L’Essentiel : Le Tribunal judiciaire de Marseille a condamné M. [L] [J] à verser 23.500 € à la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, en lien avec une vente en l’état futur d’achèvement. Suite à une saisie-attribution de 26.530,21 € sur ses comptes, M. [L] [J] a demandé la mainlevée. Lors de l’audience, il a sollicité des indemnités pour préjudice financier, tandis que la SCCV a contesté ces demandes. Le tribunal a déclaré la saisie nulle en raison d’une signification irrégulière, ordonnant sa levée et condamnant la SCCV à verser 1.000 € pour abus de saisie.
|
Contexte de l’affaireLe Tribunal judiciaire de Marseille a rendu un jugement le 15 février 2024, condamnant M. [L] [J] à verser 23.500 € à la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, en lien avec une vente en l’état futur d’achèvement datant du 20 décembre 2019. Ce jugement a été signifié le 29 mars 2024. Saisie-attribution et contestationLe 7 mai 2024, la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a procédé à une saisie-attribution de 26.530,21 € sur les comptes de M. [L] [J], qui a été informé de cette saisie le 13 mai 2024. En réponse, M. [L] [J] a demandé la mainlevée de cette saisie par assignation du 12 juin 2024. Audiences et demandes d’indemnisationLors de l’audience du 5 décembre 2024, M. [L] [J] a réitéré sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, tout en sollicitant 5.000 € pour préjudice financier et 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a contesté ces demandes et a demandé 5.000 € pour résistance abusive ainsi que 5.000 € au titre de l’article 700. Validité de la saisie-attributionLe tribunal a examiné la validité de la saisie-attribution, en se basant sur les articles 503 et 656 du code de procédure civile. Il a été établi que la signification du jugement du 15 février 2024 n’avait pas été effectuée conformément aux exigences légales, entraînant la nullité de l’acte de signification du 29 mars 2024. Conséquences de la nullitéEn raison de cette nullité, le jugement du 15 février 2024 ne pouvait être exécuté, rendant la saisie-attribution du 7 mai 2024 également nulle. Le tribunal a donc ordonné la levée de cette saisie. Indemnisation pour abus de saisieLe tribunal a reconnu que la saisie-attribution avait été effectuée de manière abusive, étant donné l’irrégularité de la signification. M. [L] [J] a subi un préjudice en raison du blocage de ses comptes, et la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a été condamnée à lui verser 1.000 € pour ce préjudice. Décisions finalesLa SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a vu ses demandes rejetées, y compris celle relative à la résistance abusive. De plus, elle a été condamnée à verser 1.500 € à M. [L] [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance. Le jugement a été déclaré exécutoire provisoirement. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la validité de la saisie-attribution effectuée par la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE ?La validité de la saisie-attribution dépend de la régularité de la signification du jugement du 15 février 2024. Selon l’article 503 du code de procédure civile, « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire ». En l’espèce, la signification du jugement a été effectuée le 29 mars 2024. L’article 655 du même code précise que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile ou, à défaut, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences accomplies pour effectuer la signification et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. Dans cette affaire, l’huissier a seulement vérifié que le nom du destinataire était présent sur la boîte aux lettres, sans effectuer d’autres diligences. Cela ne respecte pas les exigences de l’article 656, qui stipule que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte, la signification est faite à domicile, avec un avis de passage. Ainsi, la signification du 29 mars 2024 n’a pas été réalisée conformément à l’article 656, entraînant la nullité de l’acte de signification. En conséquence, la saisie-attribution du 07 mai 2024 est également nulle et doit être levée. Quelles sont les conséquences de la nullité de la saisie-attribution sur les demandes indemnitaires ?La nullité de la saisie-attribution a des conséquences directes sur les demandes indemnitaires. L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution stipule que « le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie ». Dans ce cas, la saisie-attribution a été diligentée alors que la signification du jugement n’était pas régulière, ce qui constitue une faute. Bien que le lien de causalité entre la santé mentale de M. [L] [J] et cette faute ne soit pas clairement établi, il est indéniable que cette situation a causé un préjudice à M. [L] [J], qui a vu ses comptes bloqués. Le tribunal a donc condamné la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE à verser à M. [L] [J] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice. Cela démontre que la nullité de la saisie-attribution a permis à M. [L] [J] de revendiquer des dommages-intérêts pour l’abus de saisie, renforçant ainsi la protection des droits des débiteurs face à des procédures irrégulières. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Dans cette affaire, M. [L] [J] a demandé 4.000 € au titre de l’article 700, tandis que la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a sollicité 5.000 € pour résistance abusive. Le tribunal a rejeté la demande de la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, considérant qu’elle avait succombé dans ses demandes. En revanche, il a condamné la SCCV à verser à M. [L] [J] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700. Cette décision souligne l’importance de l’article 700 dans la répartition des frais de justice, permettant à la partie gagnante de récupérer une partie des frais engagés pour défendre ses droits. Cela contribue à l’équité dans le système judiciaire, en évitant que la partie perdante ne soit pas pénalisée financièrement pour avoir exercé ses droits. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
JUGE DE L’EXECUTION
DOSSIER : N° RG 24/06801 – N° Portalis DBW3-W-B7I-5BVY
MINUTE N° : 25/
Copie exécutoire délivrée le 16/01/2025
à Me SAVI
Copie certifiée conforme délivrée le 16/01/2025
à Me OTTO
Copie aux parties délivrée le 16/01/2025
JUGEMENT DU 16 JANVIER 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Madame PHILIPS, Vice Présidente
GREFFIER : Madame RAMONDETTI, Greffière
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 05 Décembre 2024 du tribunal judiciaire DE MARSEILLE, tenue par Madame PHILIPS, Vice Présidente juge de l’exécution par délégation du président du tribunal judiciaire de Marseille, assistée de Madame RAMONDETTI, Greffière.
L’affaire oppose :
DEMANDEUR
Monsieur [L] [H] [J]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 4] (13), demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Marie-Hélène OTTO, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSE
La Société Civile de Construction Vente BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIÈRE, immatriculée au RCS près le Tribunal de Commerce de Marseille sous le n°807636931, dont le siège est situé au [Adresse 3], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité audit siège social, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Julie SAVI, avocat au barreau de MARSEILLE
Al’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré. Le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 16 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction.
NATURE DE LA DECISION : contradictoire et en premier ressort
Par jugement du 15 février 2024, le Tribunal judiciaire de Marseille a condamné M. [L] [J] à verser à la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE la somme de 23.500 € au titre du solde de la vente en l’état futur d’achèvement du 20 décembre 2019.
Le jugement a été signifié, à l’étude, par acte du 29 mars 2024.
Le 07 mai 2024, la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel, portant sur un montant total de 26.530,21 €. La saisie a été dénoncée à M. [L] [J] le 13 mai 2024.
Par assignation du 12 juin 2024, M. [L] [J] sollicite la mainlevée de la saisie-attribution.
A l’audience du 05 décembre 2024, M. [L] [J] sollicite la mainlevée de la saisie attribution, outre les sommes de 5.000 € en réparation de son préjudice financier et 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE s’oppose aux demandes de M. [L] [J] et sollicite les sommes de 5.000 € au titre de la résistance abusive et 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande en mainlevée de la saisie-attribution
Sur la validité de la saisie attribution
Aux termes de l’article 503 du code de procédure civile, « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire ».
L’article 655 du code de procédure civile énonce que : « Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence
L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »
L’article 656 du même code précise que : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois. Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé.
L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions ».
En application de l’article 656 du code de procédure civile, la Cour de cassation a décidé que « la seule mention, dans l’acte de l’huissier de justice, que le nom du destinataire de l’acte figure sur la boîte aux lettres, n’est pas de nature à établir, en l’absence de mention d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte » (2e Civ. 8 septembre 2022, n°21-12.352). La Cour de cassation a statué ainsi, en dépit du fait que des éléments extérieurs venaient corroborer la domiciliation du destinataire de l’acte (retour de courriers avec la mention plis avisé non réclamé).
En outre, en application de l’article 114 du code de procédure civile « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »
En l’espèce, le commissaire de justice a précisé avoir vérifié que le nom du destinataire était présent sur la boîte aux lettres, mais il n’a procédé à aucune autre diligence. Il y a donc lieu de constater que la signification du 29 mars 2024 n’a pas été réalisée en conformité à l’article 656 du code de procédure civile.
S’agissant du grief, M. [L] [J] montre qu’il aurait souhaité contester le bienfondé du jugement du 15 février 2024 devant la Cour d’appel et qu’il a été privé de cette possibilité en raison de ce qu’il indique ne pas avoir eu connaissance de la signification du jugement.
Dans ces conditions, il y a donc lieu de constater la nullité de l’acte de signification du 29 mars 2024.
En l’absence de signification valable, le jugement du 15 février 2024 ne pouvait être exécuté.
La saisie attribution du 07 mai 2024 est donc nulle et elle doit être levée.
Sur les demandes indemnitaires
L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution : « Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »
En l’espèce, la saisie-attribution a été diligentée alors que la signification du jugement n’était pas régulière. Ces circonstances constituent une faute. Le lien de causalité entre la santé mentale de M. [L] [J] et la faute commise est insuffisamment caractérisé. Toutefois, cette faute est à l’origine d’un préjudice pour M. [L] [J], qui a vu ses comptes bloqués.
La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE sera donc condamnée à verser à M. [L] [J] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice.
La demande de La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, qui succombe, sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
La SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE sera condamnée à verser à M. [L] [J] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de l’exécution, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe, rendue en premier ressort ;
ANNULE l’acte de signification réalisé le 29 mars 2024 par la SCP Caroline PLAISANT et Cyril BUSUTTIL, à la demande de la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, en vue de la signification du jugement du 15 février 2024 à [L] [J] ;
ANNULE ET ORDONNE la mainlevée de la saisie attribution réalisée le 07 mai 2024, à la demande de la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE, entre les mains de la Caisse fédérale de Crédit Mutuel, sur les comptes de M. [L] [J], portant sur un montant total de 26.530,21 € ;
REJETTE la demande de la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE au titre de la résistance abusive ;
CONDAMNE la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE à verser à M. [L] [J] la somme de 1.000 € au titre de l’abus de saisie ;
REJETTE la demande de la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE à verser à M. [L] [J] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCCV BEAUCHAMPS PROMOTION IMMOBILIERE aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire ;
Le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Laisser un commentaire