Obligation d’exploitation de l’éditeur

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Obligation d’exploitation de l’éditeur

Obligation légale et contractuelle

L’article L132-12 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « L’éditeur est tenu d’assurer à l’oeuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession. »

Cette obligation légale est le plus souvent reprise par le contrat d’édition qui stipule que « La société d’édition s’engage à mettre en ligne et en vente l’ouvrage de L’AUTEUR sous forme de fichier électronique sur Internet ainsi qu’à le faire vendre et le faire vendre en livre papier. La société d’édition procède à une impression à la demande de l’ouvrage papier. La mise en ligne de l’ouvrage sera effectuée après approbation par l’AUTEUR d’un bon à tirer (BAT) qui lui sera transmis par le service fabrication de la société d’édition. La société d’édition s’engage à assurer l’exploitation numérique de l’oeuvre dans des conditions telles que le droit moral de l’AUTEUR soit protégé.».

Dans cette affaire, l’auteur a obtenu la condamnation de son éditeur pour défaut d’exploitation suffisante de l’ouvrage. Le contrat, respectant en cela les dispositions de l’article L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle, prévoit que l’éditeur assure une diffusion commerciale de l’oeuvre, engage l’éditeur à faire vendre tant la version numérique que la version livre-papier du roman en cause. Or la diffusion commerciale numérique de l’oeuvre, suppose pour être effective que l’oeuvre soit visible et puisse être achetée et téléchargée par le public lecteur de livres numériques. En particulier, le référencement sur les sites auprès desquels peuvent être téléchargés les ouvrages destinés aux liseuses électroniques, vecteur aujourd’hui privilégié d’accès au livre numérique, constitue un indicateur décisif d’un effort de commercialisation. Or en l’espèce, la société d’édition ne pouvait se prévaloir en réalité que de l’offre à la vente sur son propre site de l’ouvrage dont s’agit dans sa version numérique.

La société d’édition invoquait comme moyen de promotion de l’oeuvre la mise à disposition de l’auteur d’un blog à son nom sur son site. Toutefois, ce blog, qui au reste ne parait contenir qu’une interview de l’auteur, ne peut avoir une portée promotionnelle que si des efforts sont réalisés pour le faire connaître et ainsi conduire des internautes à le consulter, ce qui n’est pas établi en l’espèce. De plus, selon la consultation des bases de données interprofessionnelles répertoriant les ouvrages disponibles commercialement, le livre en cause est mentionné comme étant indisponible ou épuisé. Dès lors, la visibilité par ces référencements apparaît sans portée promotionnelle ou commerciale effective puisqu’aucune commande n’est possible et que le livre peut être perçu comme étant en fin d’exploitation.

Responsabilité de l’éditeur

Concernant les séances de dédicaces, s’il est parfaitement normal qu’un auteur contribue à la promotion de son oeuvre, il est plus surprenant que l’éditeur n’ait aucun rôle moteur dans ces opérations, hormis le fait de fournir des affiches.

En conclusion, la société d’édition s’est en réalité limitée à mettre à disposition le livre en version numérique sur son site et à le faire référencer sur divers sites mais sans qu’il soit possible de le commander de sorte qu’il s’agit en réalité d’une exploitation quasi virtuelle. En outre aucune action de promotion sérieuse n’ a été engagée, l’auteur procédant en réalité tout seul et avec une assistance minimale de l’éditeur à la promotion de son livre, allant jusqu’à prendre à sa charge l’approvisionnement des librairies où se déroulaient des séances de dédicaces.

L’éditeur ne peut valablement se retrancher derrière le fait que l’auteur est méconnu et l’oeuvre un premier roman, pour justifier cette quasi absence d’exploitation. En effet, si les usages de la profession autorisent un traitement et des efforts différents de l’éditeur selon la notoriété de l’auteur, il n’en reste pas moins qu’en concluant le contrat d’édition, la société s’est engagée à mettre en oeuvre l’exploitation commerciale de l’oeuvre et à essayer de la faire connaître et de la faire vendre. Or en l’espèce, elle ne peut prétendre avoir procédé à l’exploitation permanente et suivie et à la diffusion commerciale de l’oeuvre conforme aux usages de la profession. En particulier, l’absence d’accès par d’autre voie que son propre site à la version numérique de l’ouvrage est particulièrement regrettable alors que cette société met précisément en avant dans sa présentation, et dans le contrat d’édition, le fait qu’elle exploite l’oeuvre par les deux supports, numérique et papier.

 

 


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