le calcul des droits de la salariée impossible. En outre, elle ajoute que l’indemnité conventionnelle indiquée est fausse.
En défense, la société Compagnie IBM France fait valoir qu’elle a exécuté la décision du conseil de prud’hommes conformément aux dispositions de la condamnation dont elle a été l’objet. Elle souligne que Madame [D] lui est redevable d’une somme en lien avec un trop-perçu pendant son arrêt maladie, dont cette dernière avait été informée dès 2022. La société IBM indique avoir attendu la réception du certificat de non-appel pour rompre effectivement le contrat de travail, soit au mois de juillet 2024. La régularisation au titre de l’avantage en nature (véhicule) dont Madame [D] a bénéficié jusqu’en juillet 2024 a également été déduit.
L’alinéa 2 de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
Les dispositions de l’article R.131-1 précisent que l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.
En l’espèce, la société Compagnie IBM France a adressé à Madame [D] des documents de fin de contrat. Pour autant, force est de constater que si le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte mentionnent bien une fin de contrat au 4 mars 2024, des bulletins de salaire ont continué d’être édités jusqu’en juillet 2024 et l’attestation France travail ne permet pas le calcul des droits de Madame [D] comportant des montants de salaire négatifs ou nuls.
La société IBM France fait valoir certains éléments pour expliquer la dette dont elle estime que Madame [D] lui était restée redevable et qu’elle a déduits des sommes versées à Madame [D]. Ces éléments n’ont toutefois pas été soumis au conseil de prud’hommes, qui ne les a pas tranchés. Ils sont contestés par Madame [D] et il n’appartient pas à la société IBM France d’imputer ces sommes aux condamnations dont elle a été l’objet. Il appartient, en revanche, à la société IBM France de communiquer à Madame [D] des documents exacts et lui permettant de faire valoir ses droits en lien avec la rupture du contrat de travail.
En l’état, il ne peut être considéré que la société IBM France a satisfait les obligations qui lui étaient faites au titre de sa condamnation par le conseil de prud’hommes du 4 mars 2024.
Il sera donc fait droit à la demande de Madame [D] aux fins d’assortir d’une astreinte, selon les modalités précisées en fin de décision, la condamnation de la société Compagnie IBM France à remettre à cette dernière les documents de fin de contrat, lesquels doivent être conformes à la décision du conseil de prud’hommes.
Sur les demandes accessoires
La société Compagnie IBM France, succombant, sera condamnée au dépens.
L’équité commande condamner la société IBM France à payer à Madame [D] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera enfin rappelé que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
La juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
ASSORTIT d’une astreinte l’injonction de délivrance par la société Compagnie IBM France à Madame [D] des documents de fin de contrat, conformes à la décision du 4 mars 2024 du Conseil de Prud’hommes de Saint Germain en Laye ;
FIXE à 500 euros par jour, à compter d’un délai de trois mois après la signification de la présente décision, le montant de l’astreinte et ce durant trois mois ;
CONDAMNE la société Compagnie IBM France à payer à Madame [D] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Compagnie IBM France aux dépens.
RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé le 17 janvier 2025, à NANTERRE.
LE GREFFIER LA JUGE DE L’EXECUTION
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