Nullité de la procédure et protection des droits des patients en soins psychiatriques

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Nullité de la procédure et protection des droits des patients en soins psychiatriques

L’Essentiel : Le 18 novembre 2024, le conseil a déposé des conclusions de nullité, jointes au fond. Lors de l’audience du 19 novembre, le juge a exposé la procédure et l’avis du procureur. Monsieur [I] [Y] a été entendu, exprimant son bien-être à l’hôpital. Cependant, des certificats médicaux ont confirmé des troubles mentaux justifiant son hospitalisation sans consentement. Le conseil a plaidé la nullité, soulignant l’irrégularité de la notification des droits du patient, faite 20 jours après la décision. Le juge a déclaré la procédure irrégulière, prononçant la nullité et ordonnant la mainlevée immédiate de la mesure de soins.

Conclusions de nullité

Le conseil a déposé des conclusions de nullité au greffe le 18 novembre 2024, à 11h18, et l’incident a été joint au fond.

Débats et audience

Lors de l’audience publique du 19 novembre 2024, le juge a présenté la procédure et l’avis du procureur de la République. Monsieur [I] [Y] et son conseil ont été entendus.

Conditions d’hospitalisation

Selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne souffrant de troubles mentaux peut être soumise à des soins psychiatriques sans son consentement si ses troubles rendent impossible son consentement et nécessitent des soins immédiats.

Historique de l’hospitalisation

Monsieur [I] [Y] est hospitalisé depuis le 16 novembre 2023 à la demande de son curateur, CROIX MARINE AUVERGNE. La dernière décision concernant son hospitalisation a été rendue le 21 mai 2024.

Certificats médicaux

Des certificats médicaux datés du 31 octobre et du 15 novembre 2024 ont confirmé que le patient présente des troubles délirants et une désorganisation psychique, justifiant la poursuite de l’hospitalisation complète sans consentement.

Avis médical

Un avis médical d’un collège de trois membres a souligné l’absence de projet de vie pour le patient, en raison de sa symptomatologie persistante et de son amaigrissement, rendant nécessaire la poursuite de l’hospitalisation sous contrainte.

Déclaration de Monsieur [I] [Y]

Au cours de l’audience, Monsieur [I] [Y] a exprimé son bien-être à l’hôpital et son accord pour suivre le traitement prescrit.

Requête en nullité

Le conseil a plaidé la nullité de la procédure, soulignant l’absence de notification des droits du patient dans les délais requis, ce qui a porté atteinte à ses droits.

Irregularité de la procédure

Il a été constaté que la notification de maintien en hospitalisation sans consentement a été faite 20 jours après la décision, ce qui constitue une irrégularité de procédure.

Décision du juge

Le juge a déclaré la procédure irrégulière, prononcé la nullité de la procédure et ordonné la mainlevée immédiate de la mesure de soins sans consentement.

Appel et exécution provisoire

L’ordonnance est susceptible d’appel dans un délai de 10 jours et bénéficie de l’exécution provisoire. Les dépens sont laissés à la charge du trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de l’hospitalisation sans consentement selon le Code de la santé publique ?

L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles une personne atteinte de troubles mentaux peut faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement.

Ces conditions sont les suivantes :

1. Les troubles mentaux de la personne rendent impossible son consentement.

2. L’état mental de la personne impose des soins immédiats, qui doivent être justifiés par :

– Une surveillance médicale constante, justifiant une hospitalisation complète.

– Une surveillance régulière, justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, il est impératif que ces deux conditions soient réunies.

Il est donc essentiel de s’assurer que la décision d’hospitalisation respecte ces critères, afin de protéger les droits des patients et de garantir la légalité de la procédure.

Quelles sont les obligations de notification en matière de soins psychiatriques ?

L’article L. 3211-3 du Code de la santé publique impose des obligations de notification à l’égard des patients faisant l’objet de soins psychiatriques.

Cet article stipule que :

– Toute personne sous soins psychiatriques doit être informée dès son admission ou dès que son état le permet.

– Cette information doit inclure sa situation juridique, ses droits, les voies de recours disponibles, et les garanties qui lui sont offertes.

Il est également précisé que cette information doit être fournie à la demande du patient, et après chaque décision concernant le maintien des soins ou la définition de la forme de la prise en charge.

Dans le cas de Monsieur [I] [Y], la décision de maintien en hospitalisation sans consentement n’a été notifiée que 20 jours après, ce qui constitue une violation de ses droits.

Cette notification tardive a donc été considérée comme une irrégularité de procédure, entraînant la nullité de la décision de maintien des soins.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité de procédure dans le cadre des soins psychiatriques ?

L’irrégularité de procédure, comme celle constatée dans le cas de Monsieur [I] [Y], a des conséquences juridiques significatives.

Selon l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, l’hospitalisation complète d’un patient doit être validée par un magistrat du siège du tribunal judiciaire, et ce, dans un délai de six mois.

Si cette procédure n’est pas respectée, cela peut entraîner la nullité de la décision de maintien des soins.

Dans le cas présent, la notification tardive des droits de Monsieur [I] [Y] a été jugée comme une atteinte à ses droits, ce qui a conduit à la décision de prononcer la nullité de la procédure et à ordonner la mainlevée immédiate de la mesure de soins sans consentement.

Cette décision souligne l’importance de respecter les droits des patients et les procédures légales en matière de soins psychiatriques.

Quels sont les recours possibles en cas de décision de maintien des soins sans consentement ?

L’article L. 3211-12-4 du Code de la santé publique prévoit les modalités de recours en cas de décision de maintien des soins sans consentement.

Il stipule que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, prise en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, est susceptible d’appel.

Cet appel doit être formé devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Il est important de noter que l’appel n’est pas suspensif, ce qui signifie que la décision contestée reste en vigueur jusqu’à ce que la cour d’appel statue.

La déclaration d’appel doit respecter certaines conditions, comme l’indication des noms et prénoms des parties, ainsi que l’objet de la demande, conformément à l’article 58 du Code de procédure civile.

Ainsi, les patients ont la possibilité de contester les décisions les concernant, ce qui est essentiel pour garantir leurs droits et leur protection.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CLERMONT-FERRAND

N° RG 24/01158 – N° Portalis DBZ5-W-B7I-JZDI
MINUTE: 24/651
ORDONNANCE
rendue le 19 Novembre 2024
Article L 3211-12-1 du code de la santé publique

CONTRÔLE DE L’HOSPITALISATION COMPLÈTE AVANT L’EXPIRATION D’UN DÉLAI DE SIX MOIS
DEPUIS LA PRÉCÉDENTE DÉCISION DE MAINTIEN
EN HOSPITALISATION COMPLÈTE

DEMANDEUR
M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [7]
[Adresse 3]
CS9912
[Localité 4]
Non comparant

PERSONNE ADMISE EN SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

Monsieur [I] [Y]
né le 03 Mai 1990 à [Localité 6] (ROUMANIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant assisté de Me Coralie AMELA-PELLOQUIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

TIERS DEMANDEUR à L’ADMISSION
CROIX MARINE AUVERGNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparante non représentée régulièrement avisée par courriel le 31/10/2024

MINISTÈRE PUBLIC
régulièrement avisé , a fait des observations écrites

***

Nous, Léanne COLIN, chargée des fonctions de juge des enfants au Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand, assistée de Saliha BELENGUER-TIR, greffier statuant dans la salle dédiée à cet effet au Centre Hospitalier Sainte Marie

In limine litis le conseil a adressé des conclusions de nullité reçues au greffe le 18/11/2024 à 11h18, l’incident a été joint au fond;

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Novembre 2024,en présence du personnel soignant accompagnant, et la décision rendue en audience publique,

Le juge a exposé la procédure et indiqué l’avis du procureur de la République figurant au dossier.

Monsieur [I] [Y] et son conseil ont été entendu.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Attendu que selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 ;
Que selon l’article L. 3211-12-1 du même code, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, n’ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de six mois suivant toute décision prise par le juge en application de cet article ou de l’article L. 3211-12 du même code ; que cette saisine est accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l’établissement ;

Attendu que Monsieur [I] [Y] fait l’objet, depuis une décision d’admission en date du 16/11/2023, de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète à la demande d’un tiers, en l’espèce CROIX MARINE AUVERGNE, son curateur ;

Attendu que la dernière décision rendue en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 est en date du 21/05/2024 ;

Attendu que par requête du 31 Octobre 2024 le directeur d’établissement a saisi le juge du Tribunal judiciaire de céans pour que la poursuite de cette mesure soit ordonnée ;

Attendu qu’il résulte du certificat médical du docteur [H] en date du 31/10/2024 “patient toujours très délirant. Désorganisation psychique et comportementale importante. Troubles du comportement sous tendus par des éléments délirants. Anosognosie de ses troubles. Le projet de vie reste à définir. Les éléments médicaux suivants font obstacle à l’audition du patient par Mr ou Mme le Juge du Tribunal Judiciaire de CLERMONT FERRAND: aucun. Dans ces conditions, les soins sans consentement restent médicalement justifiés et doivent être maintenus en hospitalisation complète.”

Attendu qu’il résulte du certificat médical du docteur [H] en date du 15/11/2024 qu’il a constaté: “Patient toujours tres délirant;;
Désorganisation psychique et comportementale importante
Troubles du comportement dans le service;
Tension psychique importante avec irritabilité;
Eléments de persécution ;
Anosognosie de ses troubles ;
Le projet de vie reste à définir ;
Dans ces conditions, les Soins Sans Consentement restent médicalement justifiés et doivent étre maintenus en Hospitalisation Complète, assortis des courtes durées précédemment-jointes. “

Attendu qu’il résulte de l’avis médical du collège composé de 3 membres du personnel du C.H. [7] :
Docteur [H] [M]
Médecin participant à la prise en charge du patient
Docteu r [K] [T] [W]
Médecin ne participant pas à la prise en charge du patient
Mme [O] [R]
Fonction : Cadre santé
Représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient
En l’absence du patient et/ou dans l’impossibilité de recueillir ses observations.
Patient toujours trés délirant et persécuté, idées délirantes de mécanisme
interprétatif et intuitif, de thématique persécutive et mégalomaniaque.
Patient anosognosique
Patient présentant des troubles du comportement sous tendu par des éléments
délirants
Aucun projet n’est mis en place du fait d’une symptomatologie encore trop
bruyante et fluctuante, d’une perte d’autonomlie dans les gestes de la vie
quotidienne et d’un maintien a domicile impossible.
Patient présentant un amaigrissement important mais il refuse les bilans
complémentaires ce qui met en danger sa santé.
Nous n’avons pas d’autres alternatives que de poursuivre l’hospitalisation sous
contrainte afin de limiter les ruptures thérapeutiques et d’apporter un minimum
de stabilité. Certificat établi Ie : 18/11/2024;”

Attendu qu’au cours de l’audience, Monsieur [I] [Y] a déclaré : ”
je me sens bien je veux rester ici je me sens très bien à l’hôpital; je ne me sens pas persécuté; je suis d’accord pour prendre mon traitement et je fais ce que disent les médecins; “

Le conseil a été entendu en ses observations: elle plaide la nullité de la procédure et s’en remet à ses conclusions écrites sauf concernant l’avis du collège et s’en remet sur l’absence de notification du 15/11 ;

Sur la requête en nullité:

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L.3211-3 du code de la santé publique que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques doit être informée dès l’admission ou aussitôt que son état le permet, et, par la suite, à sa demande, et après chaque décision prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes, et des garantie qui lui sont offertes en application des dispositions de l’article L.3211-12-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu’en l’espèce, la décision de maintien en hospitalisation sans consentement de Monsieur [I] [Y] en date du18 septembre 2024 ainsi que les droits afférents à ce maintien n’ont été notifiés au patient que le 8 octobre 2024, soit 20 jours après, sans qu’aucun document médical ne vienne justifier cette notification tardive et alors que le patient était en état de se voir accorder et notifier une décision d’autorisation de sortie le 30 septembre 2024 ;

Attendu qu’en conséquence, il y a lieu de relever que cette notification tardive a porté atteinte aux droits de Monsieur [I] [Y] et donc de constater une irrégularité de procédure, d’en prononcer la nullité et d’ordonner la mainlevée immédiate de la mesure de soins sans consentement dont Monsieur [I] [Y] fait l’objet ;

La présente ordonnance est susceptible d’appel dans le délai de 10 jours à compter de sa notification, au greffe de la Cour d’Appel de Riom.
Attendu qu’il n’y a alors pas lieu de statuer sur le surplus, au regard de la nullité de la procédure et de la mainlevée de la mesure de soins sans consentement ;

***

PAR CES MOTIFS

Après débats en audience publique, statuant publiquement, et en premier ressort,

Déclarons la procédure irrégulière ;

Prononçons la nullité de la procédure ;

Par voie de conséquence, ordonnons la mainlevée immédiate de la mesure de soins sans consentement dont fait l’objet Monsieur [I] [Y] ;

Disons que cette ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire ;

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Clermont-Ferrand,
le 19 Novembre 2024

Le greffier Le juge

Copie
– adressée par courriel avec récépissé au directeur du centre hospitalier ce jour
– transmise au procureur de la République ce jour
– notifié ce jour par courriel au conseil
– adressée par courriel au tiers demandeur à l’admission ce jour

le greffier

POUR INFORMATION

La présente ordonnance est susceptible d’appel dans le délai de 10 jours à compter de sa notification, au greffe de la Cour d’Appel de Riom.

Art. L.3211-12-4. du code de la santé publique – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L.3211-12 ou L.3211-12-1 est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l’article L.3211-12-2.

L’appel formé à l’encontre de l’ordonnance mentionnée au premier alinéa n’est pas suspensif. Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue alors à bref délai dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat.

Art. 58 du code de procédure civile – La déclaration d’appel contient à peine de nullité :
1° Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège sociale et de l’organe qui les représente légalement ;
2° L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3° L’objet de la demande.
Elle est datée et signée


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