L’Essentiel : La SCI Nathalie a consenti un bail commercial à la société AS Burger pour un restaurant de type « fast food », avec un loyer annuel de 31.200 euros HT/HC. Un avenant a été signé pour des travaux de gaine d’extraction, entraînant une nouvelle franchise de loyer. En février 2024, un commandement de payer a été délivré pour 6.951,36 euros. En réponse, AS Burger a contesté ce commandement, invoquant un manquement à l’obligation de délivrance. Le tribunal a jugé que le commandement n’avait pas d’effet, confirmant l’exception d’inexécution jusqu’à l’achèvement des travaux nécessaires.
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Constitution du bail commercialLa SCI Nathalie a consenti un bail commercial à la société AS Burger le 16 janvier 2023, pour un local à [Adresse 1] à [Localité 4], destiné à l’exploitation d’un restaurant de type « fast food ». Le loyer annuel a été fixé à 31.200 euros HT/HC, avec un paiement trimestriel d’avance et une franchise de deux mois de loyers accordée au preneur. Avenant et travaux nécessairesUn avenant au bail a été signé le 22 mars 2023, stipulant la nécessité de travaux pour la pose d’une nouvelle gaine d’extraction, avec un partage des frais entre les parties. La SCI Nathalie a également accordé une nouvelle franchise de loyer de deux mois au preneur en raison de ces travaux. Commandement de payerLe 20 février 2024, la SCI Nathalie a délivré un commandement de payer à la société AS Burger, réclamant la somme de 6.951,36 euros en principal, en vertu de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail. Assignation en référéEn réponse, le 18 mars 2024, la société AS Burger a assigné la SCI Nathalie devant le tribunal judiciaire de Paris, contestant les effets du commandement de payer en raison d’un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance. Arguments de la société AS BurgerLa société AS Burger a demandé, à titre principal, de juger que la SCI Nathalie avait manqué à son obligation de délivrance et a justifié le non-paiement d’un mois de loyer. Elle a également demandé, à titre subsidiaire, de constater qu’elle avait réglé des loyers avant l’expiration du délai d’un mois et a sollicité des délais de paiement pour le solde des sommes dues. Réponse de la SCI NathalieLa SCI Nathalie a demandé de cantonner l’objet du litige à la seule demande de délais de paiement et a rejeté l’ensemble des demandes de la société AS Burger, tout en sollicitant des frais à son encontre. Analyse des obligations de délivranceLe tribunal a examiné l’obligation de délivrance de la SCI Nathalie, constatant que le local loué ne permettait pas l’exercice de l’activité de restauration en raison de l’absence de conduit d’extraction fonctionnel. Cela a justifié l’exception d’inexécution invoquée par la locataire jusqu’à l’achèvement des travaux. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que le commandement de payer du 20 février 2024 n’avait produit aucun effet et que la clause résolutoire du bail n’était pas acquise. Les frais de l’instance ont été laissés à la charge de la société AS Burger, et les demandes des parties en application de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. L’ordonnance a bénéficié de l’exécution provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la nullité du contrat de travail en cas de liquidation judiciaire ?Le contrat de travail conclu entre l’EURL Loris et [B] [M] le 9 avril 2019 est inopposable à la procédure collective, mais il n’est pas nul. Selon l’article L. 641-9 du code de commerce : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée et interdit à la personne en liquidation judiciaire d’exercer une activité commerciale ou artisanale. Le débiteur dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens consécutivement à la liquidation judiciaire n’est frappé d’aucune incapacité d’accomplir des actes juridiques. Dès lors, les actes accomplis par lui ne sont pas frappés de nullité mais seulement d’inopposabilité à la procédure collective. » Ainsi, bien que le contrat soit inopposable, cela ne signifie pas qu’il soit nul. Par conséquent, [B] [M] ne peut pas inscrire ses créances au passif de la société Loris. Quelles sont les conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ?La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par [B] [M] est justifiée par la déloyauté de l’employeur. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient donc à la cour de vérifier si les faits invoqués par la salariée sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent un manquement suffisant de l’employeur à ses obligations pour que la rupture produise les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, la cour a constaté que [V] [E] a manqué à son obligation de loyauté en procédant à l’embauche de [B] [M] alors que l’EURL Loris était en liquidation judiciaire. Ainsi, la prise d’acte est considérée comme justifiée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière d’exécution du contrat de travail ?L’employeur est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. Cette obligation de bonne foi implique que l’employeur doit agir avec loyauté envers son salarié. Dans le cas présent, il est établi que l’embauche de [B] [M] par [V] [E] a été réalisée à l’insu du liquidateur, et que la salariée n’a été informée de la situation de la société qu’après son embauche. En procédant ainsi, [V] [E] a manifestement manqué à son obligation de loyauté, ce qui justifie la condamnation à indemniser le préjudice subi par la salariée. Quelles sont les conséquences d’un travail dissimulé et des dommages liés à l’absence de cotisations ?Il est acquis que seule l’EURL Loris a procédé à la déclaration préalable à l’embauche, déclaré les cotisations afférentes aux salaires et délivré des bulletins de paie à la salariée. Cependant, au vu des circonstances de l’espèce et de la complexité de la situation résultant de la liquidation judiciaire, l’élément intentionnel de [V] [E] n’est pas démontré. Ainsi, [B] [M] sera déboutée de sa demande à titre de l’indemnité de travail dissimulé. De même, n’étant pas établi que la salariée aurait subi un préjudice relatif à l’absence de déclaration de ses droits à la retraite et au chômage, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Comment se calcule l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés ?L’indemnité compensatrice de préavis est calculée sur la base du salaire moyen perçu par le salarié. Dans le cas présent, le jugement a correctement calculé le montant de l’indemnité compensatrice de préavis revenant à [B] [M], sauf à y ajouter les congés payés afférents. Il est également précisé que l’employeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas du paiement effectif de la somme de 456,30€ correspondant à l’indemnité de congés payés équivalent à un dixième des salaires perçus sollicitée par la salariée. Ainsi, la cour a fait droit à la demande de la salariée à ce titre, en tenant compte de son ancienneté et de son salaire moyen au moment du licenciement. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/52151
N° Portalis 352J-W-B7I-C4LCT
N° : 1
Assignation du :
18 mars 2024
[1]
[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 janvier 2025
par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.
DEMANDERESSE
La S.A.S. AS BURGER
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Hervé CABELI de l’AARPI ANTES AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #R0250
DEFENDERESSE
La S.C.I. NATHALIE
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Clément CARON de la SELARL BOËGE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #B0249
DÉBATS
A l’audience du 04 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par acte du 16 janvier 2023 à effet au 23 janvier suivant, la SCI Nathalie a consenti un bail commercial à la société AS Burger portant sur un local situé [Adresse 1] à [Localité 4], pour y exploiter une activité de restaurant de type « fast food » moyennant le paiement d’un loyer annuel principal de 31.200 euros HT/HC, payable trimestriellement et d’avance. Une franchise de deux mois de loyers a été accordée au preneur.
Par avenant du 22 mars 2023, les parties ont pris acte de la nécessité de réaliser des travaux de pose d’une nouvelle gaine d’extraction et ont décidé de partager les frais y afférents, le bailleur accordant une nouvelle franchise de loyer de deux mois au preneur.
Par acte du 20 février 2024, la SCI Nathalie a fait délivrer à la société AS Burger un commandement de payer la somme de 6.951,36 euros en principal, visant la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.
Par acte du 18 mars 2024, la société AS Burger a assigné la SCI Nathalie devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, en contestation des effets de ce commandement à raison du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, elle demande de :
À titre principal,
juger que la SCI Nathalie a manqué à son obligation de délivrance ; constater qu’elle a réglé le 22 février 2024 la somme de 3.511,01 euros correspondant au loyer de février 2024 et le 3 mars 2024 la somme de 3.511,01 euros correspondant au loyer de mars 2024 ; juger que le non-paiement d’un mois de loyer est en conséquence justifié ; juger en conséquence que le commandement du 20 février 2024 n’a produit aucun effet et que la clause résolutoire n’est pas acquise ; À titre subsidiaire,
constater qu’elle a réglé le 22 « mars » 2024 la somme de 3.511,01 euros et le 3 mars 2024 la somme 3.511,01 euros, soit la somme totale de 7.022,02 euros ; constater en conséquence que la somme de 6.951,36 euros objet du commandement de payer du 20 février 2024 a été réglée avant l’expiration du délai d’un mois ;juger en conséquence que le commandement du 20 février 2024 n’a produit aucun effet et que la clause résolutoire n’est pas acquise ;À titre très subsidiaire,
lui accorder 12 mois de délais de paiement pour s’acquitter du paiement du solde des sommes visées au commandement de payer du 20 février 2024, soit la somme de 3.440,35 euros ; juger, en application du second alinéa de l’article L. 145 -41 du code de commerce, que durant les délais ainsi accordés les effets de la clause résolutoire seront suspendus ; juger qu’une fois les délais respectés, les effets de la clause résolutoire seront anéantis ;En tout état de cause,
rejeter l’ensemble des demandes de la SCI Nathalie ; condamner la SCI Nathalie aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la SCI Nathalie demande de :
cantonner l’objet du litige à la seule demande relative à l’octroi de délais ;En tout état de cause,
rejeter l’ensemble des demandes de la société AS Burger ; condamner la société AS Burger à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens.
Sur la demande de « cantonnement de l’objet du litige »
La SCI Nathalie sollicite le cantonnement de l’objet du litige, sur le fondement des articles 4 et 12 du code de procédure civile, au motif que l’ensemble des demandes de la société AS Burger consistent à « constater » ou « juger », sauf celle relative à l’octroi de délais, de sorte que la seule prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile est la demande de délais.
Mais la société AS Burger sollicite également de « juger » que le commandement du 20 février 2024 n’a produit aucun effet et que la clause résolutoire n’est pas acquise, ce qui constitue une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile, en ce que la décision tranchant cette demande produira des conséquences juridiques.
Il doit, à cet égard, être relevé que, si la bailleresse ne demande pas l’acquisition de la clause résolutoire, elle pourrait, le cas échéant, le faire ultérieurement dans l’hypothèse où les prétentions de la société AS Burger ne seraient pas examinées comme n’étant pas soumises à la présente juridiction, sans se voir opposer l’autorité de la chose jugée.
Il convient en conséquence de statuer sur cette prétention, dont le juge des référés est saisi.
Sur la contestation des effets du commandement de payer du 20 février 2024
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l’absence d’urgence, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l’absence de toute contestation sérieuse de la validité de cette clause, et, par suite, d’ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable.
Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire au visa de laquelle un commandement de payer a été délivré à la locataire le 20 février 2024 à hauteur de la somme de 6.951,36 euros en principal, au titre de l’arriéré locatif au 19 février 2024.
La locataire a réglé le 22 février 2024 la somme de 3.511,01 euros correspondant au loyer de février 2024 et le 3 mars 2024 la somme de 3.511,01 euros correspondant au loyer de mars 2024. Elle a toutefois expressément affecté ces sommes au règlement des loyers de février et mars 2024 et non à l’apurement des causes du commandement, lesquelles n’ont donc pas été réglées dans le délai d’un mois.
Néanmoins, il ressort des pièces produites par les parties, et notamment de l’avenant au bail du 22 mars 2023, du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble du 10 février 2022, des différentes lettres adressées par l’avocat de la société AS Burger à la SCI Nathalie à compter du 23 mai 2023, du devis de la société Chignoli du 6 mars 2023 et du courriel de cette société à locataire du 9 juin 2023, que le local loué, à usage de restaurant de type « fast food », ne disposait pas d’un conduit d’extraction en état de fonctionnement lors de la prise d’effet du bail, ce qui a contraint les parties à programmer des travaux de réfection de la gaine d’extraction intérieure et extérieure, travaux qui n’étaient pas finalisés le 9 juin 2023 puisqu’à cette date, la société Chignoli transmettait à la société AS Burger une facture d’acompte et lui expliquait que les travaux avaient pris du retard en raison de la « réparation de vos conduites d’extraction », qu’elle ne pouvait respecter les délais prévus et qu’elle ne serait pas présente sur le chantier du 10 juillet au 20 juillet compris.
Or, l’obligation de délivrance incombant au bailleur en application de l’article 1719 du code civil s’apprécie au regard de la destination contractuelle du bail et oblige le bailleur à s’assurer que le locataire puisse exercer effectivement son activité conformément à la destination prévue au bail.
En louant un local qui ne permettait pas l’exercice de l’activité de restauration, faute de fonctionnement du conduit d’extraction, la SCI Nathalie a manqué à son obligation de délivrance, ce qui justifie l’exception d’inexécution invoquée par la locataire jusqu’à la fin du mois de juillet 2023, date d’achèvement des travaux permettant le début de l’exploitation du restaurant.
Au demeurant, la bailleresse a accordé à sa locataire une franchise de deux mois de loyers en considération de ces travaux et, à ce jour, ne sollicite ni paiement d’un arriéré locatif ni acquisition de la clause résolutoire du bail.
En effet, il est constant que depuis le 1er août 2023, l’ensemble des loyers et charges ont été réglés.
La demande de la société AS Burger tendant à ce qu’il soit jugé que la clause résolutoire du bail n’est pas acquise par suite du commandement qui lui a été délivré le 20 février 2024 est donc fondée et sera accueillie.
Sur les frais et dépens
L’instance ayant été engagée dans l’intérêt de la société AS Burger, qui n’a pas été assignée aux fins de paiement et de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail par sa bailleresse, elle conservera la charge des frais et dépens de l’instance, sans qu’il y ait lieu d’accueillir la demande de la SCI Nathalie formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé qu’en application de l’article 514-1 du code de procédure civile, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,
Constatons que le commandement de payer du 20 février 2024 n’a produit aucun effet et que la clause résolutoire du bail liant les parties n’est pas acquise ;
Laissons les dépens à la charge de la société AS Burger ;
Rejetons les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Fait à Paris le 8 janvier 2025.
Le Greffier, Le Président,
Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY
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